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La compétence du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite

Sylvain Thouret


1Cet arrêt est l’occasion de revenir sur la procédure de référé, et plus particulièrement sur l’étendue et les pouvoirs du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite.

2En l’espèce, aux termes d’un contrat conclu avec le Comité d’entraide aux français rapatriés (CEFR), M. D. avait bénéficié d’un contrat de séjour au sein d’un centre d’hébergement pour une période de trois mois, renouvelée aux termes de trois avenants successifs venant à expiration pour le dernier, le 3 juin 2010. M. D. s’étant maintenu dans les lieux au-delà de cette date, le CEFR a engagé à son encontre une procédure d’expulsion.

3Par ordonnance en date du 16 décembre 2010, le juge des référés du tribunal d’instance de Villeurbanne a notamment :

- prononcé la résiliation du titre d’occupation liant le CEFR à M. D ;

- ordonné l’expulsion de M. D., ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec en tant que de besoin l’assistance de la force publique, fixé au montant de la redevance le montant de l’indemnité d’occupation due jusqu’au départ effectif des lieux ;

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond pour le surplus des demandes.

4M. D. a relevé appel de cette ordonnance.

5Dans son arrêt, la cour d’appel de Lyon confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de M. D., ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec en tant que de besoin l’assistance de la force publique, et en ce qu’elle a fixé au montant de la redevance le montant de l’indemnité d’occupation due jusqu’au départ effectif des lieux. Mais elle réforme la décision du premier juge en ce qu’elle a prononcé la résiliation du titre d’occupation liant le CEFR à M. D. et elle déboute le CEFR de sa demande en constatation de la résiliation du contrat de séjour.

6Cette décision ne peut qu’être approuvée.

7On sait que le juge des référés, sur le fondement de l’article 849 alinéa 1er du Code de procédure civile, a le pouvoir, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. De jurisprudence constante, l’occupation d’un immeuble sans droit ni titre génère un trouble manifestement illicite justifiant l’application de l’article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile (Cass. civ. 1re, 24 fév. 1987, n° 85-13682, Bull. civ., I, n° 66). Si était en cause l’application de l’article 849 alinéa 1er du Code de procédure civile, c’était tout simplement parce qu’il existait à l’origine un contrat de séjour justifiant la compétence exclusive du président du tribunal d’instance pour connaître de la demande d’expulsion. La règle est donc la même, qu’elle soit appliquée par le juge des référés du tribunal de grande instance ou qu’elle soit appliquée par le juge des référés du tribunal d’instance. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que la cour juge qu’au-delà du 3 juin 2010, date d’arrivée du terme du contrat, M. D. est devenu occupant sans droit ni titre. Son maintien dans les lieux étant constitutif d’un trouble manifestement illicite, ce trouble pouvait parfaitement justifier l’expulsion de l’appelant.

8Le premier juge, pour justifier cette expulsion, avait prononcé la résiliation du titre d’occupation liant le CEFR à M. D. Mais sa décision était vouée à la réformation. En effet, le juge des référés ne peut être saisi du principal (CPC, art. 484). Il ne peut donc statuer sur le fond. Ainsi, il n’entre certainement pas dans sa compétence de prononcer la résiliation d’un contrat, tel un contrat de bail (Cass. civ. 3e, 26 fév. 1985, n° 83-16775, Bull. civ., III, n° 40 ; 27 nov. 1990, n° 89-17249, Bull. civ., III, n° 254) ou un contrat de séjour comme en l’espèce. Une telle décision, par nature inhérente au principal, relève de la seule compétence du juge du fond.

9Le CEFR en avait parfaitement conscience puisqu’il ne contestait pas en cause d’appel le fait que le premier juge avait pu excéder sa compétence en prononçant la résiliation du contrat. Mais il demandait à la cour de constater l’acquisition d’une clause résolutoire. Il est vrai que la Cour de cassation admet que le juge des référés puisse constater la résiliation d’un bail par le jeu d’une clause résolutoire (Cass. civ. 3e, 11 mars 1980, n° 78-15175, Bull. civ., III, n° 57 ; 19 déc. 1983, n° 82-11205, Bull. civ., III, n° 265). Mais quel était l’intérêt en l’espèce, dès lors que M. D., en se maintenant dans les lieux au-delà du terme de contrat de séjour, était à l’origine d’un trouble manifestement illicite justifiant son expulsion ? On comprend, dans ces conditions, que la cour d’appel ait déclaré sans objet la demande de constatation de l’acquisition d’une clause résolutoire présentée par le CEFR.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 8e chambre, 3 avril 2012, n° 11/00615, JurisData n° 2012-011619



Citer ce document


Sylvain Thouret, «La compétence du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 25/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1620.

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À propos de l'auteur Sylvain Thouret

Avocat au barreau de Lyon, maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3


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