Des Cadist à Collex : des dispositifs nationaux pour valoriser les collections

DOI : 10.35562/arabesques.637

p. 4-5

Plan

Texte

Quelles sont les transformations en cours dans le réseau des Cadist ? Quelques éléments de réponse avec la présentation du nouveau dispositif Collections d’excellence (Collex), initié par le Département de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire (DISTRD) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Le réseau des Cadist est un élément ancien du paysage documentaire français de l’enseignement supérieur et force est de constater qu’il n’avait guère évolué au cours de son existence. Prévu pour assurer une couverture documentaire de référence dans un panel de disciplines à une époque pré-numérique et dans un contexte de rareté de la ressource et des budgets, ce dispositif visait à constituer un dispositif de recours dont l’outil central de partage était le Prêt entre bibliothèques (Peb).

Les Cadist : une nécessaire transformation

Tout a changé en vingt ans dans le paysage informationnel et institutionnel de l’enseignement supérieur et de la recherche, et les Cadist commençaient à prendre l’allure de dinosaures d’un autre âge à l’heure des ressources électroniques et des licences nationales. C’est incontestable, mais les choses méritent d’être considérées avec attention, car les fragilités du système documentaire universitaire sont toujours bien présentes et la notion, la fonction même du réseau que constituent les bibliothèques restent toujours à promouvoir au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche, au-delà des politiques locales.

Certes, le dispositif Cadist présente aujourd’hui des failles bien connues : la couverture disciplinaire est partielle, le Peb est en décroissance et surtout change de nature dans la mesure où, d’outil phare pour accéder à l’information scientifique, il est devenu une forme d’adjuvant de l’accès numérique. La notion de « bibliothèque-trésor » est battue en brèche par le web ; les usagers n’ont plus les mêmes attentes et sont à reconquérir. C’est ce dernier point surtout qui remet en question le dispositif Cadist, fondé sur l’accumulation en aveugle de collections et, soulignons-le, spécifiquement sur l’accumulation de l’imprimé. Dire que les acquisitions Cadist se faisaient « en aveugle » est volontairement provocateur : bien sûr, les collections acquises étaient sélectionnées en fonction de l’actualité de l’édition pour la recherche ; mais elles étaient aussi sédimentées en fonction d’un principe de continuité (enrichissement continu d’une thématique, standing orders), parfois même de complétude, en déconnexion, trop souvent, avec les développements de la recherche et les manières de faire de la recherche. Dans d’autres cas, soulignons-le aussi, elles servaient à acquérir le cœur de collection en deçà duquel la qualité du service documentaire était défaillante, compensant ainsi les carences de financement de l’établissement de rattachement. Aujourd’hui, le service à la recherche est à reconsidérer. Il s’effectue principalement dans l’accompagnement à plusieurs phases clés de son processus : la recherche d’informations, des textes de référence mais aussi la composition de corpus et de matériaux, leur exploitation, la gestion des données et l’aide à la publication. Sur toutes ces phases, la bibliothèque doit inventer une offre de services et une collaboration étroite avec les chercheurs. À cet égard le système Cadist, dans sa définition, est largement périmé même si, fort heureusement, les bibliothèques Cadist ont, dans leur immense majorité, pris de nombreuses initiatives, que ce soit dans la négociation de ressources numériques au sein de Couperin, la constitution de bibliothèques numériques, la collecte de matériaux pour la recherche ou enfin dans la valorisation, bien au-delà des missions initiales qui leur étaient initialement dévolues.

«  Développer des services au plus près des chercheurs » La botaniste britannique Kathleen Mary Drew‑Baker (1901‑1957)

«  Développer des services au plus près des chercheurs » La botaniste britannique Kathleen Mary Drew‑Baker (1901‑1957)

Smithsonian Institution Archives / Flickr (aucune restriction de droits d’auteur connue)

Le deuxième élément de contexte qui pousse à transformer le réseau des Cadist est d’ordre administratif et financier. Dans le contexte de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU, les crédits fléchés et les lignes d’actions spécifiques deviennent indésirables, autant pour les établissements qui clament leur légitimité à décider eux‑mêmes de l’usage de leurs crédits que pour un Ministère en recherche permanente d’économies. Il fallait agir vite sous peine de voir le dispositif s’arrêter brutalement.

Collex : valoriser des collections hybrides et développer des services aux chercheurs

L’initiative prise par le DISTRD consista à mettre en place une réflexion sur l’avenir avec les Cadist au cours de l’année 2014 pour dégager des scénarios d’évolution. Des bibliothèques s’étaient manifestées pour contribuer à cette réflexion et proposer des pistes pour le futur1. Le DISTRD prit l’initiative d’amorcer la transformation du réseau Cadist en un nouveau dispositif baptisé Collex, pour Collections d’excellence et ce, dès 2015. Celui-ci vise à compléter la Bibliothèque Scientifique Numérique (BSN) conçue pour traiter des ressources numériques et de leurs problématiques associées. Collex ne doit pas pour autant être considéré comme le pendant « imprimé » de la BSN. Ce dispositif s’intéresse à la constitution, à la promotion et à la valorisation de collections hybrides et plus généralement de matériaux pour la recherche. Collex aura pour mission d’organiser la coopération entre les grandes bibliothèques scientifiques et de développer des services au plus près des chercheurs. Des opérateurs comme l’Abes, le CTLES, Persée, Humanumet l’Inist y interviendront ès-qualité sur les domaines relevant de leur compétence ; la BNF y est aussi associée. En effet le MESR souhaiterait faire de Collex le cadre global de la collaboration avec ce grand établissement. Collex est organisé autour d’un comité de pilotage qui associe les représentants des parties prenantes : Conférence des présidents d’université (CPU), CNRS, Inra, Comue (Paris Sciences et Lettres notamment), ministère de la Culture, Inspection Générale des Bibliothèques ainsi qu’une représentante d’un réseau européen voisin (les Sondersammelgebiete Bibliotheken – SSG - allemands).

Le Comité opérationnel réunit 20membres dont des représentants des EPST, de Cadist, des représentants des opérateurs cités plus haut, des associations professionnelles et de la BNF. Deux groupes de travail ont été formés : le premier, piloté par Alain Colas (DISTRD), concerne les acquisitions et pilote la définition d’une enquête destinée à savoir s’il demeure un besoin de financement national pour certaines collections et si oui, à quelles conditions. Le deuxième, piloté par Valérie Tesnière (Directrice de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, université Paris Ouest) vise à établir les critères d’une labellisation Collex et une cartographie des collections et de la recherche. Ce groupe « critères/cartographie » se donnera pour priorité de caractériser la délégation d’action des bibliothèques Collex, c’est‑à-dire de décrire et « critériser » leurs missions, tandis que le groupe « acquisitions », au moyen de l’enquête, proposera les conditions d’attribution du label Collex aux différentes collections constituées et entretenues par les organismes de recherche et les bibliothèques de l’ESR et que le MESR aura à valider. Démarqué de la logique ancienne des Cadist, Collex privilégiera :

  • le lien renforcé, affiché et prioritaire avec la recherche ;
  • le lien entre collections et usages ;
  • la notion de collecte de matériaux pour l’enseignement et la recherche élargie à d’autres supports que l’imprimé ;
  • la notion de réseau : entre bibliothèques, entre bibliothèques et laboratoires, entre bibliothèques et dispositifs ou plateformes au service de la recherche ;
  • la notion d’animation de réseau et de retour à la communauté (des bibliothèques, de la recherche), cette animation sous la forme de conduite de projets pouvant être déclinée à plusieurs voix (répartition des responsabilités sur un projet). Collex partagera aussi la réflexion sur ces orientations dans le cadre de rencontres avec des dispositifs étrangers intervenant sur les mêmes problématiques, notamment avec le réseau des Sondersammelgebiete Bibliotheken allemands, financé par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (la Fondation allemande pour la recherche) qui a fait évoluer son système de développement de collections de référence appuyé sur de grandes bibliothèques de recherche en un système de gestion de projets au service de la recherche. D’autres dossiers importants et pour certains, urgents, sont aussi à traiter dans le cadre de Collex :
  • le Peb et la fourniture à distance sont deux sujets sur lesquels Collex voudrait rapidement réaliser des avancées avec le soutien de l’Abes ;
  • la numérisation de corpus et des matériaux mobilisés dans un projet de recherche avec le soutien de Persée ;
  • le déploiement de nouveaux plans de conservation partagée avec le concours du CTLES.

Les avancées réalisées sur ces questions nous aideront dans la structuration du réseau, y compris dans sa dimension numérique. Les comités opérationnels et de pilotage seront réunis en septembre et octobre prochains et permettront de tracer les premiers éléments concrets d’une feuille de route.

1 Des Cadist pour quoi faire ? BBF. 2013.1
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2013-01-0078-017

Notes

1 Des Cadist pour quoi faire ? BBF. 2013.1
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2013-01-0078-017

Illustrations

«  Développer des services au plus près des chercheurs » La botaniste britannique Kathleen Mary Drew‑Baker (1901‑1957)

«  Développer des services au plus près des chercheurs » La botaniste britannique Kathleen Mary Drew‑Baker (1901‑1957)

Smithsonian Institution Archives / Flickr (aucune restriction de droits d’auteur connue)

Citer cet article

Référence papier

François Cavalier, « Des Cadist à Collex : des dispositifs nationaux pour valoriser les collections », Arabesques, 80 | 2015, 4-5.

Référence électronique

François Cavalier, « Des Cadist à Collex : des dispositifs nationaux pour valoriser les collections », Arabesques [En ligne], 80 | 2015, mis en ligne le 30 juillet 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=637

Auteur

François Cavalier

Directeur de la Bibliothèque de Sciences Po Paris Président du Comité opérationnel de Collex

francois.cavalier@sciences-po.fr

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