Trouble dans le pacte

Littérature documentaire et post-vérité

DOI : 10.35562/marge.353

Plan

Texte

Cet article propose d’interroger le rapport entre deux phénomènes contemporains : le succès d’une expression, celle de « post-vérité », et la multiplication, dans la production artistique et littéraire, d’un ensemble de formes qu’on qualifie parfois indifféremment de « factuelles », « non-fictionnelles » ou « documentaires ».

Traduction de l’anglais post-truth, qui s’est répandu au début des années 20001 et a été promu en 2016 « mot de l’année » par les lexicographes d’Oxford2, le terme « post-vérité » s’est vu popularisé sous la forme de l’expression « ère post-véridique » (post-truth politics3). Souvent associée à la notion de fake news, celle-ci s’est répandue à l’occasion des campagnes qui ont précédé, en 2016, le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et l’élection présidentielle américaine pour qualifier les liens entre médias et politique qui se sont développés au xxie siècle avec l’expansion des réseaux sociaux et de la blogosphère. Elle renvoie à une culture politique où les fausses assertions sont couramment utilisées à des fins idéologiques ou mercantiles, dans un contexte de crise des médias traditionnels qui privilégie internet et les réseaux sociaux comme sources d’information au détriment de la presse institutionnelle et des processus de vérification des faits qui fondent la déontologie journalistique.

Du côté des productions artistiques, et notamment littéraires, auxquelles je limiterai mon propos, un certain nombre d’œuvres semblent venir répondre à ce dévoiement des faits par les médias et les discours politiques, que ce soit en critiquant l’ère post-véridique qui serait la nôtre ou en produisant des contre-discours sur l’actualité et sur l’histoire. Mais, dans la mesure où il s’agit d’objets à vocation artistique, ces œuvres engagent parfois elles-mêmes un rapport ambigu au vrai. Pour parler de littérature, et plus généralement d’art, l’opposition vérité/mensonge semble en effet peu adaptée. Peut-on dire d’un romancier qu’il ment, même lorsqu’il prétend, selon la formule initiée par Truman Capote, livrer un récit « non-fictionnel » ? Où se situe l’engagement de l’écrivain par rapport à la vérité ? du côté des informations que son récit présente ? de la forme littéraire engagée ? du rapport aux sources documentaires qu’il mobilise ? de son protocole d’écriture ? Ces questions appellent évidemment une grande diversité de réponses, qui impliquent des choix artistiques parfois opposés. Ils font l’objet de métadiscours chargés de les expliciter ou de les justifier, dans lesquels le terme de « vérité » est souvent supplanté par un autre, aux contours encore plus flottants : celui de « réel ». Plus que d’un désir de vérité, un nombre croissant d’écrivains se réclament ainsi du projet de « rendre compte du réel », à une époque que les théoriciens de l’art placent volontiers sous le signe d’un « retour du réel4 » (Hal Foster) ou d’un « besoin de réel5 » (David Shields). Or, ces ambitions doivent être distinguées l’une de l’autre. Chercher à « dire la vérité » suppose de croire en l’existence d’une version des faits certes contestable et révisable, mais possiblement conforme aux faits eux-mêmes, par opposition à d’autres versions, erronées ou mensongères, qui ne le seraient pas. Cette position exclut le relativisme, selon lequel toutes les versions seraient plus ou moins équivalentes, et soumet implicitement celles-ci à une évaluation d’ordre épistémique, voire moral. Les faits, dans cette perspective, sont considérés comme ayant une existence objective, indépendante des discours chargés d’en rendre compte. Le souci du réel engage quant à lui d’autres préoccupations, dans la mesure où la catégorie ne désigne pas simplement un ensemble de faits qui existeraient de façon autonome et qu’il s’agirait de dépeindre ou de traduire. La notion de « réel » renvoie aussi à une construction intellectuelle, variable historiquement, et à laquelle participent les discours artistiques, au même titre que d’autres discours, journalistiques ou scientifiques notamment. On retrouve là l’héritage du linguistic turn théorisé par Richard Rorty6 ou des réflexions de Jean Baudrillard7. Leurs hypothèses méritent certes d’être discutées et critiquées ; ce qui semble indiscutable, néanmoins, c’est qu’elles ont infusé le climat intellectuel contemporain et marqué de leur empreinte les productions esthétiques. La question centrale que pose aujourd’hui le réel aux artistes, c’est en tout cas l’hypothèse que je défendrai, n’est plus celle de sa représentation, mais celle de ses modalités d’élaboration.

Comme l’expression « post-vérité », cette idée selon laquelle le réel ferait l’objet d’une construction contribue à brouiller les frontières permettant de distinguer aisément le vrai du faux, du mensonge ou de l’erreur, dans la mesure où elle fait peser le doute sur l’existence d’un référent stable, défini et objectif, au sujet duquel un discours « vrai » (c’est-à-dire adéquat) peut être tenu et à partir duquel il serait possible de mesurer le degré de vérité d’un énoncé. Ce brouillage n’est pas sans susciter une inquiétude quant à la foi qu’on peut prêter aux différents discours censés décrire le monde et on peut faire l’hypothèse que l’essor contemporain des pratiques artistiques documentaires n’est pas sans rapport avec les interrogations qu’il soulève. Si le réel n’a pas d’existence en soi, indépendamment des discours qui le façonnent, que fait-on de la notion de vérité ? À une époque où les discours médiatiques et politiques semblent régulièrement afficher leur mépris de la vérité, ne serait-ce pas précisément aux arts et à la littérature de réaffirmer un rapport au vrai ? Les réponses à ces questions, on s’en doute, sont loin d’être univoques : parmi les écrivains, plusieurs manières de se positionner dans ce débat peuvent être identifiées, que je proposerai d’examiner successivement.

Un contre-discours littéraire à l’ère de la post-vérité

Une partie de la production littéraire se définit d’abord, explicitement ou implicitement, contre certains discours dominants, qu’ils soient médiatiques, publicitaires ou politiques8. Ce qui caractérise en effet l’« ère post-véridique » et son traitement des faits, c’est un primat de l’émotion sur la raison qui s’accompagne d’une simplification à outrance, dans le but de produire un message immédiatement lisible et au risque de lisser la complexité du réel dont il s’agit de rendre compte. Le discours littéraire, parce qu’il n’est pas soumis aux mêmes impératifs de condensation, apparaît souvent dans le discours des écrivains comme une alternative à cette perspective nécessairement réductrice et possiblement mensongère. J’en donnerai pour exemple un fait divers que rapporte l’écrivain et ancien journaliste Marcel Cohen dans le premier volume de sa trilogie Faits. Une femme vient de perdre son mari et son fils dans l’incendie de leur caravane ; « incapable de la moindre émotion », soucieuse d’aller faire ses courses et de regarder les images du drame à la télévision, elle est pourtant transformée par un jeune journaliste en une veuve éplorée, « écrasée par la douleur, et qui en oublierait même de se nourrir si une assistante sociale, dépêchée par la mairie, ne veillait discrètement »9. C’est que, comme le souligne l’auteur, il est impossible de rendre compte de la scène et de sa complexité dans le cadre des deux mille cinq cents signes réglementaires pour ce genre d’article. Mieux vaut dès lors sacrifier à l’impératif du vraisemblable et fournir au lecteur le récit attendu, susceptible de susciter l’émotion, plutôt qu’un récit véridique, qui les inciterait à réfléchir aux conséquences de « l’extrême misère » sur la « personnalité » et sur « l’expression des sentiments les plus élémentaires10 ». Le texte dénonce ainsi le pouvoir coercitif et réducteur d’un format, celui du fait divers, le gauchissement et la schématisation du réel qu’il programme : sous couvert de livrer un discours « vrai », il s’agit avant tout de produire un énoncé conditionné par un principe d’efficacité, déterminé par les attentes du lectorat et par la volonté de susciter une émotion définie à l’avance. De la même manière, quand les romanciers, de Truman Capote à Emmanuel Carrère, s’emparent d’un fait divers, c’est souvent pour en critiquer le traitement par la presse11 et pour définir la littérature comme recherche de vérité contre les stéréotypes et les instrumentalisations des discours politiques et médiatiques.

Pour autant, la prose non-fictionnelle n’a pas l’apanage de ce travail de mise en question d’un rapport post-véridique aux faits. Une partie de la poésie contemporaine se fonde ainsi sur une pratique du montage pensée comme une reprise, une exposition et une déconstruction des discours et des poncifs caractéristiques de l’ère post-véridique. Édouard Levé, par exemple, accumule des énoncés de presse dépouillés de leurs noms propres pour dresser un portrait-robot des automatismes verbaux qui structurent notre rapport à l’actualité12, tandis qu’Emmanuel Adely versifie des bribes de discours de Nicolas Sarkozy de façon à mettre au jour leur violence sous-jacente, qui mobilise de façon récurrente la notion de vérité pour mieux jouer sur les réflexes émotionnels de l’auditeur13. Donner à lire sur le mode poétique et critique certains discours à visée pragmatique vise ainsi à faire prendre conscience au lecteur d’une économie de l’attention organisée pour le détourner des faits, et qui se revendique de la vérité pour mieux l’escamoter.

Ces exemples semblent constituer les discours artistiques en contre-discours destinés à déconstruire les discours médiatiques et politiques, à en pointer les répétitions, les simplifications et les stéréotypes, mais aussi parfois à leur opposer une alternative, qui permettrait de penser la complexité des faits contre les instrumentalisations caractéristiques du régime post-véridique. S’il y a dans cette opposition quelque chose de rassurant, il me semble qu’il y a aussi un risque à postuler un peu naïvement une dichotomie tranchée entre une littérature qui serait par nature du côté d’une recherche de vérité et des discours médiatiques et politiques qui seraient pour leur part du côté du mensonge, du stéréotype et de la schématisation. Cette opposition à dimension axiologique (la « bonne » littérature contre le « mauvais » storytelling14) est tentante pour les littéraires, qui y voient l’occasion de justifier leur objet en lui accordant une puissance et une volonté de résistance aux tendances jugées dominantes de la production discursive contemporaine. Mais elle risque de faire croire que la production littéraire se situe en-dehors de l’ère post-vérité, qu’elle pourrait facilement s’en extraire et la critiquer du dehors, alors que les écrivains, eux aussi, jouent très souvent le jeu d’une référence aux « faits » destinée à susciter certains affects, et participent d’une tendance contemporaine au brouillage entre le vrai et le faux, selon des modalités plus complexes que la simple réfutation.

Trouble dans le pacte

Avant d’examiner plus précisément la manière dont la littérature à son tour contribue au trouble jeté sur la notion de vérité, une courte mise au point théorique est nécessaire. On peut penser que la question du brouillage entre le vrai et le faux n’est pas à proprement parler l’affaire des littéraires. La définition de la fiction comme « feintise ludique partagée15 » suppose en effet la mise en place d’un cadre pragmatique qui échappe à une telle dichotomie. Toutefois, la question se pose autrement pour les œuvres qui relèvent du domaine qu’on appelle parfois celui des « écritures factuelles », ou de « non-fiction », ou encore des « littératures documentaires ». L’extension contemporaine de ce domaine factuel – des biographies, des témoignages, des enquêtes littéraires, qui rencontrent un succès grandissant16 – oblige la théorie littéraire à repenser certaines questions et la manière de les aborder, et notamment celle de la vérité ou de la foi à accorder aux discours littéraires. Les débats des narratologues destinés à déterminer s’il y aurait un « propre de la fiction » aboutissent, on le sait, à une aporie : tout signe de factualité peut toujours être imité sur le mode fictionnel. Il est tentant à partir de là de postuler un « panfictionnalisme » (tout récit est toujours reconstruction, même quand il ambitionne de ne rien inventer) ou un relativisme qui tendrait à évacuer la question du vrai et du faux.

Ces positions, néanmoins, si elles se tiennent d’un certain point de vue théorique, passent à côté d’une dimension essentielle de notre expérience de lecture : pour la plupart d’entre nous, il n’est absolument pas indifférent de savoir si les faits dont nous lisons le récit sont réels ou fictionnels. La mention « d’après une histoire vraie », ou « autobiographie » détermine fortement la réception d’un texte17. Comment alors penser la spécificité des œuvres factuelles ou non-fictionnelles en prenant en compte cette dimension ? La notion la plus convaincante semble être celle de « pacte référentiel » proposée par Philippe Lejeune18. Dans une autobiographie, un témoignage, des mémoires ou une enquête, l’auteur, qui est souvent le narrateur, s’engage à ne pas recourir à la fiction : même s’il se définit et se présente comme écrivain, il restreint en quelque sorte sa liberté en se donnant pour objectif de s’en tenir aux faits. Cet engagement, qui n’est évidemment pas une garantie, passe par différents indices : des métadiscours, des indications génériques, une publication dans telle ou telle collection, le recours à des notes en bas de page ou en fin d’ouvrage, la citation de documents, etc. Il a sans doute un coût (on peut avoir bien des raisons, qu’elles soient esthétiques, morales ou autres, de vouloir proposer une version alternative aux faits, qui les enjolive, les travestisse ou qui en passe une partie sous silence). Mais ce pacte représente aussi un « gain » pour celui qui l’énonce : son texte sera lu sur un mode spécifique, impliquant un autre rapport au récit, aux faits relatés et à celui ou celle qui en est l’auteur. En renonçant à la « feintise ludique partagée » de la fiction, l’écrivain affirme la place de son texte dans la fabrique du réel, aux côtés (et possiblement en concurrence avec) d’autres discours (journalistiques et scientifiques, notamment), engagés comme lui à décrire et expliquer le monde « tel qu’il est ».

Mobiliser la notion de pacte oblige à repenser les termes de la question qui nous occupe : plutôt qu’évaluer ces écrits dans le cadre d’une opposition entre vérité et mensonge, on peut les analyser en termes de respect ou de subversion du pacte de lecture instauré par l’auteur. Car, et c’est là ce qui distingue l’œuvre littéraire d’autres types de discours, affirmer un tel pacte de référentialité n’oblige pas un écrivain à dire la vérité, toute la vérité. Ce qui serait valable pour un historien ou un journaliste ne l’est pas pour lui – et une rupture du pacte ne disqualifie pas un écrit littéraire comme il le ferait d’un texte scientifique ou d’une enquête journalistique. C’est sans doute ce qui explique la multiplication des polémiques récentes opposant des historiens à des romanciers, en particulier quand les écrivains touchent à des périodes historiques aussi sensibles que la seconde guerre mondiale : on peut penser aux violentes invectives formulées par Claude Lanzmann à l’égard du Jan Karski de Yannick Haenel en 2009, aux réactions, tantôt fascinées, tantôt indignées, face au succès du livre de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, (2006)19, ou à la polémique célèbre entre Patrick Modiano et Serge Klarsfeld20. Après avoir largement aidé le romancier dans ses recherches sur Dora Bruder, celui-ci s’était en effet étonné d’avoir été entièrement effacé du récit publié par Modiano, qui se présente dans son livre du même nom comme unique acteur de l’enquête. La correspondance, publiée depuis, entre Klarsfeld et Modiano, révèle deux façons opposées, pour l’historien et juriste d’un côté, pour l’écrivain de l’autre, de penser la question de la vérité, de l’authenticité et de la fidélité aux faits. Modiano a ainsi pu revendiquer un impératif de cohérence esthétique et narrative contre l’impératif de transparence historienne. Il n’a pas exactement « inventé » de faits, mais il en a volontairement omis certains, au nom d’un pacte beaucoup moins contraignant que ne l’est celui mis en œuvre dans l’historiographie21.

Une telle démarche est encore plus ambiguë quand l’écrivain se présente dans son récit comme historien ou comme journaliste, soit comme ce qu’on pourrait appeler un « professionnel de la vérité ». Dans Vie et mort de Paul Gény, Philippe Artières enquête sur son arrière-grand-oncle, Paul Gény, philosophe jésuite assassiné en 1925 dans les rues de Rome par un fou22. Son récit s’accompagne de transcriptions ou de reproductions de différents documents (extraits de différents fonds d’archives, propos oraux ou écrits, correspondances diverses) et Artières, même s’il l’a rédigé dans le cadre d’une résidence à la villa Médicis comme écrivain, et même s’il publie ce livre dans la collection « Fiction & Cie » du Seuil, s’y présente comme l’historien spécialiste des questions d’archives et des écrits de rue qu’il est par ailleurs. Un historien joueur, qui n’hésite pas à acheter une soutane en se faisant passer pour un homme d’église et qui se décrit comme un peu « voleur »23, mais un historien tout de même, qui d’ailleurs use de son statut de chercheur pour obtenir un accès à différents fonds d’archives24. Or, dans ce livre, sans jamais l’expliciter, Philippe Artières triche avec le pacte de référentialité. Rien ne permet de le deviner dans le texte lui-même, mais le cahier de l’assassin qu’il prétend reproduire est une pure fabrication de sa part, et certains faits rapportés n’ont jamais eu lieu25. Cette transgression n’est pas de nature à disqualifier le travail d’Artières en tant qu’écrivain (là où elle invaliderait un ouvrage historiographique), mais elle repose clairement sur une subversion du pacte implicitement défini avec le lecteur, qui pourrait à juste titre se sentir abusé par la figure d’historien bien réelle derrière laquelle se dissimule le narrateur de ce récit en partie fictif.

On touche là une zone d’ombre des littératures non-fictionnelles, qui revendiquent toutes un pacte de référentialité mais qui, pour certaines, s’autorisent des incursions fictionnelles plus ou moins ponctuelles. La revendication d’une liberté du créateur semble ainsi reconduire la suspension de la question du vrai et du faux, parfois au détriment d’un pacte de lecture qui n’est pas toujours clairement précisé. La question est celle de déterminer l’extension ou le degré de précision auquel contraint un pacte de référentialité littéraire : si l’écrivain, contrairement à l’historien ou au journaliste, peut prendre ses distances avec les faits, le pacte a-t-il encore un sens ? Peut-on jouer d’une feintise ludique (de la fiction) de façon restreinte ? Dans ce cas, si les altérations et modifications ne sont pas signalées, comme chez Artières, peut-on encore qualifier cette feintise, fût-elle ludique, de « partagée » ? À moins que l’on considère que toute entreprise littéraire suppose d’en jouer, et que le pacte de référentialité lui-même ne constitue qu’une feintise supplémentaire, soit une façon de mimer, sur le mode fictionnel, certaines déclarations d’intention propres à d’autres modes de production de discours : ce qui revient à nier la spécificité des écritures factuelles et à taxer de naïves les lectures qui les créditeraient d’une valeur documentaire.

On voit ainsi comme ces littératures peuvent reconduire les enjeux et les problèmes liés à la notion de post-vérité, puisqu’il s’agit là aussi de dire que l’impact esthétique et la puissance émotionnelle peuvent légitimer un écart par rapport aux faits. C’est contre ces brouillages du fictionnel et du factuel que certains chercheurs comme Frédéric Detue et Charlotte Lacoste26 promeuvent une démarche critique consistant à analyser les témoignages, en se basant notamment sur des critères internes aux textes, dans le but de séparer les témoignages fiables des autres, et de préparer le terrain au travail des historiens. Pourtant, on peut aussi se sentir mal à l’aise face à cette position d’arbitre de la production littéraire assignée au critique et face à un exercice d’évaluation engageant des critères certes épistémiques, mais qui risquent toujours de confiner aux enjeux moraux.

Ma position par rapport à ces différentes positions qui parcourent le champ littéraire est intermédiaire : il me semble, d’un point de vue théorique, que les choix de Modiano ou d’Artières ne sont à penser ni en termes moraux, ni en termes purement esthétiques. Mais ces positionnements ambigus par rapport à la vérité historique nous obligent à nous interroger sur le régime particulier de vérité qui les rend possibles. Comment se fait-il qu’on puisse aujourd’hui à la fois sérieusement proposer un pacte référentiel et, sans être un pur escroc, revendiquer une liberté de transgression de pacte ? Du côté des historiens, et cela se comprend, le risque du relativisme, voire du négationnisme est souvent pointé. Mais il se pourrait aussi qu’il y ait, chez certains écrivains du moins, une ambition heuristique dans cette démarche, qui consisterait à exhiber le processus de construction des discours factuel, et à rendre volontairement problématique la catégorie de vérité historique. Cela oblige à distinguer entre « vérité » et « fait » : nier les faits n’est pas la même chose que réviser la vérité, ni que jouer avec elle. Car une vérité est toujours déjà prise dans un discours. Et il me semble que c’est à l’examen critique de ces discours que se consacrent les littératures dites « documentaires ».

Fabrique et désert du réel : documents et simulacres

L’hypothèse que je voudrais défendre, c’est qu’une grande partie de la production littéraire factuelle témoigne d’un malaise face aux catégories de réel et de vérité, et affirme que les discours artistiques, comme les discours médiatiques, mais aussi scientifiques, sont légitimes dans cette entreprise de problématisation de la distinction entre vrai et faux, réel et fictionnel. En témoigne la multiplication des termes génériques qui disent ce brouillage, tels que « faction », ou « exofiction », le plus célèbre et le plus ancien étant celui d’« autofiction », genre qui semble aujourd’hui quelque peu passé de mode, mais que de nombreux écrivains pratiquent toujours plus ou moins ouvertement. Un des intérêts de l’autofiction tient à la façon dont elle invite à penser la dimension construite de tout écrit autobiographique, ce qui vient relativiser l’idée d’un discours « vrai » sur soi. On peut voir dans la production littéraire contemporaine une extension de cette réflexion, qui ne touche plus seulement les discours sur le moi, mais ceux sur le monde. On en trouve un exemple dans un récit de Jérôme Ferrari, Le principe, paru en 2015 et consacré au physicien Werner Heisenberg, auteur du célèbre principe d’incertitude, qui dit qu’on ne peut pas en même temps déterminer précisément la position et la vitesse d’une particule27. Ce principe physique fait vaciller la catégorie même de réel (il implique que « les choses n’ont pas de fond », écrit Ferrari). Le romancier érige quant à lui ce principe physique en principe narratif : comme les choses, les êtres n’ont pas de fond, il n’est pas possible de savoir de façon absolue qui était Heisenberg, de connaître à la fois sa position et sa trajectoire, ni de juger précisément de sa collaboration avec le régime nazi.

Parmi une multitude d’autres exemples, on peut citer une œuvre qui a été lue d’un public relativement large et qui constitue une référence importante de la non-fiction française contemporaine : L’Adversaire, d’Emmanuel Carrère28. L’auteur y enquête à la première personne sur Jean-Claude Romand, imposteur fou qui a assassiné sa femme et ses enfants après avoir pendant plus de vingt ans, vécu d’escroqueries tout en prétendant être médecin chercheur à l’OMS, en faisant croire chaque jour à sa famille qu’il partait travailler alors qu’il errait sur les routes. On voit nettement que ce qui fascine Carrère dans cette histoire, c’est la capacité qu’a eue cet homme au nom prédestiné de remplacer le réel par une fiction qu’il avait inventée de toutes pièces. La question philosophique que Carrère soulève, et qu’il formule pour sa part en termes religieux (l’Adversaire étant un des noms du diable), concerne ainsi le rapport à la vérité et peut se penser en termes de simulacre. Le propre du simulacre est de mettre à mal la distinction entre réel et imaginaire, ce que Jean Baudrillard, dans Simulacre et simulation illustre à partir de l’exemple d’une nouvelle de Borgès dans laquelle les cartographes dressent une carte de l’empire à l’échelle un. La carte finit par recouvrir tout le territoire, au point qu’on ne sait plus s’il y a quelque chose ou non en-dessous : la représentation supplante ainsi le réel et amène à douter de son existence. Comme l’écrit Baudrillard « feindre, ou dissimuler, laissent intact le principe de réalité : la différence est toujours claire, elle n’est que masquée. Tandis que la simulation remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire29 ». Cette mise en cause de la différence entre vrai et faux propre à la simulation rejoint ainsi la menace dont semble porteuse la notion de post-vérité. Depuis les analyses de Baudrillard sur Disneyland ou le Watergate, la politique ou la téléréalité sont allées bien plus loin dans la production de simulacres, et on peut penser que la littérature contemporaine prend acte de cette accélération. Une réflexion philosophique sur le réel et le virtuel, le vrai et le faux, qui était traditionnellement prise en charge par la littérature et le cinéma de genre, tout particulièrement par la science-fiction (on peut penser à la trilogie de Lilly et Lana Wachowski, Matrix, ou aux livres de Philip K. Dick, auquel Carrère a consacré une biographie), se voit ainsi investie par la littérature dite « blanche ».

L’autre caractéristique de ce glissement, c’est que ces réflexions ne se manifestent plus de façon exclusive dans le cadre de récits fictionnels (principalement le roman et la nouvelle, qu’ils soient ou non de science-fiction) mais aussi, et peut-être surtout, du côté de récits factuels. Ceux de Jérôme Ferrari et d’Emmanuel Carrère prennent tous deux pour objet la biographie d’un personnage dont l’existence est avérée, se fondent sur des documents et des témoignages (ce dont attestent les sources citées par Ferrari à la fin de son livre ou les descriptions du procès auquel Carrère a assisté) et rapportent des faits susceptibles d’être vérifiés. L’hypothèse qu’on peut alors faire, c’est que, en ce début de vingt-et-unième siècle, le document est en quelque sorte devenu le simulacre par excellence, tout à la fois caractéristique et structurant de l’ère post-vérité qui serait la nôtre : un artefact initialement destiné à représenter le réel, à l’attester, à le garantir, mais qui progressivement en est venu à le supplanter, au point de le faire disparaître. On sait que la manipulation de données et d’images joue un rôle essentiel dans le régime post-véridique d’information, qu’il s’agisse de détourner les chiffres et les faits dans les fake news ou de se créer sur les réseaux sociaux une fiction en images de soi qui tient littéralement lieu d’existence. Le document, d’abord pensé comme une preuve venant légitimer certains discours (les thèses des historiens, les enquêtes des journalistes), est ainsi détourné, mobilisé pour attester de fictions ou de mensonges, au point que le lien avec le référent semble rompu. Les artefacts que nous englobons sous l’appellation de « documents », qu’il s’agisse de photographies, de pièces d’archives, de témoignages écrits ou enregistrés, participent donc de cette confusion entre réel et virtuel. C’est là ce que Baudrillard nomme « hyperréalité » : le vrai et le faux, mais aussi l’original et la copie, l’événement et son interprétation, la chose et sa représentation se confondent au point qu’il devient impossible de les distinguer. Le document « tient lieu » de réel, au point qu’on peut en venir à douter d’un réel qui subsisterait « derrière » le document, autant que de l’existence d’un territoire sous la carte de l’empire. Le critique d’art Mark Nash30, qui a collaboré à Documenta 11 de Cassel en 2002 sous le commissariat d’Okwui Enwezor et dont les écrits ont popularisé l’idée d’un « tournant documentaire » dans l’art contemporain, associe d’ailleurs cette expansion des formes et des pratiques documentaires à la notion d’hyperréalité31. Dans cette multiplication de documents détournés, manipulés (comme le faux cahier censément retranscrit par Philippe Artières, ou comme les photographies non légendées qui essaiment dans les livres de W. G. Sebald) et dont le référent « réel » n’existe pas (chez Artières) ou n’a pas d’importance (chez Sebald), il s’agit pour les écrivains, comme pour les artistes, de jouer d’un certain « effet de réel » que le document suscite. Mais c’est pour mieux le subvertir, dans la mesure où il constitue, sinon un leurre, du moins une illusion susceptible de tenir lieu de réalité. Là encore, les propos de Baudrillard selon lesquels « la simulation enveloppe tout l'édifice de la représentation lui-même comme simulacre32 » sont éclairants pour penser cet usage du document et ce « désert du réel » qui menace derrière la « post-vérité ».

Pour autant, il ne s’agit pas uniquement pour la littérature, ni pour l’art en général, de jouer le jeu de cette disparition du réel au nom du réel. Les écrivains et les artistes, dans leur travail, investissent aussi de manière critique ce régime spécifique de représentation qui va de pair avec le régime d’information propre à l’ère post-véridique. Ils scrutent, expérimentent et critiquent les outils et les méthodes à travers lesquelles le « réel » ou ce qui en tient lieu est produit par les discours : l’observation participante, les pratiques de terrain, les usages de l’enquête, de l’entretien, et du document lui-même. Ces œuvres rejoignent ainsi l’idée selon laquelle la vérité s’administre par des procédures – procédures qui nous semblent parfois aller de soi, mais que la littérature, comme l’épistémologie, interrogent en les dénaturalisant. J’en donnerai pour finir un exemple : Que faire de ce corps qui tombe33, qui adapte au récit littéraire la pratique du fact-checking journalistique. En 2005, l’écrivain John D’Agata a envoyé pour publication à la revue The Believer un texte inspiré d’un fait divers : le suicide d’un adolescent qui s’est jeté, en 2002, du haut d’une tour de Las Vegas. L’éditeur du Believer demande alors à Jim Fingal de vérifier les faits rapportés par D’Agata : avec une minutie exacerbée, celui-ci examine chaque détail du récit, de la durée en secondes de la chute à la température extérieure qu’il faisait à Vegas ce jour-là. Dans l’ouvrage qui résulte de leurs échanges, le texte original est placé au centre de la page, entouré des commentaires croisés de l’auteur, du fact checker et de l’éditeur, dans un dispositif qui interroge les frontières poreuses entre enquête journalistique et littéraire ainsi que les rapports de l’écriture au « réel », au « vrai » et aux « faits ». S’il s’agit dans ce livre de faire entendre des voix divergentes et des conceptions concurrentes de la vérité, il s’agit aussi de mimer, sur un mode à la fois critique et ludique, une des procédures les plus courantes (mais en général invisible) de régulation de la vérité journalistique, d’en interroger les limites, les modalités et le contexte historique qui impose une telle pratique de vérification. Le « vrai » gît-il dans les détails, quelque ténus qu’ils soient ? Le vraisemblable peut-il être tenu pour plus vrai que l’authentique ? À quel impératif de vérité l’auteur de non-fiction s’engage-t-il ? Que risque-t-il à livrer ses sources ? Quelles sont les conséquences impliquées par tel ou tel usage de données ou de documents ? Autant de questions qui interrogent, sur le mode littéraire, des procédures d’administration de la vérité qui excèdent très largement le domaine de la littérature et auxquelles l’ouvrage se garde bien d’apporter une réponse univoque.

On peut souligner à nouveau, pour conclure, que ce que certains théoriciens ont pu qualifier de « tournant documentaire », ou de « besoin de réel », voire de retour à une littérature « transitive », se fait sentir avec insistance dans un contexte où la notion de vérité semble fragilisée, et ce à la fois par les discours politiques et médiatiques, par la téléréalité et la publicité, mais aussi par toute une tradition théorique et philosophique, qui passe par le simulacre de Baudrillard et le linguistic turn de Rorty. C’est dans un tel contexte historique et de pensée, où les discours habituellement investis en vérité, comme ceux du journalisme, de la science, de la politique, se voient frappés de soupçon, que les arts prennent en charge des questions d’ordre philosophique (qu’est-ce que le réel ? Qu’est-ce que le vrai ?), mais peut être aussi davantage des questions d’ordre épistémique et épistémologique, qui concernent la manière dont la vérité, qu’elle soit médiatique, politique, ou scientifique, se fabrique et s’administre. Une partie de la littérature contemporaine, et notamment des littératures dites factuelles, pratiquent ainsi une forme d’épistémologie sauvage et l’expression « tournant documentaire » est un des noms possibles de ce phénomène de décloisonnement des discours, qui accompagne en les approfondissant les questionnements sur les limites entre le vrai et son, ou ses, contraires.

Notes

1 Ralph Keyes, The Post-Truth Era : Dishonesty and Deception in Contemporary Life, New York, St Martin’s, 2004. Voir aussi : Harry G. Frankfurt, L’Art de dire des conneries [On bullshit], trad. Didier Sénécal, Paris, 10/18, 2006, [2005]. Retour au texte

2 Alison Flood, « Post-truth named word of the year by Oxford Dictionaries », The Guardian, 5 novembre 2016, disponible sur : https://www.theguardian.com/books/2016/nov/15/post-truth-named-word-of-the-year-by-oxford-dictionaries. En France, le mot est entré en 2017 dans le Petit Larousse et le Robert illustré. Retour au texte

3 On rencontre également l’expression synonyme « ère post-factuelle » (post-factual politics). Retour au texte

4 Hal Foster, Le Retour du réel : situation actuelle de l’avant-garde [The Return of the Real : The Avant-garde at the End of the Century], trad. Yves Cantraine, Frank Pierobon et Daniel Vander Gucht, Bruxelles, La Lettre Volée, 2005 [1996]. Retour au texte

5 David Shields, Besoin de réel : un manifeste littéraire [Reality Hunger], trad. Charles Recoursé, Vauvert, Au Diable Vauvert, 2016 [2010]. Retour au texte

6 Richard Rorty (dir.), The Linguistic Turn. Recent Essays in Philosophical Method, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 1967. L’expression, attribuée par Rorty au philosophe Gustav Bergmann, chez qui elle désigne l’approche philosophique de Ludwig Wittgenstein dans son Tractatus Logico-Philosophicus, renvoie à la démarche fondatrice de la philosophie analytique et de la philosophie du langage ordinaire, qui insistent sur l’analyse du langage comme fondement du travail conceptuel de la philosophie. L’expression linguistic turn a également servi à désigner un courant historiographique, centré notamment autour des travaux d’Hayden White, selon lequel l’historien, parce qu’il a accès à des textes, et non à des faits, n’étudie que les représentations discursives de la réalité. Retour au texte

7 Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981. Retour au texte

8 Je reprends ici certaines remarques formulées dans le cadre du projet « Littérature contre storytelling » mené par Danielle Perrot-Corpet et Judith Sarfati-Lanter entre 2014 et 2016. Il proposait d’analyser la manière dont les discours esthétiques pouvaient se présenter comme des « contre-narrations », venues contester certaines versions des faits circulant dans les médias. Voir les dossiers publiés dans les revues Comparatismes en Sorbonne et Raison Publique, disponible sur : http://www.crlc.paris-sorbonne.fr/FR/Page_revue_num.php?P1=7 et http://www.raison-publique.fr/article877.html. Retour au texte

9 Marcel Cohen, Faits, lecture courante à l’usage des grandes débutants, Paris, Gallimard, 2002, p. 69. Retour au texte

10 Ibid. Retour au texte

11 À ce sujet voir : Émilie Brière, « Faits divers, faits littéraires. Le romancier contemporain devant les faits accomplis », Études littéraires, vol. 40, n° 3, « Penser la littérature par la presse », 2009, p. 157-171. Retour au texte

12 Édouard Levé, Journal, Paris, POL, 2005. Retour au texte

13 Emmanuel Adely, Cinq suites pour violence sexuelle, Paris, Argol, 2008. Retour au texte

14 Pour une analyse critique détaillée de ce « conte » contemporain, voir : Raphaëlle Guidée, « Le gentil récit littéraire et le grand méchant storytelling : anatomie d’un conte contemporain » Raison-publique.fr : arts, politique, société, 2018, Danielle Perrot-Corpet et Judith Sarfati-Lanter (dirs.), Dossier « Littérature contre storytelling avant l’ère néolibérale. Pour une autre histoire des engagements littéraires au XXe siècle », en ligne. Retour au texte

15 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999. Retour au texte

16 Ces œuvres font en effet l’objet d’une visibilité et d’une reconnaissance inédites : on peut penser aux deux prix Nobel décernés successivement en 2014 à Patrick Modiano et en 2015 à Svetlana Alexiévitch. À l’échelle française, on pourrait aussi mentionner, parmi beaucoup d’autres, l’attribution, à l’automne 2016, du prix Médicis du roman à Ivan Jablonka pour Laëtitia. Retour au texte

17 Cela n’est évidemment pas nouveau. Il suffit de penser aux débats liés au statut fictionnel ou authentique des Lettres Portugaises : leur histoire éditoriale montre suffisamment que tous les indices qui contribuent à créer un sentiment d’authenticité peuvent toujours être imités sous la forme d’une fiction. Voir à ce sujet : Marc Escola, « L'auteur comme fiction : Guilleragues », publié dans la rubrique « Atelier » du site Fabula, disponible sur : http://www.fabula.org/atelier.php?L%27auteur_comme_fiction_%3A_Guilleragues. Retour au texte

18 Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, p. 36. Retour au texte

19 Jonathan Littell, Les Bienveillantes, Paris, Gallimard, 2006. Yannick Haenel, Jan Karski, Paris, Gallimard, 2009. Sur ces deux polémiques, voir Patrick Boucheron, « On nomme littérature la fragilité de l'histoire », Le Débat, 2011/3 n° 165, p. 41-56 et Patrick Boucheron, « "Toute littérature est assaut contre la frontière". Note sur les embarras historiens d'une rentrée littéraire », Annales. Histoire, sciences sociales 2010/2 (65e année), p. 441-467. Retour au texte

20 Voir à ce sujet le Cahier de l’Herne Modiano, sous la direction de Raphaëlle Guidée et Maryline Heck, Éditions de L'Herne, collection « Cahiers de L'Herne », n° 98, 2012, où est publiée la correspondance Modiano/Klarsfeld (p. 178 sq.). Voir aussi, dans le même cahier, Mireille Hilsum « Serge Klarsfeld/Patrick Modiano : enjeux d’une occultation » (p. 187 sq.), et en ligne : Raphaëlle Guidée, « L’écriture contemporaine de la violence extrême : à propos d’un malentendu entre littérature et historiographie », Fabula/Les colloques, Littérature et histoire en débats, disponible sur : http://www.fabula.org/colloques/document2086.php. Retour au texte

21 On peut ainsi, de la même manière, s’interroger sur le rapport aux faits historiques de Sebald, promu « archéologue de la mémoire » et biographe des vies oubliées. Les Émigrants, livre qui prétend retracer les vies de quatre personnes réelles, combine en réalité dans son dernier récit divers éléments biographiques appartenant à des personnes différentes. Les médias comme les critiques ont pourtant principalement retenu les déclarations de l’auteur affirmant que les modifications effectuées sont essentiellement des changements de forme, pas de fond. Retour au texte

22 Philippe Artières, Vie et mort de Paul Gény, Paris, Seuil, 2013. Retour au texte

23 Ibid., p. 103. Retour au texte

24 Ibid., p. 154. Retour au texte

25 Je m’appuie ici sur une déclaration privée de Philippe Artières qu’aucune déclaration écrite, à ma connaissance, ne permet de confirmer. Dans le livre, la reproduction du cahier est précédée d’une note de l’auteur décrivant la source, selon une méthode propre au travail de l’historien aux archives. Retour au texte

26 Frederik Detue et Charlotte Lacoste (dir.), « Témoigner en littérature », Europe, n° 1041-1042, janvier-février 2016. Retour au texte

27 Jérôme Ferrari, Le Principe, Arles, Actes Sud, 2015. Retour au texte

28 Emmanuel Carrère, L’Adversaire, Paris, POL, 2000. Retour au texte

29 Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 12. Retour au texte

30 Mark Nash (éd.), Experiments with Truth, Fabric Workshop and Museum, Philadelphia, The Fabric Workshop and Museum, 2004. Retour au texte

31 « In this perspective it is no longer possible to distinguish between "reality" and "its" representation ». Mark Nash, « Experiments with Truth : The Documentary Turn », Anglistica 11, n° 1/2, 2007, p. 33-40. Voir aussi : Nash Mark, « Reality in the Age of Aesthetics », Frieze Magazine, n° 114, avril 2008 et Steyerl Hito, « The Politics of Truth. Documentarism in the Art Field », Springerin, 3/03, 2003. Retour au texte

32 Jean Baudrillard, op. cit., p. 16. Retour au texte

33 John D’Agata et Jim Fingal, Que faire de ce corps qui tombe ? [The Lifespan of a fact], trad. Henry Colomer, Bruxelles, Vies parallèles, 2015 [2012]. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Marie-Jeanne Zenetti, « Trouble dans le pacte », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 3 | 2021, mis en ligne le 11 mars 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=353

Auteur

Marie-Jeanne Zenetti

Université Lyon II (Passages XX-XXI)
marie-jeanne-zenetti@univ-lyon2.fr

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