Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso

DOI : 10.35562/rif.1276

Résumés

La multiplication des attaques terroristes en Afrique francophone en particulier au Mali et au Burkina Faso, révèle l’insuffisance d’une stratégie de lutte antiterroriste uniquement basée sur la réponse militaire et interroge sur l’impact de la laïcité dans le maintien de la paix. En tant que principe de gouvernance et d’organisation de l’État, la laïcité proclamée par les constituants du Mali et du Burkina Faso, est censée permettre à ces pays d’assurer librement leurs fonctions régulatrices et identitaires afin de mieux répondre aux besoins des citoyens. Aussi, sa violation constatée dans le fonctionnement des institutions politiques, expliquerait en partie les crises dans ces régions et leurs répercussions sur d’autres États de l’Afrique de l’ouest. A cet égard, la fragilité du Mali et du Burkina Faso au niveau socio-économique favoriserait l’implantation des groupes terroristes, facilitée parfois par le fait que l’islam y reste une religion très influente dans la vie sociale comme politique. Ainsi, c’est la question générale de la bonne gouvernance qui se pose en réalité même si elle ne devrait pas occulter celle de la pertinence civilisationnelle du principe de laïcité, appliqué à des sociétés africaines organisées suivant des logiques ethniques ou confessionnelles au-delà de la pertinence des arguments théoriques et juridique qui en font un outil pacificateur.

The multiplication of djihadistes attacks in French-speaking Africa especially in Mali and in Burkina Faso, reveals the insufficiency of a strategy of fight against terrorism only based on military answer and questions about the impact of secularism in the maintaining of peace. As principle of governance and of organisation of the State, the secularism proclaimed by the constituents of Mali and of Burkina Faso, is supposed to allow these countries to assure freely their regulating and self-defining functions to answer better in need of the citizens. Also, his violation determined in the functioning of the political institutions, would explain crises partly in these regions and their repercussions on other States of Western Africa. In this respect, the fragility of Mali and of Burkina Faso at socioeconomic level would favour the establishment of the terrorist groups, made easier sometimes due to the fact that Islam remains a very influential religion in social life as politics there. So, it is the question of the good governance that is at issue in reality which besides is be common in a good many of Africain States. But, it should not eclipse that of the civilisationnelle pertinence of the principle of secularism applied to Africain societies organised according to ethnic or denominational logic more than on a sum of désécularisés individuals-citizens, beyond the pertinence of theoretical and legal arguments making secularism a peacemaking tool.

Index

Mots-clés

laïcité, paix, terrorisme, religion, bonne gouvernance

Keywords

secularism, peace, terrorism, religion, good governance

Plan

Texte

Le maintien de la paix reste à l’heure actuelle une préoccupation de premier ordre en Afrique de l’ouest comme partout d’ailleurs dans le monde. Depuis la fin du XXe siècle, à l’heure de l’apparition des sociétés multiculturelles dominées par l’identitaire, et de l’importance des phénomènes de radicalisation religieuse, certains espaces francophones sont particulièrement déstabilisés par une série d’attaques djihadistes d’une gravité extrême. C’est le cas entre autres du Mali et du Burkina Faso dont les populations sont presque majoritairement musulmanes1. Dans cette partie du continent africain, on assiste de plus en plus à des assauts armés contre l’État, à des agressions terroristes islamistes perpétrées par les membres de diverses organisations dans le cadre du djihad qu’elles mènent dans le monde entier. Bien que les ambitions de ces organisations diffèrent selon le pays où elles opèrent, leurs actions s’inscrivent avant tout dans une radicalisation de la pratique de l’islam au mépris des valeurs étatiques, notamment du multiculturalisme prôné par les constituants négro-africains. Cette situation a un impact direct sur la laïcité en tant que concept philosophique, sociétal et juridique voire constitutionnel.

Selon le dictionnaire de droit constitutionnel, la laïcité est un système de valeur qui permet d’affirmer la distinction du domaine temporel par rapport au domaine spirituel (Duhamel, Mény, 1992, 562). Forgée d’abord dans le contexte de la culture chrétienne romaine pour affirmer dès la fin du Moyen Âge la dissociabilité de la christianité et de l’humanité, la laïcité sera ensuite introduite dans la construction de la troisième République en France où elle devient l’une des composantes décisives du vocabulaire politique et institutionnel. À ce titre, elle désigne le caractère de l’espace public émancipé de tout contrôle particulariste, et notamment celui de l’Église et plus tard de la religion en général. Elle apparaît comme un instrument de préservation du monopole de l’autorité de l’État indispensable à la construction d’une citoyenneté égalitaire et universaliste. En cela, elle se veut à la fois émancipatrice promouvant les droits individuels et protectrice des institutions publiques de toute influence particularistes.

Importée par le colonisateur français (Triaud, 2009, 121-143)2, la notion de laïcité en Afrique noire francophone revêt un caractère normatif ou de droit positif grâce à son affirmation fabuleuse et prestigieuse dans les Constitutions3. Bien que prônée au Mali et au Burkina Faso comme principe de gouvernance, l’islam y reste une religion très influente dans la vie sociale comme politique. Ce constat favorise en partie les ambitions des organisations djihadistes dont les actions menacent sérieusement la paix dans la sous-région ouest-africaine. En effet, différentes des guerres civiles (Schindler, 1996, 466-593)4 ou de simples émeutes (Kpodar, 2002, 21 ; Zorgbibe, 1975, 6), les actions des organisations djihadistes se caractérisent par l’utilisation de la violence ou de la terreur dans la poursuite d’un objectif idéologique et politique sans qu’il soit aisé d’établir la qualité d’agents ou de représentants étatiques des auteurs. Elles prennent la forme de terrorisme international opposant les autorités en place voire la population civile à des groupes armés islamistes organisés dont l’enjeu est de semer la terreur pour substituer radicalement la théocratie basée sur la loi islamique à l’ordre formellement établi, notamment la démocratie.

Notion encore difficile à cerner, le terrorisme est condamné en droit international comme en témoignent de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU, 1995, 49/60). De même, dans la liste des actes incriminés en 1991 par la commission du droit international (CDI), figure le terrorisme international (C.D.I., 1991, 101). Or, tout comme les conflits armés internes (Jacquier, 1993,77-82 ; Robert, 2001, 13), le terrorisme international, est une forme de menace à la paix qui n’était pas formellement prévue par le système onusien de sécurité collective (Salmon, 2001, 1024) lequel ne visait à l’origine qu’à pacifier les relations mutuelles entre États (Dupuy, 1998, 532 ; Brigitte Stern, 1994, 145). Aussi l’ONU s’est-elle vite forgée une nouvelle conception de la sécurité en s’intéressant, outre les guerres civiles, au terrorisme international (Barrea, 1991, 136) qui, à l’instar de celles-ci, peut résulter des facteurs de nature non militaire (Boutros-Ghali, 1998, 12), d’ordre économique, social, politique auxquels l’on ajoute la colonisation par l’Occident, les considérations identitaire, idéologique ou religieuse et la politique étrangère américaine (El Khadir, 2004, 8-21).

Cependant, les efforts de l’ONU (Flory,1965, 446)5 ainsi que ceux entrepris récemment dans le cadre du G5 Sahel6 restent encore insuffisants pour éradiquer cette menace. Au contraire, celle-ci prend une ampleur inquiétante s’étendant vers les États frontaliers du Mali en particulier le Niger à l’est et le Burkina Faso au sud. Aussi se caractérise-t-elle par une configuration assez complexe, marquée par le choc de différents groupes djihadistes eux-mêmes en proie à diverses scissions et recomposition au sein des États dont les institutions restent marquées par une rupture du pacte de la laïcité au profit ou au détriment de la religion islamique (Ouédraogo, 2018, 119-140 ; Vanvyve, 2016, 22-44).

Dans les deux cas, il s’agit d’États marqués par une forte population musulmane mais aussi par une cohésion interne fragile à laquelle une bonne pratique de la laïcité aurait peut-être pu remédier. Cette double caractéristique n’est donc évidemment pas sans influence sur le maintien de la paix. En effet, l’incapacité des États du Mali et du Burkina Faso à assurer une gestion saine des deniers publics, à lutter contre l’injustice et la pauvreté, les rendent plus vulnérables aux attaques djihadistes que les autres États de l’Afrique noire à forte population chrétienne ou animiste. Certes, il n’est pas question d’attribuer le monopole de la mauvaise gouvernance à ces deux pays, encore moins de réduire le djihadiste à l’islam, mais de mettre l’accent sur l’influence de cette religion dans la tolérance et parfois l’acceptation des idées des groupes islamistes par la population ou la frange la moins favorisée, affaiblie de sa perte de confiance aux valeurs de la démocratie et de la laïcité. À ce titre, les menaces à la paix dans ces pays visent-elles au-delà d’autres considérations, la déstabilisation de l’État en représailles aux politiques ou aux valeurs héritées après tout de l’Occident.

Face à cette situation, l’une des solutions revient peut-être pour ces États affectés, de régler les conflits intérieurs par une bonne pratique de la laïcité. Il s’agira surtout de rétablir la confiance de leur population ainsi que l’autorité légitime de l’État là où existait celle de l’islam. Dans ces conditions, se pose le problème de l’impact du principe de laïcité sur les valeurs que celui-ci promeut en particulier le maintien de la paix. Comment permettre au Mali et au Burkina Faso de maintenir une paix durable ou de lutter contre le terrorisme grâce à la laïcité de leurs institutions ? Dans ce cas, il y a lieu de se demander aussi si le maintien de la paix dans ces régions défaillantes à forte population musulmane est un objectif compatible avec la laïcité proclamée par les constituants malien et burkinabé. En d’autres termes, la laïcité importée par le colonisateur français, au-delà de la pertinence des arguments théoriques faisant d’elle un outil pacificateur, est-elle vraiment adaptée aux sociétés traditionnellement ethnique et/ou confessionnelles ? Pour répondre à ces interrogations, il est important de focaliser notre analyse sur les mécanismes par lesquels le principe de laïcité proclamé dans les Constitutions de ces États intervient ou est censé intervenir dans le maintien de la paix.

Ainsi, l’intérêt de cette étude est de mener une analyse susceptible de déboucher sur un essai de théorie juridique dans le cadre spécifique des États africains à forte population musulmane. Le thème s’y prête particulièrement puisqu’il permet d’interroger les mécanismes par lesquels la laïcité pourrait intervenir pour répondre aux menaces djihadistes et maintenir la paix dans la sous-région. Il permet également d’interroger la pratique et d’y voir, s’agissant particulièrement de la société malienne, l’échec d’un modèle d’État et de valeurs importés notamment la laïcité au-delà même des causes internes liées à la mauvaise gouvernance.

Il y aurait donc une préséance de la laïcité en matière de maintien de la paix (I) qui fait que sa violation ou sa mauvaise expression expliquerait en partie la fragilité accrue de certains États de la sous-région (II).

I. Un idéal de droit : la préséance de la laïcité dans le maintien de la paix

Le Mali et le Burkina Faso, deux pays de l’Afrique de l’Ouest francophone à forte population musulmane, connaissent des attaques djihadistes accrues depuis peu. Ces problèmes font en réalité partie d’un vaste fléau qui embrase tout le monde entier : le terrorisme international7.

Face à ce problème, certes, la communauté internationale recherche la paix mais celle-ci est d’abord l’apanage des États eux-mêmes dont l’une des premières missions est d’assurer la protection et la sécurité de leurs citoyens (Daudet, 1995, 11). Ainsi, au-delà de l’effort d’institutionnalisation des stratégies de luttes contre le terrorisme au niveau mondial, continental et des groupes d’États intéressés, les États de l’Afrique noire francophone pris individuellement ont, depuis leurs indépendances, manifesté leur détermination à agir indirectement grâce à la proclamation du principe de laïcité dans les Constitutions afin d’assurer la stabilité indispensable à leur épanouissement. Cette volonté a été réaffirmée dans les années 1990 à travers le vent de la démocratie, élément clé de la laïcité faisant ainsi de cette dernière, le premier critère de prévention des crises dans la région. Il faut bien voir qu’il s’agit là d’une certaine visée sécuritaire de la laïcité (I.1.), qui a également pour effet une certaine contribution de la laïcité au maintien de la paix (I.2.).

I.1. La visée sécuritaire de la laicité

L’intérêt des États francophones de l’Afrique noire à forte population musulmane pour la laïcité n’est pas surprenant. Il s’inscrit dans le cadre de la laïcité à la française héritée de la colonisation qui proclame la séparation de la religion et de l’État. À la fin de la période de domination pendant laquelle l’administration coloniale ne fut jamais neutre à l’égard de l’islam, l’heure était à la naissance d’une véritable séparation de l’État et de l’Église dont la christianisation n’était à l’époque qu’un instrument de colonisation rendant la laïcité, au sens « anticatholique » inexistante. La laïcité renaît donc au Mali et au Burkina Faso devenus indépendants, où précisément l’islam était quoique prégnant. Pour comprendre ce phénomène paradoxal, il faut rechercher les fondements de la visée sécuritaire de la laïcité dans ces pays lesquels sont à fois d’ordre juridique (I.1.1) et politique (I.1.2.).

I.1.1. Des fondements juridiques : l’affirmation de la laïcité comme facteur de promotion des droits de l’Homme

En général, rechercher les fondements de la visée sécuritaire de la laïcité au Mali et au Burkina Faso revient à analyser en réalité les motifs, qui sont à la base de la volonté de ces pays quoique musulmans d’affranchir l’autorité de l’État de toute influence de la religion en particulier de celle de l’islam.

Spécifiquement, les motifs juridiques sont liés au fait que dans les normes et principes de droit international relatifs aux devoirs de ces États, la promotion des droits de l’Homme occupe une place déterminante. Si l’on convient avec le philosophe français Ferdinand Buisson que les finalités de la laïcité sont l’égalité et la liberté des citoyens, en particulier la liberté de religion, l’on pourrait mentionner au moins deux textes internationaux qui en font référence (Baubérot, 2011, 20). Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et le Pacte des droits civils et politiques de 1966. Par exemple, l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’un texte exécutoire comme le serait un traité ratifié, la Déclaration de 1948 a inspiré de très nombreux textes internationaux et internes juridiquement contraignants. Il en est justement le cas des différentes et successives Constitutions du Mali et du Burkina Faso où la laïcité y est inscrite depuis 1960.

Par ailleurs, lors de la décolonisation, ces États à l’instar de toutes les anciennes colonies se sont fondés sur le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui dicte aujourd’hui le choix de leur régime politique. À cet égard, la défense du droit des peuples malien et burkinabè à disposer d’eux-mêmes va de pair avec le choix d’un régime politique démocratique, libéral et laïc, outil privilégié de leur autodétermination interne (Moine, 2013, 59).

Ainsi, l’approche internationale de la question religieuse est très éclairante car elle marque la volonté de ces pays dominés par l’islam de définir un moule fondamental qui les encadre. Aussi, les lois internes du Burkina Faso et du Mali s’inscrivent dans le souci de conformité aux textes internationaux qui font la promotion des droits de l’Homme. Ceux-ci constituent non seulement le socle d’un vivre-ensemble harmonieux au sein des États mais aussi une condition de leur facile ouverture dans les relations internationales. Il en ressort qu’il existe une relation évidente entre la laïcité, les droits de l’Homme et le maintien de la paix. Il s’agit pour la laïcité de permettre à des personnes pratiquantes ou non, de vivre ensemble sans acrimonie pouvant déboucher sur des radicalisations dangereuses pour la paix car, tant que la liberté de conscience et le libre exercice des cultes sont respectés par l’État, on peut toujours espérer une certaine paix sociale déduite de la paix spirituelle des citoyens.

Il faut cependant signaler que la paix spirituelle apparaît insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’une paix de satisfaction matérielle du moins en ce qui concerne les cas spécifiques du Mali et du Burkina Faso. C’est en cela que la laïcité proclamée par les constituants de ces pays devrait-elle aussi permettre un libre exercice de leurs souveraineté indispensable pour remplir leurs missions, en particulier économiques et sociales. Tant que les citoyens de ces pays se sentiront délaissés économiquement ou socialement par leurs États, tant que le chômage règnera en maître et que les élites politiques s’enrichiront illicitement, l’égalité, la justice et la démocratie qui sont les valeurs clé de la laïcité demeureront entachées. C’est ce qui explique en partie que certains citoyens cautionnent les violences, s’engagent individuellement ou en groupe de manière détournée à la quête de ces valeurs. La multiplication des crises politiques liées au terrorisme dans ces pays en est évidemment l’une des manifestations.

I.1.2. Des fondements politiques : la quête de la stabilité par une neutralité de l’État

Le Mali et le Burkina apparaissent au sein des pays francophones du Sahel comme une zone où l’autorité politique de l’État est considérablement affaiblie du fait d’un contexte politique très instable provoquant l’apparition de nombreux mouvements religieux ou d’associations islamiques dont l’emprise dans la vie politique et sociale s’agrandit. Cette emprise ne poserait peut-être pas de problème particulier si elle n’était pas accompagnée de foyers de tensions ou ne faisait pas craindre un embrasement aux contours religieux tels que les attaques contre des églises, les attentats et les règlements de compte intercommunautaires comme ce fut récemment le cas en avril 2019 au nord du Burkina Faso.

En moins de cent ans, ces pays du Sahel ont subi des chocs considérables dus à des facteurs aussi bien internationaux qu’internes. Au titre des premiers, se distingue clairement le partage colonial opéré sur la base de conceptions étrangères opposées à celles qui avaient jusque-là été au fondement de la carte politique africaine (Lachaume, 1979, 7-94). À ce titre, la France, en ce qui la concernait, imposa à ses colonies une laïcité hypocrite, c’est-à-dire favorable à la christianisation des sociétés dont la majorité des membres s’identifiait pourtant à travers l’islam. Ce changement brusque fut avalisé au moment de l’indépendance des nouveaux États issus de la décolonisation qui les ont imposés à leurs peuples. Cette situation ajoutée aux facteurs internes favorise des tensions dont certaines finissent par déboucher sur des radicalisations et des attaques terroristes. En effet, le Mali et le Burkina Faso postcoloniaux ont contribué eux aussi à développer les germes des actuelles attaques terroristes à travers l’installation des régimes attentatoires à la démocratie dont l’une des conséquences économiques immédiate est la pauvreté et le sous-développement. À ce titre, après la phase d’expérimentation des Constitutions octroyées par la puissance métropolitaine, on a relevé dans ces pays comme dans la plupart des États africains, une forte concentration du pouvoir portant la marque de la personnalité du chef de l’État, de sa formation intellectuelle et de son origine sociale, l’établissement de régimes de répression violente de toute forme d’opposition ainsi que la discrimination notamment ethnique ou régionaliste voire religieuse.

Il faut remarquer que si ces atrocités ont conduit aux différents soulèvements populaires des années 1990 dans nombre d’États africains, elles ont aussi réussi à développer une certaine culture de la haine et de la violence qui se ressent encore aujourd’hui et dont certaines attaques terroristes en sont l’un des récents relents. Même si l’heure est aujourd’hui à un certain regain pour les valeurs démocratiques, les échecs et dérives du passé ont suffi à faire perdre à ces valeurs la confiance qu’elles devraient inspirer aux citoyens surtout ceux des régions socialement musulmanes, de plus en plus convaincus, de trouver dans la loi islamique l’amélioration de leurs conditions, loin de toute inspiration d’origine occidentale y compris la laïcité « héritée de la France ».

Il en ressort que toute partie prise ou toute atteinte à la neutralité et à la laïcité par l’État lui-même, soit par l’attitude de ses organes, soit en raison de la nature de ses institutions est souvent source de frustration, de repli sur soi, de crispation et de revendications susceptibles de contribuer à une radicalisation inquiétante pour la paix. Ainsi, l’exemple actuel du Burkina Faso s’y prête particulièrement. En effet, si l’émergence et le développement d’acteurs de violences djihadistes sont principalement liés à la faiblesse du pouvoir central burkinabé, ils révèlent par ailleurs l’instrumentalisation par ceux-ci des clivages identitaires pendant longtemps nourris par l’attitude de l’État burkinabé lui-même. À cet égard, si les actions des groupes djihadistes dans le nord du pays ont débouché sur des violences entre groupes ethniques et entre communautés religieuses dirigées en particulier contre les protestants et les catholiques (Kane, 2019), c’est pour répondre à leur logique de vengeance et de représailles contre l’État burkinabè qui, dans sa pratique de la laïcité n’a jamais été entièrement neutre (Ouédraogo,2018, 119-140). Bien que constituant une minorité religieuse, les chrétiens ont fortement influencé en effet l’histoire du Burkina Faso depuis son indépendance notamment, par ses dirigeants en majorité catholiques dont les politiques ont été généralement orientées vers la protection de cette minorité religieuse.

De même, dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali du mois de novembre 2012, apparaissent parmi les causes de la situation que traverse ce pays, la défaillance de la laïcité et ses implications. Une telle défaillance s’est opérée au profit de l’islam lequel profite de la faiblesse des institutions étatiques pour faire peser une menace accrue sur la démocratie laïque8 (ONU, 2012, 894). La présence forte des lois musulmanes dans le code de la famille ou l’attitude de certains dirigeants9 en violation du caractère laïc de la République en rendent témoignage. Cette situation n’est pas de nature à favoriser la paix en ce qu’elle pourrait convaincre les fidèles de la supériorité de la religion islamique et même inciter certains à œuvrer en conséquence pour l’imposer à tous, au besoin par la force.

En somme, l’autonomie ou la neutralité de l’autorité de l’État apparaît indispensable pour maintenir la paix. Elle est, à ce titre, inhérente à la laïcité des institutions étatiques qui doivent être débarrassées formellement de toute influence ou connotation religieuse. La garantie de la neutralité de l’autorité de l’État laïc peut le rendre parfois plus influent que le leader religieux et tendre à décourager toute velléité de substituer l’ordre souverain à tout autre basé sur une loi divine déterminée, au détriment des droits des personnes qui ne la reconnaissent pas forcément. Aussi, l’affranchissement de l’État de toute influence de la religion en particulier de l’Islam implique l’engagement d’une lutte contre le communautarisme hostile à la République laïque qui, elle, se fonde sur l’égalité entre les citoyens sans aucune distinction.

C’est évidemment pour cette raison que ces pays ont conservé le principe de laïcité dans leurs Constitutions respectives malgré leur forte propension à l’islam et en font l’une des conditions de réconciliation de leurs populations.

I.2. La contribution sécuritaire de la laïcité

L’un des traits marquants des accords de paix entre les pays d’Afrique francophone affectés par le djihadisme et les organisations islamiques est sans doute l’importance accordée à la laïcité dans la stabilisation et la reconstruction de l’État. L’expérience particulière menée par le Mali en Afrique de l’Ouest illustre bien l’importance nouvelle accordée à la laïcité, notamment dans le règlement des crises liées au djihadisme10. Mais, elle s’inscrit en général dans la volonté actuelle souvent affichée des États de l’Afrique francophone subsaharienne de renouer clairement avec la démocratie laïque longtemps foulée (I.2.1.) dont l’une des manifestations particulières est leur tolérance à l’égard des religions (I.2.2.).

I.2.1. Les velléités de changement démocratique des régimes politiques

Conformément à ses initiateurs du siècle des lumières (John Locke, Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu), le constitutionnalisme répond à une idéologie libérale fondée sur la croyance au droit comme promoteur de l’ordre légitime universel. C’est en cette idée que les États d’Afrique d’expression française ont proclamé depuis les indépendances, leur foi (Buchmann, 1978 ; (Conac, 1979 ; Gonidec, 1978 ; Du Bois De Gaudusson, 1997, 309-3016). Bien que l’on ait pu remarquer à partir des années 1964-1965 jusqu’à 1990, une mutation du modèle libéral des indépendances vers le gouvernement autoritaire, les États africains ont très vite chercher à renouer avec les principes les plus fondamentaux de leur constitutionnalisme originaire notamment la séparation des pouvoirs, le multipartisme et les élections démocratiques (Chevallier, 1992 ; Conac, 1993, 483-508 ; Vignon, 2000, 99). Les anciens postulats fondés sur le monopartisme et les élections non-disputées s’avérèrent de plus en plus inapplicables. Ainsi, s’est substitué presque partout en Afrique de l’ouest depuis les années 1990, le pluralisme politique au monopartisme de droit ou de fait y compris au Mali et au Burkina Faso. Ces États sont en effet conscients que l’heure est à la reconstruction d’un cadre républicain fort dont les piliers doivent être entre autres la justice, la liberté mais aussi la laïcité qui, comme d’autres principes susmentionnés, constitue un élément clé de la démocratie. Aussi, la laïcité permet aujourd’hui pour ces pays de faire le choix de la République c’est-à-dire de :

« penser la cité selon un accord rationnel pour débattre sans préjugé quelconque des contradictions économiques et sociales, pour élaborer des lois égales pour tous. C’est également vouloir que les décisions d’ordre public relèvent de la seule volonté exprimée par des citoyens libres, car ils sont émancipés et instruits à la connaissance critique » (IDEA, 1998, 1 vii).

Ainsi, certaines études indiquent que le Burkina Faso a enregistré depuis bientôt 10 ans, un progrès significatif dans le processus de consolidation de la démocratie sur son territoire. En effet, outre la restauration du multipartisme en 1990, le Burkina Faso a promulgué en juin 1991 une Constitution démocratique soutenu par un cycle électoral dont le rythme traduit l’amorce d’un processus politique différent de celui qu’avait connu jusque-là le pays : référendum constitutionnel en juin 1991, élection présidentielle en décembre 1991, scrutin législatif en mai de l’année suivante, élections communales en février 1995 et, de nouveau, législatives en mai 1997. Plus récemment, notamment après la chute de l’ancien président Blaise Compaoré en octobre 2014, le Burkina Faso a connu une période de transition démocratique bien qu’émaillée d’une phase d’instabilité11, ayant débouché sur l’élection présidentielle qui a permis l’arrivée au pouvoir de Marc Christian Kabore. Pour répondre aux difficultés liées à la bonne gouvernance, s’est développé par ailleurs un processus décentralisateur au Burkina Faso afin de favoriser les initiatives locales et le contrôle, à la base, des élus par la population. Cette réforme fut particulièrement menée avec soin grâce notamment au travail de réflexion et de prospective engagé depuis plusieurs années par la Commission Nationale de Décentralisation (IDEA, 1998, 9). Par ailleurs, la primauté de la démocratie, s’est affirmée dans les textes à travers notamment la consécration de l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique.

Cependant, cet arsenal juridique « démocratique » existant au Burkina souffre d’une bonne effectivité dans la mesure où il soulève le problème de l’application des textes en vigueur. Cette remarque vaut d’ailleurs pour la plupart des pays francophones de la sous-région et en particulier pour le Mali. Ce dernier, tout comme le Burkina Faso a connu en dix ans une courte expérience démocratique riche d’acquis et de reculs. Au nombre des acquis, figurent entre autres l’instauration du pluralisme, la promotion du pluralisme local, la mise en place des institutions de la République. Ces réformes, en particulier celles liées à la sauvegarde des institutions de la République furent également au cœur de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger signé entre le gouvernement du Mali et les mouvements contestataires de l’ordre malien. Même si cet accord fut violé, son contenu révèle que ses signataires étaient convaincus que l’élimination définitive des causes profondes de la crise malienne, y compris le terrorisme, est lié entre autres à une réappropriation de l’histoire à travers une unité nationale respectueuse de la diversité humaine caractéristique de la Nation malienne, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’Homme et de leur égalité sans distinction de sexe et de religion. C’est donc à ce titre que l’article 1 de l’accord dispose que « les parties (…), réitèrent leur attachement aux principes (…) du respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’État du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc »12. En tout, il subsiste actuellement encore une réelle difficulté des institutions maliennes à mettre en pratique les règles définies par l’État ainsi que l’incapacité du politique à apporter des réponses appropriées aux préoccupations des populations maliennes. À cela s’ajoute la fragilité de l’opposition malienne peu organisée et soumise souvent à une forte pression du parti au pouvoir.

Au-delà de ces limites, il demeure que les velléités de changement démocratique constatées au Mali et au Burkina Faso ainsi que dans la majorité des États francophones de l’Afrique de l’ouest déteignent au moins sur leur attitude à l’égard de la religion. Si cette attitude n’est pas tout à fait neutre à l’égard de la religion, elle se caractérise au moins par l’acceptation ou plutôt la tolérance de la diversité des confessions religieuses.

I.2.2. La tolérance de la diversité des religions

En Afrique subsaharienne francophone y compris au Mali et au Burkina Faso, la tolérance religieuse est avant tout une norme qui vise à promouvoir la coexistence pacifique. Les constituants respectifs de ces pays l’ont adopté à travers le caractère laïc de leurs républiques et la consécration des droits et des devoirs de la personne humaine en particulier l’égalité entre les citoyens. En ce sens, l’article 2 de la Constitution actuelle du Mali dispose que « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée » tandis que l’article 4 de la même Constitution ajoute que « : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi ». Ces éléments se retrouvent en quelque sorte dans la Constitution burkinabé de 1991 qui, interdit aussi notamment à l’article premier, les discriminations de toutes sortes y compris celles fondées sur l’ethnie et la religion.

Cette diversité et cette tolérance religieuses dans la norme juridique a longtemps influencé la vie politique ou sociale de ces pays et contribué pendant quelques dizaines d’années, du moins avant l’apparition des récentes crises djihadistes, à maintenir un semblant de climat de paix et d’unité nationale. Ainsi, au Burkina Faso, il existe à côté de la religion musulmane majoritaire, plusieurs autres différentes communautés religieuses notamment catholique, protestante et animiste qui entretiennent traditionnellement de bonnes relations entre elles et avec les communautés musulmanes. Toutes ces communautés bénéficient chacune chaque année des subventions de l’État d’un montant total équivalant à environ 100 000 euros ainsi que de l’aide pour différents programmes et projets éducatifs qui, selon le gouvernement sont d’intérêt national. Selon un commerçant burkinabé de 55 ans interrogé par le journal quotidien français La Croix et dont l’épouse est catholique et les cousins protestants, « On parle de notre Dieu, on mange dans le même plat… On n’a jamais fait de différence. Chez nous, on participe tous aux fêtes des autres » (La Croix, 2016). À cet égard, l’on peut dire que la tolérance juridique (Constitution) de la diversité religieuse, traduite en quelque sorte dans les faits par l’État burkinabé, a permis de relever peu d’activités djihadistes dans le pays avant la crise malienne et la montée d’un islam rigoriste d’inspiration wahhabite que recouvre le mouvement sunnite. Il reste donc à espérer, au regard des récentes attaques terroristes au Burkina Faso, que la laïcité ou la tolérance interreligieuse traditionnelle à ce pays ait été suffisamment affermie pour faire face aux menaces actuelles de divisions et d’intolérance religieuses sans cesse croissante.

Quant au Mali composé d’une forte majorité de musulmans, on y trouve également d’autres communautés religieuses tels les chrétiens et les animistes. Cette diversité n’avait pas empêché qu’il y ait au Mali, jusqu’à la crise de 2012, une certaine harmonie naturelle au sein des membres de la population. Il y avait une certaine acceptation mutuelle des religions qui, si elle s’explique beaucoup par la culture du peuple malien qui invite à l’acceptation de l’autre et à la tolérance (CRAPES, 2017), peut aussi se justifier par le cadre légal établi par ce pays. En effet, si la culture malienne fondée principalement sur la foi musulmane apparaît comme un facteur d’union, de cohésion et de solidarité, elle trouve le relais des valeurs qu’elle promeut dans la laïcité proclamée par le constituant malien. La paix ainsi créée par l’harmonie de la laïcité et la culture de la tolérance du peuple malien pourrait ainsi continuer à perdurer si d’autres facteurs n’entraient en jeu pour obliger le religieux à sortir du cadre du sacré pour investir les questions liées aux conditions économiques et sociales des citoyens lesquelles relèvent de la compétence exclusive de l’État. Or, on assiste de plus en plus au Mali à une occupation de l’espace politique par les associations islamiques qui met en danger la laïcité et qui n’est pas de nature à favoriser un climat de paix. La fragilité de la paix dans ce pays illustre d’ailleurs bien ce constat.

II. Une réalité de fait : La fragilité du maintien de la paix dans la pratique de la laïcité

La situation actuelle du Mali permet d’illustrer parfaitement le danger que représente une mauvaise pratique de la laïcité pour le maintien de la paix.

En effet, derrière les causes lointaines du djihadisme que constitue la politique étrangère des États-Unis et la mondialisation dont les effets pervers dans certains pays sont la misère, l’humiliation et le délitement des valeurs (El Khadir, 2005, 18), se cachent celles liées au discours des religieux. Ces discours se transforment en une sorte de phénomène politique à travers la galvanisation émotionnelle qu’il suscite parfois aux fidèles. À cet égard, la dénonciation par les leaders religieux des conditions économiques précaires des fidèles, de la mauvaise gouvernance et des abus de pouvoir du politique, n’est pas anodine dans une société où la majorité des fidèles partage la foi islamique car, si cette dénonciation n’est pas de nature à expliquer le fonctionnement et la complexité scientifique de la situation économique d’un pays, elle peut néanmoins susciter des jugements de valeur dangereux en termes de bien et de mal auprès des fidèles. Il s’agit pour ces derniers de faire désormais correspondre le pauvre religieux musulman au bien tandis que le riche serait assimilé au « mauvais », c’est-à-dire aux gouvernants et à leurs politiques hérités de l’Occident, y compris la laïcité.

Ainsi, la crise au Mali avec ses répercussions sur d’autres États de l’Afrique de l’ouest pourrait s’expliquer sous réserve d’autres facteurs qui lui sont externes, par la violation du principe de laïcité. On y constate en effet, la persistance d’un dynamisme religieux dans la gestion des affaires publiques (II.1.) qui approfondit le fossé de la violation des droits de l’Homme dans ce pays, compliquant davantage la recherche de solutions de paix (II.2.).

II.1. La persistance d’un dynamisme religieux dans la gestion des affaires publiques

On assiste actuellement à l’islamisation spectaculaire de la politique malienne en raison de l’échec des gouvernants en matière de politiques sociales et économiques (Karjousli, Togola et Ouallet, 2014, 295-316). Depuis 1992, le religieux n’a de cesse d’accroître son influence sur les masses populaires. Il en résulte une capitulation du politique (II.1.1.) et l’affirmation permanente d’un leadership islamique (II.1.2).

II.1.1. La capitulation du politique devant le religieux

Si la laïcité est proclamée dans les textes en vigueur au Mali, celle qui y est pratiquée, est pourtant assez singulière. Les références islamiques dominent la vie des citoyens, ce qui est d’ailleurs normal et légitime au regard de la nature de la culture malienne. Mais, la vie politique malienne, y compris les institutions de la République, est également envahie par la religion islamique, ce qui soulève un certain nombre d’interrogations. Il s’agit pour l’essentiel de relever l’occupation du secteur public par le religieux qui apparaît pour le peuple victime de la corruption et de la délinquance financière du politique comme une consolation ou un rempart à son désespoir issu de son espoir déçu en la démocratie. Aussi, depuis 1992, les rangs des associations islamiques maliennes se gonflent-ils sans cesse de fidèles qui sont plus que jamais convaincus de trouver dans la loi islamique la satisfaction de leurs besoins. À cet égard, les leaders et groupes religieux constituent un vivier d’électeurs dont le soutien pour la réussite d’un quelconque candidat aux élections présidentielles ou législatives est incontournable. Cette situation est de nature à étendre l’influence du religieux sur l’État. On le constate d’ailleurs bien lors des campagnes électorales qui se déroulent souvent dans les lieux de cultes à l’instar de celle menée par l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keita en 2013. Dans l’ensemble, les mosquées furent utilisées par des imams pour convaincre et pour influencer les fidèles à voter pour tel ou tel candidat. Même si un tel phénomène n’est pas nouveau d’un point de vue historique13, l’on est aujourd’hui conscient qu’il devrait être combattu comme en témoigne la loi électorale adoptée en octobre 2016 interdisant formellement et sanctionnant les campagnes électorales dans les lieux de cultes14. Cependant, celle-ci ne doit pas conduire à sous-estimer le poids toujours prégnant du religieux sur le politique. Le Mali reste après tout un pays où plus de 90 % de la population sont monothéistes. À cet égard, s’il peut apparaître légitime que la majorité de cette population cherche à soutenir un candidat avec lequel elle partage la croyance, il est néanmoins regrettable qu’une telle force électorale puisse être influencée dans son choix par des manœuvres politiciennes qui l’instrumentalisent. Dans certains cas, pour attirer la faveur de son électorat le politique malien est prêt à sacrifier la laïcité en laissant s’affirmer un leadership islamique conforme à la volonté des masses de fidèles qui en constituent également les électeurs.

II.1.2. L’affirmation d’un leadership islamique : l’islamisation normative

Depuis 1992, le leadership islamique s’est affirmé dans plusieurs domaines témoignant de la sortie le plus souvent du religieux du cadre du sacré pour investir les questions liées aux conditions économiques et sociales des citoyens maliens. Certaines questions sociales sensibles ont souvent été en particulier au cœur des débats comme celles liées par exemple au rôle et la place de la femme dans la société ou à l’égalité homme-femme. Les réponses qui leurs sont apportées témoignent de la politisation du religieux au Mali. On l’a bien vu en 2009 avec le rejet du projet de révision du code de la famille et des personnes dont l’objectif était d’instaurer dans la loi malienne l’égalité homme-femme. En effet, s’étant emparé de cette question, le Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), sous la direction de son leader Mahmoud Dicko, a largement influencé la population malienne descendue en masse dans la rue pour manifester contre le projet de révision qui, pourtant s’inscrivait dans le respect de la laïcité et des engagements internationaux de l’État du Mali. La contestation de cette loi qui prévoyait l’égalité homme-femme dans le foyer fut également faite par Mahmoud Dicko, lors d’une intervention dans Jeune Afrique. À cette occasion, il estima que « bien qu’étant laïc, le Mali est un pays musulman à 90% dans lequel, le fait religieux ne saurait être ignoré. En conséquence, la nécessité d’inventer un mode de gouvernance qui accorde plus de place aux valeurs et aux réalités maliennes s’impose » (Jeune Afrique, 2013). Selon lui, les politiques ont incarné la corruption, la mauvaise gouvernance et le clientélisme. Il ajoute que, le « fait que les Maliens aient davantage confiance en un imam qu’en un homme politique ne devrait susciter aucune suspicion. Ils ont été pris en otage par une élite qui a pris le contrôle des institutions pour s’enrichir sans jamais se soucier de leur quotidien » (Jeune Afrique, 2013). Ainsi, les mobilisations et les protestations contre la première version du code de la famille élaborée en 2009 ont abouti à l’adoption d’une nouvelle version nettement moins favorable aux femmes maliennes. À ce titre, celle-ci fait désormais de l’homme le chef de famille qui seul a un droit de regard et de décision sur toutes les questions d’héritage et de succession (Code des personnes et de la famille, 2011, 751-807). Quant à la femme, son rôle est réduit au seul devoir d’obéissance à l’homme tandis que son âge du mariage légal est passé à 16 ans contre 18 ans dans l’ancien texte.

Tous ces éléments notamment le poids croissant des autorités musulmanes dans la vie politique et sociale et surtout son acceptation par la population elle-même, pourraient traduire en définitive l’échec d’un modèle d'État et de valeurs importés au-delà même des causes internes liées à la mauvaise gouvernance. En effet, comment ne pas s’interroger sur la pertinence civilisationnelle du principe de laïcité appliquées à une société qui, fondamentalement la rejette ou n’accepte pas certaines de ses manifestations ? La tradition malienne fondée sur les choix islamiques est loin de s’adapter ou de correspondre en pratique aux exigences de la laïcité même si celle-ci est présentée comme un outil pacificateur. À cet égard, l’on serait tenté de rechercher d’autres solutions de maintien de la paix moins axées sur le principe de laïcité en convoquant uniquement toutes celles qui promeuvent la bonne gouvernance dans sa dimension économique et sociale. Certes, la laïcité est un élément clé d’une bonne gouvernance. Mais, il semble peut-être au regard de la pratique qu’elle devrait être atténuée face à des sociétés organisées suivant des logiques confessionnelles. Il demeure néanmoins important de prévenir sur le danger que peut comporter de manière générale une telle solution. En effet, derrière la position du religieux qui s’impose comme un acteur incontournable dans la vie politique se cache un risque d’instrumentalisation de ce dernier par le politique, préjudiciable au maintien de la paix.

II.2. Le risque d’instrumentalisation du religieux par le pouvoir

Si la mobilisation massive des électeurs sous les auspices des religieux est une démonstration de force sur la capacité mobilisatrice des religieux, elle peut par contre apparaître comme une occasion redoutable d’instrumentalisation du religieux par le politique. En effet, à l’approche d’une élection, les leaders religieux peuvent changer la donne sur simple consigne de vote lancée aux fidèles. À ce titre, les guides spirituels peuvent profiter de la naïveté d’un grand nombre de fidèles pour assurer au politique une base électorale. Outre de figer la volonté réelle du peuple quant au libre choix de leurs représentants, cette situation rend favorables les tensions internes notamment les crises politiques (II.2.1.) qui accroissent les revendications sociales (II.2.12).

II.2.1. La possibilité de crises politiques

L’un des facteurs aggravant du risque de crises dans les pays de l’Afrique de l’ouest francophone avec une population à fort taux monothéiste réside dans l’instrumentalisation de la religion au profit du politique. Il est en effet regrettable que la force électorale que constitue la majorité des fidèles religieux puisse être influencée dans son choix par des manœuvres politiciennes. Dans ce cas, il y a en général un risque que le politique tente d’occulter derrière une apparente légitimité reçue du peuple, son ambition politique démesurée et son projet de pillage du pays. En effet, si à la lumière de l’exemple malien, les auteurs en viennent souvent à conclure de l’influence de l’islam sur la politique, il n’en est pas souvent le cas du rôle que joue en retour l’islam au service de la politique. Si l’un et l’autre est contraire à la laïcité, le second apparaît en outre comme une occasion d’exploitation de l’islam par le politique. Il ne devrait donc pas être occulté par le fait que le religieux semble clairement prendre le dessus sur le politique à travers les idées que les organisations musulmanes imposent progressivement en pesant sur les décisions politiques et publiques.

En réalité, si le choix des dirigeants politiques par le peuple se fait sur la base des consignes de vote données par les leaders religieux proche du politique, il traduit après tout le désir voire l’espoir des fidèles religieux constituant les viviers d’électeurs de se voir gouverner par une personne proche de leur « Dieu » d’amour et donc capable de les sortir de la pauvreté et satisfaire leurs besoins les plus élémentaires car, du moment où la consigne de vote vient des leaders religieux dont la masse a pleine confiance, elle est considérée logiquement par cette dernière comme celle qui correspond au meilleur choix, indépendamment des aspirations profondes et réelles individuelles. Or, il peut arriver que malgré toute la bonne foi du leader religieux, celui-ci se trompe dans le choix de la personne à même de réconcilier le peuple et d’assurer son développement. Dans ce cas, le politique n’a fait que se servir du soutien de l’homme religieux pour se faire élire sans pour autant avoir une réelle volonté politique de changer la donne en permettant l’amorce d’une nouvelle ère, marquée par le progrès social et le développement économique. Cette situation peut vite déboucher sur des scissions entres communautés religieuses et des crises de contestations de légitimité de l’autorité établie bien que « démocratiquement » élue. En effet, il est probable à cet égard que, si le peuple avait la latitude d’analyser et de choisir librement ses représentants, son choix se porterait sur celui dont le programme correspond le mieux à ses besoins et peut-être capable de les satisfaire partiellement. Sans garantir nécessairement au peuple une bonne gouvernance, le choix libre des gouvernants sans des a priori religieux, pourrait au moins réduire les risques de crise de légitimité ou celle relative à la mauvaise gouvernance, sources de crises politiques. Ainsi, en dictant moralement aux citoyens le choix de leurs représentants sur la base de la religion, ces derniers ne les reconnaissent pas nécessairement dans la réalité. Ils sont simplement guidés par une sorte de suivisme religieux fragile qui peut à tout moment changer de direction.

Par ailleurs, la contestation de l’autorité en place n’est souvent que le fruit de celle émise par les leaders religieux dont certains n’hésitent pas à s’attirer les faveurs du politique ou à espérer de ce dernier une conduite déterminée en contrepartie de leur soutien. Dans ce cas, le non-respect de cette conduite a des conséquences graves sur les prochaines élections en augmentant notamment la chance du désaveu et de l’échec de l’autorité sortante. À cet égard, peu importerait si cette dernière venait à entreprendre de bonnes actions au service de la République et à prouver sa loyauté au peuple. Il en est ainsi puisque « le peuple » ne vote que pour le candidat choisi par son chef religieux et ne conteste que celui que son chef religieux conteste également. À ce titre, lorsque le chef religieux change de candidat, « le peuple » composé de fidèles religieux en fait de même. On l’a bien constaté en 2013, au moment des élections présidentielles, le leader religieux Niono Bouyé Haidara avait ouvertement fait campagne pour l’ex président malien Ibrahim Boubacar Keita qui a remporté plus de 75 % des voix au deuxième tour du scrutin face à son rival Soumaila Cissé. Cependant, la tension monte entre les deux hommes dès la nomination du premier gouvernement composé d’Oumar Tatam ainsi que des proches des anciens présidents Amadou Toumani Touré (ATT) et Alpha O. Konaré au détriment de la personne proposée par Bouyé qui perd de ce fait la primature. Plus tard, le sentiment de trahison qu’éprouve le Chérif de Bouyé à l’encontre de celui qu’il avait soutenu atteint son comble lorsqu’il a été mis à l’écart par le président qui ne le consultait plus sur les affaires publiques mais aussi lorsque son ami nouvellement promu général, Amadou Haya Sanogo, fut arrêté. À la suite du recalage par la Cour constitutionnelle, des candidats de Bouyé dans le cadre des élections législatives, ce dernier déclare publiquement en janvier 2014 sa déception à l’égard du gouvernement de Ibrahim Boubacar Keita. Lors d’un sermon très attendu, le chérif de Bouyé estima que les résultats proclamés par la cour constitutionnelle du Mali, « ne reflètent pas la vérité des urnes ». Il ajoute que : « Nous n’avons pas eu droit au changement que nous attendions. Rien n’a changé depuis l’élection présidentielle. Au contraire, les ténors de l’ordre ancien restent en place ou refont surface alors que les partisans du changement sont jetés en prison ou exclus des affaires publiques ! » (Guindo, 2018). On l’a remarqué, un tel mécontentement s’est manifesté lors des élections présidentielles de 2018 à l’occasion desquelles le Chérif de Nioro avait cette fois ci soutenu publiquement un des adversaires politiques de l’ex président malien. Même, si c’est le président sortant qui finit par remporter une nouvelle fois les élections, celles-ci n’ont pas moins été émaillées de contestations, d’attaques à main armée et autres violences (Kane, 2019).

En somme, grâce à la méthodologie qui consiste à élaborer des jugements de valeur en termes de bien et de mal, bien des religieux ont acquis à leur cause une masse populaire de fidèles qui font leur l’homme politique choisi par leurs leaders. Par ce procédé, les dirigeants ne reflètent pas véritablement la volonté réelle du peuple et ne se sentent pas sérieusement liés par leurs engagements politiques. En témoigne d’ailleurs la précarité criarde dans laquelle continuent de vivre des millions de Maliens.

II.2.2. L’accroissement de la précarité sociale et politique

Si au petit matin de la démocratie, les Maliens avaient cru à la naissance d’une nouvelle ère, marquée par le progrès social et le développement économique, leurs attentes sont restées jusqu’à l’heure vaines. Malheureusement, la situation est telle aujourd’hui, qu’elle ne met pas le pays à l’abri des endoctrinements et des radicalisations en particulier en ce qui concerne les jeunes. On y relève comme d’ailleurs un peu partout en Afrique noire francophone, le chômage, la corruption, la précarité économique, l’insécurité, le manque d’eau potable, d’électricité, de route, l’insuffisance d’écoles et de centres de santé etc. À ce titre, l’affaiblissement des capacités de l’État à satisfaire ces besoins créent des conditions propices à l’émergence de ces mouvements d’insurrection mais aussi à l’acceptation de l’idéologie des djihadistes ce qui facilite en outre leur recrutement au sein des populations, de même que leur capacité à conquérir des territoires.

On le sait, depuis 2012, plusieurs groupes qualifiés de djihadistes et d’extrémistes violents se sont progressivement implantés dans le nord du Mali profitant de la rébellion lancée en janvier de la même année par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et de l’affaiblissement de l’État malien pour prendre le contrôle de certaines régions. Il en ressort que durant cette période, de nombreux jeunes Maliens déscolarisés, au chômage ou vivant dans la précarité ont rejoint et combattu dans les rangs des organisations telles que Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Ansar Dine. Selon le rapport d’étude réalisé en Mai 2016 par le bureau de Dakar de l’Institut d’études de sécurité (ISS) mandaté par l’Agence japonaise de coopération internationale, le chômage des jeunes est l’un des principaux facteurs de radicalisation (Diallo, 2016, 43)15 du moins en ce qui concerne la région de Tombouctou. Au nombre des hypothèses spécifiques des facteurs qui sous-tendent les logiques d’engagement des jeunes de cette région dans les rangs des djihadistes, on relève entre autres la faible présence étatique, les violences liées à la perte de repères, l’ignorance, le manque d’emploi. Cette situation pourrait être évitée ou modérée si les Maliens choisissaient librement des représentants engagés et conscients de leurs responsabilités envers leurs électeurs sans influence religieuse.

Conclusion

Depuis plus d’une décennie, on a beaucoup parlé du phénomène du terrorisme qui menace la paix et la sécurité internationales en Afrique noire francophone en particulier dans certaines zones du sahel comme le Burkina Faso et le Mali. La multiplication des attaques djihadistes dans ces régions témoigne de l’échec ou de l’insuffisance d’une stratégie de lutte antiterroriste uniquement basée sur la réponse sécuritaire ou militaire. Il est donc important de prendre en compte la fragilité de ces pays au niveau socio-économique notamment l’abandon de la population par l’État qui constitue pour les groupes terroristes une occasion pour gagner la confiance des citoyens et s’implanter sur les territoires. Or, l’un des facteurs qui permettent de mettre en place les mécanismes répondant au mieux aux besoins des citoyens réside dans la laïcité de l’État. Au-delà des principes premiers sur lesquels elle repose à savoir la liberté de conscience et de manifestation de ses convictions, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, l’égalité devant la loi sans aucune distinction, la laïcité fait également de la souveraineté du peuple le fondement de l’ordre politique à l’exclusion de toute autre.

C’est en cela qu’elle appelle à la lutte pour la démocratie et le respect des droits fondamentaux de l’homme. À cet égard, on remarque qu’en Afrique noire francophone subsaharienne, en particulier au Mali et au Burkina Faso, si les valeurs de démocratie et de droits de l’Homme sont consacrées dans les textes nationaux en vigueur, comme pour répondre à l’exigence de laïcité, elles ne sont pas véritablement effectives. On y relève une certaine persistance d’un dynamisme religieux dans la gestion des affaires publiques qui suscite une réflexion sur l’adaptation même du principe de laïcité aux sociétés africaines largement organisées suivant des logiques ethniques et/ou confessionnelles au-delà de la pertinence des arguments théoriques et juridique qui en fait un outil pacificateur. Ainsi, le poids croissant des autorités musulmanes en particulier dans la société malienne pourrait traduire l’échec d’un modèle d’État et de valeurs importés de l’Occident. Mais, cette situation n’est pas sans danger pour le maintien de la paix en ce qu’elle comporterait un risque d’instrumentalisation du religieux par le politique car outre de figer la volonté réelle du peuple quant au libre choix de leurs représentants, elle rend favorable les tensions internes notamment les crises politiques qui accroissent les revendications sociales.

En définitive, tant que les populations se sentiront délaissées ou abandonnées par leurs États, ceux-ci seront toujours loin de minimiser sur leurs territoires, les menaces à la paix, en particulier celles liées au djihadisme. Malheureusement, il semble que les populations marginalisées sont encore des plus nombreuses au Sahel.

1 Selon le quatrième recensement général de la population et de l'habitation opéré au Burkina Faso en décembre 2006, le Burkina Faso compte environ 60

2 « On connaît la phrase célèbre généralement attribuée à Gambetta – mais aussi à Paul Bert – rarement datée, et contextualisée de façon erratique : «

3 Ainsi, la Constitution du Mali du 12 janvier 1992, proclame à son article 25 le caractère laïc de la République malienne et affirme dans son

4 La guerre civile peut être définie comme une « lutte armée ayant éclaté au sein d’un État et ayant pris une importance et une extension qui la

5 On peut donner l’exemple l’intervention de la MINUSMA, mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali établie

6 LA G5 Sahel ou « G5S » est un cadre de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité

7 Hormis celles suscitées, on peut également mentionner, entre autres les crises qui ravagent la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Tchad et le Nigeria.

8 « [...] Le Mali traverse une crise profonde qui a de graves conséquences sur les plans politique, socioéconomique et humanitaire et sur ceux de la

9 C’est le cas du président Malien Ibrahim Boubacar Keïta qui, à la suite de son élection en juillet 2013, a commencé son discours d’investiture par

10 Cf. l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

11 On rappelle qu’avant les élections présidentielle et législative prévues dans l’agenda de la transition pour le 11 octobre 2015, les putschistes

12 Cf. Accord de paix et de réconciliation du Mali.

13 Les autorités coloniales ont utilisé les chefs religieux également, ainsi que les dirigeants de l’indépendance.

14 La loi n° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. En son chapitre VIII notamment à l’article 73, elle dispose que : « (…) Toute

15 Ce rapport relève principalement la corrélation entre le chômage des jeunes maliens et la radicalisation à partir des éléments empiriques notamment

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Communication dans un colloque

Lachaume J.-F. (1979), « La frontière-séparation », dans Société Française de Droit international : aux droits souverains des États frontaliers, une zone organisée, Actes du colloque de l’Académie de Droit international de La Haye organisé le 17 au 19 mai 1979, Paris, Pedone, p. 77-94.

Textes officiels

Annuaire C.D.I. (Commission de Droit International), 1991, vol. II, 2e partie, p. 101.

Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991.

Constitution du Mali, décret n° 92-0731 portant promulgation de la Constitution

Conventions de Genève de 1949.

Loi n° 2011 – 087 du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille.

Loi n° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale.

Articles de presse

Guindo A. (2018), « Mali : Le Chérif à IBK : " Si vous voulez connaître mon candidat, patientez !" », Maliactu.net, 29/01/2018, disponible sur : https://maliactu.net/mali-le-cherif-a-ibk-si-vous-voulez-connaitre-mon-candidat-patientez/.

Kane I. (2019), « Burkina Faso : l’affaiblissement de l’État favorise l’émergence des attaques terroristes», Jeuneafrique.com, 07/06/2019, disponible sur : https://www.jeuneafrique.com/785194/politique/tribune-burkina-faso-laffaiblissement-de-letat-favorise-lemergence-des-attaques-terroristes/.

Laniepce L. (2016), « Au Burkina Faso, la tolérance religieuse n’est pas un acquis », La-croix.com, 23/09/2016, disponible sur : https://www.la-croix.com/Religion/Monde/Au-Burkina-Faso-tolerance-religieuse-nest-acquis-2016-09-23-1200791244.

Pages web

ARGA, Horizon 2060, Gouvernance en Afrique, Koné S. (2003), « La démocratie malienne se met sur un pied », disponible sur : https://www.afrique-gouvernance.net/bdf_experience-122_fr.html, consulté le 02/12/2019.

Cadre juridique de la liberté religieuse et son application effective, Observatoire de la liberté religieuse au Burkina Faso, disponible sur : https://www.liberte-religieuse.org/Burkina-Faso, consulté le 24/11/2019.

« L’aide américaine à Israël. Miftah », 17 mars 2004, disponible sur : http://www.miftah.org.

« Religion et politique dans le contexte malien », disponible sur : http://www.crapes.net/religion-politique-contexte-malien/, consulté le 24/11/2019.

Notes

1 Selon le quatrième recensement général de la population et de l'habitation opéré au Burkina Faso en décembre 2006, le Burkina Faso compte environ 60,5 % de musulmans, 23,2 % de chrétiens (19 % de catholiques et 4,2 % de protestants), 15,3 % d’animistes, 0,6 % d’autres religions et 0,4 % sans religion. Quant au Mali, les musulmans représentent environ 90 % de la population malienne. Cf. les résultats définitifs des différents recensements généraux de la population et de l’habitation dans ces pays (RGPH).

2 « On connaît la phrase célèbre généralement attribuée à Gambetta – mais aussi à Paul Bert – rarement datée, et contextualisée de façon erratique : « l’anticléricalisme n’est pas un produit d’exportation ». La formule a servi notamment de justification au financement, par la République laïque, des institutions catholiques outre-mer.

3 Ainsi, la Constitution du Mali du 12 janvier 1992, proclame à son article 25 le caractère laïc de la République malienne et affirme dans son préambule l’engagement solennel du peuple souverain malien à défendre la forme républicaine et la laïcité de l’État. De même, la onstitution du Burkina Faso du 2 juin 1991 commence-t-elle à son titre II, par la formule : « Le Burkina Faso est un État démocratique, unitaire et laïc ».

4 La guerre civile peut être définie comme une « lutte armée ayant éclaté au sein d’un État et ayant pris une importance et une extension qui la différencient d’une simple révolte (…) ».

5 On peut donner l’exemple l’intervention de la MINUSMA, mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali établie par la résolution 2100 du CS du 25 avril 2013 (Flory,1965, 446). Cette opération avait donc pour mission d’appuyer le processus politique dans ce pays ainsi que d’accomplir des tâches d’ordre sécuritaire y compris la lutte contre le terrorisme dans le pays.

6 LA G5 Sahel ou « G5S » est un cadre de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité. Il est créé lors du sommet du 15 au 17 février 2014 par cinq États du Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad.

7 Hormis celles suscitées, on peut également mentionner, entre autres les crises qui ravagent la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, le Tchad et le Nigeria.

8 « [...] Le Mali traverse une crise profonde qui a de graves conséquences sur les plans politique, socioéconomique et humanitaire et sur ceux de la sécurité et des droits de l’Homme. Les enjeux sont l’unité nationale du pays, son intégrité territoriale et sa tradition de démocratie multiethnique et laïque. La crise trouve son origine dans des problèmes structurels qui existent de longue date, par exemple la faiblesse des institutions de l’État, l’inefficacité de la gouvernance, la fragilité de la cohésion sociale, l’impression bien ancrée qu’ont les populations du nord d’être négligées, marginalisées et traitées de façon injuste par le gouvernement central, la faiblesse de la société civile, en dépit de sa vivacité, et sa dépendance sur l’extérieur (…) ».

9 C’est le cas du président Malien Ibrahim Boubacar Keïta qui, à la suite de son élection en juillet 2013, a commencé son discours d’investiture par un long verset du Coran.

10 Cf. l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

11 On rappelle qu’avant les élections présidentielle et législative prévues dans l’agenda de la transition pour le 11 octobre 2015, les putschistes menés par le Général Diendéré annoncèrent le 16 octobre la dissolution des instances de transition pour finalement se rétracter en redonnant le pouvoir au Président de la transition Michel Kafando.

12 Cf. Accord de paix et de réconciliation du Mali.

13 Les autorités coloniales ont utilisé les chefs religieux également, ainsi que les dirigeants de l’indépendance.

14 La loi n° 2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. En son chapitre VIII notamment à l’article 73, elle dispose que : « (…) Toute campagne est interdite dans les lieux de culte ». De plus, en vertu de l’article 115, la loi, en son chapitre XII dispose : « Sera punie d’un emprisonnement d’un (1) mois à un (1) an et d’une amende de vingt-cinq mille (25.000) à deux cent cinquante mille (250.000) francs (…) toute personne qui aura battu campagne dans les lieux de cultes ».

15 Ce rapport relève principalement la corrélation entre le chômage des jeunes maliens et la radicalisation à partir des éléments empiriques notamment des enquêtes de collecte de données sur la problématique « Jeunes, chômage et radicalisation au Mali ». Il a été réalisé le bureau de Dakar de l’Institut d’études de sécurité (ISS) mandaté par l’Agence japonaise de coopération internationale (Japan International Coopération Agency - JICA) pour mener une enquête de collecte de données sur la problématique « Jeunes, chômage et radicalisation au Mali » (ARGA).

Citer cet article

Référence électronique

Yenteme Djagba, « Laïcité et maintien de la paix dans l’espace francophone subsaharien : le cas du Mali et du Burkina Faso », Revue internationale des francophonies [En ligne], 9 | 2021, mis en ligne le 03 juin 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1276

Auteur

Yenteme Djagba

Yenteme Djagba est une juriste togolaise. Elle a soutenu une thèse de doctorat en février 2018 à l’Université de Lomé sur le thème : « la Cour internationale de justice et le droit international du maintien de la paix ». Actuellement, elle intervient comme enseignante à la Faculté de droit de l’Université de Lomé.

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