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L’articulation de la cotitularité de l’article 1751 et de la solidarité des dettes ménagères de l’article 220

Bastien Baret


1La décision de la cour d’appel de Lyon permet de rappeler une nouvelle fois les effets du mariage en matière de bail. Dans les faits, un locataire s’est marié et sa conjointe est venue vivre avec lui. Cependant, les deux époux n’ont pas payé régulièrement le loyer et ils ont fini par entamer une procédure de divorce. D’une part, un jugement de première instance a constaté la résiliation judiciaire du bail et autorisé le bailleur à procéder à l’expulsion des époux ; d’autre part et plus tardivement, l’ordonnance de non-conciliation a attribué la jouissance du logement à l’époux titulaire du bail à l’origine.

2C’est la décision relative à la résiliation du bail qui est attaquée, car elle condamne solidairement les époux à payer les loyers et frais relatifs au bail, ce qui est contesté par l’épouse qui soutient n’avoir jamais vécu dans le logement. Cette décision prévoit également le paiement d’une indemnité d’occupation par l’époux encore dans les lieux suite à la résiliation judiciaire du bail, ce que conteste le bailleur qui réclame une solidarité entre les époux au sujet de cette dette. Il convient alors d’envisager les deux problèmes successivement.

3En premier lieu, la question du paiement solidaire des loyers revient à se demander si les dispositions de l’article 1751 sont applicables en l’espèce. Ce dernier prévoit une cotitularité du bail lorsque le local sert effectivement d’habitation aux deux époux. Cette cotitularité est automatique en présence d’un bail pour le logement familial sans caractère professionnel des époux. Contrairement à la situation en cas de partenariat enregistré, il n’est réclamé de leur part aucune démarche auprès du bailleur (sauf, dans le cadre de l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989, le fait d’informer le bailleur. V. N. Damas, « Expulsion : opposabilité de la procédure à l’épouse du locataire », AJDI 2014, p. 283). L’épouse, en l’espèce, essaie de démontrer que ce bien ne peut être considéré comme le logement familial puisque, selon elle, elle n’y a jamais vécu. Cependant, la cour d’appel relève que dans le cadre de l’ordonnance de non-conciliation, elle a déclaré vivre avec son époux pendant deux ans, lorsque celui-ci était locataire du local objet du bail. Selon la cour, il n’y a donc aucun doute sur le caractère familial du logement puisque les époux y ont vécu deux ans au moins ensemble. Cela permet, au demeurant, de confirmer la décision de première instance sur la solidarité au sujet des dettes liées au bail.

4En second lieu, la question soulevée est celle de la fin de cette cotitularité (à ce sujet, voir par exemple CA Lyon, 8e ch., 30 octobre 2018, n° 17/00655 ; BACALy décembre 2018, obs. B. Baret). Les dispositions de l’article 1751 s’appliquent jusqu’au jour de la transcription du jugement de divorce (Civ. 2e, 3 octobre 1990, n° 88-18453). La fin de la cohabitation ne suffit pas à faire cesser la cotitularité. C’est ce que met en avant le bailleur pour réclamer la solidarité des époux pour l’ensemble des dettes. Cependant, cette cotitularité prend logiquement fin, également, lorsque le bail se termine. Or le jugement de première instance a constaté la résiliation judiciaire du bail. Il n’est alors plus possible d’invoquer une solidarité fondée sur la cotitularité du droit au bail, puisqu’il n’y a plus de bail. En revanche, l’indemnité d’occupation à la charge de l’époux peut être considérée comme une dette ménagère dont les époux sont tenus solidairement. On retrouve ici l’application de l’article 220 du Code civil. La Cour de cassation considère d’ailleurs classiquement que l’indemnité d’occupation après résiliation du bail peut être considérée comme une dette ménagère (V. par exemple Civ. 1re, 17 mai 2017, n° 16-16732). Toutefois, il faut encore que cette dette ait un caractère ménager. Or la cour d’appel de Lyon observe qu’après l’ordonnance de non-conciliation, c’est-à-dire lorsque la jouissance du logement a été attribuée à l’époux seul, les dettes relatives à ce logement n’étaient plus destinées à l’entretien du ménage ou à l’éducation des enfants du couple. De ce fait, seul l’époux resté dans les lieux doit s’acquitter des dettes nées postérieurement à cette ordonnance de non-conciliation.

Arrêt commenté :
C.A. Lyon, 8e chambre, 3 septembre 2019, n° 18/01767



Citer ce document


Bastien Baret, «L’articulation de la cotitularité de l’article 1751 et de la solidarité des dettes ménagères de l’article 220», BACALy [En ligne], n°14, Publié le : 01/01/2020,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2224.

Auteur


À propos de l'auteur Bastien Baret

Doctorant au Centre de droit de la famille, équipe de recherche Louis Josserand, université Jean Moulin Lyon 3


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