Retour sur BHL-Europe : un consortium au service d’un programme de numérisation

Bilan de la participation du Muséum national d’histoire naturelle

DOI : 10.35562/arabesques.704

p. 20-21

Plan

Texte

Entre 2009 et 2012 le Muséum national d’histoire naturelle a été partie prenante, à travers sa Direction des bibliothèques, du projet européen Biodiversity Heritage Library - Europe (BHL-Europe) . Une expérience constructive qui marque une étape dans l’élaboration de la politique numérique de l’établissement.

Le programme européen tire son origine de la création en 2005 d’un consortium de bibliothèques de jardins botaniques et de muséums d’histoire naturelle anglo-saxons, Biodiversity Heritage Library (BHL)1, dont l’objectif est de développer un projet de numérisation à grande échelle de la littérature sur la biodiversité. Le projet constitue la partie documentaire de l’Encyclopedia of life (EOL)2 et participe au Système mondial d’information sur la biodiversité (Global Biodiversity Information Facility,-GBIF) fondé en 2001 à l’initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La principale innovation du portail BHL lancé en 2007 réside dans l’utilisation de la technique de la reconnaissance optique des caractères pour relier les publications historiques de description des espèces aux grandes bases de données internationales de collections de spécimens naturalistes, grâce à l’outil de recherche taxonomique TaxonFinder3.

Le volet européen du projet est né de la volonté de développer la mise en ligne de la littérature taxonomique dans les langues européennes en alimentant la bibliothèque numérique européenne Europeana. Soutenu par le Consortium of european taxonomic facilities (consortium des institutions taxonomiques européennes – Cetaf), le projet BHL-Europe a été fondé en 2007 par une déclaration d’intention des participants européens, réunis à Paris dans le cadre du programme SYNTHEsis of SYStematic resources - Synthesis4. Soumis en 2008 à la Commission européenne dans le cadre du programme eContentplus5 et en particulier du sous-programme « Réseaux de meilleures pratiques pour l’interopérabilité des bibliothèques numériques », le projet vise à développer l’interopérabilité des bibliothèques numériques appartenant aux musées, archives et bibliothèques dans un grand nombre d’États membres de l’Union Européenne. Il s’agit ainsi de rendre les collections accessibles par l’interface utilisateur commune de la bibliothèquenumérique européenne, Europeana. Le projet a démarré pour trois ans en 2009.

Coopération avec la Bibliothèque nationale de France

La candidature française au projet a été portée conjointement par la Bibliothèque nationale de France et le Muséum national d’histoire naturelle, lequel participe à SYNTHESYS et coordonne le consortium European Distributed Institute of Taxonomy (Edit). Le projet réunissait 28 partenaires de 13 pays européens. Deux partenaires historiques du projet BHL, le Missouri Botanical Garden et la Smithsonian institution, se sont associés au projet européen.

La BNF et le Muséum ne se sont pas investis dans le premier cercle des participants qui ont piloté le projet BHL-Europe entre 2009-2012 mais ont été associés en tant que fournisseurs de contenus, la Direction des bibliothèques du Muséum développant sa bibliothèque numérique depuis 2002 en partenariat avec la BNF dans le cadre des pôles associés.

Pour BHL-Europe, la Direction des bibliothèques s’est engagée à fournir 200 000 pages numérisées. Les collections numériques, dont les métadonnées nécessitaient d’être moissonnées par protocole OAI/PMH, devaient être accessibles via un portail spécifique BHL–Europe dédié à ce projet ainsi que sur Europeana. Par ailleurs, les fichiers numérisés devaient subir un traitement informatique de reconnaissance des caractères pour permettre l’utilisation de l’outil de recherche taxonomique TaxonFinder développé par le consortium historique BHL.

Le financement européen reçu par le Muséum, environ 20 000 euros par an sur trois ans, ne portait pas sur les opérations de numérisation elles-mêmes mais sur celles qui les rendaient possibles, à savoir des dépenses de personnel (80 % du budget) complétées par des frais de mission pour participer aux réunions des groupes de travail qui ont ponctué les différentes phases du projet (à hauteur de 20 % du budget). Outre la participation financière de la BNF au titre des pôles associés6, l’augmentation du volume de la numérisation pour répondre aux cibles du projet a été réalisée grâce au contrat quadriennal 2009-2012 du Muséum dans lequel ces objectifs ont été inscrits. A la clôture du projet au printemps 2012, la Direction des bibliothèques avait produit 232546 pages. 94000 d’entre elles avaient été réalisées entre 2003 et 2008 en partenariat avec la BNF, à partir des publications en série du Muséum et des sociétés savantes associées essentiellement.

Une visibilité restreinte des collections

Or, si les fichiers ont été fournis, seul un tiers des 230 000 pages numérisées ont été mises en ligne sur le portail BHL-Europe. Ce dernier, qui reste accessible, n’est par ailleurs plus alimenté depuis. À cette réalisation incomplète s’ajoute un handicap plus important encore qui est l’absence de lien avec le consortium mondial BHL. Dans le Memorandum of understanding (MoU) signé en juin 2010, BHL-Europe s’engageait en effet à ne pas diffuser les fichiers masters. Une annexe, Europeana Data Exchange Agreement, lui a été ajoutée en 2012 pour le partage des métadonnées dans Europeana. Mais contrairement aux deux autres documents, une dernière annexe, Global BHL data and content sharing, n’a pas été signée par les partenaires français du projet (le Muséum et la BNF) qui ne souhaitaient pas le dépôt auprès de BHL des fichiers numériques eux-mêmes, seule garantie pourtant de l’utilisation des outils taxonomiques de ce portail mondial. Le projet a ainsi été déconnecté pourla Francedu consortium mondialetilfautaujourd’hui que le Muséum s’emploie à rejoindre ce portail supra européen, le seul connu et largement utilisé de la communauté scientifique cible, qui est en outre alimenté par les bases de collections naturalistes du Muséum.

Collaborer avec BHL-monde

La Direction des bibliothèques du Muséum s’est également investie, après la fin du projet européen, dans un nouveau programme de numérisation destiné à alimenter BHL, le projet Taxonomina porté par le Muséum, pour lequel elle a obtenu le soutien de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN5) au titre des années 2014 et 2015. Conçu pour résoudre la complexité nomenclaturale du vivant de manière collaborative, Taxonomina est un projet encore expérimental de plateforme Web liée au portail BHL, qui met en relation des spécimens, des taxonomies, la bibliographie des premières citations de taxons ainsi que les corpus numérisés correspondant à ces publications. La Direction des bibliothèques y participe en numérisant en collaboration avec les chercheurs du Muséum des textes historiques taxonomiques non encore accessibles en ligne.

Do it yourself : a book scanner

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Au titre de l’année 2014, une première sélection documentaire a été réalisée dans la littérature scientifique historique des amphibiens et le travail a été poursuivi en 2015 sur les mammifères. Si les textes numérisés sont disponibles sur le portail du Muséum et destinés à être moissonnés par Gallica et Europeana, le nouveau défi auquel est confrontée la Direction des bibliothèques est maintenant l’intégration dans BHL, qui a été retardée par la participation à BHL-Europe.

Malgré son protectionnisme, ce projet a néanmoins marqué une étape théorique, technique et politique importante dans la politique de numérisation de la Direction des bibliothèques. Qu’ils soient proposés par BHL-Europe ou BHL, les outils taxonomiques imposent pour fonctionner un traitement informatique de reconnaissance des caractères qui a fait l’objet d’un rattrapage pour les numérisations réalisées au début des années 2000 et est aujourd’hui systématiquement fait pour les imprimés. L’étape BHL-Europe a constitué également un temps de formalisation et de pérennisation de la politique de numérisation de la Direction des bibliothèques7, qui a obtenu d’une part d’importants crédits sur le contrat quadriennal et d’autre part un poste d’ingénieur d’études qui coordonne la mise en œuvre des opérations de numérisation. Forte de cette impulsion donnée dans les années 2009 à 2012, la Direction des bibliothèques du Muséum peut s’appuyer aujourd’hui sur toutes ces avancées pour aller vers des projets de numérisation innovants et à haute valeur scientifique ajoutée.

1 biodiversitylibrary.org/

2 Projet de bio-encyclopédie collaborative en ligne : eol.org/

3 taxonfinder.org/ L’outil repose sur la reconnaissance et l’indexation par un programme informatique des termes scientifiques repérés dans les

4 Initiative européenne inaugurée en 2004 afin de créer une infrastructure de recherche dans le domaine de la systématique (science ayant pour

5 Programme européen mis en place entre 2005 et 2008 pour soutenir le développement de contenus multilingues en vue d’alimenter des services en ligne

6 Cette participation s’inscrit dans le cadre d’une politique active de coopération portée par la BNF. Voir www.bnf.fr/documents/comite_

7 La bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle et le projet européen de numérisation Biodiversity Heritage Library (BHL) : guide

Notes

1 biodiversitylibrary.org/

2 Projet de bio-encyclopédie collaborative en ligne : eol.org/

3 taxonfinder.org/ L’outil repose sur la reconnaissance et l’indexation par un programme informatique des termes scientifiques repérés dans les textes numérisés.

4 Initiative européenne inaugurée en 2004 afin de créer une infrastructure de recherche dans le domaine de la systématique (science ayant pour objectif la classification rationnelle des espèces zoologiques, botaniques et minéralogiques).

5 Programme européen mis en place entre 2005 et 2008 pour soutenir le développement de contenus multilingues en vue d’alimenter des services en ligne innovants.

6 Cette participation s’inscrit dans le cadre d’une politique active de coopération portée par la BNF. Voir www.bnf.fr/documents/comite_cooperation2015_present.pdf

7 La bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle et le projet européen de numérisation Biodiversity Heritage Library (BHL) : guide méthodologique. Stage professionnel pour le diplôme de conservateur de bibliothèque sous la direction de Françoise Romagné, responsable du service Entrées documentaires, 2009

Illustrations

Do it yourself : a book scanner

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Citer cet article

Référence papier

Gwenaëlle Bourriaud, Pascale Heurtel et Alice Lemaire, « Retour sur BHL-Europe : un consortium au service d’un programme de numérisation », Arabesques, 82 | 2016, 20-21.

Référence électronique

Gwenaëlle Bourriaud, Pascale Heurtel et Alice Lemaire, « Retour sur BHL-Europe : un consortium au service d’un programme de numérisation », Arabesques [En ligne], 82 | 2016, mis en ligne le 22 juillet 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=704

Auteurs

Gwenaëlle Bourriaud

Chargée du pôle imagesDirection des bibliothèques et de la documentation - Muséum national d’histoire naturelle

gbourriaud@mnhn.fr

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Pascale Heurtel

Chef du Service des collectionsDirection des bibliothèques et de la documentation - Muséum national d’histoire naturelle

pheurtel@mnhn.fr

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Alice Lemaire

Mission Conservation et communicationDirection des bibliothèques et de la documentation - Muséum national d’histoire naturelle

alice.lemaire@mnhn.fr

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Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0