BACALy

L’action en licitation-partage provoquée par le créancier d’un indivisaire

Virginie Pezzella

Index

Index thématique

1L’affaire oppose des indivisaires au créancier personnel de l’un d’entre eux. Ce dernier, soutenant que son débiteur n’a jamais répondu à ses nombreuses demandes et a organisé son insolvabilité, assigne en partage de l’indivision successorale l’ensemble des coindivisaires par voie oblique sur le fondement des articles 815-17 et 1166 du Code civil. Ainsi, il pourra saisir le lot attribué à son débiteur une fois le partage ordonné afin de recouvrer sa créance. Le tribunal de grande instance de Lyon ordonne la cessation de l’indivision, à l’exception de celle portant sur une maison d’habitation située à Villeurbanne. Les indivisaires interjettent alors appel de ce jugement en remettant principalement en cause la procédure, alors que l’intimé forme un appel incident aux fins de cessation complète de l’indivision. La cour d’appel ne suit aucune de ces prétentions. Elle confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action en licitation-partage et déboute l’intimé de son appel incident. Le partage de l’indivision, à l’exception de la maison d’habitation située à Villeurbanne, est ainsi confirmé.

2La décision est classique : l’application combinée des articles 815-17 et 1166 du Code civil permet naturellement au créancier d’un indivisaire d’exercer en son nom une action en licitation-partage, dès lors que cet indivisaire refuse d’en faire usage au préjudice des intérêts de son créancier. Toutefois, elle offre aux juges du fond l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions de forme (I) et de fond (II) au sujet de ce type d’action.

I/ Des précisions de forme

3Les indivisaires, appelants, contestaient la recevabilité de l’action en raison, d’une part, du défaut de publication de l’assignation en licitation-partage à la conservation des hypothèques, d’autre part, du fait que ladite l’assignation ne précisait pas l’identité du débiteur au nom duquel le créancier agit. La cour d’appel a pourtant rejeté ces deux moyens.

4En ce qui concerne le défaut de publication, elle considère que les articles 28, 4° c) et 30-5 du décret du 4 janvier 1955 n’exigent de publicité foncière que pour les demandes tendant à l’anéantissement rétroactif d’un droit antérieurement publié, ce qui ne serait pas le cas d’une action en licitation-partage, et que l’article 80 du même décret relatif à la procédure de saisie immobilière est sans application dans ce litige.

5Même si les dispositions invoquées à l’appui de cette partie de la décision prêtent à discussion, notamment en ce que le décret relatif à la procédure de saisie immobilière n’est pas celui du 4 janvier 1955, mais celui du 27 juillet 2006, elle apporte une information procédurale non négligeable : l’assignation en licitation-partage délivrée par le créancier d’un indivisaire n’a pas à être publiée à la conservation des hypothèques pour être recevable.

6En ce qui concerne la qualité à agir du créancier, la décision apporte également une information importante. Constatant que l’article 815-17 du Code civil n’exige pas, à peine de nullité, l’indication du fait que le créancier agit au nom du débiteur, la cour d’appel refuse de prononcer l’irrecevabilité de l’assignation. Elle relève toutefois que « l’assignation renseigne les défendeurs sur l’exercice de l’action oblique en partage-licitation ». Le conseil d’un créancier agissant sur le fondement d’une telle action n’aura donc pas à préciser l’identité du débiteur au nom duquel agit le créancier qu’il représente, s’il fait clairement apparaître que cette action est fondée sur les articles 815-17 et 1166 du Code civil.

II/ Des précisions de fond

7L’intimé formait un appel incident aux fins de cessation complète de l’indivision. Il contestait le fait que la maison d’habitation située à Villeurbanne ait été exclue du partage par le tribunal de grande instance, considérant qu’en se prononçant ainsi les juges réduisaient ses chances de recouvrer l’intégralité de sa créance. La cour d’appel confirme pourtant cette exclusion, permettant ainsi de constater que même si, en principe, « […] le partage peut toujours être provoqué […] » (article 815 du Code civil), il sera évité lorsqu’il y va de l’intérêt du conjoint survivant alors même que ce maintien dans l’indivision peut être défavorable aux intérêt du créancier exerçant l’action en licitation-partage.

8Dans cette affaire, la masse partageable se composait de trois biens, à savoir une maison d’habitation, un studio et une SCI. La première constituant l’habitation du conjoint survivant avant et après l’ouverture de la succession, les juges du fond décident de faire application des articles 821-1 et 822 du Code civil pour l’extraire du partage. Cette exception au partage provoqué n’est pas en soi originale, le législateur ayant prévu la possibilité d’un maintien dans l’indivision dans l’intérêt de certains membres de la famille du de cujus, mais il peut être relevé qu’elle est admise, en l’espèce, alors même qu’il n’est pas certain que le créancier puisse recouvrer l’intégralité de sa créance sur la seule part des autres biens indivis partagés de son débiteur. Ainsi, il apparait que les juges du fond font primer la protection de l’habitation du conjoint survivant sur celle des intérêts du créancier personnel de l’un des indivisaires.

Arrêt commenté :
CA Lyon, chambre civile 1, 11 décembre 2012, n° 2012/029476



Citer ce document


Virginie Pezzella, «L’action en licitation-partage provoquée par le créancier d’un indivisaire», BACALy [En ligne], n°3, Publié le : 04/07/2013,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1294.

Auteur


À propos de l'auteur Virginie Pezzella

Attachée temporaire d’enseignement et de recherche


BACALy