Rappel de l’autonomie du préjudice d’impréparation

Civ. 1re, 9 décembre 2020, n° 19-22.055

Index

Mots-clés

défaut d’information, préjudice d’impréparation, perte de chance

Rubriques

Préjudice spécifique : préjudice d’impréparation

Plan

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. U…, de la SCP Richard, avocat de M. L…, de Me Le Prado, avocat des sociétés Ramsay générale de santé et Hôpital privé Clairval, et l’avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2018), après avoir subi, le 20 janvier 2012, à l’Hôpital privé Clairval (l’hôpital) une intervention chirurgicale pour remédier à une hernie discale réalisée par M. L…, neurochirurgien (le praticien), M. U… a présenté une spondylodiscite.

2. Invoquant avoir contracté une infection nosocomiale, il a, à l’issue d’une expertise médicale sollicitée en référé, assigné en responsabilité et indemnisation le praticien, l’hôpital et son assureur, la société Ramsay générale de santé, et mis en cause le régime social des indépendants Provence Alpes.

3. L’origine nosocomiale de l’infection ayant été admise, l’hôpital a été condamné à payer différentes sommes à M. U… et la responsabilité du praticien au titre de sa prise en charge a été écartée.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

5. M. U… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’impréparation, alors « que le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un accouchement par voie basse ou un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne ; qu’en déboutant M. U… de sa demande de réparation au titre du défaut d’information, par la considération que « correctement informé, M. U… n’aurait pas renoncé à l’intervention », sans rechercher si, comme le soulignait la victime, le défaut d’information lui avait causé un préjudice moral devant être réparé, « même si mieux informé, le patient n’aurait pas refusé l’intervention », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 16-3 du code civil et L. 1111-2 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 16 et 16-3 du code civil, et L. 1111-2 du code de la santé publique :

6. Il résulte de ces textes que le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soin auquel il a eu recours, cause à celui auquel l’information est due, lorsque l’un de ces risques s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne.

7. Pour rejeter la demande formée par M. U… au titre d’un défaut d’information, après avoir constaté que le praticien ne rapporte pas la preuve qu’il avait informé son patient du risque de contracter une infection à l’occasion de l’intervention qui devait être pratiquée, l’arrêt retient que correctement informé, M. U… n’aurait pas renoncé à l’intervention qui était incontournable, de sorte qu’il ne démontre pas avoir subi une quelconque perte de chance d’échapper au risque de contracter une infection nosocomiale.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. U… n’avait pas subi un préjudice moral distinct consécutif au défaut d’information constaté, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.

Demande de mise hors de cause

9. En application de l’article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, l’hôpital privé Clairval et la société Ramsay générale de santé dont la présence n’est pas nécessaire devant la cour d’appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande formée par M. U… contre M. L… au titre d’un défaut d’information, l’arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Met hors de cause l’Hôpital privé Clairval et la société Ramsay générale de santé ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée  

Condamne M. L… aux dépens ;

Citer cet article

Référence électronique

« Rappel de l’autonomie du préjudice d’impréparation », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 21 | 2020, mis en ligne le 01 juillet 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=1477

Droits d'auteur

CC-BY