Agences et politiques publiques

DOI : 10.35562/arabesques.1128

p. 3

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Le mois de septembre a été marqué par la polémique médiatique sur les agences de l’État suscitée par la publication du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur L’État et ses agences. Ce rapport émet un certain nombre de critiques sur les agences mais n’en cite aucune. D’où la surprise de celles mises au pilori par la presse, le mouvement ayant semble-t-il été lancé par Le Parisien et ses titres racoleurs : « le rapport qui dénonce les gâchis de l’administration », « la longue liste des agences inutiles », « le constat accablant de l’Inspection des finances », « Bercy va tailler dans le vif ». L’ABES s’est retrouvée ainsi épinglée sans que l’on sache bien à quoi elle doit cet honneur douteux.

Pendant une bonne semaine, les médias ont repris en boucle ces accusations. Voilà qui en dit long sur les dérives d’une presse qui ne prend pas la peine, à quelques rares exceptions près, de vérifier ses sources et se copie sans vergogne. L’essentiel est de taper sur des cibles faciles : les fonctionnaires, les experts, des agences aux intitulés qui ne sont « mystérieux » que pour ceux qui ne prennent pas la peine de se documenter.

Cette polémique a occulté ce qui l’avait déclenchée : le rapport de l’IGF et surtout la publication quasi simultanée d’un autre rapport, celui du Conseil d’État sur Les agences : une nouvelle gestion publique, qui a malheureusement été éclipsé par celui de l’IGF. C’est dommage car il se penche sur les véritables enjeux.

Il est intéressant de comparer les deux rapports. C’est d’abord le périmètre qui diffère : là où l’IGF recense 1 244 agences, le Conseil d’État n’en compte que 101 répondant à sa définition : entités autonomes ayant une responsabilité structurante dans la mise en œuvre d’une politique nationale (l’ABES correspond à cette définition). L’IGF a en réalité traité des opérateurs et non des agences.

Le Conseil d’État a orienté sa réflexion sur le rôle des agences dans les politiques publiques. Le constat d’une « agencification » de l’action publique amène légitimement à se poser la question d’une doctrine : les agences, est-ce l’État autrement ou bien un démembrement de l’État ? Là où l’IGF voyait souvent des déviances dans leur mode de gestion, le Conseil d’État réhabilite leur rôle : elles sont plus efficaces, plus souples dans l’opérationnel que les administrations traditionnelles.

On ne saurait nier certaines dérives : quelques rémunérations excessives sont citées, de même que la faiblesse de certains conseils d’administration ou les « tutelles inversées » quand les agences sont devenues trop puissantes et dictent la stratégie à leur tutelle. Il en est de même du problème des agences concurrentes voire redondantes. Les excès restent toutefois exceptionnels et ne sauraient justifier l’opprobre jeté sur l’ensemble d’entre elles. Les avantages des agences sont souvent lus en creux car liés à la lourdeur des règles de gestion de l’administration traditionnelle et aux difficultés de l’État à assurer des missions requérant des expertises de pointe. Leur force réside a contrario dans leur capacité à se focaliser sur une spécialité, à savoir se doter des expertises requises et à réagir rapidement en raison de leur autonomie de gestion.

Ce qui manque, c’est une doctrine du recours aux agences. La ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique a annoncé qu’elle allait ouvrir ce chantier à partir des constats du Conseil d’État en se fondant sur des critères d’autonomie, d’expertise, de partenariat, de mutualisation et rationalisation et en définissant un cadre de référence commun à l’État et aux agences. Ce chantier examinera leur rôle, leurs missions et périmètre et veillera à leur intégration à la démarche de réforme de l’État.

L’ABES ne se reconnaît pas dans les critiques adressées aux agences : l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) a souligné l’équilibre de sa gouvernance, entre le pilotage stratégique du ministère et le portage « de la réalité et des besoins du réseau des professionnels et des bibliothèques » ; les rémunérations sont celles en vigueur dans les bibliothèques universitaires ; elle ne déroge pas aux règles de gestion de l’administration. L’ABES se réjouit du chantier ouvert par la ministre et tout citoyen ne peut que se féliciter d’une démarche substituant une doctrine « d’idéologisation » des agences au régime de « l’adjonction institutionnelle » qui sévit trop souvent dans notre pays.

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Référence papier

Raymond Bérard, « Agences et politiques publiques », Arabesques, 69 | 2013, 3.

Référence électronique

Raymond Bérard, « Agences et politiques publiques », Arabesques [En ligne], 69 | 2013, mis en ligne le 29 août 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1128

Auteur

Raymond Bérard

Directeur de l’ABES

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