Améliorer l’accès à la production intellectuelle : la BSN vue par la Conférence des grandes écoles

DOI : 10.35562/arabesques.1178

p. 9-10

Plan

Texte

Pierre Tapie, président de la CGE. DR

Pierre Tapie, président de la CGE. DR

L’accès à l’information scientifique et technique est un enjeu majeur pour l’enseignement supérieur et la recherche, pour les professeurs et les chercheurs comme pour les étudiants. L’importance des collections de contenus disponibles dans nos écoles s’est ainsi intensifiée ces dernières années jusqu’à devenir un élément clef de compétitivité, tant vis-à-vis du corps professoral que vis-à-vis des étudiants et des participants de formation continue. En parallèle, la pression financière induite par cette dépendance s’est évidemment accrue et aujourd’hui le « ticket d’entrée » pour assurer, chaque année, une collection pertinente est devenu suffisamment élevé pour être hors d’atteinte de structures de taille modeste. C’est dans ce contexte que les orientations présentées dans le rapport Bibliothèque scientifique numérique : stratégie 2012-2015 se révèlent particulièrement pertinentes à tel point qu’on pourrait même souhaiter une accélération du calendrier de lancement des actions proposées pour bénéficier au plus vite de ces éléments de création de valeur pour l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Licences nationales et archives ouvertes : des avancées majeures

Le premier accord de « licence nationale » entre Springer et l’ABES a permis à nombre d’entre nous de bénéficier de l’intégralité des archives de cet éditeur majeur. C’est un progrès considérable et nous souhaitons particulièrement souligner combien cet axe de « coordination des acquisitions numériques » est essentiel pour nos institutions. Car au-delà des aspects financiers évidemment importants, c’est l’ensemble du dispositif d’accompagnement qui est décisif, et notamment les dimensions contractuelles autour des différentes typologies d’accès dont l’accès extra campus. Nous sommes très favorables à cette politique de « licences nationales » qui pourrait faire émerger des modèles originaux de répartition des coûts plus proches des usages réels que la logique de comptage des populations d’usagers très à l’avantage des éditeurs.

Pour chacune de nos institutions, la diffusion de la production intellectuelle de nos équipes de recherche est un élément clef de notre identité et un levier évident de notoriété. Dans cet objectif, la politique de développement des « archives ouvertes » est essentielle. Il s’agit bien de faire émerger des référentiels communs – nous sommes d’ores et déjà largement contributeurs dans HAL – avec des référencements normés et largement diffusés, et à la fois de proposer les outils et les accompagnements pour les éditeurs, les chercheurs et les institutions. À ce titre, nous sommes très favorables à l’initiative de mise en œuvre du portail Archives-ouvertes.fr et sa promesse de mise en ligne de ressources et recommandations quant à la gestion des droits liés aux productions de nos professeurs et chercheurs.

Réguler les coûts et faciliter la dissémination des savoirs

Plus généralement, il nous semble que les différents chantiers de la BSN ambitionnent d’inventer une réponse au paradoxe de nos institutions qui sont confrontées à une problématique sans précédent dans l’histoire de la recherche. En effet, il n’y a jamais eu autant d’informations scientifiques disponibles en même temps et d’un même lieu pour nos chercheurs. Parallèlement, le ticket d’entrée pour accéder à ces informations ne cesse d’augmenter et finalement les coûts des déplacements (le fameux « tour des universités » du temps passé) et les coûts de transaction induits par une correspondance lente et fastidieuse, qui permettait autrefois aux chercheurs d’échanger des informations rares et précieuses, ont tout simplement été remplacés par le coût financier d’acquisition des collections numériques auprès des éditeurs souvent devenus monopoles. Ce coût tend d’ailleurs de plus en plus à devenir un coût de fonctionnement sous la forme de location d’accès aux contenus pour un temps limité, ce qui efface la dimension « patrimoniale » antérieure de l’information, où les grandes bibliothèques, à commencer par celle d’Alexandrie, étaient des lieux attractifs par leur contenu historiquement accumulé.

Alors que l’émergence des contenus numériques s’était faite, dans un premier temps, en conservant l’information papier (et son aspect patrimonial pour nos bibliothèques), le basculement qui s’accélère vers le « numérique seulement » couplé à l’augmentation du ticket d’entrée pour « s’offrir l’accès » aux collections en ligne risque sérieusement d’isoler de nombreuses institutions modestes de l’accès à la connaissance. Plus grave encore, le modèle de location de contenus, basé sur la pression sur les coûts de fonctionnement, sans capitalisation du patrimoine documentaire, pourrait tout simplement isoler une institution de tout accès au contenu scientifique si d’aventure sa situation financière devenait momentanément incompatible avec ce niveau de dépenses. C’est ainsi que l’architecture intégrée du projet de BSN apporte une réponse audacieuse en proposant les différentes dimensions nécessaires à la fois à la régulation des relations avec les éditeurs et à la création d’une plateforme ouverte et adaptée pour référencer, archiver et rendre accessible la production intellectuelle de nos institutions.

Cette dernière dimension nous semble peut-être la plus prometteuse pour remettre l’activité d’édition à la portée directe de nos institutions, avec le seul objectif de dissémination des savoirs et pour recréer à travers la BSN le réseau des chercheurs, le maillage de la connaissance, le référentiel des savoirs, en accès le plus libre possible, socle indispensable à toute activité de production intellectuelle. Nous y voyons un formidable levier d’équité entre les équipes de recherche d’origines très diverses et une promesse de compétitivité retrouvée pour nos institutions nationales, face aux moyens de certains de nos compétiteurs internationaux.

Les 9 segments de la BSN

BSN 1 : Acquisition des archives de l’édition scientifique et abonnement aux revues scientifiques
BSN 2 : Dispositifs d’accès et d’hébergement aux/des ressources numériques
BSN 3 : Signalement
BSN 4 : Archives ouvertes
BSN 5 : Numérisation du patrimoine écrit
BSN 6 : Archivage pérenne
BSN 7 : Édition scientifique
BSN 8 : Fourniture de documents/prêt entre bibliothèque
BSN 9 : Formations, compétences, usages

Illustrations

Pierre Tapie, président de la CGE. DR

Pierre Tapie, président de la CGE. DR

Citer cet article

Référence papier

Pierre Tapie et Jean-Pierre Choulet, « Améliorer l’accès à la production intellectuelle : la BSN vue par la Conférence des grandes écoles », Arabesques, 68 | 2012, 9-10.

Référence électronique

Pierre Tapie et Jean-Pierre Choulet, « Améliorer l’accès à la production intellectuelle : la BSN vue par la Conférence des grandes écoles », Arabesques [En ligne], 68 | 2012, mis en ligne le 06 janvier 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1178

Auteurs

Pierre Tapie

Directeur général de l’ESSEC, Président de la Conférence des grandes écoles

Autres ressources du même auteur

Jean-Pierre Choulet

Directeur général adjoint « Affaires externes » de l’ESSEC

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0