Échelles du cerveau et dynamique des images chez Gilbert Simondon

  • Brain Scales and the Dynamics of Images according to Gilbert Simondon

DOI : 10.35562/iris.1608

p. 139-157

Résumés

Cet article interroge les échelles multiples à travers lesquelles nos imaginaires scientifiques actuels cadrent et cartographient les activités de notre cerveau. Le réduit-on à l’encéphale ? au système nerveux qui le nourrit de stimuli, depuis les doigts jusqu’aux talons ? aux réseaux de communication qui alimentent nos sensations d’images et de sons venant des quatre coins de la planète ? La façon dont Gilbert Simondon modélise la dynamique transindividuelle des images dans son cours sur l’imagination et l’invention offre des ressources encore insuffisamment exploitées pour nous aider à imaginer notre cerveau individuel comme un nœud formé de lignes s’étendant bien au-delà de nos personnes corporelles. Notre cerveau apparaît alors tout autant comme un lieu occupé (au sens militaire) par les images qui circulent à travers nous que comme un lieu d’émergence d’images inédites.

This article questions the multiple scales though which our current scientific imagination frames and maps our brain’s agency. Do we focus exclusively on the chestnut-shaped organ located inside of the skull? Do we extend it to the whole nervous system, from the toes to the fingertips? Why not include the network of wires which fuels our senses with sensations, coming from the four corners of the world? The way Gilbert Simondon conceptualises the transindividual dynamics of images, in his course on Imagination and Invention, helps us envision our individual brain as a knot within a meshwork of lines extending a long way beyond the limits of our individual body. Under this light, our brain appears as much as a place of “occupation” (in the military sense), invaded by the flows of images which circulate through us, as a place of emergence for innovative ideas.

Plan

Texte

On peut classer les imaginaires du cerveau en fonction de l’échelle qu’ils reconnaissent à leur objet : où découpent-ils le continuum de la réalité pour y reconnaître « un cerveau » ? Aux frontières de la boîte crânienne ? Aux filaments de notre système nerveux, s’étirant jusqu’aux bords de notre peau ? Aux réseaux de câbles et de microprocesseurs qui relient nos subjectivités entre elles ? Un tel cadrage n’est bien entendu pas indifférent. Il a de nombreuses conséquences épistémologiques, mais aussi éthiques et politiques. Imaginer la société elle-même sous la figure d’un grand « cerveau collectif », comme invitait par exemple à le faire Gabriel Tarde dès 1890, relève certes d’une métaphore un peu facile, certainement discutable et partiellement trompeuse ; cela peut toutefois nous aider à problématiser ce que, grâce au vocabulaire développé par Gilbert Simondon, on peut considérer comme les modes d’individuation de nos cerveaux humains.

Après une première partie essayant de distinguer cinq échelles utilisées dans les imaginaires du cerveau actuellement disponibles autour de nous, je m’inspirerai de la théorie du cycle des images, proposée par Simondon (2008) dans son cours sur Imagination et invention, pour tenter de comprendre plus précisément en quoi il peut être pertinent d’imaginer nos cerveaux comme des entités essentiellement transindividuelles et collectives. Je conclurai avec quelques suggestions concernant les implications et les limites des imaginaires « post-humains » du cerveau suscités par certains développements récents des neurosciences.

Du cerveau céphalique au corps corticalisé

Dans la représentation qu’en a donnée récemment Denis Le Bihan afin d’initier son lecteur à « ce que nous révèle la neuro-imagerie », le cerveau est un organe très particulier du corps humain qui « pèse près d’un kilo et demi en moyenne », faisant « partie d’un ensemble plus vaste, l’encéphale, qui comprend aussi le tronc cérébral par où passent les voies de communication avec la moelle épinière (certains neurones partis du cerveau et se rendant à l’extrémité de la moelle font plus d’un mètre de longueur…) » (Le Bihan, 2012, p. 11). La majorité des images somptueuses proposées et discutées par l’auteur ressemblent à la forme familière d’un ovale irrégulier, composé de deux hémisphères faits de replis multiples distingués en zones, où l’on verra apparaître des couleurs diverses selon les manipulations auxquelles l’expérimentateur soumet les patients plongés dans son IRMf. On peut parler de cerveau céphalique pour désigner cet organe serti à l’intérieur de notre boîte crânienne, que nous imaginons mou et mouillé (wetware), parcouru d’influx électriques et d’ondes de résonances.

Cette première définition désigne toutefois explicitement son point de fuite : si le tronc cérébral « communique » avec la moelle épinière et si certains neurones font plus d’un mètre de longueur, c’est qu’on a dû découper le cerveau dans un système plus vaste pour en isoler la partie céphalique. L’appellation de « système nerveux central » désigne mieux cet ensemble continu dans lequel il a fallu trancher pour reconnaître la forme familière d’une demi-noix composée de deux hémisphères. Un cerveau ne saurait survivre ni se développer sans le corps au sein duquel il est devenu ce qu’il est — et je parlerai donc de corps corticalisé pour désigner la réinsertion du cerveau dans les continuités organiques qui en font une partie du corps humain, ce qui implique que les différentes parties du corps se trouvent cartographiées dans le cerveau1. On connaît depuis Wilder Penfield et Theodore Rasmussen (1950) la représentation sensori-motrice de notre corps, ou homoncule sensori-moteur, où nos différents membres occupent des aires plus ou moins étendues, révélant une taille disproportionnée au niveau de la bouche et des mains2. C’est sur ces travaux que se sont développés les progrès en cartographie corticale (cortical mapping) qui servent notamment dans l’examen pré-opératoire en épileptologie. C’est bien la « corticalisation » relative des différents membres du corps humain qu’illustre un tel homoncule, révélant du coup que le cerveau n’est pas réductible à ce qui tient dans la seule boîte crânienne, puisqu’il s’est incorporé les périphéries sensori-motrices du corps humain dans leurs interactions avec son environnement, y compris culturel — et qu’on ne saurait expliquer son fonctionnement observé en le séparant de cet environnement.

Cette conception d’une corticalisation du corps par le cerveau — réinscrivant celui-ci dans l’ensemble du corps animé dont il coordonne les mouvements au sein d’environnements physiques et sociaux — ne semble pas évidente pour certains partisans du courant post-humaniste, et constitue le point d’achoppement d’énormes débats contemporains. Lorsque Katherine Hayles critique « l’idéologie de la dématérialisation » sur laquelle reposeraient la majorité des discours relevant du post-humain, c’est cet imaginaire séparant le cerveau du corps qu’elle vise principalement. Montrant que le développement de la cybernétique nous a progressivement conduits à considérer les humains « comme des entités de traitement de l’information qui seraient essentiellement similaires à des machines intelligentes » (Hayles, 1999, p. 7), elle souligne à quel point les machines de Türing ou les Mind Children de Hans Moravec reposent sur l’hypothèse de la séparabilité entre un cerveau processeur d’informations (la demi-noix) et un corps réduit à l’état de prothèse (qu’un robot saura bientôt remplacer avantageusement).

Tous les fantasmes ou projets imaginant de « charger » (upload) notre conscience dans une machine informatique, fréquents chez les gurus du post-humanisme, sont fondés sur l’hypothèse d’une telle séparabilité. L’idéologie de la dématérialisation ne tient pas tant à ce que la matière du cerveau puisse être traduite sans reste en termes de pure information : elle implique surtout que le corps corticalisé puisse se réduire au cerveau céphalique. Cette idéologie n’est pas le seul fait d’illuminés nord-américains regroupés autour de la chapelle ésotérique de Ray Kurzweil : la question qui conclut le livre de D. Le Bihan, intitulé Le cerveau de cristal, ouvre la porte dans une direction remarquablement similaire : « “Notre” intelligence est-elle prête à se passer de notre cerveau “humide”, à se matérialiser sans nous et le support de notre corps, et à émerger dans une structure faite de semi-conducteurs à base de silicium — un pur cerveau de cristal ? » (Le Bihan, 2012, p. 208)

En se réclamant d’une théorie de la « corporation » (embodiment), Hayles souligne que notre intelligence n’est « nôtre » que dans la mesure où sa constitution est intimement liée aux contextes d’action où notre corps s’est trouvé plongé au cours de son histoire. Elle en arrive ainsi à distinguer ce qui relève du corps (body), qui pourrait à la rigueur être traduit en termes d’informations téléchargées dans un cerveau de cristal ou cartographiées sur l’écran d’un Panopticon, de ce qui relève de la corporation (embodiment), irréductible à des séquences de 0 et de 1 :

Alors que le corps peut se résoudre en information avec à peine un murmure de protestation, la corporation ne le peut pas, tant elle est liée aux circonstances de l’occasion et de la personne. Aussitôt que la corporation est reconnue, les abstractions du Panopticon se désintègrent dans les particularités de personnes particulières nichées dans des contextes particuliers. (Hayles, 1999, p. 197-198)

Du cerveau personnel au cerveau collectif

En constatant avec raison cette résistance de la corporation à sa réduction en termes d’information — et donc à sa dématérialisation puisque, comme le revendiquait Norbert Wiener, « de l’information, c’est de l’information, pas de la matière ou de l’énergie : tout matérialisme qui n’admettrait pas cela ne peut survivre de nos jours » (cité par Hayles, 1999, p. 14) —, on ouvre toutefois la porte à une autre perspective de fuite qui va rapidement nous faire excéder les frontières du corps propre auxquelles la corporation semblait originellement devoir se limiter. De même que l’imaginaire du cerveau céphalique tranchait de façon mutilante dans le tronc cérébral qui assure la communication avec le reste du système nerveux, on tranche dans la réalité des processus de corporation en isolant notre appareil sensoriel « des contextes particuliers » où ils se trouvent « nichés » (embedded). Aux violences imposées par une hypothèse de séparabilité intenable, il faut répondre par un souci d’ordre proprement écologique : de même que le cerveau céphalique n’est rien sans son environnement corporel, de même le corps corticalisé ne peut se comprendre en dehors de l’écosystème où il est appelé à se développer. Cet écosystème extra-personnel peut se décliner sur au moins trois échelles, que je vais passer brièvement en revue.

À un premier niveau, on peut observer un cerveau proxémique qui mobilise la plupart de son activité sur les relations que, pour persévérer dans son être, le corps doit entretenir avec son environnement immédiat, la niche existentielle où il a su constituer son existence. On peut ici imaginer un « homoncule territorial » — correspondant par exemple aux chambres que nous habitons le plus fréquemment — où le robinet d’eau courante, la cuisinière, le clavier d’ordinateur, l’appareil téléphonique apparaîtraient comme aussi surdimensionnés que nos lèvres et nos mains apparaissent sur l’homoncule de Penfield, du fait de l’importance des interactions que nous entretenons avec ces éléments de notre environnement. Dès lors que d’autres humains entrent dans cet espace proxémique, ils sont bien entendu appelés à être encore plus surdimensionnés : mon compagnon, mon enfant, mon patron concentrent une proportion disproportionnée de mon activité cérébrale, par contraste avec les autres objets de mon environnement proxémique (un tabouret, une charnière de porte, une mouche). Si D. Le Bihan peut faire avancer encore les performances de ses techniques d’imageries cérébrales, il parviendra bientôt à montrer la part énorme qu’occupe sans doute dans nos cerveaux le souci de nos relations avec ceux qu’on appelle, précisément, « nos proches », soulignant par là même la nature proxémique de l’activité cérébrale.

Ici encore, toutefois, le cerveau proxémique est appelé à fuir les efforts que nous pourrions faire pour le contenir dans des limites trop étroites. Nos « proches » ne sont en effet pas seulement des objets de soucis et de soins, ils sont aussi des sources de savoir et des partenaires de collaboration. Notre cerveau « communique » sans cesse avec eux, de même que l’encéphale communique sans cesse avec les neurones répandus dans la colonne vertébrale et dans nos divers points de sensibilité. Plus que de « niches » ou de « contextes », on entre alors dans l’imaginaire des réseaux, dont David Weinberger a donné récemment une description saisissante en essayant de mesurer les transformations subies par la notion même de savoir (knowledge) à l’ère du numérique :

Les changements dans l’infrastructure de la connaissance sont en train d’altérer la forme et la nature mêmes de la connaissance. Dès lors que celle-ci consiste en réseaux, la personne la plus intelligente dans la salle n’est pas celle qui se tient debout devant les autres pour leur communiquer son savoir, et elle n’est pas non plus à situer dans la sagesse collective de tous ceux qui sont dans la salle. La personne la plus intelligente dans la salle est la salle elle-même (the smartest person in the room is the room itself) : le réseau qui relie les gens et les idées dans la salle et qui se connecte avec l’extérieur. Ce n’est pas que le réseau devienne un super-cerveau conscient de soi ; c’est plutôt que la connaissance devient inséparable du réseau qui la rend possible — elle est littéralement impensable sans lui. (Weinberg, 2011, p. xiii)

Concevoir le cerveau proxémique comme the room itself, c’est d’une part réinscrire l’activité cérébrale dans le corps inorganique qui soutient son existence en la nourrissant d’une certaine quantité et qualité d’énergie, d’informations, de sensations, d’affections. De même que la constitution de mon cerveau dépend de ma corporation singulière, de même dépend-elle de ce que James J. Gibson nous a appris à reconnaître comme les affordances de notre environnement perceptuel : les caractéristiques, les saillances, les appuis qui s’offrent à nos pratiques dans ce que nous voyons, entendons, touchons autour de nous (Gibson, 1986, p. 127-144). Mais au sein d’un monde aussi intensément médiatisé que le nôtre, the room itself est inconcevable sans les canaux de connexion qui, comme la moelle épinière, permettent à notre cerveau de « se connecter avec un extérieur » potentiellement très loin de nous — lorsque je téléphone à un collègue américain, lorsque je regarde un film coréen, lorsque je skype avec un parent indien. L’intelligence de the room lui vient largement des fenêtres qui l’ouvrent sur de multiples points de (vue sur) la planète — à travers ces media que Marshall McLuhan décrivait pertinemment comme des « extensions de l’humain » en un âge « où notre système nerveux central se prolonge technologiquement au point de nous engager vis-à-vis de l’ensemble de l’humanité et de nous l’associer » (McLuhan, 1968, p. 32).

Faut-il dès lors imaginer que le cerveau proxémique soit appelé à se diluer dans un cerveau globalisé ? La réalité me paraît plus compliquée — exigeant d’identifier une échelle intermédiaire que serait le cerveau culturel. Ceux avec lesquels the room est connectée doivent parler la même langue que moi pour que nous puissions communiquer ; ils doivent partager mes codes de comportement et d’interaction, un bon nombre de mes présupposés et de mes finalités. Bref, l’échelle la plus vaste vers laquelle fuit tout effort visant à cerner l’étendue effective de mon cerveau n’est pas tant celle d’une connectivité planétaire encore très abstraite, mais plutôt celle d’environnements culturels dont certaines études récentes ont cru pouvoir montrer qu’ils tendaient à se rétrécir et à s’isoler (par effets de replis identitaires, de niches socioprofessionnelles, de néo-apartheid économique) bien plus qu’à se dissoudre.

Un des défis majeurs de notre époque consiste justement à savoir mettre en place une superposition soutenable entre une multiplicité de cultures fortement marquées par des différences substantielles et la constitution d’un véritable cerveau globalisé — encore largement hypothétique — capable d’instaurer entre ces diverses cultures le minimum de connexions nécessaires à leur coexistence, sans pour autant les dissoudre dans une vaste soupe homogénéisée sous la pression du profit marchand ou de la paranoïa sécuritaire.

Le cerveau comme zone d’occupation

En passant en revue ces différentes échelles allant du cerveau céphalique au corps corticalisé, puis du cerveau proxémique au cerveau culturel, et enfin au cerveau globalisé, j’aurais pu sans trop de difficulté faire référence au vocabulaire développé par Simondon dans son ouvrage fondamental sur l’individuation (1958/2005). Depuis les processus cérébraux microscopiques qui constituent notre intelligence en tissant des synapses entre les 100 milliards de neurones que nous avons dès notre plus jeune âge, pour passer d’une connectivité moyenne originelle de 500 à une connectivité de 10 000 à la fin de l’adolescence (Le Bihan, 2012, p. 43), jusqu’aux processus macroscopiques de connexions entre nos ordinateurs qui nous ont fait passer de 16 millions d’internautes en 1995 à un milliard en 2005 puis à 2,5 milliards en 2012 (<www.internetworldstats.com>), on peut facilement imaginer une représentation par dessins animés qui montrerait une même profusion de branchements par amplification, propagation, transduction — selon des logiques que Simondon nous a appris à repérer au cœur des processus d’individuation. Dans leurs dimensions proxémique, culturelle et globalisée, nos cerveaux sont à concevoir comme « transindividuels » (bien plus précisément que comme « collectifs »).

Plutôt qu’à essayer de traduire ces différentes échelles cérébrales dans le vocabulaire simondonien de l’individuation — travail qui ne serait certainement pas dénué d’intérêt — je vais me pencher sur sa théorisation du cycle de l’image, tel qu’il le décrit dans le cours de 1965-1966 sur Imagination et invention, afin de mieux comprendre ce qui circule au sein de nos cerveaux, dès lors qu’on ne les réduit pas à des réseaux d’influx nerveux limités à l’intérieur de la boîte crânienne, mais qu’on les replace dans l’environnement plus large (et plus réaliste) d’une room et d’une culture. Ce qui frappe dès les premières lignes du préambule de ce cours — et qui justifie d’aborder nos cerveaux comme des entités transindividuelles — c’est que Simondon nous propose un modèle de circulation où nos subjectivités ont le statut de lieux de passage bien plus que d’agents : « L’image mentale est comme un sous-ensemble relativement indépendant à l’intérieur de l’être vivant sujet. » (Simondon, 2008, p. 3) En décrivant les images mentales comme relevant d’une « réalité intermédiaire entre objet et sujet », Simondon tend à les représenter comme une force d’occupation qui persiste et se déploie dans l’être en colonisant nos cerveaux :

Pourquoi exclure comme illusoires les caractères par lesquels une image résiste au libre arbitre, refuse de se laisser diriger par la volonté du sujet, et se présente d’elle-même selon ses propres forces, habitant la conscience comme un intrus qui vient déranger l’ordre d’une maison où il n’est pas invité ? […] On ne peut gouverner [les images] que de manière indirecte ; elles conservent une certaine opacité comme une population étrangère au sein d’un état bien organisé. Contenant en quelque mesure volonté, appétit et mouvement, elles apparaissent presque comme des organismes secondaires au sein de l’être pensant. […] Par les images, la vie mentale contient quelque chose de social, car il existe des groupements, stables ou mouvants, d’images en devenir. On pourrait presque supposer que ce caractère à la fois objectif et subjectif des images traduit en fait ce statut de quasi-organisme que possède l’image, habitant le sujet et se développant en lui avec une relative indépendance par rapport à l’activité unifiée et consciente. (p. 7-9)

Ce à quoi nous invite Simondon sur la base de telles prémisses, c’est à un radical décentrement de notre perspective habituelle. Nous pensons généralement que notre cerveau saisit ou construit des images à partir des données sensorielles qui lui proviennent de son environnement, qu’il les traite (comme un ordinateur, à l’aide de microprocesseurs neuronaux), qu’il les enregistre, les catégorise et les classe selon les besoins propres à la survie du corps individualisé. Quels que soient les désaccords que peuvent développer entre eux les neurologues, psychologues, philosophes, cognitivistes, béhavioristes ou transcendentalistes, tous imaginent le cerveau comme un principe d’activité, comme l’agent des processus de connaissance ou d’imagination. En basant son approche sur le fait que « les images mentales procèdent d’un certain pouvoir, expriment une activité qui les forme, et supposent peut-être l’existence d’une fonction qui les emploie » (p. 7), Simondon déplace l’agentivité depuis le cerveau humain vers une puissance de diffusion et de circulation qui serait à situer du côté des images elles-mêmes — le cerveau n’apparaissant plus dès lors que comme une zone d’occupation.

Quel est donc ce « pouvoir » dont procède l’agentivité des images mentales ? Où le situer précisément ? Comment l’imaginer ? Comment concevoir des façons d’agir en retour sur lui, pour ne pas être soumis à ses vicissitudes incontrôlées ? Telles sont, me semble-t-il, les questions les plus importantes que nous ayons à affronter aujourd’hui au sein de nos sociétés intensément médiatisées. Les flux médiatiques nous agissent à partir du pouvoir de diffusion propre aux images, sans que nous soyons en mesure de contrôler la nature ni les effets de leur agentivité. Ce sont ces effets qui dirigent actuellement, en droite ligne et à toute vitesse, notre mode de développement insoutenable vers l’effondrement environnemental, social et psychique. La profusion spectaculaire des recherches, des ouvrages, des programmes télévisuels dédiés à nous faire comprendre le fonctionnement du cerveau céphalique ne doit pas masquer notre incapacité dramatique à imaginer le fonctionnement de nos cerveaux culturels et globalisés. Avec le changement d’échelle impliqué par la prise en considération de ces derniers, c’est une tout autre conception de l’activité cérébrale qu’il nous faut inventer — et Simondon est l’un des éclaireurs les plus précieux pour défricher ces terrae incognitae, avec bien entendu quelques autres penseurs comme Marshall McLuhan, Villém Flusser, Friedrich Kittler, Alfred Gell, Niklas Luhmann, Bruno Latour, Georg Franck, Jonathan Crary, Bernard Stiegler ou Mark Hansen.

Comment, collectivement, occupons-nous nos cerveaux individuels ? Voilà la question qui paraît éluder les imaginaires du cerveau actuellement dominants, du fait de l’hégémonie des neurosciences — et voilà la question pour laquelle la théorie simondonienne du cycle des images permet d’esquisser quelques premières pistes d’exploration.

Le corps corticalisé dans le cycle des images

Le cycle des images se déroule, pour Simondon, à travers quatre phases. Une des originalités de sa théorie est de situer la première phase en amont de toute rencontre avec l’objet dont le sujet tirera une image. Au commencement n’est pas la chose vue, ou la vision de la chose, mais un schème moteur déjà formé au sein du sujet : « […] avant l’épreuve de l’objet apporté par le milieu, l’image, comme anticipation, est riche en éléments moteurs endogènes. » (Simondon, 2008, p. 19) Dans cette première phase, qui est celle de l’image a priori, « la motricité précède la sensorialité » (p. 20) — ce qu’on peut illustrer par les lèvres du bébé qui prennent instinctivement une forme arrondie propre à téter le sein maternel avant même d’avoir jamais « vu » le moindre sein ou la moindre tétine (puisqu’il tète déjà son pouce in utero). De même, en tant qu’adulte, avant même de voir une pomme mûre suspendue à un arbre, je dispose déjà de schèmes moteurs préexistants (la saisir depuis le bas par la main, la croquer à pleines dents) qui vont pré-orienter l’interaction que j’aurai avec elle. Il est donc clair, dès cette première phase, que Simondon nous place non à l’échelle du cerveau céphalique, mais du corps corticalisé, dont les connaissances sont inextricablement sensori-motrices, indissociables de nos processus de corporation.

La rencontre avec l’objet constitue la deuxième phase du cycle, au cours de laquelle le sujet se trouve en « mode d’accueil des informations incidentes » (p. 20), ajustant ses anticipations aux données perceptives fournies par l’image a praesenti. Ici aussi, le sujet est éminemment actif : ce moment n’est pas simplement celui où la chose extérieure imposerait l’impression de sa forme sur une matière enregistreuse passive. L’image a praesenti consiste en une interaction entre les singularités respectives de l’objet et du sujet, ce dernier devant adapter ses anticipations motrices en fonction des informations qu’il doit aller chercher et accueillir activement dans sa perception de l’objet. En m’approchant de la pomme, je constaterai par exemple qu’un insecte en a détérioré la peau, entraînant un début de pourrissement qui me retiendra peut-être de vouloir la manger.

Durant la troisième phase, « après la perception, c’est l’effet affectivo-émotif, la résonance, qui prend la place prépondérante ; l’image est alors le point remarquable qui se conserve quand la situation n’existe plus » (p. 20), image-souvenir ou image a posteriori. Encore une fois, l’impression de l’image dans le sujet ne le condamne nullement à la passivité : la résonance est à concevoir comme un travail de réorganisation destiné à mettre en compatibilité la nouvelle image reçue avec celles qui lui préexistaient au sein du cerveau. La nouvelle venue doit se trouver et se faire une place qui ne génère pas de conflit avec celles qui occupaient déjà la subjectivité de l’individu en question. Comme dans la deuxième phase, il y a bien ici un travail d’accueil, d’adaptation, de réaménagement, en fonction de la forme propre qu’apporte le nouvel intrus.

La quatrième phase, qui est celle de l’invention, résulte d’un cas particulier de ce travail de résonance qui se déroule au sein de la subjectivité : si, au lieu de se ranger confortablement au milieu de ses pairs, la nouvelle image rencontre un univers mental saturé, dont l’organisation actuelle « ne peut plus accueillir l’expérience nouvelle », alors « le sujet doit modifier sa structure pour trouver des dimensions d’organisation plus vastes, plus “puissantes”, capables de surmonter les incompatibilités éprouvées » (p. 21). Alors « peut surgir l’invention qui est la mise en jeu d’un système dimensionnel plus puissant, capable d’intégrer plus d’images complètes selon le mode de la compatibilité synergique. Après l’invention, quatrième phase du devenir des images, le cycle recommence, par une nouvelle anticipation de la rencontre de l’objet, qui peut être sa production » (p. 3). Si le pommier vient d’être traité par un produit chimique, je serai peut-être amené à remarquer que le fruit a une couleur bleue, que je croyais jusque-là incompatible avec les espèces de pommes connues de moi ; le passage à une dimension supérieure consistera dans ce cas à reconnaître que les fruits que nous rencontrons aujourd’hui ne sont plus seulement des produits « naturels », mais le résultat d’altérations inquiétantes et potentiellement menaçantes.

J’ai insisté à dessein sur l’activité propre au cerveau au cours de ces quatre phases du cycle des images. Cette première description nous propose une représentation assez classique d’un effort de conscience qui 1o s’oriente dans le monde à partir de besoins et d’habitus pratiques qu’il projette sur la réalité (images a priori), qui 2o se rend attentif à des propriétés objectales dont il tente au mieux de saisir les spécificités (image a praesenti), et qui 3o s’ingénie à intégrer les différentes impressions sensorielles au sein d’une représentation du monde aussi cohérente que possible (images a posteriori). Rien de radicalement différent jusqu’ici dans ce que nous propose Simondon, dont la description peut donc parfaitement rendre compte des intuitions (largement pertinentes) de notre sens commun.

Le cerveau proxémique dans la dynamique des symboles

Une autre face du même processus, bien moins souvent mise en lumière, apparaît pourtant lorsqu’on introduit dans ce cycle la notion de symbole qui constitue un pivot de l’analyse simondonienne. Dans le Cours sur la perception de 1965, Simondon avait pris la peine de revenir à la définition étymologique des symbola qui désignaient « ces pierres que les voyageurs antiques, avant de quitter leur hôte, fendaient en deux et dont ils conservaient une moitié ; leurs descendants, pour renouer leurs relations d’hospitalité et les authentifier, rapportaient cette moitié d’un tout primitif et la rapprochaient de l’autre moitié, de manière à reconstituer l’unité rompue » (Simondon, 2006, p. 36). Dans Imagination et invention, Simondon reprend ce terme pour désigner l’image a posteriori de la troisième phase du cycle :

Nous nommerons symboles les images-souvenirs qui résultent d’un échange intense entre le sujet et une situation ; le sujet, ayant participé avec force à une action, à une situation, a donné quelque chose de lui-même à cette réalité ; en revanche il conserve une image qui est assez intense pour être comme un fragment de la réalité de la situation, et permettre en quelque mesure de la réactiver. (Simondon, 2008, p. 5)

Il convient de ralentir la lecture, parce que nous touchons ici au cœur de ce qui, chez Simondon, récuse le simplisme des images que proposent de la connaissance humaine la plupart des neurosciences et des recherches cognitivistes. Trois points sont à retenir de cette citation :

  1. Ces images-symboles qui peuplent notre cerveau ne sauraient se résumer à une somme de stimuli : elles résultent d’un échange, non entre une sensibilité et un objet isolé, mais « entre un sujet et une situation ». On doit donc impérativement passer ici du cerveau céphalique, non plus seulement au corps corticalisé, mais au cerveau proxémique, qui tisse ses réseaux synaptiques au sein d’une situation multidimensionnelle servant de niche (accueillante ou traumatique) à son développement.

  2. Cet échange entre un sujet et une situation doit être « intense » : il faut que le sujet « participe avec force à une action » pour qu’en émerge un symbole. La majorité de nos impressions sensorielles, de même que la majorité des formes que nous identifions consciemment dans notre environnement, nous traversent sans accomplir ce qui fait le propre de l’image-souvenir qu’est un symbole : « […] tout souvenir n’est pas une image. Un souvenir est une véritable image a posteriori quand il se manifeste avec une prégnance et une intensité qui lui confèrent un pouvoir organisateur. » (Simondon, 2008, p. 20) On se trouve ici au point de basculement de la théorie simondonienne : on voit encore clairement que cette intensité émotionnelle est directement liée à l’agentivité d’un sujet qui a « participé avec force à une action » ; mais on pressent déjà en quoi l’image mentale « procède d’un certain pouvoir » indépendant des intentions du sujet, en quoi elle « se présente d’elle-même selon ses propres forces ».

  3. L’intensité qui fait du souvenir une véritable image vient non seulement de la participation du sujet à une action, mais tout autant de la charge de réalité qui reste présente dans l’image, du fait que, selon la définition étymologique du symbolon, elle est « un fragment de la réalité de la situation », fragment pouvant « permettre en quelque mesure de la réactiver ». Imaginons que, sans m’inquiéter outre mesure de la couleur bleue de la pomme, je décide de la croquer, mais que l’insecticide qui a été épandu sur le verger déclenche en moi une forte réaction allergique. À l’occasion de l’expérience intense vécue dans ce verger, Simondon nous invite à penser qu’un « fragment de réalité » de cette situation s’est inséré dans mon cerveau, comme une écharde pénétrerait sous ma peau, et que l’image-souvenir garde la forme de ce fragment de réalité, de même que le symbolon garde la forme du fragment de tesson dont mon hôte lointain conserve l’autre partie.
    J’insiste sur ce point, parce qu’il va à l’encontre de toutes nos habitudes de pensée : l’image mentale n’est pas tant à concevoir comme la représentation d’une réalité passée, mais comme un fragment toujours présent et pleinement réel d’une situation disparue ; comme le précise Simondon, elle « se présente comme un échantillon d’une situation plutôt que comme souvenir d’une expérience » (Simondon, 2008, p. 20). Dans le cas que j’ai pris pour exemple, ce n’est pas seulement « mon souvenir » (subjectif) qui est réactivé lorsque je vois une pomme de couleur inhabituelle ou lorsque j’entends parler des méfaits de l’agro-industrie ; c’est l’insecticide utilisé par l’agriculteur, c’est la pression exercée sur lui par le cortège de productivisme, d’endettement et de fuite en avant techniciste qui agissent toujours en moi, au même titre qu’une écharde constitue un fragment (plutôt qu’une représentation) d’une situation passée.

Ces citations nous permettent de répondre à l’une des questions générales posées plus haut, quant à la nature de ce « pouvoir » dont procède l’agentivité des images mentales ? « Un souvenir est une véritable image a posteriori quand il se manifeste avec une prégnance et une intensité qui lui confèrent un pouvoir organisateur. » (Simondon, 2008, p. 20) L’agentivité a ici changé de bord : ce n’est plus seulement le sujet qui s’investit dans une action, c’est la situation passée qui, à travers l’image qui s’en est inscrite en moi, traduit sa prégnance et son intensité en une action (ré)organisatrice de ma subjectivité. Le modèle de la résonance affective que sollicite Simondon pour rendre compte de cette agentivité exprime parfaitement la nature transindividuelle de ces processus : une résonance n’est pas un phénomène intentionnel, elle est une propriété indissociable d’un certain son (un fragment de réalité défini par une certaine fréquence, un certain volume) au sein d’une certaine situation (définie par une certaine topographie voûtée). L’organisation se fait en moi — avec moi bien entendu, mais bien en deçà et bien au-delà de ma petite personne individuelle.

Mon cerveau apparaît effectivement comme un lieu de résonance, conformément à « ce que nous révèle la neuro-imagerie » décrite par Le Bihan, mais les résonances en question s’inscrivent désormais dans des dynamiques d’organisation transindividuelles dont ma boîte crânienne n’est qu’une minuscule chambre d’échos — comme le résume bien cette citation synthétisant tout ce qui a été mis en place dans les pages précédentes :

La densité émotionnelle et le faisceau de nuances qualitatives qui s’incorporent à [un] souvenir particulier constituent une charge, un état de système où se conservent et se condensent à la fois le mouvement spontané endogène de l’anticipation à long terme qu’était l’image a priori et la pluralité hétérogène du perçu apportée par l’expérience. Cette synthèse à proportion égale d’énergie endogène motrice et d’information venue du milieu est un symbole concret de la relation entre le sujet et le milieu ; ce mixte particulier représente un point d’insertion de l’activité mentale dans le milieu ; il condense une situation, la conserve avec son réseau de forces et de tendances, permet de la faire renaître. (Simondon, 2008, p. 20-21)

La dynamique des symboles nous permet de porter en nous, dans notre corps corticalisé, des « faisceaux de nuances qualitatives » condensés en images-souvenirs qui, d’une part, dans la perspective de nos actions futures, nous donnent accès aux réseaux de forces et de tendances qui structurent la réalité, mais qui, d’autre part, conduisent cette réalité à se reproduire à travers les résonances qui en subsistent en nous. Notre cerveau proxémique est à la fois ce qui nous permet de nous adapter aux variations de notre environnement en fonction des informations recueillies lors de nos expériences passées, et ce qui permet à notre milieu d’évoluer à travers les adaptations qu’il suscite en et à travers nous.

Le cerveau culturel dans la circulation des clichés

Que l’individu et son milieu se co-construisent à travers des phénomènes de résonances externes et internes, voilà un thème certes fréquent dans l’œuvre de Simondon, mais qui ne surprendra aujourd’hui plus personne. Les véritables enjeux de la dynamique des symboles analysée par Simondon émergent lorsqu’on passe à l’échelle supérieure, et qu’on ouvre le cerveau proxémique sur ses connexions médiatiques pour observer les résonances organisatrices de notre cerveau culturel.

Dans une section où il décrit l’image comme une « réalité intermédiaire entre le concret et l’abstrait », Simondon esquisse quelques réflexions brèves mais très suggestives à propos des images publicitaires, des phénomènes de mode et des stéréotypes culturels, que je regrouperai sous un terme qu’il emploie lui aussi dans le même passage, celui de « clichés ». Il commence cette section en soulignant le caractère « semi-concret » de l’image mentale, qui la distingue à la fois de la pensée abstraite, laquelle « est surtout un frein, un moyen de refus, elle calcule et montre les inconvénients, les conséquences lointaines », et des perceptions concrètes qui, pour leur part, « provoquent un entraînement par la situation » :

Seule l’image est en fait régulatrice, car elle est assez abstraite pour dégager le sujet des situations prégnantes et assez concrète pour fournir un échantillon ayant chance d’être fidèle. […] elle permet le choix, parce que chaque image a un poids, une certaine force, et que l’on peut peser et comparer des images, mais non des concepts ou des perceptions. (Simondon, 2008, p. 10)

Les raisonnements nous inhibent ; les perceptions nous emportent. C’est donc sur la base des images occupant notre cerveau que nous faisons nos choix et déterminons ce que les économistes appellent nos « préférences ». Et c’est la charge de réalité, les fragments de situations passées contenus dans ces images, qui leur donnent la concrétude et le poids les rendant propres à diriger nos choix.

L’intérêt de cette section vient de ce que Simondon s’y attache à un nouveau type d’images laissé jusqu’ici en marge de ses analyses : non plus les images mentales (souvenirs) qui résultent d’une situation dont j’ai eu l’expérience directe, mais les images médiatiques, matérialisées sur un support de communication, que je trouve toutes faites dans mon environnement culturel. Dans le vocabulaire développé par Stiegler (2001), on passe des rétentions primaires (images in praesentia) et secondaires (images-souvenirs a posteriori) aux rétentions ternaires (que Simondon semble appeler parfois « objets-images ») qui, à l’extérieur de nos cerveaux, dédoublent la réalité en y insérant des représentations de certains de ses fragments (sous forme de dessins, de peintures, de statues, de spectacles, de photographies, de films ou de jeux vidéo). Nous ne sommes plus ici dans le domaine du cerveau proxémique qui regarde, saisit et croque une pomme bleue, mais dans le domaine du cerveau culturel qui fait résonner cette image mentale de pomme avec les images-objets diffusées sur nos murs et sur nos écrans, où le fruit rentre en résonance avec des affiches publicitaires pour le cidre, des tableaux figurant la tentation du péché dans le récit biblique ou des logos omniprésents d’une marque de matériels informatiques.

Du fait de la circulation de telles images-objets au sein de notre environnement quotidien, notre cerveau est peuplé d’images mentales homogénéisées par les économies d’échelles permises par la reproduction mécanique à l’identique de quelques formes standardisées (le logo d’Apple). On peut désigner du nom de clichés ces formes standardisées induites par la reproduction et la circulation à grande échelle de rétentions ternaires au sein de notre médiasphère. On pourrait sans doute s’appuyer sur la théorie simondonienne du cycle des images pour dénoncer la pauvreté et l’inanité — au sens d’une absence de « charge de réalité » — qui caractérisent la plupart de telles images, comme ne manque pas de le faire avec raison Stiegler. Dans l’introduction du cours sur Imagination et invention, Simondon met l’accent sur une autre propriété de ces clichés, pour souligner à quel point ils paraissent renverser, grâce à un phénomène de boucle récursive, les relations de causalité que nous postulons habituellement entre les réalités et leurs représentations. Discutant des stéréotypes nationalistes, ethniques et racistes, il décrit sommairement les médiations à travers lesquelles une certaine réalité peut être conduite à se conformer à la représentation inadéquate qu’on a commencé par en donner :

En certains cas, il se produit un phénomène de causalité cumulative qui finit par faire exister comme attitude réelle et état social objectif le contenu d’une image stéréotypée, purement mentale et subjective à l’origine : c’est ce que montre Gunnar Myrdal dans l’importante enquête sur le statut des Noirs aux États-Unis ; les préjugés qu’ont les employeurs ou les logeurs blancs sur les qualités ou défauts des Noirs prédéterminent la possibilité de telles ou telles conduites (par exemple les professions) ; à leur tour, cette fois de manière objective, les choix professionnels prédéterminent un certain mode d’éducation des enfants, un certain niveau d’instruction et des idéaux définis ; au bout de quelques cycles d’échanges récurrents allant de l’image au réel et du réel à l’image par la perception, l’image primitive s’est réalisée et trouve dans l’état social assez de justifications pour se stabiliser. (Simondon, 2008, p. 11)

Imaginons qu’au lieu de pommes bleues, nous voyions quotidiennement des visages noirs (ou maghrébins) se livrer à des comportements violents sur nos écrans de cinéma et être arrêtés pour divers crimes aux nouvelles du soir ; imaginons que des affiches et des spots multiplient autour de nous les images de stars du cinéma (généralement de peau blanche) buvant du Nespresso, conduisant une BMW ou portant une Rolex. Dotée d’une « intense capacité de propagation », l’image ne peut « être traitée comme une pure résultante, une expression, un épiphénomène, un aspect transitoire de superstructure ; l’image est une résultante, mais elle est aussi un germe » :

Les objets-images sont presque des organismes, ou tout au moins des germes capables de revivre et de se développer dans le sujet. Même en dehors du sujet, à travers les échanges et l’activité des groupes, ils se multiplient, se propagent et se reproduisent à l’état néoténique. (Simondon, 2008, p. 13)

Qu’il s’agisse de l’image-symbole porteuse d’une forte charge de réalité ou de l’image-cliché qui se propage en conformant la réalité aux distorsions qu’elle lui impose, nous voilà revenus vers une logique de colonisation. En tant qu’ils sont connectés à des réseaux de diffusion médiatique, nos cerveaux culturels sont « occupés » — au sens aussi bien militaire que psychologique du terme — par les images auxquelles ils se trouvent exposés3. Ce sont ces forces d’occupation, grâce à leur « pouvoir organisateur », qui conditionnent nos choix et nos préférences — selon des boucles récursives et des causalités cumulatives qui nous permettent de valider, par des mesures d’audimat, des enquêtes de satisfaction, des sondages ou des farces électorales, les comportements induits par les armées colonisatrices.

Reconsidéré sous cette lumière, notre cerveau culturel n’apparaît que comme un moment infinitésimal de la circulation de clichés au sein d’une médiasphère qui constitue la seule instance explicatrice satisfaisante de comportements humains à l’aube du troisième millénaire. Tout imaginaire du cerveau qui ne réinscrirait pas ses observations, ses analyses et ses réflexions au sein de la médiasphère constitutive de nos cerveaux culturels sera conduit à nous leurrer sur les causalités réellement à l’œuvre à travers les choix opérés par nos cerveaux céphaliques4.

Interface cerveau-machine et court-circuitage de la subjectivation

Je conclurai cette lecture de Simondon sur deux remarques revenant aux imaginaires du cerveau mobilisés par les débats sur le post-humain. Un des intérêts majeurs de l’approche esquissée par le cours sur Imagination et invention me paraît être de décrire, du côté du sujet humain comme du côté des images (symboles ou clichés), une double agentivité qui se fait face, s’interpénètre, s’affecte et s’entre-nourrit incessamment. Anticipant de dix ans la théorie des mèmes avancée par Richard Dawkins dans Le gène égoïste (1976) et de plus de trente ans le grand livre consacré par Alfred Gell à l’agentivité des œuvres d’art (L’art et ses agents, 1998), Simondon décrit déjà une puissance d’agir propre aux images qui se sert des sujets humains qu’elle traverse pour exercer à travers eux un pouvoir organisateur indépendant et supérieur à leurs intentions individuelles — faisant apparaître nos cerveaux culturels comme des lieux d’occupation. Cette description n’exclut toutefois nullement l’agentivité humaine. Comme on l’a vu, les quatre phases du cycle de l’image, depuis l’anticipation motrice jusqu’à l’invention d’une dimension supérieure, rendent compte de ce que les subjectivités humaines, dans leurs efforts de corporations individuantes, peuvent produire de plus original, de plus admirable et de plus précieux.

À l’heure où l’imaginaire d’un cerveau post-humain gagne en puissance, faisant rêver nos contemporains d’uploader le contenu de leur disque dur interne dans un cerveau de cristal, substituant notre corporéité irrémédiablement singulière par des prothèses numérisées infiniment substituables les unes aux autres, il me semble important de prêter la plus grande attention aux types d’entités auxquelles Simondon accorde cette double agentivité.

Du côté humain, il parle assez systématiquement de sujet. Ce qui est analysé dans Imagination et invention, c’est le rôle des images dans l’individuation, personnelle et collective, des « sujets » humains. Le cerveau culturel est conçu ici comme résultant indissociablement de processus matériels de corporation (l’embodiment de Hayles) et de processus relevant de l’information (au sens où Wiener affirmait que « de l’information, c’est de l’information, pas de la matière ou de l’énergie »). Le processus complexe de l’individuation humaine (à travers ses couches physiques, biologiques, psychologiques et sociales) étudiée à la lumière des notions de forme et d’information (Simondon, 2005) est conçu comme un processus de subjectivation. Or, ce qui définit la subjectivation humaine, c’est non seulement sa liaison intime avec les processus de corporation, mais ce sont aussi les jeux complexes qu’elle élabore au fil de son développement avec la construction d’une image de soi — à fonction à la fois interne (ce que je m’imagine être) et externe (ce que je cherche à faire voir de moi aux autres).

D’où l’importance de situer l’agentivité qui fait face au sujet humain, et en interaction avec laquelle il tisse son devenir, du côté des images. Au moment où la neuro-imagerie est en passe de bouleverser nos imaginaires du cerveau, c’est peut-être dans la notion d’image qu’on peut aller chercher de quoi tempérer la précipitation suspecte avec laquelle de nombreux neuroscientifiques se projettent dans un avenir post-humain. Je ne relèverai ici qu’un seul aspect de cette précipitation, qui me paraît illustrer les enjeux anthropologiques des imaginaires que nous choisirons collectivement pour nous représenter le fonctionnement de nos cerveaux.

Dans Le cerveau sur mesure, Jean-Didier Vincent et Pierre-Marie Lledo consacrent de nombreuses pages, au sein d’un chapitre sur le « Cerveau augmenté », à « cette technologie que l’on nomme “interface cerveau-machine” [grâce à laquelle] il suffit d’enfiler un “casque” capable d’enregistrer notre activité mentale et de transmettre cette information vers un ordinateur qui émette une série de commandes destinées au contrôle de la machine ainsi asservie » (Vincent & Lledo, 2012, p. 164). Il va de soi que, comme ne manquent pas de le souligner les auteurs, de telles techniques suscitent des espoirs immenses pour « réparer » des handicaps ou des mutilations dont souffrent de nombreux humains, et on comprend parfaitement le sens de l’urgence et la fierté que peuvent concevoir les neuroscientifiques en contribuant à améliorer presque miraculeusement l’existence de leurs congénères grâce à leurs recherches sur « Le cerveau réparé ».

La notion même d’interface cerveau-machine pose néanmoins des problèmes considérables du point de vue anthropologique. Si rendre l’équivalent fonctionnel d’une main, d’une paire d’yeux, d’oreilles ou de jambes à un aveugle, un sourd ou un handicapé moteur constitue sans doute un profit indiscutable de telles techniques, on peut se sentir inquiété par la lecture des pages où Le Bihan, décrivant « ce que nous révèle la neuro-imagerie », évoque les techniques développées pour nous permettre de « voir le cerveau penser ». L’interface cerveau-machine est en effet appelé à fonctionner dans les deux sens : si des branchements directs entre les neurones et les machines permettent aux premiers de contrôler les secondes (pour redonner des jambes aux amputés), les mêmes branchements peuvent permettre aux machines de contrôler les neurones. Des expérimentations basées sur l’optogénétique permettent déjà de s(t)imuler et de contrôler des poils de moustaches de souris (Vincent & Lledo, 2012, p. 195). Les collègues de Le Bihan ont pour leur part réussi à « décoder les images IRMf du cortex visuel de volontaires imaginant des lettres de l’alphabet, lettres [qu’ils ont] ensuite identifiées avec une bonne fiabilité » (Le Bihan, 2012, p. 85). « Voir le cerveau penser » conduira donc rapidement à voir ce que le cerveau pense : la neuro-imagerie commence déjà à être utilisée comme détecteur de mensonge, aux États-Unis ou en Inde, même si son acceptabilité juridique fait encore problème aux yeux des cours d’appel (Le Bihan, 2012, p. 102).

On touche ici un problème nodal des enjeux de nos imaginaires du cerveau. Les dispositifs recourant à l’interface cerveau-machine produisent paradoxalement un imaginaire qui court-circuite le rôle de l’image dans le fonctionnement de nos cerveaux. Passant directement des influx électriques neuronaux aux influx électriques des microprocesseurs, ils abolissent la marge d’interprétation qui est constitutive de la subjectivité humaine, marge d’interprétation qui est étroitement associée au statut et aux fonctions de l’image dans notre fonctionnement mental. C’est précisément cette abolition parallèle et symétrique des images et des subjectivités que dénonce Hansen lorsqu’il rappelle que, contrairement à l’imaginaire déployé dans les anticipations post-humaines, une image n’est jamais simplement « donnée » sous la forme d’« information » (transmissible par câble usb), mais n’existe pour un sujet qu’activement et corporellement saisie en termes de « signification » (Hansen, 2004).

Les limites du post-humain : toute médiation est analogique

En guise de conclusion, j’esquisserai trois pistes qui me semblent fécondes pour comprendre et si possible déjouer les risques d’un tel court-circuitage, en mesurant mieux ce qui lie indissolublement nos subjectivités à la dynamique des images, telle que la décrit puissamment le cours de Simondon.

1. Toute corporation subjectivée se constitue à travers des boucles récursives passant par des projections d’images. En choisissant le terme de « corporation » pour traduire l’embodiment de Hayles, j’ai suscité des résonances qu’on aura pu juger indues avec le « corporatisme » de certains secteurs professionnels, ou avec ce que l’anglais désigne comme des corporations multinationales. Ces échos me semblent toutefois fidèles à l’approche simondonienne qui nous invite à envisager les phénomènes d’individuation aussi bien au niveau collectif que personnel. Or, ce qui caractérise les corporations humaines, c’est qu’elles passent nécessairement par des images qu’elles (se) donnent d’elles-mêmes. À travers des logos, des drapeaux, des costumes, des coutumes, des mythes ou des modes, nos millefeuilles de subjectivations superposées se constituent à chaque niveau sur ces phénomènes de boucles récursives (« causalité cumulative », feedback, bootstrapping) qui gagnent leur substance à travers la projection d’une image de soi.

2. En tant que facteur de subjectivation, l’image analogique est irréductible à de l’information numérique. Simondon insiste à faire de l’image « un analogon de la réalité extérieure » ; « l’univers mental » des images-souvenirs se constitue comme « une organisation analogique de symboles » (Simondon, 2008, p. 20-21). Cette insistance sur l’analogique me semble devoir nous inviter à distinguer fortement entre les notions de forme et d’information, ainsi qu’entre ce qui relève de l’analogique et ce qui relève du numérique. Le monde des images, nécessaire à la subjectivation humaine, est un monde essentiellement analogique, et cela parce que c’est un monde de « significations » corporées, et non de pure « information » numérisable sans reste. Toute entreprise visant à uploader le contenu de notre cerveau dans une prothèse de cristal ou de silicium repose sur l’illusion d’une réductibilité possible de l’analogique, basé sur l’identification de formes, au numérique, basé sur la logique binaire de 0 et de 1. Quelle que soit la nature des dispositifs techniques faisant circuler entre nous les images, les sons, les discours qui relient et nourrissent nos cerveaux culturels (photos argentiques ou images digitales, papier imprimé ou paquets de pixels), le passage par l’analogique — par la construction de signification et par la marge d’interprétation qu’il implique nécessairement — est constitutif de la subjectivité humaine (Hansen, 2004 ; Citton, 2010, 2012). Toute procédure et tout dispositif court-circuitant ce passage par l’analogique et par la marge d’interprétation qui l’accompagne mérite d’être envisagé avec la plus grande suspicion.

3. Le ressort principal de nos humanisations repose sur les espaces de médiation ouverts par l’entrejeu dynamique des images circulant entre nos cerveaux culturels. En donnant aux images le statut de « réalités intermédiaires » (entre objet et sujet, concret et abstrait, passé et avenir), Simondon nous invite à porter notre attention et nos soins sur le rôle premier que jouent les médiations dans nos humanisations — à entendre dans le sens le plus large qu’évoquent nos références à la notion de média/media/médium (voir Bardini à paraître). C’est au sein de cet espace de médiation (qu’il passe par cette réalité intermédiaire microscopique qu’est l’image mentale ou par la diffusion en masse d’images télévisées) que se déploient les dynamiques de l’analogique et de l’interprétation. C’est pourquoi tout imaginaire du cerveau ne se préoccupant pas de s’articuler à un imaginaire de la médiasphère est voué à être leurrant.

Toute corporation humaine passe par la médiation d’une image, et toute médiation humanisante passe par l’analogique. Ce qui circule au sein de nos cerveaux, ce qui conditionne nos choix, ce sont des images — irréductibles à de simples influx nerveux, paquets d’information ou séquences de bits. Ces images se constituent au sein de pratiques dans lesquelles les processus de corporation jouent un rôle incontournable. Les apôtres du post-humain sont les bienvenus quand ils nous aident à réparer, voire à augmenter, ce qui aide à nos corporations et ce qui enrichit nos médiations ; ils devraient être regardés avec suspicion à chaque fois qu’ils envisagent le court-circuitage de l’analogique (et de l’interprétation humanisante) par une machinisation numérique.

Bibliographie

Bardini Thierry (à paraître), Entre archéologie et écologie : une perspective sur la théorie médiatique.

Cathiard Marie-Agnès & Armand Fabio, 2014, « Braincubus. Vers un modèle anthropologique neurocognitif transculturel pour les “fantômes” de l’imaginaire », dans P. Pajon et M.-A. Cathiard (dir.), Les imaginaires du cerveau, Fernelmont, Intercommunications & Éditions Modulaires Européennes, p. 53-87.

Citton Yves, 2010, L’avenir des humanités. Économie de la connaissance ou cultures de l’interprétation ?, Paris, La Découverte.

Citton Yves, 2012, Gestes d’humanités. Anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Paris, Armand Colin.

Dawkins Richard, 2003, Le gène égoïste [1976], Paris, Odile Jacob.

Flusser Villém, 1985, Ins Universum der technischen Bilder, Göttingen, European Photography.

Flusser Villém, 2006, La civilisation des médias, Belval, Circé.

Galloway Alexander & Thacker Eugene, 2007, The Exploit. A Theory of Networks, Minneapolis, University of Minnesota Press.

Gell Alfred, 2009, L’art et ses agents [1998], Paris, Presse du Réel.

Gibson James J., 1986, The Ecological Approach to Visual Perception, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Associates ; traduction française : L’approche écologique de la perception visuelle, Paris, Éditions Dehors, 2014.

Hansen Mark B. N., 2004, New Philosophy for New Media, Cambridge, MIT Press.

Hayles Katherine, 1999, How We Became Posthuman. Virtual Bodies in Cybernetics, Literature and Informatics, Chicago, University of Chicago Press.

Le Bihan Denis, 2012, Le cerveau de cristal. Ce que nous révèle la neuro-imagerie, Paris, Odile Jacob.

McLuhan Marshall, 1968, Pour comprendre les média [1964], Paris, Seuil, coll. « Points ».

Penfield Wilder & Rasmussen Theodore, 1950, The Cerebral Cortex of Man, New York, The Macmillan Company.

Simondon Gilbert, 2005, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information [1958], Grenoble, Jérôme Millon.

Simondon Gilbert, 2006, Cours sur la perception [1965], Chatou, Éditions de la Transparence.

Simondon Gilbert, 2008, Imagination et invention [1966], Chatou, Éditions de la Transparence.

Stiegler Bernard, 2001, La technique et le temps, t. 3 : Le temps du cinéma et la question du mal-être, Paris, Galilée.

Tarde Gabriel, 2001, Les lois de l’imitation [1890], Paris, Les Empêcheurs de penser en rond.

Vincent Jean-Didier & Lledo Pierre-Marie, 2012, Le cerveau sur mesure, Paris, Odile Jacob.

Weinberg David, 2011, Too Big To Know. Rethinking Knowledge Now That the Facts Aren’t Facts, Experts are Everywhere, and the Smartest Person in the Room is the Room, New York, Basic Books.

Notes

1 Je remercie Marie-Agnès Cathiard pour les conseils précis et judicieux qu’elle m’a apportés afin de trouver des termes appropriés aux différentes échelles que j’essaie de distinguer dans nos imaginaires du cerveau. Alors que je parlais originellement de « cerveau corporé », elle m’a fait remarquer qu’« il s’agit plutôt du corps encérébré, car il s’agit bien d’une véritable corticalisation (préférable à « cervicalisation »). C’est bien ce que l’on observe dans le cas du membre dit « fantôme » chez les patients amputés : la partie du corps amputée est évidemment réellement absente, et ce qui génère la sensation — une douleur qui est bien réelle, pas une souffrance imaginaire par un quelconque déni de l’amputation — est sa carte corticale toujours présente dans le cerveau » (communication personnelle, février 2013). En ce qui concerne la corticalisation de l’environnement culturel, les derniers progrès expérimentaux dans les études Culture and Brain sont résumés dans le chapitre de M.‑A. Cathiard & F. Armand, « Braincubus. Vers un modèle anthropologique neurocognitif transculturel pour les “fantômes” de l’imaginaire », dans P. Pajon et M.‑A. Cathiard (dir.), Les imaginaires du cerveau, 2014, note 9, p. 57. Retour au texte

2 Consulter par exemple : <http://en.wikipedia.org/wiki/Cortical_homunculus> ou <http://en.wikipedia.org/wiki/Postcentral_gyrus>. Retour au texte

3 Alexander Galloway et Eugene Thacker (2007) ont fourni un important guide de survie et d’activisme au sein de ce type de réseaux médiatiques. Retour au texte

4 C’est sans doute Vilém Flusser qui a le mieux tiré les conséquences médiologiques, anthropologiques et politiques de cette circulation des clichés. Je ne peux ici que renvoyer à ses ouvrages les plus importants (Flusser, 1985) et les mieux accessibles en français (Flusser, 2006). Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Yves Citton, « Échelles du cerveau et dynamique des images chez Gilbert Simondon », IRIS, 36 | 2015, 139-157.

Référence électronique

Yves Citton, « Échelles du cerveau et dynamique des images chez Gilbert Simondon », IRIS [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1608

Auteur

Yves Citton

Université Grenoble Alpes, CHARNIÈRES/LITT&ARTS

Autres ressources du même auteur

  • IDREF
  • ISNI
  • BNF

Droits d'auteur

All rights reserved