Un écosystème pour la visibilité des productions scientifiques : l'expérience de l'université de Lille

DOI : 10.35562/arabesques.1303

p. 10-11

Plan

Texte

La fusion des universités lilloises a été l’occasion d’une redéfinition et d’une convergence des services aux chercheurs proposés par le nouvel SCD.

En 2014, les universités Lille 1 – Sciences et technologies, Lille 2 – Droit Santé et Lille 3 – Sciences humaines et sociales annoncent leur décision d’avancer ensemble vers la création d’une grande université lilloise au 1er janvier 2018. La diversité des communautés disciplinaires issues des trois établissements laisse alors présager le défi que représentera la convergence vers des pratiques communes en matière de diffusion en libre accès et de visibilité de la production scientifique, et les premiers échanges entre les acteurs des établissements confirment cette analyse : placés devant des modèles de communication scientifique et d’évaluation parfois divergents, les trois universités ont élaboré des méthodes, des outils et des projets de nature différente. Comment alors converger vers une démarche commune, tout en respectant les pratiques des chercheurs et de leurs communautés disciplinaires ? Comment le SCD peut-il contribuer à la construction de ce nouvel écosystème, en relation avec les acteurs de la visibilité scientifique de l’université ?

Trois universités vers la fusion

Les différences de stratégie en matière de visibilité de la production scientifique s’expliquent par les spécificités des communautés disciplinaires. À l’université Lille – Droit et Santé, la collaboration avec le CHU de Lille conduit à prioriser l’exploration d’approches bibliométriques et aboutit au déploiement du logiciel SAMPRA1 dans les laboratoires de santé. Mis en œuvre par le CHU, la direction Recherche et le SCD, ce logiciel permet de disposer d’un recensement fiable des publications scientifiques, grâce à la récupération des références bibliographiques présentes dans PubMed et le Web of Science et à leur validation par les chercheurs. Les données agrégées et consolidées peuvent ensuite être représentées sous forme de tableaux et de graphiques et constituer des corpus fiables pour des analyses bibliométriques à partir d’autres outils. Le déploiement de SAMPRA s’est accompagné d’un chantier d’alignement des Idref des chercheurs et d’un travail d’unification des variantes d’adresses de signature dans les grandes bases bibliographiques.

À l’université Lille – Sciences humaines et Sociales, la stratégie de visibilité des productions scientifiques se fonde sur l’archive nationale HAL, avec l’ouverture d’un portail dès 2013. Avec la sortie de la version 3 de HAL en 2014, l’accompagnement des laboratoires par le SCD se développe. La direction numérique de l’université décide alors de mettre à profit les évolutions de HAL dans le système de page professionnelle de chercheur2 en cours de développement. Grâce à la présence de l’IdHAL dans l’annuaire de l’université, les pages professionnelles affichent automatiquement les références des chercheurs déposées sur HAL, ce qui constitue un argument pour l’incitation au dépôt. Un travail de nettoyage de l’annuaire des chercheurs de l’université garantit la qualité des données entrantes et sortantes.

Du fait de leur diversité disciplinaire, les unités de recherche de l’université Lille – Sciences et technologies ont adopté des stratégies variées en matière de libre accès et de visibilité : bases de données bibliographiques internes, incluant des indicateurs bibliométriques, dépôt sur les archives ouvertes thématiques, collections HAL,… Une enquête menée en 2012 conclut à l’intérêt de fédérer ces approches dans le projet d’une archive ouverte institutionnelle locale connectée à HAL. Il s’agit de développer un outil qui puisse encourager les pratiques existantes et en susciter de nouvelles. Ce projet est en cours d’étude lorsque la convergence entre les trois universités est décidée.

Convergences pour une démarche commune de visibilité

L’objectif de visibilité des productions scientifiques de l’université s’est d’abord concrétisé par la mise en place, fin 2015, d’une charte de signature unique et normalisée, mentionnant toutes les tutelles dans un ordre défini, dans l’objectif de facilitation du repérage des productions de l’université dans les bases bibliographiques. Avant même la fusion, la mise en place de la charte de signature unique a mobilisé les directions de la recherche et les SCD dans un projet commun, créant ainsi des bases de coopération pour la suite. Elle a notamment débouché sur la création de Lillometrics3, une plateforme mutualisée de bibliométrie au service de la visibilité des établissements partenaires de l’I-Site Lille Nord Europe, et qui associe la direction Valorisation de la recherche, le SCD et le CHU de Lille4.

Le choix d’une stratégie commune en matière d’exposition des références et de diffusion en libre accès devient ensuite la priorité. L’existence dans les trois universités d’outils déjà développés ou en projet fait obstacle à l’hypothèse d’un outil unique et centralisateur : il s’agit de capitaliser sur les réalisations déjà effectives, de les relier et d’ajouter progressivement les briques manquantes. Dans ce contexte, la validation du projet d’une archive ouverte institutionnelle connectée à HAL intervient en janvier 2017. Dès l’origine, le projet prévoit le transfert automatique des notices vers HAL, ainsi qu’un moissonnage des références pour les unités de recherche ayant déjà développé une politique d’incitation au dépôt dans HAL. Portée par le SCD, l’archive ouverte, qui prend le nom de Lille Open Archive (LillOA)5, assure ainsi la fonction de conservation et de diffusion des fichiers en texte intégral dans un écosystème comprenant également un outil de gestion et d’analyse des références (SAMPRA) et des pages professionnelles pour les chercheurs. Les fonctions respectives des outils et leurs modalités d’interopérabilité ont été instruites en amont pour éviter le développement d’outils « couteaux suisses », qui chercheraient à répondre à des usages qui excèdent leur fonction. Par exemple, les références des articles validées dans SAMPRA6 ont vocation à alimenter LillOA et à être enrichies du texte intégral, grâce à un système de dépôt simplifié.

Schéma LillOA, autres outils

Schéma LillOA, autres outils

Interopérabilité technique, coordination humaine

Dans une telle configuration, le référentiel d’identité numérique développé par la direction des Systèmes d’information de l’université devient un élément pivot où figurent notamment les informations sur l’affiliation du chercheur et ses identifiants numériques (ORCID, Idref, IdHAL,…). En relation avec l’Abes, un import par lot massif des Idref dans le référentiel est en cours de finalisation. Parce qu’elle garantit le bon fonctionnement des pages professionnelles et de LillOA, la qualité des données du référentiel gagne en importance. Il s’agit de passer d’une logique où les données sont produites à des fins administratives à une logique d’exploitation diversifiée du même ensemble de données. Afin de répondre à cet objectif, une liste de diffusion et un groupe d’échanges associant les producteurs et les ré-utilisateurs des données a été mise en place. De par la forte articulation du référentiel et de LillOA, le SCD a joué un rôle structurant dans la construction de cet espace d’échanges, aux côtés des autres acteurs impliqués.

La bonne répartition des rôles entre les acteurs concernés a notamment été rendue possible par la conception d’une gouvernance de LillOA permettant de réunir tous les acteurs impliqués (Vice-présidences Recherche et Numérique, DSI, directions de la recherche, SCD) et d’associer les utilisateurs. La création d’un comité de pilotage de LillOA, chargé de valider les orientations politiques du projet, et d’un comité des usagers, instance d’échange avec les laboratoires pilotes participants, a joué un rôle fort dans la mise en œuvre. En février 2019, le vote par la commission Recherche puis par le conseil d’administration de la charte de dépôt en archive ouverte institutionnelle de l’université constitue un jalon fort pour la pérennisation de cet écosystème mis au service de la visibilité des chercheurs. Au même titre que le respect de la charte de signature et la création d’un identifiant ORCID, le dépôt du texte intégral des publications fait désormais partie du contrat d’objectifs et de moyens signé entre les unités de recherche et l’université de Lille.

Le déploiement d’outils communs et interopérables au sein d’une université récemment fusionnée est un long chemin, ponctué par les difficultés inhérentes à la réorganisation des services et à la reprise de l’ensemble des procédures et des fonctionnements. Dans ce processus, il reste de nombreux défis à accomplir : déploiement de la démarche dans l’ensemble des unités de recherche, amélioration de l’intégration d’ORCID dans le cadre de l’expérimentation nationale à venir, mise en place d’un suivi statistique et définition d’indicateurs, consolidation d’une équipe au sein de la nouvelle organisation du SCD, poursuite de la collaboration avec les acteurs de la visibilité de la recherche dans la perspective de la mise en œuvre de l’université cible.

1 Software for Analysis and Management of Publications and Research Assessment.

2 Devenu https://pro.univ-lille.fr/

3 https://lillometrics.univ-lille.fr/

4 Lillometrics contribue au déploiement de SAMPRA et s’appuie entre autres sur ses données pour l’élaboration d’analyses bibliométriques.

5 https://lilloa.univ-lille.fr/

6 Cette opération est actuellement réalisée via des imports manuels. L’objectif à moyen terme est de réaliser un connecteur reliant les deux

Notes

1 Software for Analysis and Management of Publications and Research Assessment.

2 Devenu https://pro.univ-lille.fr/

3 https://lillometrics.univ-lille.fr/

4 Lillometrics contribue au déploiement de SAMPRA et s’appuie entre autres sur ses données pour l’élaboration d’analyses bibliométriques.

5 https://lilloa.univ-lille.fr/

6 Cette opération est actuellement réalisée via des imports manuels. L’objectif à moyen terme est de réaliser un connecteur reliant les deux applications.

Illustrations

Schéma LillOA, autres outils

Schéma LillOA, autres outils

Citer cet article

Référence papier

Laurence Crohem, Marie-Madeleine Géroudet et Cécile Malleret, « Un écosystème pour la visibilité des productions scientifiques : l'expérience de l'université de Lille », Arabesques, 95 | 2019, 10-11.

Référence électronique

Laurence Crohem, Marie-Madeleine Géroudet et Cécile Malleret, « Un écosystème pour la visibilité des productions scientifiques : l'expérience de l'université de Lille », Arabesques [En ligne], 95 | 2019, mis en ligne le 17 janvier 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1303

Auteurs

Laurence Crohem

SCD de l’Université de Lille

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