Le catalogage des cartes en période de transition (bibliographique) : vers de nouveaux horizons

DOI : 10.35562/arabesques.1893

p. 24

Texte

Les cartes, pour être valorisées, doivent d’abord être correctement cataloguées.

Tout avait pourtant été conçu pour le bien-être du catalogueur de cartes : le tout premier ISBD spécialisé adapté en norme AFNOR Z44-067 en 1981, et des logiciels de catalogage prévoyant la création de notices de cartes. Malgré cela, les cartes dans les catalogues en ligne restent aujourd’hui une minorité à peine visible (moins de 1 % des notices du Sudoc). Bien souvent, la principale ressource pour le lecteur en quête de cartographie reste le cartothécaire et ses inventaires des fonds non signalés.

Il y a à ce retard plusieurs explications. A ses débuts, l’informatisation des catalogues a concerné en priorité les monographies et les périodiques, collections plus courantes dont le stade de traitement plus avancé correspondait mieux aux exigences d’une rétroconversion de masse. Par ailleurs, cataloguer les cartes ne garantit pas forcément leur pleine visibilité, dans des catalogues pensés à l’origine pour les livres, peu adaptés aux cartes en raison de l’absence de recherche par géolocalisation1. Enfin, on comprendra la réticence du catalogueur : données mathématiques à relever en zone 3 de l’ISBD, vocabulaire technique et grande variété des types de documents à maîtriser, taux important d’autorités à créer, feuilles de séries à signaler à la pièce par milliers,… Difficile alors pour les établissements de recruter la perle rare déjà apte à convertir une longitude d’un méridien à l’autre, calculer une échelle, ou débusquer à la loupe l’emplacement variable d’informations minuscules. Et pour acquérir une telle spécialisation, les formations continues consacrées aux cartes sont encore trop peu nombreuses.

Il est dès lors peu surprenant qu’au début des années 2000 le Sudoc soit à plus de 99 % constitué de notices d’ouvrages imprimés. Depuis, l’augmentation linéaire du nombre de notices de cartes, légèrement accentuée depuis 5 ans, a permis d’en tripler la proportion dans le Sudoc, tout en diversifiant la localisation des collections signalées. Ce progrès traduit un véritable effort de certains établissements pour promouvoir ces fonds ; la cartothèque du Muséum national d’histoire naturelle (Paris) est représentative de cette évolution : après vingt ans de mise entre parenthèses, la création en 2008 d’un service dédié aux cartes a permis la création de 13 000 notices en dix ans.

Perrot, Aristide-Michel (1793-1879), Cartographe – Planisphère zoologique carte de la distribution des animaux sur la surface de la Terre

Perrot, Aristide-Michel (1793-1879), Cartographe – Planisphère zoologique carte de la distribution des animaux sur la surface de la Terre

© Muséum national d’histoire naturelle

Les établissements ont tout intérêt à mettre en œuvre des démarches comparables. Les cartes, à la croisée du document scientifique et de l’œuvre d’art, présentent un fort potentiel de valorisation, avec le catalogage comme préalable. Celui-ci devrait donc encore s’accélérer dans les années à venir, tant le contexte y est favorable. La carte, jadis réservée à un nombre réduit d’utilisateurs, s’est démocratisée via les appareils mobiles, suscitant un regain d’intérêt du grand public. Dans le même temps, le réseau des cartothèques GéoRéseau2 n’a jamais compté autant de membres. Et les subventions accordées aux chantiers liés au signalement des cartes se multiplient, qu’elles émanent de l’Abes (6 établissements depuis 4 ans), ou du GIS CollEx-Persée.

En parallèle, l’adoption progressive de RDA-FR, code unique de catalogage pour toute la profession et pour toutes les ressources, contribuera peut-être à lever certains freins au signalement des cartes en atténuant le caractère spécialisé de la norme. Mais il ne s’agit pas pour autant d’en uniformiser la description, car, dans le processus de la Transition bibliographique, les cartes conserveront leurs spécificités.

Les cartes partagent avec les ressources continues la notion de série, ce qui engendre certaines difficultés d’application du modèle LRM sous sa forme actuelle. La série cartographique est une œuvre, composée de feuilles de série qui sont aussi des œuvres. Parfois même un niveau « méta-œuvre » serait utile pour mettre en relation différentes séries dont le travail cartographique de base est commun, et des liens explicites seront nécessaires entre ces entités. De plus, l’élaboration de la carte par de nombreuses strates d’interventions, avec des données superposées ou reprises d’un document à l’autre, rend complexe la distinction des différentes entités OEMI. Quelques ajustements seront sans doute nécessaires pour relever le défi du signalement des cartes. Pour l’heure, la priorité est à la mise en application de la réforme Rameau par laquelle les cartes, riches en indexation géographique et de forme, sont particulièrement concernées. Un premier pas concret vers une simplification du catalogage des cartes et leur pleine mise en valeur dans le web de données.

1 Jean-Luc Arnaud, « Cataloguer, rechercher des cartes. Le référencement géographique en question ». Documentaliste-Sciences de l’Information. 2014

2 Voir dans ce numéro : « Le GéoRéseau, un réseau ouvert au service des cartothécaires », pp. 6-7.

Notes

1 Jean-Luc Arnaud, « Cataloguer, rechercher des cartes. Le référencement géographique en question ». Documentaliste-Sciences de l’Information. 2014, Vol. 51, p. 68-79 . DOI :10.3917/docsi.513.0068

2 Voir dans ce numéro : « Le GéoRéseau, un réseau ouvert au service des cartothécaires », pp. 6-7.

Illustrations

Perrot, Aristide-Michel (1793-1879), Cartographe – Planisphère zoologique carte de la distribution des animaux sur la surface de la Terre

Perrot, Aristide-Michel (1793-1879), Cartographe – Planisphère zoologique carte de la distribution des animaux sur la surface de la Terre

© Muséum national d’histoire naturelle

Citer cet article

Référence papier

Céline Cornuault, « Le catalogage des cartes en période de transition (bibliographique) : vers de nouveaux horizons », Arabesques, 98 | 2020, 24.

Référence électronique

Céline Cornuault, « Le catalogage des cartes en période de transition (bibliographique) : vers de nouveaux horizons », Arabesques [En ligne], 98 | 2020, mis en ligne le 08 juillet 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1893

Auteur

Céline Cornuault

Ancienne responsable des collections cartographiques du Muséum national d’histoire naturelle

celine.cornuault@mnhn.fr

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