La Bibliothèque historique de la ville de Paris : les enjeux d’une rénovation

DOI : 10.35562/arabesques.1237

p. 26-27

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Installée dans un bel hôtel particulier du Marais, la Bibliothèque historique de la ville de Paris, spécialisée dans l’histoire de la capitale, la littérature et le théâtre, rouvre ses portes après une importante rénovation, et entreprend une expérience originale : le prêt de livres anciens.

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© Anne-Sophie Chassard/BHVP

La Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP) a rouvert au public en décembre 2017 après onze mois de travaux divers : mise en conformité de la sécurité incendie, renforcement de la sûreté du bâtiment et des collections, mais surtout rénovation des espaces d’accueil, pour un montant total de près d’un million d’euros. La BHVP est installée dans l’hôtel Lamoignon, un hôtel particulier de la fin du XVIe siècle au cœur du Marais, depuis 1969. Cette bâtisse, dans laquelle était installée la première bibliothèque de la Ville léguée par Antoine Moriau au XVIIIe siècle, avait été rachetée par la Ville de Paris en 1928. Elle a fait l’objet de travaux considérables durant plusieurs décennies. Plusieurs ailes modernes, sur cour et sur jardin, ont été ajoutées par les architectes en chef des Monuments historiques, prolongeant l’édifice ancien, et abritant magasins, bureaux et hall d’accueil. L’organisation générale des espaces de magasins et de bureaux était bien conçue et a prouvé son efficacité dans le temps ; l’architecture des espaces publics, à la fois respectueuse du bâtiment historique et caractéristique des années 1960, est aujourd’hui appréciée au même titre que la majestueuse salle de lecture, avec son plafond à la française aux poutres peintes du XVIIe siècle portant les emblèmes de Diane de France.

Près de cinquante ans après sa construction, l’espace public était cependant défraîchi et il a été décidé de le rénover dans le respect de l’architecture d’origine. Si l’éclairage, le sol et les peintures ont été refaits à l’identique, les 1 500 tiroirs de bois qui abritaient les fichiers sur papier sur le pourtour et au centre de l’espace n’avaient plus lieu d’être. Nous avons choisi de garder sur la mezzanine ces fichiers manuels qui, d’une part, contiennent un fichier de bibliographie parisienne par dépouillement de la presse non informatisé, et, d’autre part, incarnent une époque longue de l’histoire des bibliothèques, dont nous voulions montrer la trace. Les niches occupées par ces fichiers au rez-de-chaussée ont été réutilisées pour des postes informatiques, des rayonnages d’ouvrages ou des vitrines d’exposition.

L’hôtel Lamoignon héberge la BHVP

L’hôtel Lamoignon héberge la BHVP

© Estelle Poulalion

Bienvenue aux chercheurs, aux curieux et aux flâneurs

Cette rénovation a été l’occasion de nous pencher sur les usages de la bibliothèque. Spécialisée dans l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, la littérature et le théâtre, la BHVP appartient au réseau des 70 bibliothèques de la Ville de Paris, et à ce titre, son accès est gratuit et ouvert à tous. L’accès à la salle de lecture est cependant réservé aux lecteurs inscrits et âgés de plus de 18 ans. Les 88 places de la salle de lecture, largement occupées, sont réparties en fonction des besoins des lecteurs : table de réserve pour la consultation des ouvrages anciens et précieux, des manuscrits, des photographies et de l’iconographie, ou encore des documents éphémères ; tables dévolues à la consultation des autres documents conservés en magasin ; et, enfin, tables à la disposition des personnes qui ne consultent pas nos collections, ou seulement des usuels ou des postes informatiques.

Pendant ses onze mois de fermeture, la BHVP a continué d’accueillir une part de son public sur rendez-vous, dans la salle des Commissions au premier étage. Les critères retenus étaient l’unicité ou la rareté des documents demandés, et plus de 12 000 documents ont été communiqués pendant cette période.

Cohabitent ainsi dans une même salle un public qui vient chercher des ressources qu’il ne peut trouver ailleurs, un public occasionnel ou d’habitués qui consultent des documents qu’ils pourraient éventuellement trouver dans une autre bibliothèque, un public largement composé d’étudiants, qui vient travailler sur ses propres documents et privilégie les qualités (et même les contraintes) du lieu, et un public aux attentes plus indéfinies, à la recherche d’internet et d’un espace accueillant.

L’histoire de l’urbanisme parisien offerte à la vue de tous

Jusqu’à présent, l’attractivité de la bibliothèque reposait sur les collections et la salle de lecture. Les espaces d’accueil rénovés nous permettent d’enrichir l’offre proposée et d’ouvrir la bibliothèque à des publics qui jusque-là soit étaient refoulés soit s’en interdisaient à eux-mêmes l’accès. Nous visons deux catégories principales de public : un public apparenté à celui qui fréquente les bibliothèques de prêt de la ville, souvent de proximité par son lieu de résidence ou de travail ; un public de promeneurs et de touristes, particulièrement nombreux dans ce quartier à la fois historique et commerçant, qui jusque-là admirait de la cour l’architecture de l’hôtel, sans pouvoir accéder à son contenu.

Ce public peut désormais venir à la bibliothèque sans être inscrit, et bénéficier de plusieurs offres, jusqu’alors inexistantes. Certaines sont classiques en bibliothèque et résorbent notre retard : un espace de consultation de la presse et d’Internet, un espace de détente avec distributeurs de boissons, un vestiaire, un accès pour les personnes à mobilité réduite.

La bibliothèque possédait depuis 1969 quelques vitrines dans ce hall et une salle d’exposition au premier étage. Cette dernière avait été supprimée en 1992 lors de la construction d’une salle d’exposition autonome dans un bâtiment neuf adjacent, situé 22, rue Malher, et fermée en 2016. Aussi le nombre de vitrines d’exposition dans le hall d’accueil a-t-il été augmenté, afin de nous permettre d’organiser des expositions-dossiers mettant en valeur la richesse et la diversité des collections. De même, la bibliothèque possédait, roulé dans ses réserves, un immense tableau de 3 mètres sur 5, représentant Paris en 1889, peint par Eugène Bourgeois pour l’Exposition universelle de 1889. Dans le Pavillon de la Ville de Paris et du département de la Seine, il faisait pendant à un tableau de Fedor Hoffbauer, représentant Paris en 1789. Si ce second tableau, accroché dans le fond de la salle de lecture, n’est visible par un large public qu’en des circonstances exceptionnelles, comme les Journées européennes du patrimoine, le premier tableau, restauré, est désormais exposé de façon permanente dans l’espace d’accueil. Il avoisine un choix de plans et d’atlas de Paris en consultation libre depuis 1969 et vient ainsi nourrir l’offre, pour tous, concernant l’évolution de l’urbanisme parisien.

Toucher du doigt mille et un livres anciens

La nouveauté la plus sensible accompagnant cette rénovation est sans doute la création d’un fonds de prêt de livres anciens, du XVIIe siècle à 1960, alors que l’ensemble des collections est soumis au régime de la consultation sur place. Nous sommes partis du constat paradoxal que le grand public considère que les livres anciens, sous leur forme matérielle, sont exclusivement réservés aux chercheurs ; tandis que ces derniers trouvent généralement plus de bénéfices à leur consultation dématérialisée dans les bibliothèques numériques. Notre propos est d’offrir une appropriation libre et tactile de livres anciens en tant qu’objets physiques, en consultation sur place ou en emprunt à domicile. Les livres en mauvais état ne sont pas écartés, si nous les jugeons aptes à retenir l’intérêt d’un large public non spécialisé, par leur contenu, leur illustration ou leurs caractéristiques matérielles. Environ un millier d’ouvrages (monographies et périodiques) a été sélectionné par les bibliothécaires au sein d’un fonds de doubles de plusieurs dizaines de milliers d’ouvrages, qui était conservé à part dans les magasins, sans usage défini. Le processus de sélection incluait la vérification de la rareté ou de la préciosité des ouvrages retenus, leur numérisation éventuelle, la comparaison de leur état de conservation avec l’exemplaire en magasin, et l’établissement d’un constat d’état. Ce projet innovant et expérimental ne bénéficie d’aucun précédent comparable, aussi nous reviendrons volontiers vous parler dans ces colonnes de la réception qui lui sera faite !

Le hall d’accueil avec des fichiers manuels conservés sur la mezzanine

Le hall d’accueil avec des fichiers manuels conservés sur la mezzanine

© Anne-Sophie Chassard/BHVP

La salle de lecture

La salle de lecture

© Estelle Poulalion

Illustrations

© Anne-Sophie Chassard/BHVP

L’hôtel Lamoignon héberge la BHVP

L’hôtel Lamoignon héberge la BHVP

© Estelle Poulalion

Le hall d’accueil avec des fichiers manuels conservés sur la mezzanine

Le hall d’accueil avec des fichiers manuels conservés sur la mezzanine

© Anne-Sophie Chassard/BHVP

La salle de lecture

La salle de lecture

© Estelle Poulalion

References

Bibliographical reference

Emmanuelle Toulet, « La Bibliothèque historique de la ville de Paris : les enjeux d’une rénovation », Arabesques, 88 | 2018, 26-27.

Electronic reference

Emmanuelle Toulet, « La Bibliothèque historique de la ville de Paris : les enjeux d’une rénovation », Arabesques [Online], 88 | 2018, Online since 03 septembre 2019, connection on 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1237

Author

Emmanuelle Toulet

Directrice de la BHVP

emmanuelle.toulet@paris.fr

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