D’une logique de collections à une logique de services

DOI : 10.35562/arabesques.635

p. 3

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Longtemps, surtout en France, a prévalu la distinction entre documentalistes et bibliothécaires. À gros traits, cette distinction voudrait que le métier de bibliothécaire soit centré sur la notion de collection - et des services associés aux collections - et celui du documentaliste sur la recherche d’information, son traitement et son analyse. Mais de part et d’autre les pratiques ont évolué et les métiers se sont rapprochés.

La notion de collection a perdu de sa clarté. De moins en moins pérenne et de plus en plus mouvante, louée autant qu’achetée, elle ne peut plus se résumer aux documents possédés par la bibliothèque, aussi grande et prestigieuse soit‑elle.

Pour un nombre de domaines de plus en plus vaste, on constate, dans les laboratoires, instituts et organismes de recherche, la disparition massive des unités documentaires, parfois dotées de collections importantes. La disparition de ces bibliothèques physiques s’accompagne souvent d’une réduction des effectifs, de l’adoption de nouvelles pratiques et d’une diversification des profils : les documentalistes ont été rejoints par d’autres acteurs qui ne viennent pas forcément du monde de la documentation pour offrir des services d’analyse et de traitement de l’information, au plus près des pratiques quotidiennes des chercheurs.

Espaces physiques de travail des étudiants et dans certains cas des enseignants et des chercheurs, les bibliothèques universitaires ne sont pas aussi menacées à court ou moyen termes. Néanmoins, pour un décideur, président d’université ou directeur d’établissement, la bibliothèque représente un centre de coût significatif au sein de son institution. Les collections, quand elles ne présentent pas des services directement visibles ou ne peuvent apporter prestige et rayonnement pour l’établissement, peuvent être considérées comme des contraintes dont on ne perçoit pas immédiatement l’utilité. Contraintes d’autant moins supportables qu’elles peuvent - souvent à juste titre - supposer que l’on a perdu la maîtrise de la politique documentaire, de plus en plus dictée par l’offre fournie par quelques éditeurs incontournables.

Tout en conservant une activité de gestion des documents, de leur organisation et de leur communication, il est attendu des professionnels de l’information que sont les bibliothécaires une plus grande prise en compte des pratiques et des méthodes qui prévalent à la création de contenus par leurs établissements. Les bibliothécaires sont donc soumis à cette même demande de services autour de l’information qui prévaut dans les organismes de recherche, à laquelle il faut également ajouter les services d’accompagnement de la production de documents centrés sur l’enseignement. Pour contribuer, à moyens constants, à l’activité de production et de transmission de savoirs et permettre aux établissements de mieux la mesurer et la valoriser, il nous faut faire preuve d’inventivité et revoir nos procédures, améliorer nos performances et chasser les redondances.

Les structures de mutualisation, et notamment un opérateur tel que l’ABES, sont très attendues pour accompagner les bibliothèques dans ces indispensables mutations. Ainsi l’ABES peut contribuer à réduire l’effort consacré à la diffusion (prêt sur place, prêt entre bibliothèques) et au catalogage, par un renforcement de la mutualisation de ces activités, l’automatisation accrue de processus et le portage d’actions de mutualisation.

Passer d’une logique de collections à une logique de services imposera à certains une révolution mentale : accepter que les collections ne sont pas un but en soi mais un moyen ; que la bibliothèque ne peut plus être pensée comme une réalité locale mais comme un dispositif inscrit dans un réseau d’acteurs. Agences, consortiums, associations, entreprises à but lucratif ou non lucratif, producteurs de contenu, agrégateurs cherchent à se positionner dans la mosaïque que constitue le paysage de l’information scientifique et technique aujourd’hui. Une mosaïque qui n’est pas dessinée par une main supérieure mais que chaque acteur contribue à dessiner. Un tel dessin, un tel dessein, imposent d’autant plus de concertation que cette mosaïque est mouvante, évolue rapidement et exige de chacun des adaptations constantes.

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Référence papier

Jérôme Kalfon, « D’une logique de collections à une logique de services », Arabesques, 80 | 2015, 3.

Référence électronique

Jérôme Kalfon, « D’une logique de collections à une logique de services », Arabesques [En ligne], 80 | 2015, mis en ligne le 30 juillet 2019, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=635

Auteur

Jérôme Kalfon

Directeur de l’Abes

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