Académie des sciences d’outre-mer, un fonds unique d’histoire coloniale à la conquête de son public

DOI : 10.35562/arabesques.2247

p. 14-15

Plan

Texte

Afin de renforcer sa visibilité en ligne, le fonds scientifique de l’Académie des sciences d’outre-mer a mis en œuvre en 2019 plusieurs grands projets : un signalement performant, la valorisation numérique de ses collections mais aussi l’amélioration de ses espaces physiques.

L’Académie des sciences coloniales voit le jour en 1923 à l’initiative du journaliste Paul Bourdarie qui souhaitait créer une société savante spécialisée sur les questions de l’outre-mer. Elle deviendra en 1957 l’Académie des sciences d’outre-mer. Impossible de citer tous ses illustres membres – 275 aujourd’hui, d’Henri Lyautey à Yves Coppens, des rois Albert Ier et Léopold III de Belgique à Léopold Sedar Senghor. L’Académie occupe un bel hôtel particulier à deux pas de la place de l’Étoile, à Paris, où une dizaine de personnes la font fonctionner au quotidien sous l’autorité du secrétaire perpétuel. Deux fois par mois se tiennent des séances au cours desquelles sont présentées des communications sur des sujets de sa compétence touchant tous les domaines scientifiques, qui sont publiées dans la revue de l’Académie Mondes et Cultures.

La bibliothèque au cœur de l’activité de l’Académie

Au moins dix recensions d’Académiciens sont publiées chaque mois et disponibles dans la base Carasom1. L’Académie décerne également chaque année depuis 1934 des Prix2 récompensant des ouvrages de ses domaines d’intérêt. Les collections de la bibliothèque sont très importantes au regard de la taille de l’institution. C’est un fonds vivant de mémoire coloniale qui concerne particulièrement l’Afrique sub-saharienne, le pourtour méditerranéen, le Maghreb-Machrek, le sud-Asie, la péninsule indochinoise et l’Inde. Il compte près de 130 000 documents : 115 000 monographies, 4 600 périodiques dont 100 vivants, plus de 600 cartes historiques, un millier de manuscrits, environ 10 000 brochures et tirés-à-part, et plus de 40 fonds d’archives d’Académiciens. Outre les parutions récentes, le fonds s’enrichit avec les dons et legs qui en représentent une part importante. Une partie du fonds concerne des documents rares à très rares, parmi lesquels on peut citer La Cochinchine : album général illustré de 456 gravures sur cuivre, des manuscrits arabico-malgaches. L’Académie a à cœur d’enrichir ce fonds par l’acquisition de pièces authentiques témoignant de différents aspects de l’histoire scientifique des outre-mers : récits, textes réglementaires, correspondances, affiches, photos, albums. Les collections sont réparties sur tous les étages de locaux qui ont l’avantage d’offrir une jolie salle de lecture. La qualité du service rendu – l’accueil de tout public sans restrictions, le calme, l’écoute et l’attention portée au lecteur, la rapidité de communication des documents, est appréciée des utilisateurs, selon l’enquête menée en 2020.

La bibliothèque Félix Houphouët-Boigny de l’Académie des sciences d’outre-mer détient près de 130 000 documents accessibles à tout public sans restriction.

La bibliothèque Félix Houphouët-Boigny
            de l’Académie des sciences d’outre-mer détient près de 130 000
            documents accessibles à tout public sans restriction.

crédit Académie des sciences d’outre-mer

Un fonds unique en région parisienne

En 2014, la Dila (Direction de l’Information du Premier Ministre) a cédé les 45 000 titres de son fonds « Afrique, outre-mer et colonies » à l’Académie, avec pour ambition commune de développer un pôle de ressources unique, pertinent et solide en région parisienne. D’autres ressources sont en attente de traitement : des archives d’Académiciens, des photos, les 3 000 périodiques morts. Sans attendre que tout le fonds soit signalé, il a paru indispensable de le valoriser. Trois chantiers ont ainsi été entamés en 2019 : améliorer la qualité des données du catalogue, accroître la visibilité numérique de la bibliothèque, demander le label CollEx-Persée. À quoi, un quatrième s’est ajouté : l’optimisation des espaces. Valoriser, c’est d’abord signaler le fonds avec qualité. Aujourd’hui, les monographies de l’Académie sont toutes signalées dans le catalogue local mais la reprise automatique des fiches papier lors de l’informatisation en 2003-2004 n’avait pas toujours permis d’importer correctement les données. Ce qui a eu pour conséquence d’empêcher la correspondance automatique de certaines notices dans le Sudoc lors du versement initial. Le catalogue de l’Académie n’y est visible qu’à 35 ou 40 %. C’est pourquoi un travail de reprise du catalogage a été lancé, portant, dans un premier temps, sur les documents les plus rares et anciens, parus avant 1900 et avant 1800 pour 150 d’entre eux. Environ 400 nouvelles localisations sont apparues dans le Sudoc. Ce travail de longue haleine se poursuit sur les documents parus après 1900 et devrait permettre, à terme, de faire remonter le taux de couverture du Sudoc sur le catalogue local à 80 ou 90 %.

Numoutremer, une vitrine pour les documents rares

Au-delà du catalogue, la bibliothèque se doit d’être plus attractive sur le Web. La nécessité d’une présence sur les réseaux sociaux s’est rapidement imposée. Le choix s’est porté sur l’ouverture d’une page LinkedIn pour la bibliothèque, accompagnée d’un relais de certains contenus sur le compte Twitter de l’Académie. On compte en effet sur la plus grande souplesse de rédaction offerte par le premier tout en profitant de la viralité du second. Le choix de LinkedIn, plateforme tournée vers le monde professionnel, était aussi motivé par le sérieux de sa communauté, et surtout par l’idée de mieux cibler de potentiels futurs usagers, puisqu’on y trouve de plus en plus d’étudiants, de chercheurs et d’universitaires, qui sont les publics que la bibliothèque souhaite attirer. Différentes catégories de publications alimentent ces pages LinkedIn et Twitter : informations pratiques, événements, actions de valorisation. Ces dernières peuvent être récurrentes comme l’information mensuelle sur les dernières acquisitions et recensions, ou ponctuelles comme des bibliographies ou la mise en avant d’un document. Les images étant particulièrement attractives pour les visiteurs des réseaux sociaux, les documents iconographiques de la bibliothèque une fois numérisés constitueront des atouts précieux. L’autre volet de ce chantier est la création de la bibliothèque numérique Numoutremer, ouverte en juillet 2020, et développée sur Omeka Classic, logiciel gratuit utilisé par de nombreuses bibliothèques. Elle a pour vocation de constituer une vitrine des documents rares et précieux de la bibliothèque et d’offrir à ses lecteurs un accès à distance à ces ressources. Côté contenus, il a fallu identifier les ressources de la bibliothèque à valoriser en priorité, en évaluant leur rareté. Le choix s’est arrêté sur les livres anciens, des cartes géographiques, des manuscrits et des albums photographiques. Pour les deux premiers, la rareté et l’existence d’une numérisation a été définie grâce au Sudoc. Pour les albums, ce sont ceux qui semblaient les plus rares et/ou avec des photos de qualité supérieure qui ont été sélectionnés. À ce jour, Numoutremer3 propose des photographies numérisées par la bibliothèque, ainsi que des livres anciens et des cartes dont les versions numériques ont été, tous crédits donnés, empruntés à Gallica. On y trouve également des bibliographies thématiques donnant à voir la richesse et la diversité des fonds de la bibliothèque. À plus long terme, l’ambition de la bibliothèque est de pouvoir faire numériser ses documents les plus rares voire uniques, dans un but de conservation mais aussi de diffusion. Avec l’appui des réseaux sociaux pour être plus visible, Numoutremer sera alors un atout pour la bibliothèque mais avant tout, un service offert à ses lecteurs. Par ailleurs, un dossier de candidature au label collections d’excellence a été déposé récemment (vague 3). Les caractéristiques du fonds ont pu y être présentées en détail. Ce travail a été l’occasion de mettre en lumière la complémentarité des collections avec celles de la bibliothèque des Archives nationales d’outre-mer qui a déposé son dossier pour la vague 2. Afficher le label CollEx serait une formidable et indéniable reconnaissance de la valeur du fonds de l’Académie.

Ouverte en juillet 2020, la bibliothèque numérique Numoutremer donne accès à une sélection de livres anciens, manuscrits, cartes géographiques et albums photographiques. Ici, La vie quotidienne au Maroc dans les années 1950 (don de Monsieur François Besson).

Ouverte en juillet 2020, la
            bibliothèque numérique Numoutremer donne accès à une sélection de
            livres anciens, manuscrits, cartes géographiques et albums
            photographiques. Ici, La vie quotidienne au Maroc dans les années
            1950 (don de Monsieur François Besson).

Optimiser les espaces

Qui dit patrimoine dit mètres linéaires : le volume de la collection, notamment celle de la Dila à intégrer, et la réalité des locaux imposent de rationaliser l’utilisation de l’espace. Un plan en plusieurs étapes a donc été élaboré. Dans un premier temps, on s’est intéressé aux numéros isolés, aux collections peu fournies ou très discontinues et/ou hors sujet. Pour les repérer, un seul outil : un fichier Excel de plus de 4 000 lignes. Un premier repérage est fait à l’œil dans la liste et complété par un passage dans les magasins. Cette étape est l’occasion de se séparer de titres dont la conservation n’avait pas été, à proprement parler, décidée. Dans un second temps, la Commission Bibliothèque, composée d’Académiciens, a été sollicitée pour définir des critères et des durées de conservation. Le périmètre choisi a été limité aux périodiques vivants. Toutefois, bon nombre de critères seront utilisables avec les collections mortes. Après l’élaboration d’un fichier comprenant des données telles que le nombre de bibliothèques détentrices, l’existence d’une collection électronique ou la profondeur d’antériorité de la collection de l’Académie, des règles de durées de conservation ont pu être établies et un certain nombre de titres, sortis des magasins. Les collections des titres scientifiques concernés ont été proposées aux bibliothèques de proximité géographique et/ou thématique. L’occasion peut-être d’impulser une politique partenariale de conservation mutualisée ? L’espace dégagé va permettre d’offrir de meilleures conditions de conservation aux collections. Qualité des données, communication et visibilité sur les réseaux sociaux, label CollEx-Persée, rationalisation des espaces : nous espérons que ces actions seront dynamisantes et porteuses d’impact à la veille du centenaire de l’Académie ! Et peut-être oserons-nous en ajouter une : participer aux Journées du Patrimoine...

1  http://www.academieoutremer.fr/presentation-bibliotheque-les-recensions-du-carasom/?refer=recherche

2  http://www.academieoutremer.fr/presentation-bibliotheque-laureats-annee

3  http://omeka.academiedoutremer.fr

Notes

1  http://www.academieoutremer.fr/presentation-bibliotheque-les-recensions-du-carasom/?refer=recherche

2  http://www.academieoutremer.fr/presentation-bibliotheque-laureats-annee

3  http://omeka.academiedoutremer.fr

Illustrations

La bibliothèque Félix Houphouët-Boigny             de l’Académie des sciences d’outre-mer détient près de 130 000             documents accessibles à tout public sans restriction.

La bibliothèque Félix Houphouët-Boigny de l’Académie des sciences d’outre-mer détient près de 130 000 documents accessibles à tout public sans restriction.

crédit Académie des sciences d’outre-mer

Ouverte en juillet 2020, la             bibliothèque numérique Numoutremer donne accès à une sélection de             livres anciens, manuscrits, cartes géographiques et albums             photographiques. Ici, La vie quotidienne au Maroc dans les années             1950 (don de Monsieur François Besson).

Ouverte en juillet 2020, la bibliothèque numérique Numoutremer donne accès à une sélection de livres anciens, manuscrits, cartes géographiques et albums photographiques. Ici, La vie quotidienne au Maroc dans les années 1950 (don de Monsieur François Besson).

Citer cet article

Référence papier

Marie-Laure Bretin, « Académie des sciences d’outre-mer, un fonds unique d’histoire coloniale à la conquête de son public », Arabesques, 99 | 2020, 14-15.

Référence électronique

Marie-Laure Bretin, « Académie des sciences d’outre-mer, un fonds unique d’histoire coloniale à la conquête de son public », Arabesques [En ligne], 99 | 2020, mis en ligne le 09 octobre 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2247

Auteur

Marie-Laure Bretin

Responsable de la bibliothèque de l’Académie des sciences d’outre-mer`

mlbretin@academiedoutremer.fr

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