La Villemarqué et les chants arthuriens du Barzaz-Breiz : entre revendications des collectes et recours à l’imaginaire

  • La Villemarqué and the Arthurian Songs in the Barzaz-Breiz

DOI : 10.35562/iris.1055

p. 43-56

Résumés

Le vicomte Théodore Hersart de La Villemarqué a longtemps été accusé d’avoir inventé de toutes pièces les chansons arthuriennes qui apparaissent dans son recueil de chants populaires de la Bretagne, le Barzaz-Breiz. Cet article tente de mettre en évidence les restaurations effectuées par le collecteur sur ces chants arthuriens et de montrer le rôle joué par certains pourvoyeurs de « chansons nouvelles ».

Viscount Théodore Hersart de La Villemarqué was accused of fabricating the Arthurian songs collected in his Barzaz-Breiz, the first famous collection of popular songs from Brittany published in the 19th century. This paper aims to demonstrate how the editor actually rewrote the texts and to shed some light on La Villemarqué’s relationships with the persons who gave him access to these “new songs”.

Plan

Texte

En faisant paraître, en 1867, une nouvelle édition de ses Chants populaires de la Bretagne, le Barzaz-Breiz, le jeune vicomte Théodore Hersart de La Villemarqué ne se doutait probablement pas que cette action, anodine en apparence, allait subitement libérer la parole, longtemps restée souterraine, de ses nombreux contradicteurs. Le débat allait essentiellement porter sur l’authenticité des chansons du recueil, particulièrement celles qui se rapportaient à des événements historiques anciens et que La Villemarqué jugeait contemporaines des faits relatés. Il est vrai qu’au fil des éditions le collecteur cornouaillais avait inséré, parmi les complaintes rappelant la mémoire des anciens souverains bretons historiquement attestés, des chants se rapportant à Arthur, Merlin, Perceval et Tristan, des noms célèbres qui allaient grandement contribuer à la popularité du Barzaz, mais aussi accentuer fortement les soupçons d’une possible mystification. Ces chants allaient rapidement être classés parmi les plus suspects du recueil, autant du point de vue de leur existence au sein du peuple que de leur ancienneté, question double à laquelle les carnets de collecte de La Villemarqué n’ont pas permis de répondre. Cent cinquante ans après le début de la querelle, on peut donc toujours se demander si ces « chants arthuriens », appelons-les ainsi, ont pu être recueillis, comme l’affirmait La Villemarqué, de la bouche de paysans analphabètes qui ne faisaient que répéter, sans en comprendre toujours le sens, des vers composés des siècles auparavant. Si tel n’est pas le cas, il s’agira de mettre en évidence l’exploitation des imaginaires liés à un monde paysan idéalisé et une transmission orale et populaire d’une histoire nationale parallèle.

L’invention d’une histoire populaire fantasmée

L’ouverture, en 1964, des archives du vicomte Théodore Hersart de La Villemarqué (1815-1895) et l’analyse du premier des trois carnets de collecte par Donatien Laurent avaient permis de confirmer que l’auteur du Barzaz-Breiz connaissait le breton depuis son enfance et qu’il avait utilisé cette connaissance de la langue pour noter les chansons populaires des environs du manoir familial de Nizon (Finistère) dès le début des années 1830 (Laurent, 1989, p. 35). Les archives se montraient aussi très éclairantes sur la gestation de l’édition de 1839 du recueil, en confirmant notamment le travail de restauration, pour ne pas dire plus, effectué par le collecteur sur des chants que les spécialistes considéraient depuis longtemps, et avec raison, comme fortement remaniés. Mais toute la brume autour du recueil n’en était pas pour autant dissipée, ce qui incita Donatien Laurent à faire, au vu de la réception un peu trop enthousiaste de sa thèse, une nécessaire mise au point (Laurent, 1974, p. 173-174). Car, s’il ne faisait plus de doute que La Villemarqué avait bien recueilli l’essentiel de la matière de la première édition du Barzaz-Breiz auprès de chanteurs populaires — notamment un chant sur Merlin (Merlin-Barde) et un chant rappelant le rôle du roi Arthur dans la légende de saint Efflam —, les archives n’apportaient pas d’information sur les pièces les plus suspectes des éditions de 1845 et de 1867, parmi lesquelles citons la Marche d’Arthur, Merlin-Devin, et les chants supposés, selon La Villemarqué, avoir servi de modèles aux romanciers médiévaux : les fragments arthuriens relatifs au chevalier Lez-Breiz, héros présenté comme le prototype de Perceval, et le Prisonnier de guerre où se voyait un personnage nommé Bran sensé être le modèle direct du chevalier Tristan.

Rappelons ici qu’en entreprenant son ouvrage, La Villemarqué visait plusieurs buts dont, paradoxalement, le moindre semble avoir été de sauver de l’oubli des chants en voie de disparition. Sa préoccupation première fut même sans doute d’ordre littéraire. Amoureux des lettres, s’essayant très tôt à la versification et désireux de s’atteler à produire une œuvre poétique1, notre jeune auteur trouvait dans la traduction des chants populaires bretons un sujet qui était porteur d’un idéal romantique au moment où la capitale acclamait les Poésies d’Ossian, les écrits de Lamartine, Victor Hugo et George Sand, les souvenirs bretons de Chateaubriand, les descriptions pastorales d’Auguste Brizeux ou le pathos d’un Émile Souvestre, témoin de la disparition des « derniers Bretons ».

Mais les chants du Barzaz étaient aussi mis au service de causes moins égocentrées, comme lorsque la plume de l’auteur s’évertuait à idéaliser un monde paysan détenteur d’un patrimoine oral conséquent dont l’intérêt historique et les qualités esthétiques mettaient à mal bien des préjugés.

Le recueil trahissait aussi les intérêts politiques du collecteur en se faisant le véhicule des idées conservatrices d’une noblesse nostalgique de l’Ancien Régime. Au sortir d’une révolution qui avait profondément transformé la société, l’auteur rappelait aussi le souvenir des « libertés bretonnes », mais d’une façon plus subtile que dans ses premiers écrits où il fustigeait l’ingratitude de la France et pleurait sur le sort de ses compatriotes bretons « asservis à la France, et privés de la liberté » (1836a, p. 267). La publication de chants aux paroles anti-françaises permettait désormais à notre collecteur de se présenter en simple commentateur, témoin distant de la colère supposée du peuple à l’égard des Français, mais aussi des Anglais et mêmes de certains Bretons, comme ces propriétaires terriens d’origine roturière que l’auteur appelait dédaigneusement les « nouveaux maîtres ». Cette nostalgie ne s’arrêtait d’ailleurs pas aux libertés perdues puisqu’elle concernait aussi le déclin de la foi autrefois toute puissante, ainsi que le souvenir du seigneur-propriétaire paternaliste et du paysan acceptant docilement sa condition.

Si, pour les chanteurs, l’importance d’un chant se mesurait au degré de vérité supposé de ses paroles, pour un La Villemarqué désireux d’offrir à son pays une histoire idéalisée à partir de fragments de poésies populaires, l’utilité primait avant tout, ce qui justifiait les choix sélectifs et les nombreux remaniements effectués sur les chansons finalement retenues. La place donnée à l’épopée arthurienne dans ce magnum opus n’était pas négligeable et l’introduction du recueil se clôturait d’ailleurs sur cette exclamation démonstrative des espérances politiques et culturelles de l’auteur : « Arthur n’est pas encore mort ! » (1839, p. lxxviii) Mettre en avant l’aspect messianique du roi breton, c’était laisser imaginer que le retour du roi allait un jour permettre la restauration du catholicisme triomphant et des libertés perdues.

Selon Francis Gourvil, ce fut la lecture de l’ouvrage de l’abbé de La Rue, Recherches sur les bardes (La Rue [de], 1834), qui décida La Villemarqué à étudier les traditions celtiques et la matière arthurienne. Le 11 décembre 1834, le jeune homme écrivait en effet à l’abbé pour s’enquérir des méthodes à employer pour mener à bien son étude. Et l’abbé répondait quelques jours plus tard : « Ne me demandez pas des guides pour votre travail, je n’en connais pas. C’est le hasard qui dans mes longues recherches m’a fourni toutes les notions que vous trouverez dans mon dernier ouvrage. » (La Villemarqué, désormais Lav., 1926, p. 68). Loin de décourager notre jeune Breton, cette lettre allait le déterminer à explorer ce qui lui apparaissait comme un territoire non encore défriché. Après deux premiers travaux consacrés au poète Auguste Brizeux et aux traditions bardiques dans lesquels il parvenait déjà à glisser quelques allusions arthuriennes (1836a, p. 166 et suiv.), le jeune chercheur annonçait, en juillet 1836, dans L’Écho de la Jeune France, la publication d’une série d’articles sur les « poètes-romanciers de la France au Moyen Âge », dans lesquels, prévenait-il, il allait être question des « hauts faits d’Arthur, de Tristan, de Lancelot, d’Yvain et de tous les chevaliers bretons » (1836b, p. 62). Ce projet débutait dès le mois de décembre et s’ouvrait par l’étude du « Cycle breton » (1836b, p. 364)2.

Bien évidemment, lorsque débuta ce que l’on allait appeler « la querelle du Barzaz-Breiz », cette connaissance du monde celtique, rare en France à l’époque3, devint vite un argument à charge. Qui mieux qu’un collecteur expérimenté et spécialiste de la matière arthurienne, maîtrisant la langue bretonne et la littérature galloise, pouvait avoir inventé ces chants arthuriens ? Ce fut la conclusion de Francis Gourvil dans sa thèse sur La Villemarqué :

Vraisemblablement fixé dès la fin de 1842 quant à l’inutilité de ses efforts sur le terrain des recherches, il dut suspendre celles-ci à ce moment, trouvant plus expéditif de composer sur certaines données des pièces supposées avoir existé mais devenues introuvables. (Gourvil, 1959, p. 103)

Les collecteurs partis sur les traces de La Villemarqué n’avaient d’ailleurs pas tardé à affirmer que les personnages arthuriens étaient inconnus en Bretagne en dehors des cercles lettrés. « Je parle d’expérience, écrivait Anatole Le Braz en 1894. Les noms de Pérédur, de Tristan le Léonnais n’évoquent dans nos campagnes aucun souvenir. » Et le verdict était le même pour les Merlin, Arthur et Galehaut : « Pas un poème populaire qui leur soit consacré. » (Le Braz, 1894, p. 79) En septembre 1867, dans une lettre à Ernest Renan, un autre collecteur, François-Marie Luzel confirmait déjà n’avoir jamais pu collecter de traditions sur Merlin ou Arthur : « Depuis plus de vingt ans que je recueille des poésies populaires de tous les côtés, je n’ai jamais rencontré un couplet, un vers de ces chants ; pas même les noms des personnages qui en sont les sujets. » (Gourvil, 1959, p. 184) Pour Luzel, Le Braz, et d’autres collecteurs comme René-François Le Men ou Prosper Proux, les chants les plus fameux du Barzaz-Breiz étaient le produit du génie inventif de La Villemarqué. Aux attaques et aux incitations à se justifier, le vicomte répondit par un surprenant silence rapidement interprété comme un aveu de culpabilité.

Les reproches n’étaient pas, il est vrai, tous infondés et certaines initiatives de l’auteur semblaient indéfendables. Rappelons que l’un des deux nouveaux chants consacrés à Merlin apparus dans l’édition de 1867 ne mentionnait même pas le nom de l’Enchanteur : celui-ci n’apparaissait que dans le titre, Merlin au berceau / Marzinn enn he gavel (Lav., 1867, p. 57)4. Le collecteur avait juste reconnu Merlin dans ce nourrisson qui, à peine né, se mettait à rire et à parler à sa mère, et s’était contenté de ce rapprochement pour ajouter, non sans désinvolture, le nom de l’Enchanteur dans le titre de la berceuse.

Grâce aux archives de La Villemarqué, on peut aussi reconstituer le travail effectué sur le texte du chant Merlin-Barde avant sa publication dans l’édition de 1839. Ce chant remarquable raconte l’histoire d’un jeune homme qui obtient la main de Linor, la fille du roi, en réussissant trois exploits aux dépens de Merlin. Il dérobe, en guise de première épreuve, la harpe de l’Enchanteur, puis il vole son anneau et parvient enfin, avec l’aide de sa mère, qui apparaît dans le récit comme une sorcière, à le capturer et à le livrer au roi. Au sujet des 252 vers conservés dans le premier carnet de collecte, Donatien Laurent écrit :

Leur analyse attentive, tant externe qu’interne, la façon dont La Villemarqué en a repris les éléments pour faire son Merlin-Barde, supprimant les redites, simplifiant les passages obscurs, corrigeant les noms propres, tout indique qu’il s’agit d’un texte authentique. (1974, p. 219 ; 1989, p. 285)

La comparaison entre le texte noté sous la dictée et celui publié met en évidence de nombreux arrangements. Le nom du héros, « Rafellik » (1989, p. 240), disparaît ainsi de la version imprimée, et la scène très curieuse montrant Merlin conduit à Quimper, dans une charrette tirée par un cheval noir et un cheval blanc, subit le même sort. Quant à la mention même de Quimper, elle devient introuvable alors que l’auteur ne méconnaissait pas son importance dans les romans médiévaux5. Entre l’édition de 1839 et celle de 1845, le chant est à un nouveau soumis à un toilettage assez important. Au-delà des corrections typographiques et de la prise en compte de règles d’écriture nouvelles, c’est le nom même du barde qui est modifié. Noté « Melin » sur le carnet de collecte, l’édition de 1839 utilise la graphie « Merlin ». Mais en 1845, le texte du chant porte désormais « Marzin », forme jugée par La Villemarqué plus proche de celle du héros gallois Myrddin, tout cela afin de donner à la forme l’âge supposé du fond, et de supprimer toute adhérence aux romans français.

Cette retouche, loin d’être neutre, s’explique peut-être par la « découverte » du nom de Merlin, sous la forme Marzin, dans un autre chant intitulé Les Séries / Ar Rannou. Il ne s’agit que d’une courte mention pour le moins obscure que nous retranscrivons ici :

Teir rouantelez Varzin : / Trois royaume de Merzin (Merlin)
Frouez melen ha bleun lirzin ; / Fruits d’or, fleurs brillantes
Bugaligou o c’hoarzin / Petits enfants qui rient. (Lav., 1845, I, p. 4-5)

Il faut cependant constater ici que la lecture du nom Marzin est très problématique puisque d’autres variantes recueillies entre 1850 et nos jours6 donnent pour le premier vers : « Ter rouanes er mendi », « Teir rouanez zemendi », « Ter gentifarinn », « Ter gentefarzinn », « Peder zatefarsin » ou encore « Peder zadefarin ». Ce vers est donc sujet à interprétations, et l’interprétation faite par La Villemarqué, suivie de la diffusion de la forme Marzin dans tous les chants en breton du recueil, au nom de la cohérence générale mais au détriment de la parole du chanteur, est une démonstration claire de la propension de l’auteur à retravailler systématiquement le matériau collecté en fonction de ses propres théories.

Les sources de La Villemarqué, entre paysans analphabètes, textes médiévaux et publications savantes

« J’avais tant de fois, dans mon enfance, entendu parler de Merlin… » : c’est par ces mots qu’en 1837, deux ans avant la parution du Barzaz-Breiz, La Villemarqué laissait adroitement entendre aux lecteurs de la Revue de Paris que Merlin restait un personnage bien connu des Bretons (Lav., 1837, p. 45). La popularité du fameux devin devait être surtout notable chez les lettrés des manoirs et des maisons bourgeoises dont les bibliothèques avaient eu la chance de pouvoir se garnir des quelques ouvrages qui permettaient à l’époque de se familiariser avec les épisodes les plus connus de la légende arthurienne, comme les chroniques de Bretagne, les articles de la Bibliothèque universelle des romans des années 1770-1780, ou les poèmes sur les Chevaliers de la Table Ronde de Creuzé de Lesser.

Dans la biographie qu’il consacrait à son père en 1908, Pierre de La Villemarqué prenait soin de souligner que l’auteur du Barzaz-Breiz avait été très tôt initié au légendaire arthurien (1908, p. 15), et il n’y a pas lieu de s’étonner que le collecteur ait cherché et même trouvé des chants consacrés à Merlin et Arthur. Outre le Merlin-Barde / Marzin-Barz dont on retrouve un long fragment dans les carnets de collecte, il ne fait pas de doute que la matière du chant religieux à la gloire de saint Efflam, et où apparaît Arthur, a bien été recueillie. Dans ce chant intitulé Légende de saint Efflamm / Buhez sant Efflamm, publié dès 1839, saint Efflam rencontre le roi Arthur alors que ce dernier est aux prises avec un terrifiant dragon. Arthur, déshydraté et sur le point de faillir, demande l’aide d’Efflam. Ce dernier fait alors jaillir une source qui désaltère le roi. Revigoré, Arthur se jette sur le dragon et le tue (Lav., 1839, p. 415-417). La Villemarqué disait tenir cette pièce d’« un paysan de la paroisse de Ploestin, en Tréguier » (Lav., 1842, p. 316). L’existence d’un tel chant au xixe siècle dans les environs de Plestin-les-Grèves (Côtes-d’Armor) ne pose pas de problème particulier. Anatole Le Braz devait d’ailleurs lui-même en recueillir une variante auprès d’une femme de Plumilliau, dans le canton de Plestin. Notons aussi que la tradition concernant Arthur et Efflam à Plestin a été ravivée à différentes époques. Elle était déjà connue à la fin du xiie siècle, comme l’atteste la Vie latine de saint Efflam, et Albert Le Grand nous en offrait un résumé au xviie siècle dans sa Vie des saints de Bretagne. Un seul élément paraît douteux dans la pièce du Barzaz : traditionnellement, c’est saint Efflam, et non Arthur, qui par une simple prière vient à bout de la bête. Il est d’ailleurs notable que dans une variante de ce chant arthurien que l’on trouve dans le premier carnet de collecte sous le titre Buhe ann ot. st Efflam, c’est bien Efflam et non Arthur qui achève la bête (Laurent, 1989, p. 168).

Au-delà des chants existant réellement dans la tradition, notre auteur était susceptible d’exploiter des sources écrites. Dans ses articles de la Revue de Paris (1837 et 1841) et de L’Écho de la Jeune France (1836), dans la première édition du Barzaz-Breiz (1839), puis dans ses Contes populaires des anciens Bretons (1842), les références apparaissaient déjà nombreuses et variées. Au fil des pages, il citait ainsi les Prophéties de Merlin et la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth, l’Histoire des Bretons, le Brut de Wace et le Roman de Rou, les romans arthuriens de Chrétien de Troyes, Béroul, Thomas d’Angleterre, Manessier ou Wauchier de Denain, les poésies des troubadours, autant de textes auxquels il accédait souvent par la consultation directe des manuscrits médiévaux, mais aussi à travers des éditions récentes7. L’auteur faisait aussi référence aux travaux historiques menés des deux côtés de la Manche sur l’époque arthurienne, comme ceux de Sharon Turner, de l’abbé Delarue, de Claude-Charles Fauriel ou d’Augustin Thierry. Il exploitait enfin le Brut y Brenhinedd, le Y Gododdin, les Mabinogion et les fameuses Triades, des textes gallois pour la plupart empruntés aux travaux de Charlotte Guest et à The Myvyrian Archaiology of Wales, vaste collection de textes littéraires gallois du Moyen Âge rassemblés entre 1801 et 1807 par la Gwyneddigion Society.

L’analyse de certains chants supposés faux a suggéré l’utilisation de romans médiévaux français. En 1845, paraissaient en effet deux nouveaux fragments, insérés dans le cycle du chevalier Lez-Breiz, qui permettaient à La Villemarqué de souligner les ressemblances entre ce cycle « populaire » et le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Le premier fragment racontait la jeunesse de Lez-Breiz et sa rencontre avec un chevalier lors d’une chasse en forêt. Comme dans le roman de Chrétien, notre héros entreprenait de poser des questions sur les pièces d’équipement du chevalier et lui demandait, naïvement, s’il était né ainsi, tout en se réjouissant au passage que les biches des bois environnants ne fussent pas harnachées de la même manière. Le jeune homme, ne pensant alors plus qu’à devenir chevalier, se faisait indiquer la cour du comte de Quimper. Avant de partir, le jeune Lez-Breiz retournait voir sa mère qui, en apprenant la nouvelle de son départ prochain, tombait évanouie (Lav., 1845, I, p. 128-133). Le deuxième fragment évoquait le retour de Lez-Breiz au manoir familial quelques années plus tard, avec des détails très similaires à la scène du retour de Perceval dans la Deuxième Continuation (Lav., 1845, I, p. 134-139). Fort de sa découverte, La Villemarqué présentait désormais le Lez-Breiz comme la source du roman gallois Peredur, lui-même proposé comme ayant servi de modèle à Chrétien de Troyes. Cela revenait à donner une origine armoricaine au roman et à dater l’histoire du Perceval historique bien avant le xiie siècle. Dans une autre chanson intitulée Bran ou le Prisonnier de guerre, le jeune héros prenait des aspects tristaniens :

La circonstance du déguisement que prend le messager de Bran pour traverser plus sûrement les pays étrangers, l’anneau d’or qu’il emporte et qui doit le faire reconnaître ; la perfidie de son geôlier, le pavillon noir, le pavillon blanc, tout cela a été emprunté à notre ballade par l’auteur du roman de Tristan. (Lav., 1845, I, p. 216)

Mais l’histoire de Tristan est trop connue pour qu’on ne suspecte pas ici un démarquage du roman médiéval, et il en est de même du Lez-Breiz dont la source ne peut être que Chrétien de Troyes. Mais si ces chants sont probablement des restitutions, ils ne doivent pas pour autant être automatiquement attribués à un La Villemarqué qui, confronté à la réalité du terrain, aurait consolé ses espoirs déçus par l’écriture des pièces qu’il ne parvenait pas à dénicher. D’ailleurs, les paroles de la chanson de Bran ne trahissent pas une connaissance très étendue de la matière tristanienne. Quant à la rencontre avec le chevalier et le retour au manoir familial du Lez-Breiz, ils peuvent avoir été adaptés d’un imprimé de 1530, la Tresplaisante et recreative hystoire de Perceval le Galloys, dont la diffusion a été suffisante pour pouvoir servir de source d’inspiration à tout barde du xixe siècle un peu érudit.

Selon Gourvil, la Marche d’Arthur / Bale Arzur était née de la plume inspirée d’un La Villemarqué qui l’aurait construite à partir de trois sources différentes : le deuxième chant de Fingal, l’Hymne des Hussites du Tchèque Hanka et le chant basque d’Altabiçar (Gourvil, 1959, p. 488-492). Cette Marche d’Arthur, composée de seulement trente-six vers, publiée pour la première fois dans le Barzaz de 1845, évoque l’apparition d’un Arthur fantomatique sur une montagne armoricaine. Dans l’argument introductif du chant, La Villemarqué dévoilait sa source avec une étonnante précision : « Je l’ai appris d’un vieux montagnard appelé Mikel Floc’h, de Leuhan, qui l’a souvent chanté, m’a-t-il dit, en marchant à l’ennemi, pendant les dernières guerres de l’Ouest. » (1845, I, p. 83) Malgré cette indication qui pouvait suffire à convaincre bien des lecteurs, le chant fut vite classé parmi les plus controversés. Gourvil n’avait d’ailleurs pas poussé très loin ses recherches pour retrouver la trace du chanteur Michel Floc’h dans les registres de Leuhan (Finistère). Dans sa thèse, il écrivait :

Les trois seuls Michel Floc’h relevés dans les registres locaux entre 1800 et 1870 sont morts respectivement en 1818, 1827 et 1828, c’est à dire dix à vingt ans avant que La Villemarqué ait eu la possibilité d’entrer en contact avec l’un d’eux. (Gourvil, 1959, p. 354)

Gourvil laissait ensuite au lecteur le soin de tirer la seule conclusion qui s’imposait : le chant, dont La Villemarqué prétendait avoir recueilli cinq variantes (Gourvil, p. 515), de même que le chanteur supposé l’avoir chanté, étaient tous les deux nés de l’imagination du collecteur. Le chant avait d’ailleurs suscité des doutes publics dès 1854 sous la forme de plusieurs questions ouvertement posées par Ernest Renan dans la Revue des Deux Mondes :

Le vieux chouan qui le lui récitait, et qui n’y comprenait rien, savait-il bien ce qu’il disait ? Le nom d’Arthur n’était-il pas de ceux qu’il estropiait ? L’oreille de M. de La Villemarqué ne s’est-telle pas prêtée complaisamment à entendre le nom qu’il désirait ? C’est du moins une base bien fragile pour asseoir une hypothèse aussi hardie, qu’un chant répété pendant mille ans par des paysans qui ne le comprennent pas. (Renan, 1854, p. 24)

Renan, mal renseigné à cette époque sur les processus parfois complexes de la transmission orale, ne pouvait se montrer trop virulent dans sa critique, mais il remarquait déjà avec raison que l’Arthur de la chanson était une ombre du passé, ce qui autorisait à placer le chant bien après l’époque supposée d’Arthur.

Sur la provenance des chants suspects de l’édition de 1845

Rien n’attise davantage le feu du doute que l’exception et la trop bonne fortune. En découvrant des chants rarissimes dont peu de chercheurs à part lui-même avaient entrevu l’existence, et surtout en restant le seul à en trouver les traces, le vicomte ne pouvait pas mieux suggérer le nom de leur créateur. Mais, si pour beaucoup de folkloristes la question était tranchée dès 1867, le collecteur cornouaillais allait continuer, en privé, d’assurer ses proches de l’authenticité des chants anciens, reconnaissant tout au plus quelques restaurations sur tous ces fragments de chansons qu’il avait dénichés dans les territoires les plus secrets, ces lieux éloignés, gardiens des traditions, et dont il soulignait déjà l’importance en 1836 :

La harpe des bardes a été brisée, leurs accens se sont égarés çà et là avec ses débris, et ce n’est plus que sur nos montagnes ou dans le fond de nos campagnes les plus reculées, qu’on en peut encore recueillir quelques-uns. (1836a, p. 267)

Cette remarque sur la montagne qu’on penserait influencée par les écrits de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre, prend un tout autre sens lorsqu’on voit le folkoriste François-Marie Luzel, l’un des principaux contempteurs du Barzaz-Breiz, se décider enfin à quitter les plaines de son Trégor natal pour suivre les traces de La Villemarqué dans les Montagnes Noires, et trouver, du premier coup pourrait-on dire, un conte sur Merlin. À peine avait-il mis les pieds dans le canton de Châteauneuf-du-Faou, qu’il se faisait en effet raconter par un laboureur nommé Jean Le Ny l’histoire de « Merlinn » capturé par une jeune femme déguisée en homme, et conduit prisonnier à la cour du roi dans un lit-cage tiré par quatre chevaux (Luzel, 1870, p. 133-134). À partir de ce jour, Luzel, qui n’avait jusqu’ici jamais entendu le nom de l’Enchanteur au sein du peuple, commença à recueillir de nombreuses variantes de cette histoire où le célèbre prisonnier était nommé, selon les conteurs, Merlig, Murlu, Erlinn ou encore Santirinn (Luzel, 1870, p. 134-135), et ressemblait fortement au Merlin de l’histoire de Grisandole dans le Lancelot-Graal (Walter, Berthelot et Freire-Nunes, 2001, p. 1226-1253).

La présence de Luzel dans le canton de Châteauneuf-du-Faou n’était pas un hasard. La Villemarqué disait y avoir recueilli, auprès de personnes analphabètes rappelons-le8, plusieurs chants qui allaient contribuer à nourrir le mythe arthurien de l’Armorique. La Villemarqué aurait ainsi obtenu les fragments arthuriens du Lez-Breiz auprès d’une « paysanne de la paroisse de Trégourez, nommée Naïk de Follezou » (Lav., 1845, I, p. 184), qu’il citait ailleurs sous le nom d’« Annik Rolland » (Lav., 1845, I, p. 353)9. Dans les années 1840, cette Anne Rolland vivait à Kerfinous, hameau de Trégourez, et travaillait avec son mari Jean Henry qui était meunier au moulin du Follezou10. C’est dans les environs, auprès d’un « chiffonnier des montagnes de Laz » (Lav., 1842, p. 316) que La Villemarqué disait avoir recueilli Bran ou le Prisonnier de guerre, ce chant qui offrait des ressemblances évidentes avec le roman de Tristan. Le canton englobe aussi la commune de Leuhan où vivait le chanteur supposé de la Marche d’Arthur. Nous avons montré il y a une dizaine d’années qu’il a bien existé un chouan du nom de Michel Floc’h, fils d’avocat, né le 9 novembre 1780 dans le hameau de Kerouant en Leuhan (Péron, 2006, p. 35). La Villemarqué attribuait au même chanteur une pièce intitulée Le Cygne / An Alarc’h11. Notons que Le Cygne évoque une mystérieuse « Tour d’Armor », mention qui incite à attribuer au même personnage une chanson de facture similaire intitulée La Tour d’Armor ou sainte Azenor, variante ossianisée de la traditionnelle Gwerz Santez Henori (Lav., 1845, II, p. 425 et suiv.). Les archives de justice mentionnent de plus parmi les comparses de Michel Floc’h un dénommé Louis Bourriquen, fils de notaire, demeurant à Trégourez, et que l’on identifie aisément au soldat de Cadoudal que La Villemarqué citait, sous le nom de « Loéiz Vourriken », comme étant le chanteur de deux autres chants controversés (Lav., 1845, I, p. 199). Les descriptions de vieux chouans, sauvages et taiseux, détenteurs de secrets et gardiens de la mémoire du pays12, correspondent donc à une réalité concrète, mais leur existence attestée, si elle est susceptible d’appuyer la réalité d’une collecte, ne suffit pas, loin s’en faut, à prouver l’ancienneté des chants que La Villemarqué disait leur devoir. L’âpreté du décor que laissent deviner les paroles, les répétitions sur l’aridité des montagnes et le tumulte des flots, la force qui se dégage des cris de guerre, sont autant de motifs qui incitent, comme le suggérait d’ailleurs Gourvil, à nous intéresser aux poésies d’Ossian. Nous croyons d’ailleurs trouver dans une scène épique du quatrième chant de Fingal, publié en 1761 par James Macpherson, le passage qui a servi à bâtir la Marche d’Arthur. Les deux fragments débutent en effet par un appel au combat :

Fingal 4 : « Venez au combat, dit le roi, enfants du résonnant Selma ! Venez tuer des milliers d’ennemis! Le fils de Comhal vous regardera13. »

Marche d’Arthur : « Allons au combat ! Allons parent, allons frère, Allons fils, allons père14 ! »

Cette harangue est suivie de l’apparition des fantômes des ancêtres sur la montagne :

Fingal 4 : « Ô vous, fantômes des héros décédés ! ô cavaliers de la tempête sur la montagne Cromla ! recevez dans la joie mes guerriers qui tombent, et portez-les jusqu’à vos collines15. »

Marche : « — Des cavaliers au sommet de la montagne. Des cavaliers qui passent montés sur des coursiers gris qui reniflent de froid ! […] Arthur marche à leur tête au haut de la montagne16. »

Enfin vient la scène de la bataille, introduite par un procédé de rupture commun aux deux fragments :

Fingal 4 : « Telles étaient nos paroles lorsque la voix sourde de Gaul fut amplifiée par le vent. Il agitait haut l’épée de son père. Nous courions à la mort et aux blessures. »

Marche : « Il n’avait pas fini de parler, que le cri de guerre retentit d’un bout à l’autre des montagnes. — « Cœur pour œil, tête pour bras ! et mort pour blessure, dans la vallée comme sur la montagne ! »

Le cadre restreint de cet article ne permet pas une analyse plus étendue qui nécessiterait d’ailleurs un travail d’inventaire que nous n’avons pas jusqu’ici mené, mais au-delà des similitudes imputables au thème abordé — une guerre menée dans les montagnes —, les schémas généraux des deux chants se superposent un peu trop idéalement pour qu’on se borne à ne voir ici que le fruit du hasard. Ajoutons simplement que l’emprunt semble d’autant plus limpide que le début et la fin du chant IV de Fingal offrent des ressemblances avec, respectivement, l’introduction de la Tour d’Armor17 et la chanson du Cygne. Or, la Marche d’Arthur et ces deux pièces aux allures ossianiques sont apparues simultanément dans l’édition du 1845 du Barzaz-Breiz, et sont toutes les trois rattachées au même chanteur, Michel Floc’h, ancien chouan et fils d’un avocat de Leuhan.

Conclusion

« Le texte du Barzaz-Breiz n’est pas constitué de chants populaires commentés, mais bien d’idées illustrées par des chants » remarquait avec justesse Nelly Blanchard dans sa thèse publiée en 2006 (Blanchard, 2006, p. 28). Et il faut admettre que les chants arthuriens du recueil illustraient idéalement l’ancienneté de la matière arthurienne, et surtout l’origine bretonne de cette matière. L’auteur n’avait néanmoins pas eu besoin d’inventer tous ces chants. Ceux comme Merlin-Barde ou la Légende de saint Efflamm existaient déjà dans la tradition bretonne et n’allaient subir que quelques retouches. Quant à ceux de l’édition de 1845 du Barzaz-Breiz, et qui peuvent être vus comme des créations récentes inspirées de l’Ossian de Macpherson ou de textes arthuriens post-médiévaux, il ne semble pas qu’il faille les attribuer à notre collecteur. Les vastes connaissances de La Villemarqué l’ont vite désigné, il est vrai, comme l’auteur naturel de ces chants jamais recueillis ailleurs, mais les textes publiés ne nécessitaient pas, loin de là, les connaissances de l’initiateur des études celtiques en France, et notre auteur ne semble d’ailleurs jamais être tombé sous le charme des poèmes gaéliques publiés par Macpherson. Dans l’édition de 1845, La Villemarqué mentionnait et localisait les chanteurs des pièces arthuriennes, donnant ainsi, croyons-nous, quelque preuve de sa bonne foi18, mais livrant aussi deux indices intéressants : d’une part, tous les nouveaux chants arthuriens de cette édition, auxquels il convient d’ajouter plusieurs autres non arthuriens mais écrits dans un style similaire, auraient été recueillis dans seulement trois paroisses limitrophes du canton de Châteauneuf-du-Faou (Finistère), toutes trois situées dans la même petite vallée ; d’autre part, les chanteurs de cette vallée, que le collecteur présentait audacieusement comme des paysans analphabètes, s’avèrent avoir appartenu à une population de fils de notaires et d’avocats, au sein de laquelle a très bien pu exister un compositeur prolifique. On pourrait même se demander si ce n’est pas l’image de cet érudit, pourvoyeur des inespérés chants nationaux de l’édition de 1845, qui hante les pensées de La Villemarqué le jour où, interrogé sur la genèse du Barzaz-Breiz par Paul Sébillot, il finit par avouer : « J’ai quelques fois été trompé. »

Bibliographie

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Notes

1 Et on sait avec quel succès. George Sand chantera les louanges du Barzaz-Breiz, évoquant « une publication qui est dans toutes les mains depuis plusieurs années » (Promenades autour d’un village, Paris, Michel-Lévy frères, 1866, p. 206), et s’étonnant que le Barzaz-Breiz n’ait pas fait une « révolution » dans la littérature française. Retour au texte

2 Parallèlement La Villemarqué se perfectionne dans l’étude de la langue bretonne qu’il parle depuis sa plus tendre enfance mais qu’il étudie désormais d’un point de vue linguistique, la comparant avec les autres langues celtiques et notamment le gallois, étudiant son évolution, affirmant même que cette évolution fut négligeable au cours des siècles et que le breton des paysans du xixe siècle n’était guère différent de celui parlé par Merlin et le roi Arthur. Plus tard, il publiera une édition du Dictionnaire français-breton de Le Gonidec enrichi d’un « Essai sur la langue bretonne » (1847) et deviendra le correspondant principal de Jacob Grimm sur les questions de langue bretonne (Lauer & Plötner, 1991). Retour au texte

3 En 1867, D’Arbois de Jubainville rappelle « ce que [La Villemarqué] a fait pour les études celtiques, dont il a été si longtemps en France le représentant unique » (1867, p. 329). Sur le travail de pionnier de La Villemarqué, on pourra consulter les travaux de Christophe Imperiali (2008) et Hélène Bouget (2016). Retour au texte

4 Ce chant avait déjà été publié quelques années auparavant dans son ouvrage Myrdhinn (Lav., 1862, p. 11 et suiv. et 57 et suiv.). Retour au texte

5 Dans le Lancelot-Graal, le roi Arthur rencontre Lisanor, la fille du comte Sylvain de Campercorentin (Quimper-Corentin) et lui donne un enfant : Loholt (Walter, Berthelot & Freire-Nunes, 2001, p. 859). La Villemarqué préfère rapprocher la Linor du chant breton d’une improbable Aliénor fille du prince Budic, alors que le rapprochement entre Linor et Lisanor est assez saisissant. Retour au texte

6 Pour les variantes, voir notamment François-Marie Luzel (1890, I, p. 109) et Jean-Jacques Boidron (1993, p. 169 et 237). Retour au texte

7 La Villemarqué n’est pas scrupuleux au point de citer systématiquement ses sources, mais il dit utiliser le Tristan en trois volumes de Francisque Michel et cite le Brut d’après l’édition de Le Roux de Lincy. Retour au texte

8 « Ce que je puis affirmer, c’est qu’aucune d’elles ne savait lire, et que par conséquent pas une de leurs chansons n’avait été empruntée à des livres. » (Lav., 1867, p. iv-v) Retour au texte

9 Même si dans l’édition de 1867 La Villemarqué écrit que le « retour au manoir se chante à Plévin » (1867, p. 111), l’introduction des nouveaux fragments arthuriens n’est accompagnée, en 1845, que de la mention d’une seule nouvelle chanteuse : Anne Rolland. Retour au texte

10 À cette époque, le recteur de Trégourez n’était autre que Joachim Stanguénnec, un ami de longue date des La Villemarqué. Homme cultivé qui écrivait des chansons à ses heures perdues, Stanguénnec connaissait les chanteurs des environs et a donc pu aider notre collecteur à les rencontrer. Retour au texte

11 La Villemarqué disait tenir le chant d’un « compagnon de Tinténiac et de Georges Cadoudal, nommé Mikel Floc’h, habitant du village de Kerc’hoant » (Lav., 1845, I, p. 379). La prononciation locale du nom de hameau de Kerouant, est proche de la forme bretonne Kerc’hoant donnée par La Villemarqué. Il s’agit du même personnage. Retour au texte

12 La Villemarqué évoquait ainsi « les vieillards, surtout ceux des montagnes, qui avaient fait partie des bandes armées du dernier siècle, et dont la mémoire, quand elle consent à s’ouvrir, est le répertoire national le plus riche qu’on puisse consulter » (Lav., 1867, p. iv-v). Retour au texte

13 Nous traduisons ici directement de l’anglais : « Come to battle, said the king, ye children of echoing Selma! Come to the death of thousands! Comhal’s son will see the fight. » (Macpherson, 1807, p. 310) Retour au texte

14 « Deomp d’ar gad ! Deomp, kar, deomp, breur, deomp, map, deomp, tad ! » (Lav., 1845, I, p. 85) Retour au texte

15 « O ye ghosts of heroes dead! ye riders of the storm of Cromla! receive my falling people with joy, and bear them to your hills. » (Macpherson, 1807, p. 310) Retour au texte

16 Cette apparition des ancêtres décédés est un classique de cette littérature. Le Tourneur l’évoque dans la préface de sa traduction des poésies d’Ossian : « Quand un Calédonien étoit sur le point d’exécuter quelques grande entreprise, les ombres de ses pères descendoient de leurs nuages pour lui en prédire le bon ou le mauvais succès. » (1777, 1, p. l) Cela fait bien sûr penser à l’argument de la Marche d’Arthur où La Villemarqué précise que « toutes les fois qu’une guerre se prépare, on voit, en signe avant-coureur, l’armée d’Arthur défiler à l’aube du jour au sommet des montagnes noires » (Lav., 1845, I, p. 83). Retour au texte

17 Au-delà des similitudes de style, les deux chants abordent le même thème en racontant l’arrivée de douze émissaires chez un homme fort accueillant afin de lui demander, au nom du héros, la main de sa fille. Dans les deux chants, l’homme accepte volontiers. Retour au texte

18 Anne Rolland, la chanteuse du Lez-Breiz, par exemple, ne décède qu’en juin 1866 à Trégourez, quelques mois seulement avant que Luzel ne se décide à venir enquêter sur les terres de La Villemarqué. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Goulven Péron, « La Villemarqué et les chants arthuriens du Barzaz-Breiz : entre revendications des collectes et recours à l’imaginaire », IRIS, 38 | 2017, 43-56.

Référence électronique

Goulven Péron, « La Villemarqué et les chants arthuriens du Barzaz-Breiz : entre revendications des collectes et recours à l’imaginaire », IRIS [En ligne], 38 | 2017, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 16 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1055

Auteur

Goulven Péron

Chercheur indépendant

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