Approche de la sculpture de Carl Andre au regard d’une phénoménologie de l’espace et du lieu

  • Approaching Carl Andre’s Sculpture with Regard to a Phenomenology of Space and Place

DOI : 10.35562/iris.1213

Résumés

Il s’agira d’aborder dans cette contribution l’œuvre de Carl Andre en tant qu’arrangement de pièces combinatoires, selon des ensembles minimaux qui se parcourent, dont l’expérience et littéralement la compréhension ne peuvent se faire qu’à partir du déplacement physique du visiteur. Un déplacement qui prend son impulsion à partir du sol, départ de la sculpture mais aussi plan selon lequel la plus existentielle des dimensions se donne, condition fondatrice de l’habiter humain.

Si l’installation a souvent été considérée comme une extension des pratiques de l’assemblage et du collage, c’est-à-dire en fonctionnant selon des principes d’association, de contamination et de télescopage, le travail de Carl Andre pose de manière très radicale et rigoureuse les conditions mêmes qui rendent possible toute installation : la mise en tension sans cesse renouvelée d’une proximité et d’un lointain qui fonde l’horizon d’un spectateur toujours dessaisi de ce qui ad-vient (l’évènement de son dasein, « être-là »), l’avènement de la corporéité en tant que mouvement, des prises sensori-motrices sans cesse reconduites et indexées sur la perception des objets qui occupent l’espace et le redistribuent, enfin la nature éminemment trajective de cette catégorie d’œuvre que l’on tente de définir par le terme d’installation. Les environnements sculpturaux proposés par l’artiste américain donnent lieu, ils instituent l’espace et l’ouvrent, ils sont autant de places à investir.

In this contribution, we will deal with the works by Carl Andre as an arrangement of combinatory parts, according to minimal sets you can go by whose experience and literally the understanding can only be made from the visitor’s physical moves. A movement that origins from the ground, the start of the sculpture but also a map according to which the most existential of dimensions emerges, the founding condition of human beings.

If the installation has often been considered an extension of assembly and collage habits, that is to say functioning according to association, contamination and going back and forth principles, the works by Carl Andre set the very conditions which make any kind of installation possible in an extremely radical and strict way: the forever renewed focus of a proximity and a distance which founds the horizon for a spectator who keeps being deprived of what will come (the event of his dasein, “to be there”), the surge of corporeality as a movement, of forever renewed sensorimotor grips indexed to the perception of objects which fill space and redistribute it, and at last the trajective nature of this kind of works one tends to define by the word of installation. The sculptural environment offered by the American artist gives place, they institute space and widen it, they are as many places to invest.

Index

Mots-clés

site, lieu, espace

Keywords

site, place, space

Plan

Texte

Introduction

Il s’agira d’aborder ici une partie des œuvres présentées lors de la rétrospective du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris1 et le dispositif retenu pour l’exposition de celles-ci afin d’envisager l’expérience inédite qui en découle comme étant celle d’un continuum spatial qui s’amorce depuis le départ même de la sculpture, le lieu de son élan, le sol.

Mais avant d’analyser la structure proprement phénoménologique de ce parcours et des sculptures qui le constituent, il nous a paru nécessaire de revenir sur les écrits de Carl Andre (2005) pour penser la sculpture de l’artiste et se détacher de la terminologie minimaliste souvent en usage pour apprécier son travail. Le terme minimaliste, s’il permet de repérer et classifier des postures artistiques très diverses, montre, dès lors que l’on se penche sur la spécificité des œuvres, sur leur foncière singularité, des limites épistémologiques. Carl Andre conteste, comme bon nombre d’artistes, la catégorisation de son œuvre et ce n’est pas tant la perception tridimensionnelle d’un volume que la masse de la sculpture et ses propriétés matérielles qui l’intéressent : « Mon intérêt pour la sculpture s’est toujours porté sur sa masse et non pas son volume. Par conséquent, je n’ai jamais été réceptif au stéréotype minimaliste de la boîte2. » (Gether, 1991, p. 29) La portée théorique de notre texte concernera avant tout le substrat matériel et surtout la dimension installante de la sculpture de Carl Andre, c’est-à-dire ce qui, selon la conception heideggérienne de l’espace, serait dotation d’espaces, attribution de place et possibilité d’orientation :

Ménager la rencontre de l’étant au sein du monde, ce qui est constitutif de l’être-au-monde, est une « dotation d’espace ». Cette « dotation d’espace », que nous appelons aussi installation, est la délivrance de l’utilisable à sa spatialité. Cette installation qui, d’entrée de jeu, attribue en la dévoilant une possible entièreté de places déterminée par conjointure rend possible l’orientation telle qu’elle a lieu chaque fois factivement3. (Heidegger, 1986, p. 152)

Aussi nous semble-t-il important, pour comprendre les enjeux de la sculpture de Carl Andre, de faire un détour sur ce qui aura marqué l’imaginaire de l’artiste, son champ référentiel, et de se départir de classifications peut-être trop rapides. La sculpture dans ses agencements, en tant qu’ensemble constitué de rapports, sera le principal critère pour analyser le fonctionnement des œuvres. Ce qu’Heidegger conçoit comme « la délivrance de l’utilisable à sa spatialité » signifie pour la sculpture qu’elle est un opérateur spatial de dévoilement, elle ouvre le plein apparaître des déterminités du corps spectatoriel, le corps ex-iste à partir de la distribution de places que l’installation a-ménage.

Nous avons ainsi repéré plusieurs références qui nous semblent cardinales afin de bien saisir la portée d’une sculpture qui s’émancipera très rapidement du socle pour redéployer au sol les principaux éléments qui la constituent, une sculpture qui spatialise la marge et ses empiètements pour en faire en quelque sorte ses motifs, c’est-à-dire en tant que relais sensori-moteur de déplacements et de trajets.

La sculpture comme articulation espace-corps

La première référence sans doute incontournable est la Colonne sans fin de Constantin Brancusi. Son caractère éminemment combinatoire, la répétition d’un élément qui se décline depuis une verticalité à chaque fois reconduite, marqueront durablement l’approche sculpturale de l’artiste américain, aussi expliquera-t-il lors d’une interview :

J’ai alors vu toutes [les œuvres] combinées avec leurs socles entrant dans la terre qui étaient d’une nature tout à fait différente [de la sculpture classique]. Ainsi, pour moi, l’œuvre brancusienne développe la meilleure connexion avec le sol et la Colonne sans fin est, bien évidemment, l’aboutissement de cette expérience. Les combinatoires relancent sans discontinuer le haut et le bas d’une verticalité qui n’est pas achevée. Auparavant, la verticalité était toujours la finalité d’une sculpture qui trouvait son aboutissement selon des polarités haut/bas. Elle s’inscrit dans la terre […]. Il a certainement développé ce système combinatoire en édifiant le socle, ce qui représente, pour moi, le principal intérêt de son travail — que ces socles puissent être l’ultime expression de la matérialité4. (Tuchman, 1970, p. 61)

On pourrait également ajouter que la colonne, située dans un dispositif spatial plus large puisqu’elle est aussi une sculpture environnementale5, en tant qu’inscription de seuil et ouverture à partir des limites, déterminera la structure des installations réalisées par Carl Andre. L’absence de socle, le rapport au sol, les limites spatiales qui en découlent et la perception même de l’ancrage de la sculpture en constituent donc les principes fondamentaux. Aussi retrouvera-t-on dans les premières pièces littéralement sculptées (puisque la technique employée pour certaines œuvres est la taille directe) les effets totémiques d’une sculpture et la filiation directement assumée de l’œuvre brancusienne. C’est le cas de Sawn Wood Exercise6, sculpture en bois taillée, verticale, déclinant le motif d’un losange entier et tronqué qui zigzague là où la Colonne sans fin déploie le rhomboïde axé selon une ligne verticale. Cette verticalité sera « mise au sol » dans la plupart des propositions d’Andre et se déploiera alors à l’horizontale7 (Gether, 1991, p. 28), prenant pour référence absolue la route, « une distribution beaucoup plus efficace de matière8 » (Tuchman, 1970, p. 57).

Cette puissante présence de l’horizontalité se révèle notamment avec Cataract9, une sculpture réalisée à l’extérieur, composée de trois cents plaques d’acier laminé rectangulaires, posées à même le sol pentu et herbeux d’un talus qui rend sensible ses dénivelés, si bien que l’œuvre se brise spatialement selon les accidents que présente le relief. C’est également le cas d’une installation réalisée pour la galerie Konrad Fischer à Düsseldorf, en 1967, 5×20 Altstadt Rectangle10. Cette œuvre majeure renouvelle en profondeur les conditions d’appréhension spatiale du spectateur, son rapport à l’espace, puisqu’au MAM de Paris elle occupe entièrement la pièce au sol dans sa largeur et sa longueur, pour opposer au regard du public une surface noire dont la masse entre en résonnance avec le corps lorsque l’on parcourt l’œuvre, en y marchant dessus. On peut, à partir de cette œuvre inaugurale, déduire des principes structurels, des invariants que l’on retrouvera ensuite dans la plupart des propositions de l’artiste : l’emploi d’un élément industrialisé, dé-spécifié, produit en série qui se combine pour occuper un espace dédié ; le caractère inframince d’une sculpture qui se déploie horizontalement jusqu’à se confondre avec les données matérielles du sol pour en révéler les propriétés topographiques, qui les dévoile en les recouvrant ; le choix d’éléments combinatoires arrangés spécifiquement selon le site et, enfin, l’expérience esthétique dont relève l’installation, tout à fait radicale, où le destinataire de l’œuvre devient un arpenteur mis en scène par le dispositif et la chorégraphie qui en découle.

L’autre œuvre cardinale qui marquera durablement Carl Andre, à la suite de la Colonne sans fin, est Hankchampion11, une sculpture réalisée par Mark di Suvero, à propos de laquelle Donald Judd relèvera « une énergie, une complexité patente impressionnantes » et une « puissance peu commune » (2005, p. 22). La pièce est en effet un assemblage rythmé de poutres et de chaînes qui partitionnent l’espace, reconduisant sans cesse le point de vue du spectateur et ses déplacements. La sculpture de Mark di Suvero, note Andre (Norvell, 1969, p. 8), est assemblée in situ, c’est une sculpture constructive, c’est-à-dire qui procède structurellement par aboutements et emboîtements et peut se développer à des échelles importantes pour établir un rapport au spectateur que n’auraient pas des œuvres réalisées en atelier (déplacées ensuite sur le lieu d’exposition) et, surtout, qui s’affranchit du socle pour ouvrir l’espace à des interconnexions, des a-ménagements peu envisageables jusque-là. La sculpture est à penser comme un entrelacement de l’espace d’exposition, de l’œuvre et du spectateur, l’œuvre est ainsi un trajet plutôt qu’un objet, elle met en tension l’espace, le vectorise, elle est passage12. L’ouverture qu’elle instaure situe l’expérience du spectateur au cœur même du lieu, de ses spécificités — ce que Michel de Certeau qualifie comme une « configuration instantanée de positions13 » — et de ce qui fonde l’origine de toute perception de l’espace dans ses phénomènes les plus complexes comme les plus élémentaires. Bien plus qu’un modèle formel qui serait redéployé dans l’œuvre d’Andre, Hankchampion inaugure la possibilité d’une sculpture qui ouvre le lieu d’exposition à ses modalités spatiales et matérielles, les rend problématiques pour le visiteur qui en fait l’expérience.

D’autres champs référentiels peuvent être simplement évoqués pour compléter la compréhension de la sculpture d’Andre et la constitution de l’espace qu’elle engendre. D’une part l’attrait de l’artiste pour les sites mégalithiques (Stonehenge, Avebury) et leur dimension cosmologique, d’autre part les friches industrielles, les espaces périphériques des villes et les structures qu’ils dévoilent. La ville de Quincy, sa ville natale, devient ainsi un motif d’étude photographique déployée sous forme de livre, le Quincy Book14, un livre qui présente la particularité de montrer l’envers de ce qui s’édifie, à partir des sites industriels photographiés dans leur brutalité, où terre et ciel polarisent leur présence selon des propositions plastiques à la fois constructives et entropiques. Les lieux, les structures et le sol en tant que substrat matériel sont autant de données fondamentales qui sont dès lors à considérer comme données existentielles phénoménales, données concrètes à partir desquelles l’habiter humain et ses multiples déclinaisons peuvent se penser :

Les espaces que nous parcourons journellement sont « ménagés » par des lieux, dont l’être est fondé sur des choses du genre des bâtiments. Si nous prenons en considération ces rapports entre le lieu et les espaces, entre les espaces et l’espace, nous obtenons un point de départ pour réfléchir à la relation qui unit l’homme et l’espace. (Heidegger, 1958, p. 185-186)

Il est à ce titre éclairant de revenir sur les écrits de Carl Andre, publiés sous le titre Cuts, un ouvrage qui couvre une période de plus de quarante ans, s’échelonnant de 1959 à 2004. Les textes permettent en effet d’inscrire l’œuvre dans une pensée conceptuelle de l’espace et de la sculpture. L’insistance sur le « là » plutôt que le « quoi » de l’œuvre rend explicite le désintéressement d’Andre quant à l’« objectité » d’un certain champ de la sculpture, et surtout la primauté du site à partir duquel elle se déploie, une géographie spécifique à chaque fois renouvelée par les lieux possibles d’exposition. La notion de « place » qui traverse toute l’œuvre de l’artiste est peut-être à penser alors comme la production d’un intervalle, un espace ouvert par la sculpture à partir du lieu d’accueil dans lequel elle prend son élan, espace où s’articule matière et corps. L’œuvre serait à envisager ainsi comme une localité15, où s’agence le site du « visiteur », un champ spatial où peut se vivre tout à la fois l’expérience d’un déplacement et d’un contact, le lieu de kinesthèses complexes mais primordiales. Un corps est en effet « constitué en tant que schème sensible par le sens tactile et le sens visuel, et chaque sens est sens grâce à une liaison aperceptive (apperzeptive) des datas sensibles correspondants avec des datas kinesthésiques » (Husserl, 1908, p. 348), il se constitue « dans une orientation, et cela comporte d’abord […] que tout corps est intuitivement donné dans une sorte de “qualité”, dans une “place” qui a ses variations et ses dimensions » (ibid., p. 347). Saisir l’œuvre de Carl Andre c’est faire l’expérience d’un contact physique, presque charnel, avec les pièces disposées au sol, sur lesquelles on marche, c’est « s’approcher de la chose jusqu’à un écart nul » (ibid., p. 163), une expérience rendue possible par l’exposition du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (voir les œuvres en ligne).

Penser et définir la sculpture comme place, c’est envisager les relations et les rapports qu’elle institue, c’est penser son ancrage au sol et sa puissance de fondation, l’œuvre d’Andre est à ce titre comparable aux premières inscriptions symboliques d’habitation humaine puisqu’elle en est, en quelque sorte, une continuation qui en porte la permanence. C’était le cas avec Lament for the children16, installée dans l’une des dernières salles du musée, où cent bornes de béton d’un peu plus de quarante centimètres de hauteur, s’apparentant à des stèles, marquaient le sol en le quadrillant selon une structure archétypale de site funéraire.

Comprendre la sculpture d’Andre, c’est envisager l’ouverture de l’espace à sa constitution :

L’espace est une multiplicité infinie de places possibles et offre ainsi un champ de possibilités de mouvement infiniment nombreuses. Chaque chose est, a priori, en tant que corps spatial rempli, mobile, et in infinitum ; donc la possibilité doit être a priori garantie, qu’un mouvement soit donné, c’est-à-dire accède à l’exposition. (Husserl, 1908, p. 152)

Son œuvre place toute personne qui en fait l’expérience face à ce qui fonde notre habiter humain, à des existentiaux, où les universaux tels que le sol et le ciel — dont l’axiologie est déjà situation pour l’être humain — sont mis en tension, une mise en tension que produit toute édification et dont la sculpture procède essentiellement.

Une première donnée phénoménologique de la sculpture d’Andre serait le champ sensori-moteur qu’elle déploie : la sculpture se marche17, elle est connexion d’espaces. Elle est un paysage où, pour reprendre les mots d’Erwin Straus, « nous sommes dérobés au monde objectif mais aussi à nous-mêmes » (2000, p. 382-383). Le dispositif d’exposition proposé pour la rétrospective au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris prolongeait et amplifiait Lament for the children, et permettait d’en faire cette expérience, puisque chaque sculpture fonctionnait dans sa relation aux autres, par empiètements visuels et spatiaux successifs, prolongeant le regard et le renouvelant par la reconduction des déplacements nécessaires à la découverte de chacune des sculptures : « Ce que la sculpture forme plastiquement, ce sont des corps. Leur masse, consistant en divers matériaux, est multiplement façonnée. Le façonnement a lieu en une délimitation, qui est inclusion et exclusion par rapport à une limite. De ce fait, l’espace entre en jeu. » (Heidegger, 1976, p. 269) Appréhender l’œuvre d’Andre, c’est faire l’expérience d’un lieu, soit un système de relations spatiales, un tout dont les relations mettent en évidence, plutôt qu’une occupation de l’espace par des volumes constitués, des coupures produites par les différences de présences, et qui sont autant de réserves à investir de la part du visiteur, des rythmes qui scandent la marche et la découverte des œuvres.

L’installation pourrait alors être envisagée en tant que mi-lieu, c’est-à-dire en tant que système complexe de relations. Si Andre se défend de produire une sculpture architectonique, il insiste toutefois sur l’importance de la situation spatiale du spectateur : se trouver au cœur de la sculpture, ou bien encore la parcourir, ainsi fonctionne l’œuvre, elle est un connecteur, elle est différenciation d’espaces : « Je dois faire une différenciation nette entre les notions de place et d’environnement […]. Ce qui m’intéresse, c’est la démarcation d’un espace à l’intérieur d’un environnement et sa différenciation, je ne cherche pas à surajouter un décor autour de la personne […]. Je suis bien plus intéressé par la démarcation que par l’enveloppement18. » (Sylvester, 2001, p. 275-282)

Parcourir la sculpture agencée en ensemble structuré — mais sans doute est-ce valable pour toute œuvre appartenant au registre de l’installation —, c’est mesurer l’échec de toute représentation pour rendre compte de cette expérience. C’est d’autant plus le cas ici que l’œuvre peut paraître anti-spectaculaire et difficilement réductible à des représentations photographiques, et cela malgré des focales possibles sur ce qui en fait la teneur, comme par exemple l’occupation et la structuration de l’espace d’exposition. La présence des sculptures choisies pour la rétrospective au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MAM de Paris) met en défaut quiconque cherche à réduire son effet à des modalités scénographiques (voire théâtrales) aussi efficaces soient-elles. Il faut donc s’attarder davantage sur les effets de présence que la sculpture institue, présence relative à celle du destinataire qui en fait l’expérience puisque les enjeux de l’œuvre reposent sur le plein investissement du champ sensori-moteur spectatoriel. Présence, proximité et dé-loignement pourraient être ainsi des concepts opérants pour approcher la puissance d’une sculpture qui mine toute représentation : la sensation d’inépuisable point de vue est démultipliée, alternant perspectives, ouvertures et stations où le corps est susceptible de s’ancrer. La présence spatiale orientée des objets proposés par l’artiste conditionne la nôtre et partant, les conditions d’existence d’un spectateur. Être présent à l’œuvre, c’est être là en se tenant dans une différence ontologique : « Au-delà de notre perception de chose appartient la position spatiale de l’objet par rapport au Je centre spatial, comme centre de relation de toutes les orientations spatiales, de toutes les expositions possibles (c’est-à-dire co-appréhendé dans toutes les expositions). » (Husserl, 1908, p. 163)

Comment rendre compte de ces présences, de ces trajets, de cette qualité spécifique d’apparaître de la sculpture ? L’ensemble est bien plus que l’addition simple des parties et l’installation met en évidence des correspondances produisant une unité plastique complexe formée par le couple spectateur-sculpture.

On a caractérisé l’apparition comme l’unité des contenus exposants et de l’appréhension, cette unité comprise, naturellement non comme une somme ou une dualité liée, mais comme une unité très intime, que nous avons cherché à caractériser par le mot d’« animation » : les contenus exposants n’existent pas à part, avec, surajouté et s’adaptant à eux, le caractère d’appréhension ; c’est au contraire l’appréhension qui leur donne un sens qui les anime, c’est en lui exclusivement et entièrement qu’ils se tiennent là. (Husserl, 1908, p. 176)

Il y a cependant une structure qui organise l’ensemble des œuvres choisies, structure qui pourrait trouver un équivalent dans le plan proposé lors de la rétrospective, où l’on décelait à travers une certaine répartition de l’espace des circulations, mais qui annulait cependant les dénivelés propres aux différentes œuvres. Une coupe topographique du dispositif d’exposition aurait sans doute complété le plan, permettant alors de révéler les différences de hauteurs des sculptures, d’en apprécier les différences de coexistences d’échelle.

Ce qu’on peut toutefois comprendre avec le plan de l’exposition, c’est l’articulation des pièces entre elles à partir de leur implantation respective, les coupures qu’elles produisent dans l’espace, les relances spatiales d’une sculpture à une autre. Le diagramme tracé par Carl Andre le 13 avril 1970, intitulé Three Vector Model19, pourrait également compléter cette approche structurelle de l’œuvre. Aux trois directions sont associées des coordonnées x, y, z qui définissent des vecteurs « subjectif », « objectif » et un vecteur « économique » (que l’on peut traduire plus largement par conditions matérielles). Leurs croisements et rencontres délimitent un espace triangulaire, le lieu de l’œuvre, « en puissance ». On peut ainsi repérer quelques principes structurels à partir du diagramme qui nous permettent d’appréhender les questions d’espace et d’installation dans l’œuvre du sculpteur américain. Premier principe, le vecteur qui, en plus d’indiquer une direction, met en tension les marges et les bords, rend l’espace dynamique et produit déjà un trajet. Ce phénomène de vectorisation était perceptible dès la première salle de l’installation du MAM de Paris avec une pièce disposée au sol, intitulée Lever (1966), une sculpture composée de cent-trente-sept briques réfractaires juxtaposées sur leur champ et disposées selon une ligne placée à la perpendiculaire contre le mur de l’espace d’exposition. Cette pièce projetait d’emblée le regard au-delà du champ visuel qui nous était donné au premier abord (un hors-champ phénoménal). Le champ visuel se resserrait et se condensait à partir de la sculpture verticale Pyramid Square Plan20 placée en opposition, dès l’entrée pour aller vers le fond de la salle, orienté par Lever. Par un principe d’opposition simple, la mise en rapport de ces deux sculptures fondait la situation spectatorielle du visiteur.

La sculpture de Carl Andre procède ainsi par marquages et fondations, selon des orientations cardinales où verticalité et horizontalité déterminent spatialement et symboliquement notre humaine condition, orientations qui définissent, selon Augustin Berque, « l’évidente spatialité de la scène primitive21 ». Ce qui rend possible toute nouvelle constellation d’expériences est sans doute l’extrême simplicité des lignes et des formes déployées, le minimalisme des sculptures qui ponctuent l’espace d’exposition, leur substrat matériel élémentaire et homogène. À charge pour le spectateur d’investir physiquement les places que ménage la sculpture et d’éprouver corporellement, par les déplacements, cet élémentaire ancrage. Mais revenons à la structure même de l’installation des œuvres au MAM de Paris, et essayons de voir comment l’exposition se constituait en installation.

Trois espaces principaux se différenciaient malgré l’absence de séparation clairement marquée et le visiteur pouvait expérimenter, par ses déplacements, le continuum d’une série de pièces scandé par des stations (arrêts/pauses), rendant l’ensemble tout à fait unitaire. Aucune progression véritable ne régissait l’agencement des sculptures, qui était plutôt le lieu possible de trajets, de retours, d’arrêts. La disposition des sculptures les unes par rapport aux autres, leur situation dans l’espace d’exposition, les qualia sensibles de leurs gradients spatiaux, toutes ces discontinuités qualitatives essentielles déterminaient la perception de l’exposition dans sa profonde unité.

Verticalité et horizontalité des sculptures se conjuguaient pour se relancer mutuellement et reconduire l’expérience du spectateur du site même de l’exposition. La sculpture d’Andre nous rend ainsi plus « attentif au site » :

Comme lieu du recueil, le site ramène à soi, maintient en garde ce qu’il ramène, non pas sans doute à la façon d’une enveloppe hermétiquement close, car il anime de transparence et de trans-sonance ce qui est recueilli, et par là seulement le libère en son être propre. (Heidegger, 1976, p. 41)

On comprend qu’à partir de cette perception du site l’expérience d’un corps orienté devient possible. Appréhender le site c’est commencer par apprécier les topographies de l’exposition et en faire l’expérience comme une installation, c’est mesurer, par nos déplacements, en articulant vue et toucher, les différences entre le plan d’immanence du sol et tout départ que constitue la verticalité, du plus léger relief des pièces au sol aux sculptures plus imposantes qui fonctionnent comme des gradations progressives, par paliers ou empilements.

  • 8005 Mönchengladbach Square, Mönchengladbach, Allemagne de l’Ouest, 1968. Acier laminé à chaud, 36 éléments carrés de 0,8 x 50 x 50 cm chacun, 0,8 x 300 x 300 (dimensions totales). MJS Collection, Paris.

  • Steel-Aluminium Square, Düsseldorf, 1969. Acier, aluminium, 100 éléments carrés de 1 x 20 x 20 cm chacun, 1 x 200 x 200 cm (dimensions totales). Collection particulière Konrad Fischer, Düsseldorf.

  • Magnesium-Magnesium Plain, New York, 1969. Magnésium, 36 éléments carrés de 96,5 x 30,5 x 30,5 cm chacun, 0,965 x 182,9 x 182 cm (dimensions totales). Collection particulière.

L’ensemble de l’exposition peut alors se décomposer en autant de strates qui sollicitent continuellement des hauteurs de visions différentes dues aux décalages par rapport au sol, mais également des hors-champs qui sont impliqués par les directions que donnent les sculptures à l’espace. Elle implique la mesure des distances, chaque sculpture par son emplacement, son ici, et par la différence d’emplacement qui lui est propre, fonde des relations de distance que le visiteur peut éprouver comme constitutive d’une profondeur, la plus existentielle des trois dimensions selon Maurice Merleau-Ponty, puisqu’elle « annonce un certain lien indissoluble entre les choses et moi par lequel je suis situé devant elles, tandis que la largeur peut, à première vue, passer pour une relation entre les choses elles-mêmes où le sujet percevant n’est pas impliqué » (1945, p. 296). Cette implication du sujet percevant dans la constitution phénoménologique de la profondeur semble être au cœur de l’installation de Carl Andre, par les différentes structurations du lieu qu’elle implique.

Il y a tant de propriétés que les matériaux peuvent véhiculer lorsqu’on marche sur ceux-ci : des choses telles que la sonorité d’une œuvre et le sens développé par le toucher, pour ainsi dire. Je crois vraiment que l’on peut apprécier la sensation de masse et ce n’est pas une extrapolation de ma part. Mais je pense que l’être humain est doté d’un sens subtil pour détecter les différences de masse entre des matériaux d’apparences pourtant similaires […]. Se tenir au milieu d’un carré de plomb donnera une sensation radicalement différente que celle obtenue lorsqu’on se trouve au milieu d’un carré de magnésium22. (Tuchman, 1970, p. 56)

Ces différences de degré et de nature dans la perception de la sculpture placée au sol focalisent l’expérience esthétique sur la matérialité en tant que telle. Elle est une donnée incontournable dans la perception de la sculpture comme place, puisqu’elle définit les espaces qu’elle occupe tout en effrangeant leurs limites. C’est parce que l’on peut marcher sur ces pièces disposées à l’horizontale qu’il est possible d’accéder à une expérience sensible de la masse, en articulant vue et toucher dans les déplacements auxquels nous convie la sculpture installée23. La perception de la couleur, de son étendue, de sa luminance, de son intensité, intervient également dans la sensation que l’on éprouve lorsque l’on parcourt ces pièces disposées au sol et que l’on s’y trouve immergé. Ce qui agit également en faveur de ces différentiels de sensations, c’est la densité des matériaux employés par le sculpteur, l’épaisseur des plaques que l’on perçoit par le contact que l’on en a avec les pieds, la sonorité qui nous renseigne sur la matérialité de l’espace que l’on franchit ou que l’on parcourt, des choses infimes en définitive. Faire l’expérience perceptive de cette masse, c’est faire l’expérience d’un empiètement des sens.

La sculpture de Carl Andre, à travers ses dispositifs d’installation, est un éloge de la matérialité et de ses propriétés intrinsèques. En exposant les matériaux tels quels sans considération figurale, c’est-à-dire selon l’économie formelle de leur simple étendue spatiale, leur matérialité est révélée. Déployer les matériaux selon des plaques ou des blocs identiques qui se combinent, c’est rendre à sa pleine manifestation la matière en tant que telle et exposer ses qualités sensibles que sont couleur, textures, sonorité… masse, sans altération.

Conclusion

C’est avec cette prise en compte de la matérialité de la sculpture que nous conclurons pour ouvrir la réflexion à la spatialité du jardin japonais. L’œuvre de Carl Andre y trouve, en effet, des correspondances signifiantes, notamment dans la manière de concevoir ou d’articuler les espaces, de mettre en œuvre la matière, de la rendre à sa pleine présence. Cela, malgré une différence évidente entre une installation qui ne subit aucune altération temporelle et un espace où l’artifice de la nature expose le visiteur aux changements et aux cycles des saisons. Nous finirons avec la définition que donne Horiguchi Sutemi du jardin japonais, la conception plastique de l’espace qu’il en donne et qui détermine toute contemplation :

Lorsque l’on saisit l’expression du jardin en tant que réunion spatiale, le jardin apparaît alors en tant qu’élément plastique. La réunion spatiale c’est la nature qui est incluse dans le jardin, la nature qui se prolonge à l’extérieur et, en dépassant ainsi la nature brute, ce qui permet de construire un monde visible. Lorsque l’on regarde un jardin, qu’on le considère comme une œuvre d’art, c’est qu’on se place dans un état d’esprit nommé contemplation dans un au-delà éloigné de la réalité brute24.

Les installations de Carl Andre nous invitent à cet état méditatif, à la fois de pleine conscience de la présence des choses et de ce qui constitue leur environnement.

Bibliographie

Andre Carl, 2005, CUTS – Texts 1959-2004, Cambridge, MIT Press.

Berque Augustin, 2014, « Existence humaine et spatialité », dans B. Jacquet, Ph. Bonin et N. Masatsugu (dir.), Dispositifs et notions de la spatialité japonaise, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, p. 105-118.

Certeau Michel de, 1990, L’Invention du Quotidien, 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais ».

Gether Christian, 1991, « Interview med Carl Andre », Sculpture & Poesi, exh. cat. Vestsjaellands Kunstmuseum, Sorø, Danemark.

Heidegger Martin, 1958, Essais et conférences, traduit par A. Préau, Paris, Gallimard.

Heidegger Martin, 1976, « La parole dans l’élément du poème », dans Acheminement vers la parole, traduit par J. Beaufret, W. Brokmeier et F. Fédier, Paris, Gallimard.

Heidegger Martin, 1976, Questions III et IV. L’art et l’espace, traduit par J. Beaufret, F. Fédier, J. Hervier, J. Lauxerois, R. Munier, A. Préau et C. Roëls, Paris, Gallimard.

Heidegger Martin, 1986, Être et Temps [1927], traduit par Fr. Vezin, Paris, Gallimard.

Heidegger Martin, 1999, Chemins qui ne mènent nulle part, traduit par W. Brokmeier, Paris, Gallimard.

Husserl Edmund, 1908, Chose et espace. Leçons de 1907, traduit par J.-F. Lavigne, Paris, PUF, coll. « Épiméthée ».

Judd Donald, 2005, Complete Writings 1959–1975, « In the Galleries », Halifax / New York, Press of the Nova Scotia College of Art and Design / New York University Press.

Krauss Rosalind, 1997, Passages. Une histoire de la sculpture de Rodin à Smithson, traduit par C. Brunet, Paris, Éditions Macula.

Merleau-Ponty Maurice, 1945, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.

Merleau-Ponty Maurice, 2010, Le Visible et l’Invisible, dans Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Quarto ».

Norvell Patricia, 1969, Interview with Carl Andre, June 5, 1969, published in Eleven Interview’s, master’s thesis, Hunter College.

Straus Erwin, 2000, Du sens des sens. Contribution à l’étude des fondements de la psychologie [1935], traduit par G. Thinès et J.-P. Legrand, Grenoble, Millon.

Sylvester David, 2001, Interviews with American Artists, Londres, Chatto and Windus.

Takahiro Taji, 2014, « Du pavillon de thé au jardin : l’existence de la nature chez Horiguchi Sutemi », dans B. Jacquet, Ph. Bonin et N. Masatsugu (dir.), Dispositifs et notions de la spatialité japonaise, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.

Tuchman Phyllis, 1970, « An Interview with Carl Andre », Artforum, vol. VIII, no 10, juin 1970, p. 56-61.

Notes

1 Sculpture as place / Rétrospective au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du 18 octobre au 12 février 2017. Retour au texte

2 « My concern in sculpture has always been mass, not volume. Hence I have never bothered with that Minimal stereotype, the box. » Traduction française avec l’aide précieuse d’Anne Prot. Retour au texte

3 Il ne s’agit pas de l’origine de l’œuvre d’art mais de Être et Temps. Retour au texte

4 « Then I saw them all combined with their earth-driving, entering pedestals that were of an entirely different nature. So Brancusi, to me, is the great link into the earth and the Endless Column is, of course, the absolute culmination of that experience. They reach up and they drive down into the earth with a kind of verticality which is not terminal. Before that, verticality was always terminal: the top of the head and the bottom of the feet were the limits of sculpture. Brancus’is sculpture continued beyond its vertical limit and beyond its earthbound limit. It drove into the earth. […] He definitely did combine particles in building up these pedestals which was, for me, the great interest in his work—that those pedestals were the culmination of the materials. » Traduction française avec l’aide précieuse d’Anne Prot. Retour au texte

5 Nous faisons ici référence au site de Târgu Jiu et à la dernière version de La Colonne sans fin qui fonctionne comme axe du monde. Retour au texte

6 Sawn Wood Exercise, Quincy, Massachussetts, 1959, bois. Retour au texte

7 « Horizontality is for me a more efficient distribution of matter than verticality. A road ten kilometers long is quite common. A tower ten kilometers high does not exist. » Traduction (avec l’aide précieuse d’Anne Prot) : « L’horizontalité est pour moi une distribution de matière beaucoup plus efficace que la verticalité. Une route de dix kilomètres est tout à fait habituelle. Une tour de dix kilomètres de hauteur n’existe tout simplement pas. » Retour au texte

8 « All my works have implied, to some degree or another, a spectator moving along them or around them. Even things like my early pyramids very much only revealed themselves when you walked around them. This is really a sense of scale—it’s the opposite of coffee-table size sculpture as jewelry. You don’t have to walk around them. You can turn them with your hand or you can grasp the whole thing at once. » Traduction (avec l’aide précieuse d’Anne Prot) : « La totalité de mes travaux impliquent à différents degrés, qu’un spectateur se déplace le long des pièces ou alors autour de celles-ci. Mêmes des pièces comme mes toutes premières pyramides ne se révèlent pleinement que lorsqu’on en fait le tour. C’est vraiment l’appréhension de l’échelle dont il s’agit — et donc à l’opposé d’une conception de la sculpture de la taille d’une table basse tel un ornement. Vous n’avez pas à marcher autour de celle-ci. Vous pouvez la déplacer avec votre main ou saisir la totalité en une seule fois. » Retour au texte

9 Bâle, Wenkenpark, 1980, trois cents pièces d’acier laminé à chaud. Retour au texte

10 L’œuvre était composée de cent éléments de 0,50 x 50 x 50 cm, pour une surface totale de 0,50 x 250 x 1000 cm. Retour au texte

11 Whitney Museum of American Art, New York, 1960, bois, chaînes, 203,2 x 383,5 x 284,5 cm. Retour au texte

12 Voir à ce sujet l’ouvrage majeur de Rosalind Krauss, 1997. Retour au texte

13 « Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. S’y trouve donc exclue la possibilité pour deux choses, d’être à la même place. La loi du “propre” y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des autres, chacun situé à un endroit “propre” et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité. » (Michel de Certeau, 1990, p. 172-173) Retour au texte

14 Addison Gallery of American Art, 1973. Retour au texte

15 « Espacer, cela apporte la localité (Ortschaft) qui prépare chaque fois une demeure. » (Martin Heidegger, 1958, p. 364) Retour au texte

16 Lament for the children, New York, 1976 (détruite), Wolfsburg, Allemagne, 1996 (reconstruite), béton, cent éléments de 45,7 x 20,3 x 20,3 cm chacun, pour une surface totale de 45,7 x 1117,6 x 1117,6 cm. Retour au texte

17 En effet, le spectateur doit marcher sur les sculptures pour pouvoir appréhender la spécificité des œuvres de Carl Andre. Retour au texte

18 « I should make clear the differentiation I have between place and environment. Environment we have continually, so I would say that place is an aspect of environment that is differentiated from environment. The earth itself is a complete environment: all living creatures are contained within this environment. I think a lot has been called environmental art is actually a kind of art of décor […]. I’m interested in differentiating one area within an environment from all the rest of it and not trying to surround a person with a décor at all. […] I’m much more interested in differentiation than in envelopment. » Traduction française avec l’aide précieuse d’Anne Prot. Retour au texte

19 Ce diagramme, réalisé en 1975, a été publié dans Between Man and Matter pour la 10e Biennale de Tokyo au Japon. Retour au texte

20 1959, pin blanc, soixante-quatorze éléments. Retour au texte

21 « Ce qui attirera davantage notre attention est l’évidente spatialité de la scène primitive : le lieu sacré d’un rite par lequel l’enfant advient à l’existence humaine. » (Augustin Berque, 2014, p. 107) Retour au texte

22 « There are a number of properties which materials have which are conveyed by walking on them: there are things like the sound of piece of work and its sense of friction, you might say. I even believe that you can get a sense of mass, although this may be nothing but a superstition which I have. But I believe that man is equipped with a subtle sense of detecting differences in mass between materials of similar appearance but with different mass. […] Standing in the middle of a square lead would give you an entirely different sense than standing in the middle of a square of magnesium. » Traduction française avec l’aide précieuse d’Anne Prot. Retour au texte

23 « Il y a un relèvement double et croisé du visible dans le tangible et du tangible dans le visible, les deux cartes sont complètes et pourtant elles ne se confondent pas. » (Maurice Merleau-Ponty, 2010, p. 1759-1760) Retour au texte

24 Horiguchi Sutemi, cité par Taji Takahiro, 2014, p. 243. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jérôme Dussuchalle, « Approche de la sculpture de Carl Andre au regard d’une phénoménologie de l’espace et du lieu », IRIS [En ligne], 40 | 2020, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1213

Auteur

Jérôme Dussuchalle

Professeur agrégé en arts plastiques, Docteur en arts plastiques et sciences de l’art, sculpteur

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