La photolittérature face à la remédiation photographique

Quelle actualité pour le concept de révélation ?

DOI : 10.35562/marge.316

Plan

Texte

Vers une post-photolittérature ?

J’aurais disposé d’un appareil-photo numérique plus tôt dans ma vie, que je pourrais aussi retourner me promener à Berlin ou Bombay mais c’est comme ça : les appareils-photo existaient mais faisaient de la photographie, alors que les petits appareils numériques documentent c’est différent. Tentation de m’acheter une de ces petites caméras pour sportifs et de la faire tourner en continu à ma ceinture pour avoir trace de tout ça, les mots, les moments.1

Des appareils toujours plus petits, maniables et connectés, des flux de photos échangés en direct sur les réseaux sociaux, des applications permettant de modifier nos images à l'aide de filtres... Comme François Bon, de nombreux écrivains ont vite compris que les mutations techniques de la photographie allaient transformer non seulement nos pratiques photographiques, mais aussi le statut, la valeur et même le sens de l'image. Que la photographie numérique soit utilisée comme un carnet de notes (chez Bon, par exemple) ou un embrayeur de récit (comme chez Anne Savelli2), elle semble quoiqu'il en soit accentuer la tentation d'exercer une écriture hybride, mêlant le textuel au visuel, traduisant au final une nouvelle manière de voir le monde, comme l'a souligné Pierre Ménard3. Aussi sommes-nous tentés de nous poser une question : ces mutations spectaculaires des pratiques photographiques feraient-elles du même coup évoluer ce champ très récent que l'on appelle la « photolittérature »4, donnant déjà naissance, pourquoi pas, à une « post-photolittérature » ou encore à une « pixelittérature » pour reprendre ici le terme récemment proposé par Gilles Bonnet5 ?

Sans céder aux sirènes de la « révolution » numérique, il faut bien reconnaître les conséquences de la remédiation du fait photographique – conséquences non seulement techniques, mais aussi conceptuelles. Dans son manuel de création littéraire à l'ère numérique, l'américain Kenneth Goldmisth6 propose de réaliser le petit jeu suivant : prenez une image numérique quelconque, en format JPEG par exemple, l'un des plus utilisés en photo numérique, et remplacez simplement l'extension « .jpg » à la fin du nom de fichier par l'extension « .txt ». En ouvrant ce nouveau fichier vous pourrez vous rendre compte de la nature fondamentale de l'image numérique – et de la problématique propre à la remédiation de la photographie : il s'agit d'abord d'un texte, d'un code plus précisément, avant d'être une image. Or ce code, il nous est possible de le modifier, de le hacker. Suivant la suggestion de Goldmisth, insufflons-lui un peu de poésie, en y insérant un extrait de texte littéraire (roman, essai, poème). En ré-ouvrant le fichier image, après lui avoir redonné son extension JPEG, on peut constater que celle-ci interprète à présent notre « code » amélioré... Notre éditeur de texte est ainsi devenu une nouvelle chambre noire où l'écriture a remplacé la chimie.

Cette expérience illustre les principales caractéristiques de ce que la critique a appelé depuis les années 1990 la post-photographie (avec cependant des variations dans les définitions données à ce terme7) : une photographie « sans appareil », qui donne lieu à un art de la réappropriation, du collage – ce que l'on pourra aussi appeler le hack pour rester dans le champ sémantique de l'informatique – et qui comprend un aspect ludique essentiel, sans que cet aspect n'engage une quelconque renonciation à toute ambition heuristique. Car dans un monde aujourd'hui en proie à des mutations radicales, sous l'effet notamment du numérique, le jeu de la post-photographie est bien plus critique qu'il n'y parait. D'ailleurs, ce que l'on nomme ici « le numérique » est bien plus qu’un outil : il s'agit d'une culture à part entière, qui redétermine nos grands concepts et nos croyances profondes – temps, espace, identité... Comme n’importe quelle culture, le numérique a dû forger ses propres mythes et négocier avec les anciens : c'est là que la littérature, observatoire mais aussi laboratoire des médias, a un rôle essentiel à jouer. Le mythe dont il sera question dans cet article est celui de la révélation. Issu des premières chambres noires photographiques, ce mythe renvoie à une préoccupation ontologique que partagent la littérature et la photographie, et qu'ont explorée les plus grands penseurs de ces deux médias, d'Auerbach à Benjamin, de Flusser à Sontag ou de Kracauer à Kittler. Mais alors que la chambre noire tend à devenir un vieux souvenir pour les uns, une pratique du passé pour les autres, ce mythe peut-il encore opérer ? A-t-il d'ailleurs encore un sens ? Dans un monde contemporain où l'on a dû forger le concept étrange de « post-vérité » pour comprendre la prolifération de « fake news », on sera tenté de ne pas renoncer à l'exigence de révélation – reste encore à savoir comment. Cet article se conçoit comme un parcours dans les nouvelles chambres noires de photographie et de la photolittérature. Nous découvrirons quelques stratégies retenues par les créateurs et les narrateurs d'images pour répondre aux enjeux du monde contemporain, tout en interrogeant, dans une perspective épistémologique, les potentialités heuristiques d'une approche photolittéraire qui promet d'éclairer les nouvelles réalités médiatiques contemporaines.

Inventaire avant destruction : vers la fin de la révélation photographique ?

Depuis 2010, le photographe américain John Cyr parcourt les États-Unis à la recherche des bacs à développement dont les « propriétaires » ont marqué l’histoire de la photographie8. Il s'est ainsi concocté une incroyable collection de photographies de bacs, captées en suivant une même mise en scène : prise de vue à 180°, sur fond noir, avec un éclairage destiné à accentuer les couleurs de l'objet. Son travail se conçoit comme un hommage au media dans ses manifestations les plus artisanales : le savoir-faire photochimique du photographe et des maîtres-imprimeurs, principaux ouvriers des chambres noires. La série Developer Trays semble motivée par l’urgence d’inventorier une technique en voie de disparition. Pourtant, elle n’a finalement qu'un intérêt documentaire limité. Le dispositif esthétique encourage en effet le spectateur à regarder au-delà du simple référent, pour lire et interpréter ces bacs de révélation qui auront conservé l'empreinte de leurs photographes : décoloration révélant l'usage systématique d'un format de film particulier, marques d'érosion voire de « scarifications » laissées par une pince... En cherchant à conserver la trace de toutes ces empreintes, Developer Trays entretient finalement un véritable imaginaire de la révélation à travers lequel les chambres noires continuent de nourrir la mythologie de la photographie, même après leur marginalisation. Métaphore photographique autant que métaphore de la photographie, le motif de la révélation ne cesse de cristalliser les tensions ontologiques de l'image, ce qui en fait depuis 1849 (date officielle de l'invention du média) l'un des matériaux de prédilection de nombreux écrivains. Mais quel est le sens exact de cette révélation ? Peut-elle seulement encore opérer à présent ?

Dans un sens photochimique, la révélation désigne ce processus chimique par lequel l’image latente, invisible, est transformée en image visible : ce que l'on appelle le négatif. Ce procédé technique nourrit immédiatement l’imaginaire du média, prêtant à l'appareil et ses images toutes sortes de pouvoirs, notamment celui de surpasser les facultés de l’œil humain en percevant l’au-delà des apparences. La photographie spirite n'est qu'un exemple parmi d'autres du paradoxe ontologique de la photographie : au nom d’une prétendue faculté objectivante de l’appareil émergent une série de fantasmes prêtant au fait photographique des propriétés et des finalités qui ont tôt fait de transporter l’imaginaire du médium du côté de la magie, du surnaturel et même du sacré. Mettant à jour des détails invisibles à l'œil nu, l'image favorise les révélations, les dévoilements, les épiphanies, etc. Le « mythe de la révélation » renvoie donc à une réalité hétérogène traitée par des écrivain.e.s majeur.e.s de la littérature mondiale : Verne, Cortazar, Sebald, Ernaux, etc. ont tour à tour écrit des récits de la révélation établissant des nuances subtiles, mais essentielles, à l'image des variations culturelles et linguistiques de chacun. On notera ainsi que l’anglais, seconde langue maternelle de la photographie, préfère l’expression developing qui, tout comme l'allemand entwicklung, est peut-être moins chargée d’encombrantes connotations que la « révélation » des langues romanes. Mais dans un cas comme dans l’autre, développement et révélation sont d’abord connectés par une racine et un objet similaire, le voile, velum, que l'on recouvre ou découvre...

C'est d'ailleurs un voile à la célébrité transnationale qui nous permet de comprendre combien la révélation est d'abord un concept théologico-littéraire qui excède et précède la photographie – même si cette dernière va considérablement l'enrichir. On parle ici du Suaire de Turin, ce linceul qui aurait entouré le corps du Christ après sa mort, juste avant sa résurrection. En vérité, cette relique à l'histoire assez trouble était contestée au sein même de l'Église chrétienne, avant qu'un photographe italien, Secondo Pia, n'en transforme le destin : Pia est le premier à être autorisé à photographier la relique en 1898. Or au moment où il plonge sa plaque de verre dans le révélateur, une double révélation se produit avec l'apparition, très nette, d'un visage que beaucoup considéreront comme celui du Christ. Cette expérience fait naître une rumeur : le Suaire de Turin serait en fait une « image latente » qui n’attendait qu’une chose – être révélée par la photographie.9 Voilà qui résoudrait la querelle entre les anglais et les français qui se disputent la paternité de l'invention de la technique photographique : Talbot et Daguerre, finalement départagés par le Christ. On dira plutôt que le Suaire est un cas d'école des inventions mythologiques, ou littéraires, d'un média : le jargon technique de la photo, encore mal comprise, mais conçue comme la pointe du savoir scientifique moderne, sert de grille de lecture à un objet mystique et mystérieux, qu'elle vient légitimer non sans gagner au passage une série de connotations.10 Un tel phénomène n'est pas propre à la photographie et reste encore d'actualité de nos jours : pensons à Steve Jobs qui, lorsqu'il présentait ses produits Apple, disait lui-même « It works like Magic! ». Ces mythes ont beau être érigés sur un malentendu technique, il n'en reste pas moins qu'ils participent à la réalité du média.

L'anecdote du Suaire est à l'image d'une fascination pour la photographie, dont on dit qu'elle opère un lien entre les morts et les vivants. C'est en comprenant d'ailleurs la révélation dans son sens grec (apokalupsis) que la photographie flirte avec la « résurrection » : pensons bien sûr à la « résurrection vive » invoquée par Roland Barthes dans La Chambre claire11, ouvrage majeur de la théorie photolittéraire. La résurrection vive de Barthes est une épiphanie. Barthes raconte avoir découvert, après le décès de sa mère, une vieille photographie de celle-ci encore enfant, comme il ne l'a donc jamais connue. Cette image, connue sous le nom de Photographie du jardin d'hiver provoque en lui ce « sentiment aussi sûr que le souvenir, tel que l’éprouva Proust, lorsque se baissant un jour pour se déchausser, il aperçut brusquement dans sa mémoire le visage de sa grand-mère véritable, « dont pour la première fois [il] retrouvai[t] dans un souvenir involontaire et complet la réalité vivante » (Proust, II, 756)12 ». L'image ne rappelle pas seulement le souvenir de la disparue, elle en convoque la présence : « ça a été ». Mais alors qu'elle est à l'origine d'une révélation fondamentale pour Barthes, la photo du jardin d'hiver n'est pourtant jamais révélée au lecteur :

(Je ne puis montrer la Photo du Jardin d’Hiver. Elle n’existe que pour moi. Pour vous, elle ne serait rien d’autre qu’une photo indifférente, l’une des mille manifestations du « quelconque » ; elle ne peut en rien constituer l’objet visible d’une science ; elle ne peut fonder une objectivité, au sens positif du terme ; tout au plus intéresserait-elle votre studium : époque, vêtements, photogénie ; mais en elle, pour vous, aucune blessure.)13

L'un des ouvrages les plus influents de la théorie photolittéraire est donc en partie fondé sur une image immontrable, et ce « point aveugle » ajoute, s'il en fallait, une opacité à un média déjà fortement connoté. Barthes publie La Chambre claire en 1980, un an plus tard, Sony sort son Mavica, premier appareil photo numérique destiné à la commercialisation grand public. C'est le début d'un long chant du cygne pour les théories de l'indicialité basées sur les travaux de Peirce, que les théoriciens de la photographie14 avaient largement investi.

Car au fond, comment savoir ce qui a vraiment été ? À l'ère post-photographique, le motif de la révélation est réactivé pour ce qu'il est avant tout : un mythe. Dans son ouvrage The Lazarus Project15, l’écrivain américain d'origine bosniaque Aleksandar Hemon réalise, avec la complicité de son compatriote photographe Velibor Božović, ce que l'on pourrait appeler une fiction de l'archive, qui vient critiquer cette fascination littéraire pour la révélation. The Lazarus Project met en scène un écrivain en mal d'inspiration, Vladimir Brik, qui découvre dans les archives de la ville de Chicago la trace d'un immigrant, Lazare Averbuch, jeune juif Ukrainien rescapé des pogroms, immigré aux États-Unis où il sera finalement abattu par le chef de la police de Chicago en 1908. Paradoxe des premiers appareils photo et des obturateurs trop lents : le défunt Lazare est immortalisé à la perfection tandis que les vivants qui l'entourent ont des allures fantomatiques. C'est cette photo qui sert d'élément déclencheur à la quête de l'écrivain. Car Brik se sent investi d'une mission : ressusciter Lazare grâce au pouvoir de la littérature et des archives photographiques – comme Modiano aura pu le faire avec Dora Bruder. Il obtient une bourse pour réaliser son projet, et s'embarque dans un road trip entre l'Ukraine et Sarajevo, sur les traces de Lazare, accompagné de son ami photographe Rora qui devra documenter leur enquête.

The Lazarus Project alterne deux récits : la reconstitution historique de la mort de Lazare et le voyage de Brik et Rora en Europe de l'Est. Lorsqu’il commence à s’intéresser à Lazare, Brik ne peut résister à la tentation de convoquer la figure biblique de Lazare de Béthanie, dont la résurrection racontée dans l’Évangile selon saint Jean préfigure celle du Christ. Les journaux de 1908 rapportent en effet un événement troublant : dans les jours qui ont suivi sa mort, le corps de Lazare a disparu de la morgue. Brik se passionne pour ce fait divers ayant fait courir les plus folles rumeurs : complot communiste, bavure policière, et même : arrivée du messie juif ! Espoir bien vite éteint cependant. Le cadavre de Lazare est retrouvé profané, après avoir servi de cobaye à des étudiants en médecine qui l’avaient dérobé pour s’exercer. Aucune résurrection n'attend le juif Lazare Averbuch. Comme aucune résurrection n'attend le photographe Rora, assassiné en pleine rue par un jeune drogué venu lui dérober son appareil photo pour s'offrir un dernier fix. Rora le baroudeur, charmeur et baratineur, aura exercé tout au long du voyage une incroyable fascination sur Brik qui avale sans broncher toutes les histoires héroïques et abracadabrantes de son ami. Ce n'est qu'après la mort de celui-ci que Brik découvre l'étendue de sa naïveté. La mort du photographe est la véritable révélation qu'il n'y a pas de révélation à attendre. Pas de secret enfoui, de complots à déjouer. Révélation que ce désir fou de résurrection que l'on projette dans la photographie, s'appuie d'abord sur une inquiétude des vivants pour leur propre présent et pour leur futur. Comme le dit Brik, en fin de compte :

Perhaps that was what Mr. Christ deprived Lazarus of. He may have been okay dead; it was all over, he was home. Maybe Mr. Christ was showing off in order to lay – spiritually speaking, of course – Lazarus’s sisters; maybe he wanted to show that he was the boss of death, as he was the boss of life. Either way, he couldn’t just leave Lazarus alone. Once Lazarus was thrown out of the comfy bed of eternity, he wandered the world forever homeless, forever afraid to fall asleep, dreaming of dreaming.16

Si la photographie doit être un signe, une trace, c'est d'abord de ce que l'on en dit dans le présent. C’est là l’enjeu de l’heuristique de la révélation photolittéraire : jamais achevée, toujours performée, si bien que son pouvoir ne réside plus dans un hypothétique « ça a été » mais « ça aurait pu être ».

Ça n'a pas été (mais ça aurait pu) : de la remédiation à la rétro-médiation

C'est sur cette conclusion provisoire que nous pouvons à présent explorer une seconde chambre noire post-photographique, celle de l’application gratuite Pixlr-o-matic, qui vous permet de manipuler vos images pour leur donner, grâce à une sélection de filtres, de calques et de cadres numériques, un « effet » argentique. Dans une mise en scène numérique du bain révélateur, je peux jouer à transformer en quelques clics ma photo numérique. Mais attention : ce que j'obtiens n'est pas un cliché argentique, bien sûr, c'est plutôt une image du fait argentique. Ce qui est tout à fait remarquable avec cette application, c'est qu'elle fait fi de toute vraisemblance technique, mais donne enfin corps à notre imaginaire de la chambre noire. Barbarisme technologique, elle mêle des formes qui n'ont parfois jamais existé, mais qui reposent sur les nouvelles connotations que le numérique confère à l'argentique. Or qu'est-ce que ce petit jeu dit finalement de la remédiation en cours ?

Il semblerait en effet que les pratiques post-photographiques soient encore plus complexes que le phénomène décrit par Bolter et Grusin. Dans leurs travaux, Bolter et Grusin distinguent deux principales « stratégies » évolutives des médias. D’une part, l’« immédiateté », qui favorise un processus d’effacement du médium, lequel se fait transparent pour donner au spectateur l’illusion d’un accès direct au réel ; de l’autre, le principe d’« hypermédiateté », qui s’attache à opacifier le médium, à en souligner les marques formelles, le bruit. Cette tension naturelle entre immédiateté et hypermédiateté est exacerbée dans le cas du médium photographique, tiraillé entre des injonctions qualitatives de haute définition, et des traces artificielles de l’argentique (comme ici nos filtres) qui confèrent un degré d'authenticité supplémentaire à l'image. Ce sont finalement deux façons de concevoir le réel qui s’opposent ici. Mais la remédiation opérée par la post-photographie ne s’arrête pas à ce seul paradoxe. Car force est de constater que la photo argentique ne fait pas que transmettre au numérique certaines de ses singularités : elle se réinvente au contact d’une nouvelle culture. Ce que l'on veut dire ici, c'est que le numérique aura aussi engendré en partie, et rétroactivement, la photo argentique. Pour penser ce phénomène de remédiation « à rebours », on proposera le terme rétromédiation.

Pour bien comprendre cette invention numérique de l'image argentique, et son influence sur le mythe de la révélation, considérons par exemple l’ouvrage d’Atiq Rahimi, Le Retour imaginaire17. D’origine afghane, Rahimi s’est exilé en France en 1984, où il est devenu d'abord cinéaste, puis écrivain. En 2002, après la chute des talibans, Rahimi se rend à Kaboul pour la première fois depuis près de vingt ans, afin de tenter de retrouver le lieu où son frère, assassiné pendant la guerre civile, a été inhumé. Le Retour imaginaire livre le récit de ce retour d’exil douloureux en mettant en scène deux personnages, incarnations des deux identités irréconciliables du sujet diasporique : celle qui est partie et celle qui est restée, à jamais abandonnée sur place. Nous avons donc Atiq, le photographe de retour au pays après vingt ans d’exil, et son alter ego, lui aussi prénommé Atiq, un écrivain public réduit au silence par la répression talibane. Récit à deux voix et à deux médias (texte et photo), Le Retour imaginaire relate leurs retrouvailles à Kaboul tout en soulignant les limites de ce retour, dans la mesure où le sujet diasporique demeure irrémédiablement clivé.

Chez Atiq Rahimi, la quête identitaire prend une dimension particulière en s’incarnant dans l’acte et l’appareil photographiques. Arrivé en Afghanistan avec son matériel moderne, le personnage d’Atiq va vite se heurter aux limites de son appareil numérique qui, selon lui, ne produit que des images « aveugles ». À la recherche d’un « appareil qui sache voir », Atiq se tourne vers un procédé photographique primitif : le sténopé, une simple caméra obscura tapissée d’une feuille de papier photosensible. Plus précisément, Atiq choisi un kamra-e-faoree, machine « deux-en-un » qui combine appareil photo et chambre noire, principalement utilisée par des photographes de rue pour la pratique exclusive du portrait :

Nous partons en quête de Maqsoud le photographe. Nous prenons place devant son appareil. Devant l’appareil, il faut rester immobile, retenir son souffle. La mort en exercice. Un instant plus tard, Maqsoud tire notre photo de la grosse boîte en bois. Le cliché est encore humide. Sur la photo, on dirait des personnages du siècle dernier.18

Atiq Rahimi va se livrer à un contre-usage de l'appareil : le sténopé est un appareil fait pour rester stable et immobile, devant lequel on doit venir poser ? Qu'importe ! Atiq emporte partout avec lui cette lourde boîte et capte des plans larges, souvent en mouvement. Résultat : des images en noir et blanc floues, au vignettage très marqué, qui laissent voir le grain épais du papier. Cet effet esthétique, dont la poésie est indéniable, est aussi un parti-pris éthique et politique. Car l’appareil fait ici autant sens que ses images, et on ne peut comprendre Le Retour imaginaire sans en connaître le fonctionnement et les usages culturels.

Traditionnellement destiné à forger des images pour agrémenter les papiers d’identité des Afghans – en particulier le tazkira, un document obligatoire pour les citoyens –le kamra-e-faoree est en effet essentiellement associé à l’attribution de la nationalité afghane. Une nationalité qu’Atiq l’exilé a perdue lorsqu’il a demandé l’asile en France. L’usage du sténopé procède d’un parti pris autant esthétique que politique : en s’appropriant l’appareil pour le détourner de ses usages traditionnels, quitte à le pousser dans ses retranchements techniques, Rahimi entend déconstruire l’identité de ce regard national afin de plonger son regard dans l’identité afghane19. Et puisque l’appareil avait peu à peu disparu des rues de Kaboul sous le régime iconophobe taliban qui en avait d’abord interdit, puis limité l’usage, ce détournement témoigne d’un engagement politique en faveur du fait photographique. En transgressant l’usage exclusif du portrait pour réaliser des natures mortes, des paysages, Rahimi prend acte de la levée récente, encore fragile, d’une censure de l’image. Il confère au médium photographique une valeur éthique, dans laquelle la recherche identitaire se substitue à la fonction d’identification policière du régime répressif et taliban.

La période post-photographique se traduit ainsi par une exploration et une revalorisation de la mythologie du médium, quitte à la récrire par endroits. C’est le sens même du concept de rétromédiation : une stratégie en apparence « conservatrice » comme celle de Rahimi, qui renonce aux techniques modernes pour choisir un appareil local et ancestral, est en vérité imprégnée d’une culture de l’image éminemment occidentale et relève d’un comportement photographique très moderne. Pour l’exprimer de façon plus radicale, on dira qu’il s’agit là d’une tentative de faire de la photo numérique avec un sténopé du siècle dernier.

Voir et savoir à l'ère numérique : la condition anamorphique du réel

Achevons notre parcours avec une dernière chambre noire, peut-être l'ultime chambre noire : celle des aveugles. En 1999, le photographe et écrivain catalan Joan Fontcuberta réalise une série de clichés intitulée Sémiopolis, qui met en scène les traductions tactiles, c'est-à-dire les pages en braille, des grands textes de la littérature mondiale : par exemple, la nouvelle « L’aleph » publiée par Borges en 1959. Les prises de vue en plan serré avec une légère contre-plongée, sous une lumière rasante, déforment la page jusqu’à ce que le braille devienne à peine identifiable. Sémiopolis cultive les paradoxes : si le voyant ne peut déchiffrer ni même reconnaître le langage adapté au non-voyant, l’aveugle est à son tour privé de la représentation tactile du texte, remise à plat par la photographie. Voyants et non-voyants sont aveuglés. Mais ce torpillage du système du signe vient pourtant reconstruire une nouvelle image qui le contient et le dépasse à la fois. Mêlant deux formes de représentation stratifiées, Sémiopolis crée des anamorphoses dont les deux facettes, manifeste et latente, n’auraient pas été correctement dissociées. Alors qu'aujourd'hui le fait numérique n'en finit plus, de Street view à la Google glass, de façonner de nouvelles machines de vision toujours plus perfectionnées qui promettent l'accès à une réalité dite « augmentée », Sémiopolis nous amène à nous poser une dernière question : que signifie voir, et a fortiori bien voir ? La question a son importance, car dans notre culture, nous avons toujours associé l'idée du voir à celle d'un savoir – à une conception philosophique du monde et de l’homme20. Il s'agit donc rien de moins que de déterminer quelle(s) conception(s) du réel se dessine(nt) à travers le paradigme numérique du voir.

Le fait que Fontcuberta ait choisi de photographier l'Aleph ne tient pas du hasard : la nouvelle de Borges est elle aussi une déclinaison du mythe de la révélation, qui interroge la relation entre le réel et ses représentations. Pour résumer en deux mots l'histoire : Borges est un jour convoqué chez son rival de toujours, l'écrivain raté Carlos Argentino. Lorsque Borges arrive, la bonne annonce que « monsieur, comme toujours, est à la cave, en train de révéler des photographies »21. Sur quoi apparaît finalement Carlos, en proie à une grande agitation, car on menace de l'expulser de sa maison pour la détruire. Carlos est au désespoir : c'est justement dans sa cave que se trouve, caché sous l'escalier, un Aleph, une petite sphère « où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l'univers, vus de tous les angles »22, dans lequel il puise toute son inspiration. Pressé de constater les choses par lui-même, Borges descend à son tour dans la cave. La révélation qui l'attend sera violente :

Je vis l’Aleph, sous tous ses angles, je vis l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n’a regardé : l’inconcevable univers. [...] Ici commence mon désespoir d’écrivain23.

Désespoir d'écrivain car, si un tel objet absolu existe bel et bien, comment en rendre compte ? Que peut le langage en comparaison de l'inconcevable Aleph, combinaison impossible de l’infini et du fini, de l’universel et du singulier ? L'Aleph figure l'idéal de l'image latente photographique : une image absolue, virtuelle, qui contient toutes les images parce qu'elle est encore invisible. Développer une photographie, c'est en effet actualiser une potentialité, mais se priver de toutes les autres. Vouloir dire l'Aleph, ce sera donc forcément le trahir. Et pourtant Borges écrit. Plus précisément, il réécrit sa propre version de la Comédie de Dante, qui lui-même réécrivait la catabase d'Énée comptée par Virgile... Il plane ici l'ombre d'Orphée, puni d'avoir voulu voir, car seul son regard pouvait lui prouver la présence d'Eurydice. Borges ne commet pas cette faute. Il accepte l'aveuglement et ses révélations occultes. Avec lui se décline une conception de l'art comme une déviation, un égarement ou une aberration nécessaire. L'Aleph est un manifeste du mal voir, pour savoir ou comprendre les choses autrement. La forme est d'abord à trouver dans l'informe : c'est sur cette intuition que nous pouvons explorer davantage le concept d'anamorphose, afin de penser un modèle ontologique à l'ère numérique.

Littéralement, l'anamorphose désigne une « forme qui revient », c’est-à-dire une déformation réversible (souvent, par la médiation d’un miroir). Utilisée par les architectes dès l’antiquité, ces perspectives « dépravées », comme les appelle Baltrušaitis24, n’ont donné naissance au terme « anamorphose » qu’à la Renaissance. Elles qualifient alors des images dissimulées dans d’autres images (sur le modèle des Ambassadeurs de Holbein, pour ne citer qu'un cas parmi les plus connus). L’anamorphose est étroitement reliée à l’histoire de la perspective linéaire telle qu’elle fut modélisée à la Renaissance, et dont Panofsky25 a montré combien elle avait normalisé notre regard, le figeant comme un « œil » unique, immobile, absolu. L’anamorphose assume ainsi une position critique contre un modèle esthétique où la vue occupe une place hégémonique. Elle présuppose la possibilité d'une autre vision du monde – plus complexe, hétérogène et multiple. Au xxe siècle, les anamorphoses surréalistes célèbreront ainsi « la puissance déformatrice et non restauratrice des formes déformées »26 : c'est juste là, d'ailleurs, que se situe l'Aleph de Fontcuberta.

Ces expériences anamorphiques nous engagent à ne pas essentialiser le sens de la vue, souvent conçu comme une réalité simplement organique. Voir, savoir, sont aussi le résultat d’une médiation. Mais c'est à nous de confronter le réel construit par cette médiation. L’anamorphose, parce qu'elle conçoit la médiation comme un geste engageant le corps du spectateur, présuppose un véritable « acte ontologique »27, comme le propose Lyotard. Pour comprendre le sens et la portée de cet acte, nous explorerons une dernière œuvre, Étant donnée28, que l'écrivaine Cécile Portier a réalisé avec la collaboration d'un collectif d'artistes. Étant donnée explore le thème de la collecte de nos données personnelles et de la construction de nos identités numériques, à travers un concept massivement investi ces dernières années par les artistes et les théoriciens du numérique : le profil. Dès lors que nous utilisons un ordinateur relié à Internet, nous sommes en effet soumis à la médiation des grandes plateformes (Google, Facebook, Microsoft, etc.) qui collectent nos données au moindre de nos clics. De ces données, les géants du web façonnent nos profils, afin de calculer et même de prévoir nos comportements. Nous sommes ainsi passés à la moulinette algorithmique, sans cesse observés et mis à nu sans toujours le savoir. Mais est-il possible d'échapper à ce profilage systématique, et de reprendre la main sur la construction de notre identité numérique ?

Étant donnée se présente comme une œuvre de résistance à cette nouvelle folie du voir invasive. Étant donnée est un récit hypermédiatique, uniquement disponible en ligne, où l'internaute est invité à recomposer l'identité d'une femme, amnésique, retrouvée inanimée dans un terrain vague. Le récit s’ouvre sur une pièce interactive, dont l'interface reproduit le panoticon des temps modernes, Google Street View : le corps dénudé de notre disparue apparait allongé dans l’herbe, mais s’efface presque aussitôt. Pour faire apparaître de nouveau la jeune femme, il faut caresser de ses doigts l'écran tactile de notre liseuse – mais à peine l'image se révèle-t-elle qu'elle re-disparait aussitôt. Étant donnée présente un air de déjà vu : cette scène d'ouverture est un écho à l’œuvre de Duchamp – Étant donnés (au masculin). Chez Duchamp, le dispositif accentuait l'effet de la perspective linéaire en engageant le spectateur à observer, par un trou dans une porte, une scène exactement identique. L'œuvre de Duchamp mettait le spectateur en position de voyeur difficile à supporter, or comme le dit Cécile Portier :

Nous sommes aujourd’hui très précisément dans cette situation : les données nous font la promesse de pouvoir tout voir, mais on oublierait assez facilement qu’il existe un point aveugle, que tout n’est pas si évident dans cette visibilité triomphante, et que peut-être il est nécessaire de venir éclairer le plein jour d’une autre lumière, poétique, politique, pour briser l’évidence du « tout est donné ».29

Chez Duchamp, nous ne pouvions glisser qu’un seul œil par l'interstice de la porte, ce qui nous fait perdre toute idée de profondeur : le monde semblait plat. C'est cette platitude que le dispositif médiatique de Cécile Portier tente de contrecarrer en engageant le spectateur à effacer l'image à l'écran pour faire apparaître, sous l'image justement, le corps de la disparue. Belle illustration de cet acte ontologique que suppose l’anamorphose : votre caresse opère non plus une résurrection, mais une réincarnation du corps féminin, au sens premier de « redonner chair ». Ultime paradoxe : en associant le geste de lecture/écriture à un effacement, Cécile Portier vient ainsi performer une forme d'aveuglement désormais devenue une nécessité, dans un monde numérique qui aura fait naître, après tant de combats pour le devoir de mémoire, une nouvelle lutte pour le droit à l'oubli.

Pour une heuristique de la révélation

Alors que s’achève ce parcours dans les chambres noires argentiques et numériques de la création photolittéraire contemporaine30, revenons-en à notre question liminaire : le concept de révélation peut-il encore opérer dans le contexte de la culture numérique ? A-t-il seulement un sens à notre époque où s’affrontent deux postures : d’un côté un soupçon systématique nourri aux théories du complot (notamment à l’endroit des fake news, qu’elles soient avérées ou non), de l’autre un relativisme absolu par lequel nous renonçons à l’idée même de vérité. Si la mythologie contemporaine de la photographie – un media dont on il n’est nul besoin de rappeler la relation conflictuelle et même tourmentée avec le réel – a largement réinvesti la thématique de la révélation, c’est d’abord pour en mettre en scène la disparition tant redoutée : disparition d’une technique, d’un savoir-faire, mais aussi d’une herméneutique de l’image. Pourtant, en questionnant la transaction31 qui s’opère avec la remédiation photonumérique, elle vient paradoxalement raviver un concept qui risquait peut-être d’évoluer en un topos quelque peu éculé. Cela tombe d’autant mieux que nous vivons aujourd’hui dans un monde où l’idée et l’idéal de révélation – dans un sens ontologique, heuristique et même éthique – est devenu particulièrement critique. La fiction contemporaine se saisit donc pleinement du concept pour penser les enjeux du monde actuel, non sans le réévaluer au passage, ou même en refaçonner les contours.

Aussi, si le mythe de la révélation photographique est loin d’avoir disparu avec l’ère numérique, s’il s’est même transformé en même temps que l’on comprend (ou méprend) les nouvelles technologies, force est de souligner qu’il engage sa propre réinvention, s’augmente de nouvelles connotations, quitte à réécrire par endroits l’histoire du média photographique comme de ses pratiques. C’est ce que l’on a qualifié dans cet article de « rétromédiation ».  Cette rétromédiation de la révélation dessine, et c’est là son apport le plus essentiel, une nouvelle ontologie fondée sur le modèle anamorphique, lequel présuppose une multiplicité du réel – dont la photographie et l’écriture peuvent saisir des instants, des aperçus, certains angles, mais probablement pas la totalité. On est loin, de fait, de l’expérience épiphanique souvent fantasmée par les écrivains qui se sont intéressés à la photo, mais on échappe aussi au piège du relativisme : la révélation contemporaine renvoie en effet à cette puissance qui est le propre de l’image latente argentique, une image contenant potentiellement toutes les images encore à venir, à performer, à rendre visible. Comme l'aura si bien dit Anne-Marie Garat :

Je ne sais rien des révélations, j’y collabore, j’y travaille dans l’obscurité de l’écriture. Le pouvoir argentique des mots décide dans ce travail au noir qui arrête les formes, les leste de langage, trace des lignes de partage, lignes de litige latentes. Avant d’apprendre que cette image de vigne appartenait au côté de l’envers, celui des mots, je reste longtemps aveugle dans la chambre32.

Ainsi, chez Portier comme chez Hemon, ou encore Rahimi, la révélation post-photographique s'apparente plutôt à une non-révélation, une anti-révélation. Mais dans le sens positif du terme : un inachèvement, une fin ouverte. Si le terme de « post-photolittérature » peut donc faire sens, c’est probablement dans l’exercice de cette philosophie de la photographie défendue par Vilem Flusser, qui nous engage à « réfléchir à cette possibilité de la liberté – et par là-même de l'interprétation – dans un monde dominé par les appareils. »33.

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Notes

1 François Bon, « Journal | la lettre qui manque ». Le Tiers Livre, 7 avril 2013. http://www.tierslivre.net/krnk/spip.php?article1497. Retour au texte

2 Anne Savelli, « Marilyn Everywhere », Fenêtres Open Space, 2018. http://annesavelli.fr/marilyn-everywhere/. Retour au texte

3 Pierre Ménard, « Une nouvelle manière de voir le monde », Liminaire, 3 avril 2016. http://liminaire.fr/entre-les-lignes/article/une-nouvelle-maniere-de-voir-le. Retour au texte

4 « Le concept « photolittérature » désignera l’ensemble des conjonctions qui, des années 1840 à aujourd’hui, ont noué la production littéraire avec l’image photographique, les processus de fabrication spécifiques qui la caractérisent et les valeurs (sémiotiques, esthétiques, etc.) qu’elle infère. Il s’agit matériellement de productions éditoriales illustrées de photographies, mais aussi d’œuvres dans lesquelles le procédé et l’imaginaire qui lui est associé (l’exploitation de l’idée de « révélation », la rhétorique de l’inversion en positif/négatif, ou noir/blanc, ou bien encore la décomposition de descriptions en équivalents d’instantanés, etc.) jouent un rôle structurant. Ce corpus comprend donc en droit et de fait des œuvres illustrées ou non […]. Telle est la raison qui nous fait préférer l’expression de « territoire photolittéraire » à la notion de genre, à laquelle nous aurions pu aussi songer. » Jean-Pierre Montier, Transactions photolittéraires, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 20-21. Retour au texte

5 Gilles Bonnet, « Fabula, Atelier littéraire : LitteraTube », Text. https://www.fabula.org. Consulté le 20 juillet 2018. http://www.fabula.org/atelier.php?LitteraTube#_ftnref2. Retour au texte

6 Kenneth Goldsmith, Uncreative Writing : Managing Language in the Digital Age, Columbia University Press, 2011. Retour au texte

7 La post-photographie est un concept d'abord formalisé dans les années 1990 par les premiers théoriciens de la photographie numérique (par exemple dans Mitchell (1992) ou Barboza (1996)), qui ont alors tendance à appuyer la rupture entre les technologies argentique et numérique. Plus récemment, la post-photographie a acquis un sens quelque peu différent, sous l'influence d'une nouvelle génération d'artistes, mais aussi de théoriciens, marqués par l'évolution du fait numérique en une culture à part entière, caractérisée par le triomphe du web. La post-photographie a désormais plutôt tendance à désigner l'exploration des pratiques sociales et ludiques de l'image, ses réappropriations, son recyclage. Retour au texte

8 John Cyr et Lyle Rexer, Developer Trays, New York, PowerHouse Books, 2014. http://www.johncyrphotography.com. Retour au texte

9 Pour prendre la mesure de cette rumeur, on pourra lire le livre d'Enrie Giuseppe, le second photographe du Suaire. Voir Enrie Giuseppe, Le Saint Suaire révélé par la photographie, traduit par Georges Porché. Les Moulineaux, Paris, Procure du Carmel de l’Action de Grâce (117, rue Notre-Dame-des-Champs): Impr. Saint-Paul , 1936. Retour au texte

10 Voir aussi Marie-José Mondzain, Image, icône, économie : les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Ordre philosophique, Paris, Éditions du Seuil, 1996. Retour au texte

11 Roland Barthes, La Chambre claire, note sur la photographie, 1re éd., Cahiers du Cinéma/Gallimard, Paris, Gallimard, Seuil, 1980. Retour au texte

12 Idem, p. 109. Retour au texte

13 Idem, p. 115. Retour au texte

14 Voir notamment Rosalind E. Krauss, Le Photographique : pour une théorie des écarts, 1re éd., Histoire et théorie de la photographie, Paris, Macula, 1990, et Philippe Dubois, L’Acte photographique et autres essais, Cinéma et image, Paris, Nathan, 1990. Retour au texte

15 Aleksandar Hemon, The Lazarus Project, New York, Riverhead Books/Penguin Books Inc., 2008. Retour au texte

16 Aleksandar Hemon, op. cit., p. 179. Retour au texte

17 Atiq Rahimi, Le Retour imaginaire, Paris, POL, 2005. Retour au texte

18 Atiq Rahimi, op. cit, p. 21. Retour au texte

19 Pour plus d’informations sur le fonctionnement du Kamra-e-faoree, voir le travail de Lukas Birk et Sean Foley, dans Afghan Box Camera Project (Afghan Box Camera by Lukas Birk., Dewi Lewis Publishing, 2013) et Kafkanistan (Pap/Cdr. New York; London, Glitterati Inc, 2012). Retour au texte

20 On consultera notamment les travaux d’Erika Wicky, Les Paradoxes du détail : Voir, savoir, représenter à l’ère de la photographie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015. Retour au texte

21 Jorge Luis Borges, L’Aleph. traduit par Roger Caillois et René L. F. Durand, 1 vol., La Croix du Sud, Paris, Gallimard, 1967, p. 124. Retour au texte

22 Idem, p. 122. Retour au texte

23 Idem, p. 126. Retour au texte

24 Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus opticus. Les perspectives dépravées, 3e éd., Idées et recherches, Paris, Flammarion, 1984. Retour au texte

25 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique et autres essais, traduit par Guy Ballangé. Retour au texte

26 Baltrušaitis, op. cit., p. 195. Retour au texte

27 Jean-François Lyotard, Discours, Figure, Paris, Editions Klincksieck, 1985, p. 377. Retour au texte

28 Cécile Portier, « Étant Donnée ». Étant Donnée, 2012. Le site n’est aujourd’hui plus accessible mais peut être consulté via la wayback machine : https://web.archive.org/web/20180101080923/http://etantdonnee.net/. Retour au texte

29 Cécile Portier, « Étant donnée : une fable poétique sur le régime de notre identité numérique », Itinéraires, 2016. Retour au texte

30 Bien évidemment, le corpus présenté ici n’a nullement la prétention d’être exhaustif, bien qu’il se veuille représentatif de tendances fortes dans le champ de l’écriture photolittéraire contemporaine. On renverra, pour se faire une idée plus précise de la richesse du corpus contemporain, au répertoire de la photolittérature ancienne et moderne : phlit.org. Retour au texte

31 J’utilise ici le terme « transaction » au sens où l’entend Jean-Pierre Montier lorsqu’il définit la dynamique photolittéraire : « le “paradigme argentique” peut fonctionner afin de mettre en valeur des gains (ou des pertes) réciproques dans l’acte consistant à passer d’un registre à l’autre ou d’un objet à l’autre, tout en effaçant cet acte par lequel s’est effectuée la transaction ». Ici s’ajoute à la transaction photographie-littérature un second échange entre l’argentique et le numérique. Retour au texte

32 Anne-Marie Garat, Photos de famille, Arles, Actes sud, 2011, p. 182. Retour au texte

33 Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie, 2e éd., Belval, Circé, 2004, p. 113. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Servanne Monjour, « La photolittérature face à la remédiation photographique », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 2 | 2020, mis en ligne le 02 octobre 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=316

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Servanne Monjour

Université Paris Sorbonne (CELLF)

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