Et ailleurs ? Formation et perspectives dans deux pays francophones

DOI : 10.35562/canalpsy.1601

p. 15-16

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Texte

Québec : Carole Charras

Stéphanoise d’origine, Carole Charras a eu l’opportunité d’étudier et de travailler plusieurs années au Québec après une première partie de carrière commerciale. C’est donc depuis cette expérience qu’elle peut nous proposer un petit éclairage sur la place de la psychologie du travail et des organisations au Québec. Un clic à 3 000 km, et une réponse trois jours après, plutôt que d’avoir des réponses d’impossibilité administrative en France : voilà, entre autres choses, ce qui a décidé de son départ.

La psychologie du travail est une discipline très jeune au Québec ; elle apparaît seulement au début des années 60. C’est sans doute une des raisons qui font que les psychologues se montrent très curieux de tout ce qui peut alimenter leur réflexion, et prompts à défricher des terrains différents de ceux de la « vieille Europe ». De plus, l’environnement américain pousse, si on veut exister en tant que Québécois, francophone qui plus est, à beaucoup de rigueur dans la recherche, à beaucoup de fiabilité dans les données quantitatives. Il faut « jouer le jeu » anglo-saxon pour exister.

Les premières années d’études menant à l’obtention du baccalauréat (équivalent licence) sont axées sur la sociologie et la psychologie. Ce n’est qu’après l’obtention de ce diplôme qu’on peut choisir de s’orienter soit en sociologie, soit en psychologie clinique, soit en psychologie du travail. On entre alors dans des études doctorantes, seules permettant de porter le titre de psychologue depuis 2006. Accéder au statut de doctorant représente une sorte de Graal pour les étudiants : trois cents environ sortent du baccalauréat, pour dix places de doctorants…

Tout au long des études, y compris au niveau le plus haut, il y a obligation de présence en cours ET obligation de travailler dans une posture qui peut se rapprocher de celle de psychologue. L’Université permet et favorise ce type d’expérience, et en propose de manière non négligeable en interne. Ces aspects d’investissement dans la « société civile » seront prépondérants pour l’admission en tant que doctorant, au même titre que les résultats « scolaires » qui ne peuvent être inférieurs à A1 (pour un maximum de A3, une note moyenne B dans le dossier étant rédhibitoire).

Le doctorant devra donc mener de front une recherche universitaire (supervisée par un Directeur de thèse), et agir en intervention (supervisé par un Directeur de stage). La place des psychologues est donc faite dans la société, et se construit pendant les études. Professionnellement, l’intégration se fait d’elle-même, le nombre de postes proposés étant suffisant pour que chacun s’y retrouve (cinq cents psychologues en tout formés, pour un territoire de sept millions d’habitants grand comme cinq fois la France), sous réserve d’être habilité par l’Ordre. À noter l’existence de l’UCAM, université qui ouvre la possibilité de suivre un cursus doctorant dans une démarche uniquement professionnelle.

Peu des bacheliers deviendront donc psychologues, mais ils irrigueront les divers champs en lien avec le monde du travail : orientation, ressources humaines, ergonomie, administration des affaires, etc. C’est sans doute ce tronc d’études commun à de nombreux acteurs qui permettra, notamment dans l’approche des risques psychosociaux, que la question de l’interdisciplinarité des équipes se pose de manière assez différente de ce que nous connaissons en France.

Un psychologue français qui souhaite exercer au Québec pourra le faire, sous réserve de maîtriser obligatoirement le français et l’anglais, et d’être accrédité ; il y aura certainement nécessité de valider quelques cours, notamment de déontologie. Il sera nécessaire également de s’adapter au mode de pensée québécois, assez influencé par le modèle anglo-saxon. En effet, les psychologues du travail québécois, même s’ils sont attentifs aux facteurs humains, apparaissent assez décomplexés sur la question de servir l’homme ou le capital, et la nécessaire adéquation de l’homme et du travail.

 

 

Guilhem Gaillardou.

Suisse : David Bize

David Bize travaille à l’office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle du canton de Vaud. Ses activités, réparties en deux mi-temps, sont d’une part de réaliser des bilans d’orientation auprès de jeunes, et d’autre part de conseiller des adultes dans le cadre de la Validation des Acquis de l’Expérience. La procédure de VAE, peu structurée en Suisse Romande, est à mettre en place. Il y a, dans ce domaine, beaucoup à faire…

L’Université de Neuchâtel est la seule université suisse romande délivrant un diplôme de psychologie du travail aux côtés de deux Universités de Suisse alémanique. À noter qu’à Neuchâtel les enseignants sont essentiellement allemands, même si les cours sont dispensés en français et en anglais. Cette prépondérance de la culture allemande interroge, et n’est pas sans incidence sur la difficulté à structurer et faire exister la psychologie du travail en Suisse francophone. De plus, il faut savoir que la psychologie du travail à Neuchâtel est directement rattachée à faculté de sciences économiques. La volonté d’aller vers le monde de l’entreprise est ainsi clairement affichée.

La structure de l’enseignement est proche de celle de Lyon 2, dans la lignée du « système de Bologne »1. À noter une place importante faite à la formation continue, y compris dans les offres d’emploi où un titre post Grad sera souvent demandé, notamment en ressources humaines et carrières, ou pour le titre de psychologue conseiller en orientation (qui est spécifique à la Suisse).

La protection du titre est très récente, effective depuis le 1er avril 2013.

Les psychologues du travail sont regroupés en associations ; l’APSYTRA comprend 60 membres, et se donne pour mission de faire reconnaître la psychologie du travail en Suisse Romande, beaucoup moins reconnue en Suisse Alémanique. Elle manifeste aussi sa volonté de tisser des liens avec l’association nationale, forte de 250 membres.

1 Les accords de Bologne (2010) visent au rapprochement des systèmes d’enseignement supérieur européens dans un cadre commun fondé sur la mise en

Notes

1 Les accords de Bologne (2010) visent au rapprochement des systèmes d’enseignement supérieur européens dans un cadre commun fondé sur la mise en place d’une structure en trois cycles des études supérieures : Licence, master, doctorat, de l’instauration d’un système commun de crédits (ECTS) pour faciliter la mobilité des étudiants et enfin de la mise en place du « supplément au diplôme » afin de rendre plus facilement lisibles et comparables les diplômes.

Illustrations

 

 

Guilhem Gaillardou.

Citer cet article

Référence papier

Didier Gigandon, « Et ailleurs ? Formation et perspectives dans deux pays francophones », Canal Psy, 107 | 2014, 15-16.

Référence électronique

Didier Gigandon, « Et ailleurs ? Formation et perspectives dans deux pays francophones », Canal Psy [En ligne], 107 | 2014, mis en ligne le 09 décembre 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=1601

Auteur

Didier Gigandon

Psychologue du Travail, responsable ressources humaines La Poste et président de l’APIRAF (Association des psychosociologues industriels Rhône-Alpes Forez)

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