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La rupture abusive d’une période d’essai dans un contrat à durée déterminée ne se confond pas avec la rupture abusive d’un contrat à durée déterminée

Pascale Etiennot

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1Un salarié a été recruté sous contrat à durée déterminée du 6 juillet 2009 au 30 juin 2010. Après une suspension de son contrat de travail pour congé sans solde, du 13 juillet au 5 septembre 2009, le salarié fut soumis à une période d’essai, dont il était prévu qu’elle s’appliquerait du 6 septembre au 6 octobre 2009. Or le 17 septembre l’employeur rompit le contrat de travail.

2À quelles sommes le salarié dont le contrat à durée déterminée était rompu pendant la période d’essai pouvait-il prétendre ? Telle était la question soumise aux juges. Pour sa part, le Code du travail fournit différents éléments de réponse. Certains sont contenus dans les textes spécifiques au contrat à durée déterminée. En effet l’article L1243-4 du Code du travail envisage les conséquences d’une rupture abusive par l’employeur d’un contrat à durée déterminée. D’autres sont posés dans les dispositions générales relatives à la période d’essai lors de la formation d’un contrat de travail et plus spécifiquement dans les règles applicables à la rupture de toute période d’essai (article L1221-25). Le Code du travail s’exprime encore sur l’articulation entre rupture d’une période d’essai et contrat à durée déterminée. Il exclut l’application de certaines règles afférentes au CDD pendant la période d’essai (article L1242-11) et plus précisément il retient que ne sont pas applicables pendant la période d’essai, les dispositions relatives à la rupture anticipée du contrat prévue par aux articles L1243-1 à L1243-4. La réponse à la question posée dans cette affaire pouvait sembler a priori soulever peu de difficultés. Pourtant la réalité fut autre. Amenée à se prononcer dans une décision du 26 août 2011, la cour d’appel de Lyon s’était certes fondée sur l’article L1242-11 mais avait fait une lecture particulière de cet article de loi en ce qu’elle estimait qu’il convenait de dissocier les cas de rupture de leurs conséquences. Partant de là, et sans doute dans un but de meilleure indemnisation du salarié, elle avait considéré que « l’exclusion prévue par l’article L1242-11 ne s’étend pas au mode de calcul des dommages-intérêts revenant au salarié ». Elle avait donc octroyé au salarié des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux salaires qu’il aurait perçus jusqu’au terme de son contrat. La Cour de cassation exclut une telle interprétation du texte et casse dans une décision du 13 mars 2013 (n° 11-25604) l’arrêt d’appel tout en renvoyant devant la même cour composée autrement. Reprenant une solution déjà posée en 1997 (Cass soc 23 avril 1997, n° 90-45) dans un contexte identique, elle affirme sans le moindre ambages et fort logiquement que lorsque la rupture du contrat à durée déterminée intervient pendant la période d’essai, elle ne permet pas au salarié d’obtenir le paiement de dommages-intérêts d’un montant égal aux salaires dus jusqu’au terme du contrat, mais seulement celui de dommages-intérêts dans l’hypothèse où la période d’essai aurait fait l’objet d’une rupture abusive. Dans la présente décision, intervenue après renvoi, la cour d’appel de Lyon se range derrière la position de la Cour de cassation et affirme que « puisque l’article L1242-11 du Code du travail excluant l’application de l’article L1243-4, il s’ensuit que la rupture abusive de la période d’essai d’un contrat de travail à durée déterminée n’ouvre droit qu’à la réparation du préjudice effectivement subi par le salarié, sans que celui-ci puisse prétendre au paiement à titre de dommages-intérêts du montant des salaires qu’il aurait dus percevoir jusqu’à la fin de son contrat ».Cette solution mérite l’approbation. Si certes le salarié est perdant d’un point de vue financier par rapport à la première décision d’appel, l’orthodoxie juridique est quant à elle gagnante. Le texte de loi est clair et ne suggérait pas de sous-distinctions. Une solution autre, aurait conduit à ruiner de toute efficacité l’insertion d’une période d’essai dans un contrat à durée déterminée puisque cela aurait conduit à retenir que toute rupture abusive serait traitée de façon identique et ce qu’elle intervienne pendant ou en dehors de la période d’essai. Or chacun sait que le propre d’une période d’essai est pourtant d’assouplir les règles de rupture pendant ladite période ainsi que ses conséquences financières. La rupture abusive d’une période d’essai dans un contrat à durée déterminée ne se confond pas avec la rupture abusive d’un contrat à durée déterminée. N’aurait-il pas été plus pertinent eu égard aux faits très particuliers de l’espèce de s’interroger à la fois sur la validité de la période d’essai dont le point de départ a été fixé une semaine après le début d’exécution du contrat, et sur la réelle qualification de la période de congés sans solde alors que le salarié fournissait à l’entreprise des comptes rendus retravaillés ?

3Il appartenait ensuite à la cour de renvoi de se prononcer sur le montant de l’indemnisation à verser au salarié du fait de la rupture abusive de la période d’essai. À cet égard, et fort justement, elle souligne que les dommages-intérêts octroyés répareront l’intégralité des préjudices subis par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi, ce qui englobe aussi bien le préjudice matériel que le préjudice moral du salarié. Mais dans le même temps, elle montre qu’elle a tiré les leçons de la cassation de sa décision précédente. Elle chiffre ce montant à 15 000 euros en se gardant bien de poser une corrélation entre les sommes ainsi versées et les salaires exactement perdus par le salarié du fait d’une rupture plus tôt que prévue de la relation contractuelle.

Arrêt commenté :
CA Lyon 31 mars 2014 n° 13 /03381



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Pascale Etiennot, «La rupture abusive d’une période d’essai dans un contrat à durée déterminée ne se confond pas avec la rupture abusive d’un contrat à durée déterminée», BACALy [En ligne], n°5, Publié le : 18/07/2014,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1105.

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À propos de l'auteur Pascale Etiennot

Maître de conférences Université de Lorraine, chercheur IFG/CERIT


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