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Appréciation d’une clause de non-garantie des vices cachés en présence d’un acheteur et d’un vendeur profanes

Bélinda Waltz-Teracol


1L’article 1143 du Code civil dispose que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ». Il ressort de ce texte la possibilité pour les parties à un contrat de vente d’intégrer une clause contractuelle d’exclusion de garantie des vices cachés au profit du vendeur. Plus qu’une possibilité, en matière immobilière cette clause est quasiment systématiquement insérée par les notaires, sauf à ce que l’acheteur arrive à en obtenir l’éviction, par le jeu des négociations contractuelles. La validité d’une telle clause n’est toutefois pas sans limite, puisqu’elle est tributaire de la bonne foi du vendeur. Ainsi, celui-ci ne pourra s’en prévaloir s’il est établi qu’il connaissait, au moment de la vente, l’existence des vices de la chose. Or, l’appréciation de cette condition dépend de la qualité du vendeur, profane ou professionnel.

2En présence d’un vendeur professionnel, la jurisprudence est claire, il n’est pas possible d’intégrer au contrat une clause d’exclusion de garantie des vices cachés, celui-ci étant présumé connaître, de manière irréfragable, les vices de la chose (solution consacrée par : Cass. civ. 1re, 19 janv. 1965, n° 61-10.952 ; V. aussi : Cass. com., 4 juin 1969, D. 1970, jur. p. 51 ; Cass. civ. 2e, 30 mars 2000, no 98-15.286). Le vendeur professionnel est donc assimilé à un vendeur de mauvaise foi, sans qu’aucune discussion sur ce point ne soit permise. Une exception est admise par la jurisprudence, lorsqu’il se trouve en face d’un acheteur de même spécialité (V. not. : Cass. com., 6 nov. 1978, n° 76-15.037 ; Cass. civ. 3e, 30 juin 2016, n° 14-28.839). Il convient par ailleurs de rappeler que dans le cadre d’un contrat de vente conclu entre un vendeur professionnel et un consommateur, il n’est pas possible d’intégrer une clause d’exclusion des garanties des vices cachés, celle-ci recevant la qualification de clause abusive (la clause est irréfragablement réputée abusive, art. R. 212-1 C. conso.).

3En présence d’un vendeur profane, les parties sont libres, au regard du principe de liberté contractuelle, d’insérer une telle clause, sous réserve que l’acheteur ne rapporte pas la preuve que le vendeur avait connaissance, au jour de la vente, du vice de la chose, conformément aux dispositions de l’article 1143 du Code civil. C’est ce que rappelle la cour d’appel de Lyon dans son arrêt du 6 décembre 2018.

4En l’espèce, un couple, non professionnel de la vente d’immeubles, vend à un particulier une maison d’habitation. Le compromis de vente, comme l’acte authentique, signés respectivement en septembre et en novembre 2014, contenaient tous deux une clause de non garantie des vices cachés au profit des vendeurs. Confronté à des problèmes d’humidité, l’acheteur saisit le juge des référés du tribunal de grande instance de Roanne le 26 août 2016 aux fins d’obtenir une expertise visant à décrire les vices affectant la maison, à en rechercher leur cause, leur date d’apparition, leur apparence, s’ils étaient connus par les vendeurs au jour de la vente, et, au regard des éléments apportés, à déterminer le préjudice subi par l’acheteur. Le rapport d’expertise rendu, l’acheteur assigne les vendeurs au fond, devant le tribunal de grande instance de Roanne, en vue du paiement de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres et en réparation de son préjudice de jouissance, outre les frais de sondage et de diagnostic.

5Par jugement du 8 décembre 2017, les juges de première instance accueillent favorablement ces demandes estimant que les désordres constatés par l’expert sont des vices cachés dont les vendeurs avaient parfaitement connaissance au moment de la signature du compris de vente. Ils écartent donc la clause de non garantie des vices cachés. C’est dans ce contexte que les vendeurs ont saisi la cour d’appel de Lyon qui a infirmé, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Roanne dans son arrêt du 6 décembre 2018, affirmant que la preuve n’était pas rapportée de la connaissance, par les vendeurs et au jour de la vente, des vices d’humidité affectant la maison, de sorte que la clause d’exclusion des vices cachés était parfaitement valable.

6Le raisonnement juridique emprunté par les juges d’appel se fait en deux temps. Ils se réfèrent d’abord au rapport d’expertise, lequel précise quelles pièces sont affectées par les désordres d’humidité et quelles en sont les causes. Sur ce dernier point sont visés un drainage extérieur mal réalisé, une absence d’isolation et une ventilation insuffisante. L’argumentation qui s’en suit peut ne pas convaincre en tout point. Les juges estiment que, s’agissant de la ventilation insuffisante et de l’absence d’isolation, l’acheteur en avait connaissance au jour de la signature de l’acte de vente « puisque le diagnostic de performance énergétique, annexé à cet acte, l’informe sur le défaut d’isolation des murs en pierre donnant sur l’extérieur et de ceux en brique donnant sur le garage, ainsi que sur la ventilation insuffisante, en recommandant l’installation d’une ventilation mécanique répartie », de sorte qu’il s’agissait de défauts non pas cachés mais apparents. Sur ce point on ne peut qu’approuver la cour d’appel qui précise que cet élément ne permet pas d’apprécier la validité de la clause de non garantie des vices cachés. En effet, la non connaissance du vice par l’acheteur n’est pas une condition de validité de la clause, mais une condition de mise en œuvre de la garantie des vices cachés (art. 1641 C. civ.). Le raisonnement de la cour d’appel est toutefois plus discutable s’agissant des éléments qu’elle prend en compte pour retenir l’absence de vice caché. Le vice qui est en l’espèce reproché aux vendeurs, par l’acheteur, tient à l’humidité de la maison, laquelle entraîne des moisissures. La cour d’appel le précise d’ailleurs dans son dernier attendu en évoquant expressément les « vices d’humidité ». Or, la cour d’appel n’affirme pas que l’acheteur avait connaissance du vice, mais uniquement de la source du vice, via le diagnostic de performance énergétique. La différence peut paraître subtile mais elle n’en n’est pas moins importante. La connaissance de la cause du vice ne suppose pas nécessairement la connaissance du vice lui-même. L’acheteur, profane, pouvait être au courant de l’insuffisance de la ventilation ou de l’isolation mal réalisée sans forcément s’attendre à des désordres d’humidité de la gravité constatée dans l’arrêt étudié.

7Ce n’est d’ailleurs plus sur la source du vice mais bien sur l’existence du vice lui-même que la cour d’appel base son argumentation concernant l’appréciation de la validité de la clause de non garantie des vices cachés. Elle affirme que les vendeurs ont certes réalisé des travaux de drainage pour résoudre les problèmes d’humidité, mais qu’il n’est pas démontré, par l’acheteur ou en se référant au rapport d’expertise, que ces problèmes sont réapparus avant la vente et postérieurement aux travaux, quand bien même ceux-ci n’ont pas été réalisés conformément au DTU. La cour d’appel se base sur le fait que les désordres n’ont été visibles que 22 mois après la vente et que rien ne permet de démontrer que les travaux de réfection de peinture et de tapisserie réalisés par les vendeurs avant la vente visaient à les masquer. Il est vrai que les éléments factuels, souverainement appréciés par les juges du fond, ne permettent pas d’attester de la mauvaise foi manifeste des vendeurs, lesquels bénéficient de la présomption de bonne foi. À défaut de connaissance du vice par les vendeurs au jour de la vente, la cour d’appel en tire alors les conséquences qui s’imposent, à savoir la validité et donc l’application de la clause de non garantie des vices cachés et ce, conformément aux dispositions de l’article 1143 du Code civil. La solution reste toutefois sévère pour les acheteurs au regard de l’importance des désordres constatés. L’arrêt soumis à l’analyse confirme à cet égard tout l’intérêt qu’ont les acheteurs à négocier en amont l’exclusion d’une telle clause dans les contrats de vente immobilière.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 1re chambre civile A, 6 décembre 2018, n° 17/08613



Citer ce document


Bélinda Waltz-Teracol, «Appréciation d’une clause de non-garantie des vices cachés en présence d’un acheteur et d’un vendeur profanes», BACALy [En ligne], n°12, Publié le : 01/02/2019,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1773.

Auteur


À propos de l'auteur Bélinda Waltz-Teracol

Maître de Conférences à l’université Jean Moulin Lyon 3, Directrice adjointe de l’Institut des Assurances de Lyon.


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