Édito

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Texte

Quelque quatorze ans après la révision du DSM IV, la cinquième édition du Manuel Diagnostique et statistique des troubles mentaux vient de paraître. De nombreux périodiques de la presse française (Le monde, Sciences Humaines, Le nouvel observateur…) se sont fait écho des polémiques qui agitent le biotope scientifique américain autour de cette nouvelle édition.

« Critères diagnostiques vagues susceptibles de provoquer des erreurs diagnostiques ou une surmédication », « troubles identifiés puis retirés sous la pression d’associations de patients », « études épidémiologiques d’une qualité moindre », la validité scientifique et la pertinence clinique du DSM 5 font l’objet de débats entre universitaires et professionnels de la santé mentale, ainsi que certains patients et leur famille qui voient dans cette classification, évacuant complètement l’étiologie des troubles psychiques, une objectivation abusive de la singularité et de l’expérience de vie de chacun.

Concernant les troubles psychotiques, David Bloom du département de psychiatrie de l’université McGill au Québec notait en novembre dernier quelques changements significatifs présents dans cette nouvelle version : « l’élimination des sous types de la schizophrénie (paranoïde, catatonique, désorganisé, indifférencié) ; la reconnaissance de l’approche dimensionnelle afin de saisir l’hétérogénéité des symptômes et leur gravité ; spécification des aspects longitudinaux ; reconnaissance de la catatonie à travers plusieurs catégories diagnostiques ; ainsi que la reconnaissance des troubles induits par la médication et d’autres effets indésirables ». Cependant les repères cliniques (anchor points) seraient beaucoup moins précis que celles des autres échelles connues ; par ailleurs l’évolution à long terme de la schizophrénie serait insuffisamment décrite et peu d’aides seraient proposées pour interpréter les données issues de la pratique afin d’enrichir les modalités méthodologiques et techniques de l’entretien clinique.

Ce trimestre, Canal Psy vous propose justement de vous intéresser aux cliniciens qui ont maille à départir avec les souffrances psychotiques de sujets. Dans le cadre de leur pratique individuelle, groupale ou institutionnelle, la question de l’accueil de la psychose va se présenter au quotidien à ces praticiens, au cas par cas, au coup par coup, à l’occasion d’une rencontre avec la réalité de la souffrance psychique, réalité du corps et de ses vécus non-subjectivés, réalité du « trop » ou du « trop peu », sans les mots pour le contenir.

Les professionnels qui ont accepté de travailler au plus près de cette question du « soin » de la psychose ont en commun qu’ils considèrent comme déterminante la nature de la relation qui s’engage entre eux et leur patient, davantage qu’un catalogue descriptif des troubles et des difficultés auxquelles seraient statistiquement confrontés ces patients. Considérer par exemple que le délire n’aurait aucun sens et qu’il participe uniquement au tableau symptomatique du trouble psychotique repéré comme tel, contient le risque de produire une approche déficitaire de l’activité délirante.

Au contraire, Vincent Di Rocco, Simon Flémal, Bernard Chouvier, Jacques Borie, Yvan Revellin, Magali Fillion, Quentin Raffard et l’équipe de la MAP, nous invitent à découvrir et échanger autour de pratiques et d’approches pluri-disciplinaires où le sujet aura une place centrale dans son processus de soin, où il pourra gagner en flexibilité de pensée dans l’interaction avec ses pairs, où il sera invité à penser sa propre organisation psychique, dans une mise en langage qui retissera les liens souffrant entre images et mots, entre éprouvés et contenants de pensée.

La rédaction les remercie pour ces témoignages exigeants, rigoureux, au plus proche de l’expérience de terrain et de ses dédales transférentiels, ainsi qu’à Françoise Guérin pour son travail interview et pour nous avoir aimablement autorisés à reproduire l’une de ses nouvelles en résonance intime avec notre thématique.

En vous souhaitant une bonne lecture…

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Référence papier

Frédérik Guinard, « Édito », Canal Psy, 108 | 2014, 3.

Référence électronique

Frédérik Guinard, « Édito », Canal Psy [En ligne], 108 | 2014, mis en ligne le 09 décembre 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=374

Auteur

Frédérik Guinard

Rédacteur en chef

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