Les loups-garous et les eaux

DOI : 10.35562/iris.1933

p. 133-145

Résumés

En reconsidérant les récits noyaux des rites de passage de transformations en loups-garous, dans les récits de la Grèce antique jusqu’au folklore contemporain de la France — domaine principal de notre thèse en anthropologie des religions (Armand, 2012) — en passant par les rapports issus à la Renaissance des pays baltes (Livonie), il apparaît que la présence d’une forte composante aquatique chez les loups-garous a été clairement sous-estimée, par rapport à l’accent répétitivement mis sur l’influence de la lune. Et ce n’est pas seulement que le processus de la métamorphose se réalise par le passage à travers les eaux, stagnantes ou courantes, car il peut se produire qu’un mégalithe avec cupule fréquenté par les garous serve dans un rite païen de confirmation du baptême (les loups-garous étant réputés avoir été mal baptisés). Sans compter d’autres êtres fantastiques proprement aquatiques qui se révèlent être des loups-garous déclarés. En remettant en phase la relation de fertilité impliquant la lune et les eaux par rapport à ce cadre rituel, il devient clair que l’on peut dorénavant placer sur le même pied leurs médiations dans cette métamorphose matricielle qu’est la lycanthropie.

Reconsidering core narratives of lycanthropic rites of passage, from ancient Greece to contemporaneous French folklore—the main field of our thesis in anthropology of religion (Armand, 2012)—via Baltic reports giving a first view of Renaissance in Livonia, it appears that there is a strong aquatic component which has been underestimated in werewolves, compared to the emphasis put upon moon influence. Not only metamorphosis occurs when crossing ponds or rivers, but even cup marks on megaliths can contribute to a pagan confirmation rite just after christening (remember that werewolves are reputedly wrong baptized infants). Not to speak of other fantastic aquatic beings which are recognized as true werewolves. Resetting the fertility relationship between waters and the moon into this ritual framework proved to be the key for understanding their mediations on the same footing in this metamorphosis matrix: lycanthropy.

Plan

Texte

Remerciements
Je remercie Mme Marie-Agnès Cathiard et Mme Alice Joisten pour leurs précieux conseils et les corrections qu’elles ont apportées à une première version de ce texte.
 

« La croyance aux loups-garous ne paraît point avoir d’origines spéciales chez tel ou tel peuple, dans telle ou telle société. On la rencontre aux temps les plus reculés de l’histoire ; on la voit se perpétuer sous des formes plus ou moins diverses chez presque toutes les nations européennes. C’est une de ces idées communes, presque instinctives, qui saisissent les hommes partout où ils se trouvent et qui vient avec eux. »
Félix Bourquelot
(« Recherches sur la lycanthropie », Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XIX, 1849, p. 240)

Comme on peut le constater en analysant les nombreux recueils régionaux de littérature orale, l’imaginaire folklorique de la France est riche d’attestations concernant cet être fantastique1. Pour le définir, on peut dire qu’il s’agit d’un être protéiforme, à double nature, humaine et animale (pas nécessairement en loup). Mais cette ambivalence n’est pas oppositive : homme et animal forment un être unique qui présente deux natures, mais jamais les deux en même temps. Il participe ainsi d’une bistabilité fondamentale (Abry et al., 2007) qui est le propre de nombre d’êtres fantastiques.

Dans cette étude, nous avons rassemblé un corpus de documents tout à fait spécifique, qui nous amènera à concevoir le loup-garou comme un être aussi aquatique, familier des cours d’eaux, étangs, fontaines, etc. On sait déjà que la littérature populaire, comme la littérature savante, ont toujours associé la lune à la représentation de cet être : le loup-garou est essentiellement un être nocturne et il ressent les effets des lunaisons, surtout pour la pleine lune qui a sur lui le pouvoir de déclencher la métamorphose. Guidé par nos documents sur sa fréquentation de l’élément humide, nous chercherons à réinterpréter, au moins en partie, les caractères principaux de cette ontologie fantastique, nous focalisant sur le processus de métamorphose en relation avec le rôle joué par l’eau, en tant que substitut de la transformation sous influence lunaire. Enfin, en conclusion, à partir d’une proposition sur les rapports métonymiques existant entre le symbolisme de la lune et celui des eaux, nous nous demanderons si le problème essentiel ne peut pas être posé, en d’autres termes, sur les rapports instrumentaux entre la médiation de la lune et celle des eaux pour la réussite de la métamorphose, de la naissance du loup-garou à sa renaissance périodique sous forme humaine.

Se métamorphoser dans les eaux

En analysant les différents recueils régionaux de littérature orale, à partir des collectes des premiers folkloristes du xixe siècle jusqu’à celles datant de la deuxième moitié du xxe siècle, on peut replacer dans la géographie de cette croyance les récits qui insèrent la métamorphose du loup-garou dans un contexte aquatique. Les documents narratifs que nous présenterons dans ce chapitre ont été recueillis pour la plupart dans le sud de la France (régions d’Aquitaine et Midi-Pyrénées), dans le centre (régions du Limousin, Pays de la Loire) et dans l’est en Franche-Comté, mais on trouve aussi des références à ce noyau de croyances en Picardie et en Basse-Normandie.

Toutefois, il faut bien préciser que ce motif narratif trouve ses origines dans des héritages culturels de longue durée, étant attesté déjà dans les croyances de la Grèce antique. Les premières attestations du motif lycanthropique sont dans le mythe de Lycaon. Des informations plus particulièrement intéressantes pour notre sujet sont présentes dans une série de documents relatant des traditions rituelles typiques de la région de l’Arcadie. Par ceux-ci, on sort du domaine du mythe pour entrer dans celui du rite et des initiations cultuelles. Le texte le plus riche qui relate ces pratiques rituelles et se lie directement aux métamorphoses aquatiques en loup a déjà été bien repéré :

Euanthes, inter auctores Graeciæ non spretus, scribit Arcadas tradere ex gente Anthi cuiusdam sorte familiæ lectum ad stagnum quoddam regionis eius duci, uestituque in quercu suspenso tranare atque abire in deserta transfigurarique in lupum, et cum ceteris eiusdem generis congregari per annos viiii. Quo in tempore si homine se abstinuerit, reuerti ad idem stagnum et, cum tranauerit, effigiem recipere, ad pristinum habitum addito nouem annorum senio ; id quoque Fabius eandem reciperare uestem2. (Pline, 1952, livre VIII ; le passage correspondant de Pausanias3 ne mentionne pas la traversée des eaux.)

On peut tout à fait appliquer à l’interprétation de cet extrait la notion de rite de passage (Van Gennep, 1909), avec cette phase rituelle de séparation qui consiste à se dépouiller de ses vêtements, avant de traverser l’étang à la nage. L’action de suspendre ses habits à un chêne peut être interprétée comme une volonté/nécessité d’abandonner la condition sociale d’être humain. Mais c’est, en définitive, la traversée de l’étang qui marque avec précision le moment de la métamorphose animale et le début de la période liminaire de neuf ans. L’eau représente ainsi une limite que l’individu doit franchir : cette frontière n’est bien entendu pas étanche, symbolisant le passage de l’humanité à l’animalité et vice-versa. Après la période liminaire, l’homme peut reprendre sa forme humaine, vieillie de neuf ans, tout en réintégrant les mêmes vêtements qu’il avait abandonnés.

On a donc le noyau rituel de la croyance au loup-garou aquatique déjà bien localisé dans les documents de la Grèce antique. De plus, en partant d’un autre passage de Pausanias4, il est possible de mettre en évidence un autre aspect aquatique important de cette croyance : la technique magique du battage tempestaire de l’eau produit par un prêtre/sorcier (voir pour le folklore de France, Sébillot, 1904, p. 229, 372-373, 438), motif que l’on retrouvera dans un instant, en clé lycanthropique. Ginzburg, dans sa Storia notturna, avait déjà repéré plusieurs liens qui permettaient de suivre l’évolution de la figure du loup‑garou, à partir des initiations arcadiennes pour arriver aux combats extatiques en Livonie (Ginzburg, 1998, chap. 3). Si on réexamine avec attention le dialogue entre un homo sapiens (un savant) et un lycaone rustico (loup-garou paysan), dans le Commentarius de praecipuis generibus divinationum (1560) de Caspar Peucer, on peut retrouver un lien précis entre le battage tempestaire et le loup-garou. Peucer écrit qu’en Livonie certains individus peuvent se transformer en loup, pendant le cycle des Douze Jours, pour lutter contre des sorcières en forme de papillon (Peucer, 1560, p. 140v-145r). Ils sont approchés par un enfant boiteux et, une fois assumée la forme lupine, ils sont poussés par un homme très grand, portant sur lui un fouet en fer, vers un grand fleuve :

[…] ad flumina ubi accesserunt, dux flagelli ictu aquas findit, ut dehiscere et discedere videantur, relicto sicco tramite, quo transeant. Exactis diebus duodecim dissipatur agmen rursus et ad se quisque deposita lupi et recepta hominis specie revertitur. (Peucer, 1560, p. 141v)

Cet homme sépare les eaux en battant deux coups de fouet et permet ainsi aux loups-garous de commencer leur course pendant toute la durée des Douze Jours ; après laquelle ils peuvent reprendre forme humaine.

Dans une étonnante permanence à travers les siècles, on peut facilement retrouver l’attestation contemporaine d’un motif semblable — rapprochant le battage de l’eau et la métamorphose en garou — dans le folklore du Périgord de Paul Sébillot :

Certains hommes, notamment les fils de prêtres, sont forcés, à chaque pleine lune, de se transformer en cette espèce de bête diabolique. C’est la nuit que le « mal » les prend. Lorsqu’ils en sentent les approches, ils s’agitent, sortent du lit, sautent par la fenêtre, et vont se précipiter dans une fontaine. Après avoir battu l’eau pendant quelques moments, ils sortent du côté opposé à celui par lequel ils sont entrés et se trouvent revêtus d’une peau de chèvre que le diable leur a donnée. Dans cet état, ils vont très bien à quatre pattes, et passent le reste de la nuit à courir les champs, suivent les villages, mordent ou mangent tous les chiens qu’ils rencontrent. À l’approche du jour, ils reviennent à leur fontaine, déposent leur enveloppe blanche et rentrent chez eux. (Sébillot, 1897, p. 663)

Nous trouvons ici une image claire du récit-noyau de la métamorphose, dans lequel la médiation de l’eau joue une fonction essentielle dans le processus de transformation. Sébillot rapporte clairement la nécessité de sortir de la fontaine du côté opposé de celui où on est entré, pour reprendre la forme humaine. Une telle réversibilité du rituel renforce l’interprétation que nous avons présentée : en traversant la fontaine, l’homme dépasse ses limites sociales et humaines, entrant dans le domaine de la sauvagerie et de l’animalité, condition typique du garou. Voilà qui détaille plus précisément l’attestation plus générale donnée par Sébillot pour « les loups-garous de la Montagne Noire [qui] devaient aussi, au commencement et à la fin de leur course, se plonger dans les fontaines » (Sébillot, 1904, p. 205)

Le folklore français relate de fait souvent la présence de croyances touchant à la figure du loup-garou dans des lieux où il y a des fontaines. À ce sujet, il est remarquable que la diffusion de la croyance à notre loup-garou aquatique semble bien se superposer à celle établie par Brigitte Caulier dans son étude sur les cultes des fontaines en France. Elle affirme que :

Le pays est à peu près partagé en deux par un arc nord-est/sud-ouest sur lequel gravitent les lieux de culte. La façade atlantique, avec les points forts que sont la Bretagne, les Charentes et l’Aquitaine, concentre le plus grand nombre de fontaines. En s’enfonçant vers l’est, l’arc se gonfle du Limousin, des départements du centre et enfin de la Bourgogne avec, au nord de celle‑ci, la Champagne qui fait bonne figure. (Caulier, 1990, p. 15)

Les fontaines représentent des points importants pour la carte mentale que les communautés humaines se créent des territoires qu’elles se sont alloués : elles marquent physiquement et symboliquement l’espace.

On appelle aussi « fontaines » des pierres à cupules retenant l’eau de pluie. En Vendée, on découvre de nombreuses attestations qui mettent en rapport ces pierres avec les loups-garous. Les érudits locaux férus d’antiquités celtiques se sont interrogés sur la fonction de ces cupules si nombreuses dans les campagnes françaises :

Les paysans disent aussi que ces pierres sont des fontaines ; et les bassins sur gros rochers sont aussi des fontaines (Fontaine aux Sorciers et Fontaine aux loups, de la station paléolithique et néolithique de La Glamière, près Saint-Martin). En cherchant bien, on trouverait toujours quelques légendes au sujet de ces pierres à écuelles, trouvées en plein champ. Le plus souvent il s’agit de fontaines destinées à abreuver les loups-garous dans leurs folles randonnées. (Boismoreau, 1913, p. 716, note 1)

Mais de même que certains menhirs se sont vus coiffés de croix chrétiennes, on pouvait y pratiquer un supplément païen à un rite aquatique aussi crucialement chrétien que le baptême :

Dans le voisinage du Breuil-Barret, près de la Croix Cocrion, se trouve une curieuse pierre-debout formant cuvette et servant de réceptacle aux eaux de pluie. C’est là, dit-on, que s’arrêtent pour boire, en passant, les loups-garous de la contrée. Cette Pierre des Loups-Garous était autrefois l’objet d’une dévotion, ou plutôt d’une superstition populaire des plus singulières : tous les petits enfants du pays étaient amenés là, le jour de leur baptême ; on leur faisait toucher la pierre et cet attouchement, paraît-il, avait la vertu de préserver de tout mauvais sort les nouveau‑nés. (Anonyme, 1908)

Ce rite de passage supplémentaire d’un baptême bien païennement apotropaïque a été repris plus récemment et bien replacé dans une « course aux sept clochers » des loups-garous :

Près de la croisée de la Croix-Cocrion, non loin du Breuil-Barret, s’élève une petite pierre debout, ayant à son sommet une cuvette qui se remplit de l’eau du ciel, que boivent, en passant, les loups-garous, au retour de leur course aux sept clochers. Longtemps les pères la firent toucher à leurs enfants, le jour de leur baptême, pour les préserver des mauvais sorts. (Baudry, 1972, p. 118)

Plus généralement les anciens mégalithes sont censés être fréquentés par les loups-garous. Ces menhirs, très communs en Vendée, prennent souvent le nom de Pierre Levée de Soubise ou, plus simplement, Pierre de Soubise. Marcel Baudouin explique que « depuis cette époque, les paysans nomment Soubises les loups-garous qui sont censés passer comme un éclair, aux portes des maisonnettes de villages, les génies malfaisants qu’on croit voir ou entendre dans l’ombre : d’où également la dénomination de Pierre de Soubise » (Baudouin, 1902, p. 254). En cherchant l’entrée « Pierre de Soubise » dans le Dictionnaire toponymique de la Vendée5, on trouve, pour Bretignolles-sur-Mer, la forme « Pierre du diable » pour indiquer un lieu-dit dominé par un dolmen6. Et certains de ces mégalithes se trouvent dans les alentours de cours d’eau, l’un d’entre eux y prenant même sa source de manière remarquable :

Au Lucs-sur-Boulogne, il y avait autrefois, près du bois de Malvergne, un menhir qui n’a disparu que depuis une quarantaine d’années et qui avait la forme d’un siège quelque peu percé. D’après la tradition locale, les loups-garous venaient s’y accroupir : de là le nom de Rouère de Pisse-Loup, donné au ruisselet qui prend sa source à cet endroit. (Anonyme, 1908)

Et voici un témoignage qui permet de bien comprendre le rapport intime que les loups-garous développent avec le milieu aquatique, tout particulièrement pour ce qui concerne la conclusion de leur métamorphose. C’est un passage encore tiré du folklore vendéen :

La Croisée-Marteau, située sur le territoire de la Merlatière, dans le canton des Essarts, passe pour avoir été, de tous temps, le rendez-vous favori des loups-garous de la contrée. Quatre fois par ans ils y tenaient leur sabbat, lequel commençait par une danse et se terminait par un repas : double opération qui n’avait, d’ailleurs, rien de bien réjouissant pour les acteurs ; car les pauvres diables dansaient pieds nus, sur des pointes d’ajoncs, et le festin final se composait exclusivement de serpents, de ferrures de charrettes et… d’ailes de moulins à vent ! À Saint-Philbert-du-Pont-Charrault, dans le pré du Souci, se trouve la Fontaine aux Garous. C’était là que les danseurs de la Croix-Marteau venaient, après le sabbat, baigner leurs pieds ensanglantés et boire une gorgée d’eau, qui avait, paraît-il, la vertu de leur faire digérer instantanément les serpents, ferrures de charrettes et ailes de moulins ingurgités au cours de leur repas nocturne. (Anonyme, 1908)

Enfin, nous n’oublierons pas que, parmi les lieux humides fréquentés par les loups-garous, on trouve souvent les mares dans lesquelles ils se roulent pour se transformer. Ce lieu de métamorphose est attesté dans plusieurs provinces.

En Picardie chaque samedi, un jeune homme, après avoir déposé ses habits sous un buisson, se roulait dans la vase de la mare du bois des Fées, et en ressortait transformé en loup-garou. […] Les loups-garous dansaient autrefois près d’une petite mare, non loin de l’église de Saint-Fyel, et ils y attiraient les mauvaises filles de l’endroit ; le curé apprenant que sa servante allait courir le guilledou avec eux, jeta de l’eau bénite dans la mare afin de les chasser. (Sébillot, 1904, p. 437)

Chaque samedi, dans ce même Bois-aux-Fées, on pouvait voir un homme qui, après avoir déposé ses habits sur un buisson, se « touillait » (roulait) dans la vase de la mare et ne tardait pas à en sortir transformé en loup. C’était le Loup-garou du Bois d’Orville. (Carnoy, 1883, p. 106)

À Thièvres, un paysan se roulait chaque samedi dans la mare et en sortait loup. (Crampon, 1936, p. 163)

Mais ailleurs qu’en Picardie, les mares sont aussi des lieux typiques pour la rencontre des loups-garous, comme ici en Ariège :

Il rentrait encore d’une veillée ; il a ouvert la porte de son étable et son petit veau lui a échappé entre les jambes, et s’est mis à courir autour d’un marnier (petite mare). Il lui a couru après autour de la fosse et quand il a été fatigué, mon père est rentré dans l’étable où il a trouvé son veau attaché. Il avait été joué par le loup-garou. (Joisten, 2000, p. 80-817)

Et enfin dans les Landes :

Le grand-père ou grand-oncle à J. Rahuel, tisserand au Haut-Village en Saint-Sauveur-des-Landes, a surpris, une nuit, deux guérous sans en être aperçu. Ils étaient en train de sauter de nombreuses et larges douves qui coupent en tous sens les marais sis entre le Croizé et Chaudeboeuf. Il y en avait un jeune et un vieux ; ce dernier, content de son escapade, paraît-il, faisait remarquer au jeune qu’il sautait encore bien : « Un bon saout pour un loup de soixante-dix ans, dis donc, B… ! », lui cria-t-il en le nommant. (Dagnet, 1923, p. 27)

« Espèces » aquatiques de loups-garous

Dans cette section, nous présenterons des récits visant à souligner la nature véritablement aquatique de ces ontologies fantastiques : il ne s’agit plus de la simple médiation d’un milieu humide, mais de la description d’un être imaginaire intrinsèquement lié aux eaux. Un exemple représentatif est le suivant :

Un homme revenait tard de la foire de Brantôme lorsque, en pleine campagne, il sentit brusquement quelque chose lui tomber sur les épaules. C’était mou, lourd et cela respirait comme un être vivant. Malgré tous ses efforts pour s’en débarrasser il ne put y parvenir et eut bien du mal à redresser sa marche, car la chose le forçait à se diriger vers la rivière toute proche. Il finit par arriver chez lui, harassé comme s’il avait couru depuis son départ. Sa femme lui apprit qu’il avait dû porter un lèbérou repu, et se signa en pensant combien la mort s’était approchée de son homme. (Seignolle, 1998, p. 448)

Ce garou de nom est bien de même nature que ses homologues à forme de cheval du folklore celtique (les puca irlandais, les kelpies écossais, les ceffyl-dwr gallois ou les glashtan de l’île de Man) pour son action d’attirer ses victimes dans les eaux, tout comme certains Dracs en domaine français, chevaux qui s’allongent pour aller noyer la grappe d’imprudents enfants qui y monteraient. Pour qui sait utiliser le tropisme naturel de ces garous aquatiques, il y a un moyen tout trouvé de délivrance : « D’après une croyance girondine, lorsqu’on rencontre une personne mal baptisée qui court le “gallout”, on peut s’en débarrasser en courant vers une mare ou vers un ruisseau, dans lequel elle s’empressera de se précipiter. » (Seignolle, 1998, p. 373) À partir de cette information, on en déduit aisément que, l’eau étant l’élément qui semble contribuer d’une manière dominante à la métamorphose de ces garous aquatiques, ce rapport intime avec l’humidité les oblige à s’y plonger, chaque fois qu’ils la rencontrent.

Enfin, le second point de cette section que nous aimerions aborder concerne l’existence de noyaux de croyances concernant d’autres ontologies imaginaires qui ne semblent pas être, à première vue, de véritables loups-garous, mais qui partagent avec eux, et de manière explicitement confirmée par les témoignages, certains de leurs traits les plus fondamentaux, et parmi ceux-ci un tropisme aquatique déclaré. Ainsi en est-il dans le folklore breton de la figure du Lavons de nuit :

Le personnage masculin qu’on appelle le « Lavons de nuit » et que je n’ai trouvé qu’en Haute-Bretagne, où il se manifeste assez rarement, y est très redouté. La peau dont il est revêtu fait supposer que c’est un loup-garou d’une espèce particulière ; il se tient au bord des ruisseaux et on le reconnaît de loin parce qu’il frappe d’une certaine manière trois coups avec son battoir ; comme les lavandières de nuit il invite les passants à lui aider à tordre le linge, et ceux qui acceptent risquent aussi d’avoir les membres brisés. (Sébillot, 1904, p. 352)

On retrouve ailleurs cette nature lycanthropique aquatique avérée chez un autre être fantastique, le Gallon. « La ganipaute ou le gallon de la Gironde passe la nuit à courir la campagne et va battre l’eau des lavoirs toutes les fois qu’il en rencontre. » (Sébillot, 1904, p. 437) Et Claire de Kersaint de révéler qu’« en Gironde le loup-garou a un nom spécifique, il est le Gallon de la Gironde, il se présente à nous sous un autre aspect : il va battre des lavoirs » (de Kersaint, 1947, p. 20). Pour ces ontologies qui partagent les caractéristiques essentielles des loups-garous, il est intéressant d’ajouter que, dans l’Atlas linguistique et ethnographique du Massif Central, on retrouve ce nom de « galipote » pour la carte loup-garou. Ce terme, avec ses variantes galipote, ganipote, garipotte, galipoto, est plus généralement attesté, à partir du xviiie siècle, dans les dialectes de l’Ouest (Vendée, Aunis, Poitou, Saintonge) et du Centre (Forez, Puy-de-Dôme) pour décrire les courses effrénées des garous au cours de leurs sorties nocturnes8. Ces données linguistiques, conjointement avec les éléments folkloriques, permettent de renforcer le lien entre la figure du garou classique et celle d’un garou aquatique.

Les eaux et la lune, médiatrices de la métamorphose

Le folklore du loup-garou, comme la plus grande partie de la littérature romanesque et des films représentant cet être fantastique, propose un lien indissoluble entre le processus de transformation en loup et la lune : c’est dans les nuits de pleine lune que l’on risque de tomber sur un garou. Dans les deux sections précédentes, nous avons montré comment l’élément aquatique semble aussi avoir un pouvoir essentiel sur la métamorphose lycanthropique. Il faut donc conclure à un rapport tout aussi essentiel entre la lune et les eaux pour la métamorphose.

Dans une note pour l’étude des textes classiques, Alberto Borghini, spécialiste de folkloristique méditerranéenne ancienne et contemporaine, nous a suggéré une possible structure relationnelle quand il écrit :

Sembrerebbe in sostanza che in certe tradizioni relative al lupo mannaro la presenza dello stagno si ponga in alternativa con quella della luna (rapporto di sostituibilità): e ciò probabilmente — tale l’ipotesi che vorrei qui avanzare — perché la luna, da una parte, e lo stagno, dall’altra parte, risultano correlabili e in qualche modo equipollenti nell’immaginario degli antichi (da questo punto di vista, ciascuno dei due elementi è variante, e metonimia, dell’altro. (Borghini, 1987, p. 170)

Borghini ouvre sa réflexion en partant de l’analyse de la figure d’Artémis, divinité lunaire, qui est aussi, en même temps, liée aux bois et à la fertilité. Or, la plupart des divinités lunaires possèdent des attributs et des fonctions aquatiques et nombre de ces divinités de la fertilité montrent un évident rapport entre la végétation et la lune (Eliade, 1948, chapitres 49-50). Ces relations permettent de comprendre que le symbolisme des eaux — et plus particulièrement celui des eaux germinantes et fécondantes — est intimement lié à celui de la lune.

Pour saisir pleinement cette corrélation, il faut la penser comme un astre périodique, dont les phases sont repérables sur sa forme. Elle suit un cycle très précis de naissance, croissance et mort. Mais « le destin métaphysique de la lune est de vivre en restant en même temps immortelle, de connaître la mort comme un repos et une régénération, jamais comme une fin » (Eliade, 1948, p. 146). Cette périodicité, par définition sans fin, a permis à la lune de devenir le symbole de la vie et de représenter son cycle continuel de naissance et de mort. Elle influence ainsi la fertilité et se trouve intimement liée avec la pluie et les eaux à cause de leur fonction générative. Ces précisions aident à saisir les rapports métonymiques entre les traits séléniques et aquatiques de la croyance au loup-garou.

Cependant, il faut encore ajouter que ce symbolisme rythmique de mort et régénération peut aussi aider à comprendre la fonction de seuil que les eaux jouent dans le processus de métamorphose. Comme nous avons déjà remarqué, l’action de traverser un cours d’eau, ou d’entrer dans une fontaine pour en ressortir de l’autre côté, représente le noyau des récits de métamorphose que nous avons parcourus dans notre corpus. Le cycle lunaire de mort et renaissance est bien isomorphe à la structure de ces rites de métamorphose : le fait de traverser la rivière pour devenir loup met en évidence la mort provisoire de la nature humaine pour permettre à l’animal de ressortir ; et l’inverse pour le retour à l’humanité, avec entre temps la mort provisoire de l’animalité jusqu’au moment de la retraversée. Comme l’énonce très clairement Eliade :

L’immersion dans l’eau symbolise la régression dans le préformel, la régénération totale, la nouvelle naissance, car une immersion équivaut à une dissolution des formes, à une réintégration dans le mode indifférencié de la préexistence ; et la sortie des eaux répète le geste cosmogonique de la manifestation formelle. (Eliade, 1948, p. 1659)

En reprenant Eliade, il devient ainsi possible de concevoir comment le processus de métamorphose dans les eaux peut être représenté sur deux niveaux : au niveau physique du rituel et au niveau métaphysique de son sens. Le premier niveau se manifeste clairement dans l’énonciation des phases classiques de la métamorphose : 1. Séparation, avec dépouillement des vêtements et traversée du cours d’eau pour acquérir la forme animale ; 2. Liminalité, en courant le garou ; 3. Réagrégation, par la traversée en sens inverse du cours d’eau pour réacquérir la forme humaine. Le niveau métaphysique, au contraire, considère le moment de la liminalité comme un microcosme, avec sa cosmogonie où la même structure tripartite se manifeste : 1. Séparation, dès l’entrée dans l’eau sous l’une des deux formes — humaine ou animale — avec la seconde en état potentiel, en bistabilité ; 2. Liminalité, dissolution ou fusion entre les deux natures du loup-garou ; 3. Réagrégation, dans une nouvelle « manifestation formelle ».

***

En guise de conclusion, nous pouvons esquisser une interprétation de ces récits. Si l’on considère le rite de passage lycanthropique — la métamorphose et la « démorphose » — comme étant orienté vers un but (goal-oriented, soit téléologique), celui donné par les récits que nous avons rassemblés dans notre corpus, on peut aisément mettre en évidence la présence de deux moyens ou chemins (paths) permettant la réalisation de ce dessein, comme destin. La lune et l’eau représentent l’une comme l’autre les deux moyens pour atteindre le but : dans le premier cas, le passage à travers les phases de la lune permet la réalisation d’une métamorphose passive, subie par l’individu, révélée au climax de son rayonnement ; dans le second, la métamorphose est agie, à la limite comme en zombie, et se réalise avec le passage à travers l’eau stagnante ou courante. Ces deux éléments, séléniques et aquatiques, deviennent ainsi des médiations homologues permettant à l’individu de traverser — volens nolens — ses limites formelles pour accéder ainsi à sa nature bistable humaine et animale.

Bibliographie

Les ouvrages généraux sur la lycanthropie ont été référencés dans Armand (2012). Si l’on consulte ne seraient-ce que les entrées lycanthrope, werewolf, Werwolf de Wikipedia, on aurait de quoi réparer les oublis des uns (par exemple Hertz, Lecouteux, etc.) par les autres.
 

Abry Christian, Cathiard Marie-Agnès et Diaferia Marie-Laure, « Enactive Art: Parietal and Frontal Brain Art? From Pictorial to Speech Evidence », dans 4th International Conference on Enactive Interfaces-Enaction in Arts, Grenoble, France, 2007, p. 25-28.

Andries Lise, « Contes du loup », dans J. de Nynauld (éd.), De la lycanthropie, transformation et extase des sorciers, Paris, Frénésie éditions, 1990, p. 197-218.

Anonyme, « À travers les revues », dans L’Écho du merveilleux, 16 juin 1908.

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Notes

1 Arnold Van Gennep écrit à ce propos que « cette croyance qu’on jugerait volontiers française générale, parce qu’elle a été répandue par la littérature, folklorique ou romanesque, surtout sur le Berry, le Poitou, les régions du Centre, est également inconnue en Savoie, sauf dans quelques communes non éloignées de l’Ain. Ce n’est, donc, pas une croyance alpestre, mais une croyance des provinces de basses terres boisées, dans une zone qui va, en gros, de la Basse-Normandie au Périgord » (Van Gennep, 1933, p. 552), idée reprise ensuite par Lise Andries qui confirme que « cette tradition orale concerne en France des aires géographiques relativement spécifiques, c’est-à-dire à l’Ouest la Gascogne, les Landes, la Bretagne et la Normandie et au centre le Berry, le Nivernais puis le Massif Central » et que « l’examen systématique des recueils, région par région, a permis d’esquisser cette “carte” de la lycanthropie dont semblent à peu près exclus le Nord, la Savoie et le Dauphiné par exemple » (Andries, 1990, p. 198). Ce que dément, nous le verrons, l’œuvre de collecte la plus intensive en territoire français réalisée par Charles Joisten (2005-2010), qui démontre que cette croyance existait également en Savoie et dans le Dauphiné. Retour au texte

2 « D’après Évanthe, écrivain grec non sans autorité, les Arcadiens disent dans leur légende qu’un membre de la famille d’un certain Anthus est tiré au sort parmi les siens et conduit aux bords d’un étang de la région ; que là, après avoir suspendu ses vêtements à un chêne, il traverse l’étang à la nage et gagne les solitudes, s’y transforme en loup, et vit en troupe avec ses congénères pendant neuf ans. Si durant ce temps il s’est tenu à l’écart de l’homme, il retourne à son étang, et après l’avoir traversé, il reprend la forme humaine, mais il est vieilli de neuf ans. Fabius ajoute encore qu’il retrouve ses mêmes vêtements. » Retour au texte

3 Pausanias, Description de la Grèce (livre 8, II). Retour au texte

4 Pausanias, ouvr. cité (livre 8, 38) : « Lorsque la sécheresse a duré longtemps et que les plantes et les arbres commencent à souffrir, le prêtre de Jupiter Lycéen, après avoir adressé des prières à cette fontaine et lui avoir sacrifié suivant les rites établis, touche avec une branche de chêne la superficie de la fontaine, sans l’y enfoncer ; l’eau ainsi agitée produit sur-le-champ un brouillard semblable à la vapeur qui, devenant bientôt un nuage et attirant à lui les autres nuages, procure de la pluie à l’Arcadie. » Retour au texte

5 <http://toponymes-archives.vendee.fr>. Retour au texte

6 Au point 4 des précisions étymologiques données par le Dictionnaire toponymique de la Vendée, on trouve les informations suivantes : « Il s’applique surtout à des mégalithes et aux tènements où ils se dressent encore, ou se trouvaient autrefois. Employé seul : la Pierre, il désigne le plus souvent un menhir qui peut fort bien ne plus exister. Souvent un adjectif s’y ajoute : Pierre Longue, Pierre Blanche, et surtout Pierre Folle [qui vire]. En ce dernier cas, il s’agit manifestement d’une pierre à légende, et presque toujours d’un mégalithe. » Retour au texte

7 Ce même processus de transformation est présent en Vallée d’Aoste (voir C. Joisten, R. Chanaud et A. Joisten, « Les loups-garous en Savoie et Dauphiné », dans Les Êtres fantastiques dans les Alpes. Recueil d’études et de documents en mémoire de Charles Joisten (1936-1981), Grenoble, MAR, nos 1-4, 1992, p. 177). Retour au texte

8 Le FEW (tome 17, p. 484b) signale une possible variation de galipette avec une probable influence de la famille de galoper. Retour au texte

9 En reprenant la formulation d’Eliade, nous ne faisons que reconnaître ses intuitions de précurseur dans l’approche mythologique en histoire des religions. D’autres ont repris ses intuitions, même s’ils semblent oublier son apport, comme Nicole Belmont (1971), disciple en mode folkloristique d’une anthropologie de la parenté, toujours utile pour nous rappeler le retour d’un ancêtre dans le nouveau-né et ses péripéties lycanthropiques sous le signe de sa naissance, s’il sort coiffé de sa membrane amniotique. Mais c’est à Carlo Ginzburg (1998) qu’il faut reconnaître avoir le mieux prolongé cet héritage (toutes distances reconnues), aussi bien dans les batailles pour la fertilité, que par le franchissement nécessaire du cours d’eau de la mort pour s’y rendre. Retour au texte

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Référence papier

Fabio Armand, « Les loups-garous et les eaux », IRIS, 34 | 2013, 133-145.

Référence électronique

Fabio Armand, « Les loups-garous et les eaux », IRIS [En ligne], 34 | 2013, mis en ligne le 31 janvier 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1933

Auteur

Fabio Armand

Université Grenoble Alpes, CRI, F-38040 Grenoble

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