L’accès ouvert et la consultation nationale sur le numérique

DOI : 10.35562/arabesques.811

p. 19-20

Plan

Texte

« Ambition numérique », la consultation lancée l’automne dernier par le Premier ministre, a recueilli 17 678 contributions émanant de plus de 2 300 contributeurs. Gros plan sur la participation commune de BSN 4 et BSN 7 à cette concertation.

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En septembre 2014, le Premier ministre a saisi le Conseil national du numérique1 pour organiser une concertation citoyenne sur les enjeux liés aux transformations numériques : « Je souhaite [...] que le Conseil national du numérique mène une concertation [...] pour recueillir et analyser les avis et contributions des citoyens et des acteurs de la société civile, associatifs, économiques et institutionnels sur les besoins et les démarches à adopter en matière de numérique, notamment en ce qui concerne le développement économique, l’innovation, les droits et libertés fondamentaux ».

Une contribution commune BSN 4 et BSN 7

Les membres des segments 4 et 7 de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN) ont saisi cette opportunité pour proposer des évolutions législatives permettant de développer l’accès ouvert. Le segment 4 (BSN 4) traite de l’accès ouvert, quelle que soit la voie qui y mène, c’est-à-dire les archives ouvertes ou l’édition électronique ouverte. Le segment 7 (BSN 7) travaille sur les questions d’édition électronique : il a notamment publié une charte des bonnes pratiques pour l’édition numérique scientifique et initié une enquête sur les coûts éditoriaux des revues.

Il existe une forte coopération entre BSN 4 et BSN 7. Ils s’apprêtent à lancer en commun une étude sur les nouvelles formes d’édition. Ils ont donc décidé de participer ensemble à la consultation lancée par le Conseil national du numérique en déposant une contribution intitulée Généraliser l’accès ouvert à tous aux résultats de la recherche financée sur fonds publics2, publiée dans son intégralité page suivante. Les membres de BSN 4 et de BSN 7 s’y expriment à titre individuel.

La première partie de la contribution a pour objectif de « mettre en place un dispositif légal qui garantisse la diffusion en accès ouvert des résultats de la recherche financée totalement ou partiellement sur fonds publics ». Dans cette optique, elle propose une définition des documents qui devraient être concernés par le dispositif légal : les textes issus de recherches financées sur fonds publics. Elle veut, à la fois, « empêcher d’empêcher » la diffusion en accès ouvert par les chercheurs et créer une obligation de dépôt immédiat dans une archive ouverte. La deuxième partie a pour objectif d’ « assurer des conditions optimales de diffusion des publications scientifiques », de nombreux obstacles s’opposant actuellement à l’usage, à la citation et à la diffusion des textes scientifiques financés par l’État.

Cette contribution est également l’occasion de stabiliser le vocabulaire français dans le domaine de l’accès ouvert. En effet, l’anglais « open access » a été initialement traduit par « libre accès ». Malheureusement, « ouvert » et « libre » n’ont pas du tout le même sens. En effet, il est nécessaire de distinguer la diffusion ouverte des textes, c’est-à-dire sans barrière technique ou commerciale à l’accès, de la diffusion des textes sous licence libre, permettant des réutilisations plus ou moins larges, selon la licence adoptée par l’auteur – le modèle de licence libre le plus connu étant les licences Creative Commons. La contribution privilégie l’accès ouvert, moins difficile à atteindre que l’accès libre, tout en encourageant l’adoption des licences libres.

D’autres contributions sur le même sujet

La contribution des groupes BSN 4 et BSN 7 est proche, dans ses objectifs et les modalités de mise en œuvre proposées, de celle déposée par le consortium Couperin3. Se référant aux initiatives des États en Allemagne, Argentine, Italie et Espagne, cette dernière appelle à une évolution législative comportant un droit et un devoir (« mandat ») de dépôt en archives ouvertes. L’université Paris Ouest Nanterre La Défense a déposé une contribution allant exactement dans le même sens4. De son côté, le collectif SavoirsCom1 a déposé une contribution proposant d’élargir la problématique à l’« open science »5, c’est-à-dire à l’ensemble des données et processus de la recherche, et au libre accès, c’est-à-dire à une diffusion des résultats sous licence libre.

Trois autres contributions, issues du secteur privé, prennent acte des progrès de l’accès ouvert, mais manifestent des inquiétudes. Ces contributions, notamment celle du Groupement français de l’industrie de l’information (GFII)6, appellent à un dialogue concerté avec le secteur privé, à une définition du périmètre concerné, à des expérimentations, à la prise en compte de la diversité des modèles et des coûts du travail réalisé par les éditeurs7.

Alors que le rapport Reda8 propose des évolutions progressistes et, pour l’essentiel, indispensables à l’échelle européenne, la consultation du Conseil national du numérique montre que la France s’interroge enfin sur la façon dont le droit pourrait favoriser l’accès ouvert. C’est une opportunité unique qu’il faut saisir.

Généraliser l’accès ouvert à tous aux résultats de la recherche financée sur fonds publics

Texte intégral de la contribution commune BSN 4 et BSN 7 dans le cadre de la consultation nationale sur le numérique.

Mettre en place un dispositif légal qui garantisse la diffusion en accès ouvert des résultats de la recherche financée totalement ou partiellement sur fonds publics.
Il s’agit de répondre aux besoins de la communauté scientifique et de la société, exprimés notamment dans la Déclaration de Berlin de 2003 sur l’open access. Il s’agit également de se mettre en conformité avec le nouveau code de la recherche de 2013, qui stipule que « La recherche publique a pour objectifs […] le partage et la diffusion des connaissances scientifiques en donnant priorité aux formats libres d’accès ». Il s’agit, enfin, de suivre la recommandation européenne du 17 juillet 2012 « relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation ». Cette démarche a pour objectif de préciser les droits et devoirs des auteurs dans le cadre de l’édition de recherche à l’heure du numérique, dans le respect des conditions d’exploitation éditoriale de leur production scientifique.

• Définir légalement les textes de recherches qui sont financées totalement ou partiellement sur fonds publics en tant que l’ensemble des objets éditoriaux qui font l’objet d’une évaluation dans le cadre de la carrière du chercheur, en particulier les articles de périodiques et les thèses ; l’extension du dispositif au livre de recherche, également concerné, devra faire l’objet d’études et d’expérimentations préalables à l’échelle nationale et internationale. On définira le texte de recherche comme étant le texte définitif, c’est-à-dire le contenu de la version éditée, le manuscrit accepté pour publication, à savoir la version évaluée, révisée et corrigée, à l’exception de la mise en forme qui est la marque matérielle de l’éditeur.
• Rendre légalement impossible la cession exclusive des textes de recherches totalement ou partiellement financés sur fonds publics, afin de permettre leur diffusion en accès ouvert.
• Créer une obligation de dépôt immédiat dans une archive ouverte (nationale, institutionnelle ou thématique) et de diffusion en accès ouvert dans un délai conforme aux recommandations européennes des textes de recherches financées totalement ou partiellement sur fonds publics, que ce soit par l’auteur, par son institution de rattachement ou par l’éditeur.
• Encourager la diffusion des textes de recherches qui sont financées totalement ou partiellement sur fonds publics sous des licences permettant leur réutilisation.
• Faire en sorte que le cadre législatif ne soit pas un frein à l’exploration de nouveaux modèles éditoriaux et économiques pour l’édition scientifique.

Assurer des conditions optimales de diffusion des publications scientifiques.

• Prohiber les mesures techniques de protection (MTP) dont la finalité ou l’effet est d’empêcher la copie privée, la citation, ou de limiter l’usage à un seul terminal ou à un seul type de support.
• Créer une exception au code de la propriété intellectuelle pour le text and data mining (TDM) portant sur les données et les publications produites par la recherche sur fonds publics, à l’exclusion de toute exploitation commerciale.
• Libérer les usages dans les cadres pédagogiques et de
• recherche. Aujourd’hui, l’exception pédagogique et de recherche au code de la propriété intellectuelle est inapplicable. La mise en place d’une licence légale pour la pédagogie et la recherche nous semblerait une solution nécessaire.

Les membres de BSN 4 (groupe travaillant sur l’open access) et BSN 7 (groupe travaillant sur l’édition scientifique), s’exprimant à titre individuel

1 Le Conseil national du numérique est une commission consultative, créée par l’État, qui a pour mission de formuler de manière indépendante et de

2 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3055

3 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3174

4 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/2921

5 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/2947

6 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3375

7 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3266

8 https://juliareda.eu/le-rapport-reda-explique/

Notes

1 Le Conseil national du numérique est une commission consultative, créée par l’État, qui a pour mission de formuler de manière indépendante et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie.

2 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3055

3 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3174

4 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/2921

5 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/2947

6 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3375

7 http://contribuez.cnnumerique.fr/debat/109/avis/3266

8 https://juliareda.eu/le-rapport-reda-explique/

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Marin Dacos, « L’accès ouvert et la consultation nationale sur le numérique », Arabesques, 79 | 2015, 19-20.

Référence électronique

Marin Dacos, « L’accès ouvert et la consultation nationale sur le numérique », Arabesques [En ligne], 79 | 2015, mis en ligne le 08 janvier 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=811

Auteur

Marin Dacos

Directeur du Centre pour l’édition électronique ouverte. Coordinateur de BSN 7

marin.dacos@openedition.org

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