Reconnaissance d’un préjudice d’établissement pour une victime mariée et père de deux enfants avant l’accident

Civ. 2e, 15 janvier 2015, n° 13-27.761

DOI : 10.35562/ajdc.563

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Mots-clés

préjudice d’établissement, victime déjà mariée et père de deux enfants avant l’accident

Rubriques

Victime directe blessée : préjudices extrapatrimoniaux

À l’heure où la chancellerie s’intéresse à une possible évolution de la nomenclature Dintilhac, il est intéressant de voir que la Cour de cassation continue à affiner la définition de certains postes pour préciser leur contenu et ce qu’ils doivent indemniser. Après le préjudice d’agrément, c’est ainsi au tour du préjudice d’établissement de faire l’objet d’un travail de clarification par un arrêt du 15 janvier 2015.

Alors que ce préjudice est généralement défini comme la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, on sait, en effet, que son étendue fait encore débat aujourd’hui. Pour certains (et notamment les débiteurs indemnitaires), celui-ci devrait seulement indemniser des victimes jeunes qui n’ont pas encore fondé de foyer. Pour d’autres, il serait constitué à chaque fois qu’une victime se trouve privée de la possibilité de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants.

Entre ces deux visions, la Haute juridiction manifeste, depuis plusieurs années, une préférence pour la seconde, adoptant une conception assez large du préjudice d’établissement.

C’est ce qui a conduit précédemment la deuxième chambre civile à considérer qu’un préjudice d’établissement pouvait exister dans l’hypothèse où la victime s’était mariée après l’accident mais était dans l’incapacité, eu égard à son handicap, d’élever des enfants (Civ. 2e, 4 octobre 2012, n° 11-24.789).

C’est ce qui la conduit, dans l’arrêt commenté, à reconnaitre un préjudice d’établissement chez une victime déjà mariée et père de deux enfants au moment de l’accident.

En l’espèce, un doute pouvait exister sur la réalité de ce préjudice extrapatrimonial dès lors que la victime avait maintenu des liens après l’accident avec ses enfants.

Pour la Haute juridiction, ce doute n’est cependant pas suffisant pour écarter toute indemnisation dès lors que la victime se trouve privée d’une chance de refonder un nouveau foyer et que l’accident est à l’origine direct de sa rupture avec son ex-épouse.

Est-ce l’addition de ces deux éléments qui justifie, en l’espèce, le versement d’une indemnité ? Nous ne le pensons pas. La réponse devrait être la même, selon nous, pour un parent divorcé et avec enfants avant l’accident, qui, en raison de son handicap, se trouve dans l’impossibilité de refaire ensuite sa vie et de reconstruire un nouveau foyer.

Comme le rappelait récemment un commentateur, « une personne peut, au cours de son existence, vivre plusieurs vies de couple et donner naissance à des enfants issus de ces relations conjugales successives » (Maïté Saulier, « La perte de chance de constituer une nouvelle famille constitue un préjudice d'établissement », Recueil Dalloz, n° 11, 2015, p. 661).

Si l’âge peut constituer une limite à cette possibilité, c’est la seule limite qui doit être avancée pour encadrer l’indemnisation du préjudice d’établissement, comme le prévoit d’ailleurs la Nomenclature qui précise que ce type de préjudice doit être apprécié in concreto pour chaque individu en tenant notamment compte de son âge.

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Citer cet article

Référence électronique

Adrien Bascoulergue, « Reconnaissance d’un préjudice d’établissement pour une victime mariée et père de deux enfants avant l’accident », Actualité juridique du dommage corporel [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 27 septembre 2018, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/ajdc/index.php?id=563

Auteur

Adrien Bascoulergue

Université Lumière Lyon 2, Droit, contrat, territoires, DCT, EA 4573, F-69007, Lyon, France

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