Les enjeux de la TB

Dernier appel pour les bibliothécaires en transit !

DOI : 10.35562/arabesques.264

p. 13

Plan

Texte

Reléguée un peu rapidement du côté de la technique, la transition bibliographique mérite que l’on revienne sur son sens, à l’aune du temps long de la politique normative qui gouverne nos institutions.

La « transition bibliographique », expression désormais bien établie dans nos milieux professionnels, ne laisse cependant pas d’évoquer des sentiments contrastés. Longtemps attendue tel le messie, elle s’est soudainement invitée comme un sujet récurrent de notre prose et de nos formations professionnelles.

Catalogage, un désir d’éternité ?

À l’instar de la démographie, la transition bibliographique décrit un moment d’évolution entre deux états considérés comme suffisamment stables pour représenter un paradigme. Portons nos regards sur la prétendue stabilité de notre état de l’art bibliographique. Le mouvement ouvert en 1961 par l’adoption des « Principes de Paris » consacrant la normalisation internationale du catalogage se concrétise pour la France, de 1988 à 2007, par la série des normes Z 44. Cette lente maturation des règles et des principes n’a pas clos la réflexion : de nouveaux modèles sont interrogés en parallèle, tel le modèle FRBR, approuvé par l’IFLA en 1997, jalon préparatoire des changements à l’œuvre actuellement. L’« ouvrage bibliographique » a constamment été remis sur le métier, réinterrogé par l’émergence du web comme média de recherche et diffusion. Le tournant du XXIe siècle est ainsi le témoin de l’achèvement d’une première période du grand œuvre bibliographique qui a occupé les bibliothécaires depuis la Révolution française par un effort inlassable de mise en pratique des préceptes issus de l’histoire intellectuelle moderne. Le catalogage reste une pierre angulaire de notre métier non par la permanence de sa structure, acquise de fraîche date, mais bien par la vitalité d’un chantier intrinsèquement actif.

Syndrome du terminal

Pionniers de la normalisation de l’information scientifique, nous pourrions considérer que nous sommes partis presque trop tôt au regard des normes et formats qui régentent l’incontournable web. Et à l’heure où le web de données a pris son envol en s’appuyant précisément sur la primauté de la donnée liée, nous, bibliothécaires, serions bloqués en transit, inconscients de nos propres atouts, entravés par une approche techniciste, l’enthousiasme attendu autour de la transition bibliographique cédant la place à la circonspection. La question de la correspondance et de la destination se pose donc avec une forme d’urgence !

Le rendez-vous manqué de la refonte de la catégorie B de la filière Bibliothèques, qui aurait permis de reposer la question de l’organisation du signalement, nous ramène sur le terrain de la pratique des établissements. L’approche du catalogage selon le mode de production et le dualisme création/ récupération nous éloignent de la réalité de l’activité aujourd’hui : d’une part, les modes multiples de dérivation et d’agrégation de données existantes raréfient la création de notices originales et, d’autre part, la diversification des missions des bibliothèques a ouvert la réflexion sur la répartition élargie des activités de signalement, qui mobilisent progressivement les personnels de catégorie C en renfort des spécialistes de catégorie B. De nouvelles organisations internes permettent d’accueillir ces agents, nouveaux logisticiens de la donnée, traitant du signalement à travers des fonctions d’administration, de développement, de coordination et de suivi dans un contexte d’urbanisation du système d’information.

« Mobilis in mobile »

Portée par nos compétences et nos efforts, la Transition bibliographique constitue un levier de notre stratégie pour exister dans l’écosystème numérique. Elle doit signifier la fin d’une réflexion limitée aux cycles des applications existantes et à la réalisation d’interfaces web. Il faut y consacrer ce qui fait la force de notre réseau, la robustesse d’une relation où l’Abes et les établissements font système. Cette transition doit être au service d’une stratégie partagée de signalement total dont les documents numériques, les ressources spécialisées ou la production des établissements constituent autant d’objectifs prioritaires. Comme le résume Emmanuelle Bermès, il n’existe pas de déploiement de services aujourd’hui « sans une solide base de métadonnées sur laquelle construire tout cela ». Les applications sont multiples : dissémination sur de nombreux canaux, services aux chercheurs ou intelligibilité des patrimoines. La transition bibliographique doit ainsi concourir à améliorer notre compréhension de la construction/déconstruction des dispositifs de recherche d’information. Acteurs avertis, nous en serons des médiateurs responsables face à la stratégie de plate-forme des magnats du web. Il s’agit de nous équiper pour investir plus encore les multiples dimensions intriquées et mouvantes d’un web agrégé, collaboratif, lié et sémantique. Pour reprendre notre voyage, il nous appartient de poursuivre la conception du Nautilus qui nous rendra « mobile dans l’élément mobile » pour le plus grand profit du public de l’enseignement et de la recherche.

Pour en savoir plus

Une description du modèle FRBR se trouve sur le site de la BnF (http://tinyurl.com/FRbR-bnf), qui offre également des réflexions sur la médiation des connaissances (http://tinyurl.com/mediation-bnf). Pour approfondir les enjeux, on peut consulter plusieurs blogs, par exemple : http://tinyurl.com/mediation-calenge, http://tinyurl.com/mediation-chignard ou http://tinyurl.com/media-cavalie

Citer cet article

Référence papier

Grégory Miura, « Dernier appel pour les bibliothécaires en transit ! », Arabesques, 87 | 2017, 13.

Référence électronique

Grégory Miura, « Dernier appel pour les bibliothécaires en transit ! », Arabesques [En ligne], 87 | 2017, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=264

Auteur

Grégory Miura

Pour la commission Signalement et système d’information de l’ADBU

gregory.miura@u-bordeaux-montaigne.fr

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