Consortium IReL : vers le libre accès en Irlande

DOI : 10.35562/arabesques.2652

p. 22-23

Plan

Texte

Depuis sa création, IReL mène de front deux objectifs parfois divergents : offrir des services exclusifs à ses membres et multiplier les initiatives pour l’ouverture et le partage des connaissances.

Au début des années 2000, alors étudiant en bibliothéconomie et en sciences de l'information, j'ai assisté à une présentation sur le lancement du consortium IReL1. Ce consortium, financé par des subventions de l'État, avait déjà commencé à octroyer au nom de plusieurs universités irlandaises des licences d'accès à certaines ressources électroniques, notamment à des revues incluses dans des « Big Deals » (bouquets d'abonnements à prix réduit), négociées auprès de grandes maisons d'édition. Parallèlement à ces investissements visant à favoriser l'accès aux revues, les universités créaient également des référentiels institutionnels afin d'héberger une copie en libre accès des travaux menés par leurs chercheurs et publiés dans ces mêmes revues. L'intervenant, directeur de bibliothèque, nous a alors parlé de certaines tensions entre deux de ses départements, l'un se prononçant en faveur du libre accès, l'autre consacrant des ressources beaucoup plus importantes au maintien du modèle historique, basé sur le système d'abonnement. Quand j'ai commencé à travailler pour l'IReL en 2017, son modèle était toujours le même, mais la nécessité d'utiliser le consortium pour favoriser l'ouverture de la recherche en Irlande était bien établie. Plusieurs initiatives nous ont permis de répondre à cette problématique. 

S’allier à l’échelle européenne

Depuis 2018, l'initiative la plus importante mise en place, afin de concrétiser cet objectif, a été de nous associer à d'autres consortiums européens pour conclure des accords transformants et user ainsi de notre pouvoir d'achat auprès des maisons d’édition ainsi que de faire en sorte que les travaux de nos chercheurs soient, par défaut, disponibles en libre accès dès leur publication. 

Ces accords transformants ont commencé à apparaître en Irlande lorsqu’un consortium plus large, composé de membres de l’IReL mais aussi de non-membres, a exigé qu’un accord transformant soit conclu avec Elsevier. En 2020, après près de deux ans de négociations et alors que de nombreux consortiums du monde entier se détournaient des Big Deals, un accord avec Elsevier jugé satisfaisant a finalement été conclu. Désormais, plus de 700 articles publiés par des chercheurs irlandais peuvent être consultés en libre accès chaque année, à la plus grande satisfaction de notre communauté de recherche. 

Négocier au niveau national

À l’été 2019, l’IReL a adopté les principes de la Ligue des bibliothèques européennes de recherche (Liber) qui aident ses membres à négocier avec les éditeurs une transition vers le libre accès. Nous avons entamé des négociations avec vingt éditeurs de revues de toutes sortes, grands et petits, commerciaux et à but non lucratif, toutes disciplines confondues. Dans le cadre des renouvellements pour l’année 2020, nous avons accepté la proposition d’un certain nombre de maisons d’édition à but non lucratif disposées à inclure le libre accès dans leurs accords : ACM, AIB, Company of Biologists et Cold Spring Harbour Press. Certes, nous étions satisfaits de ce premier pas vers la concrétisation de notre objectif, et nous avions beaucoup appris en chemin, mais l’accès à la majorité des recherches publiées par les membres de l’IReL demeurait fermé, dans la mesure où nous n’avions pas encore conclu d’ententes avec les grands éditeurs. L’année 2020 a donc été le théâtre d’intenses négociations menées avec les autres maisons d’édition. La pression était d’autant plus forte que la pandémie de Covid-19, qui nous avait contraints à adapter nos méthodes de travail, faisait planer l’incertitude sur la reconduction, ou pas, de notre financement public en 2021.

Nous avons finalement eu de la chance. Nous avons obtenu quatorze offres satisfaisantes de la part de maisons d’édition, ainsi qu’un financement suffisant pour les finaliser. Ces accords permettront à l’ensemble des auteurs des institutions participantes de faire publier leurs recherches en libre accès par de grandes maisons d’édition, telles que Taylor and Francis, Wiley et Springer Nature, mais aussi par des éditeurs de plus petite envergure, notamment la Microbiology Society, la Royal Society et la Royal Irish Academy. Les chercheurs pourront désormais publier leurs recherches en libre accès dans 10 000 revues sans avoir à supporter les frais habituellement dus par chaque auteur. Selon nos estimations, plus de 3 000 articles seront publiés en libre accès chaque année grâce à ces accords. 

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© Bibliothèque universitaire de Maynooth

Promouvoir les accords transformants

L’Irlande est rapidement devenue l’un des pays à publier le plus grand volume de recherches en libre accès (l’ESAC Market Watch classe l’Irlande à la 7ème place sur 29 pays évalués). Le fait que l’IReL ait pu atteindre cet objectif si rapidement s’explique par l’élaboration d’un modèle transformant basé sur les travaux menés par la première vague de consortiums et l’impulsion donnée par le Plan S qui ont facilité la coopération des maisons d’édition. La deuxième raison est que l’IReL est un petit consortium, presque intégralement financé par l’État irlandais. En général, il est difficile, pour les consortiums composés de membres devant financer eux-mêmes leurs dépenses, de parvenir à un consensus sur les accords transformants : comment concilier les besoins des institutions majoritairement axées sur la publication et ceux des membres qui sont principalement des lecteurs ? Le financement central de l’IReL nous permet de nous concentrer collectivement sur les avantages apportés par ces accords pour l’ensemble du consortium plutôt que sur les priorités locales.

Il reste encore beaucoup à faire pour préparer l’année 2022 et les suivantes. Nous devons continuer de négocier la transition vers le libre accès auprès de quelques éditeurs avec qui nous avons déjà conclu des accords d’abonnement, et explorer la possibilité de conclure de nouveaux accords avec des maisons d’édition publiant exclusivement en accès ouvert. Nous prévoyons également d’étendre l’IReL à un grand nombre d’établissements de l’enseignement supérieur du pays. 

Diversifier les initiatives en faveur du libre accès

Pour soutenir l’ouverture de la recherche, nous ne nous contentons pas de signer des accords transformants. Si ces derniers s’avèrent utiles pour faciliter l’accès aux travaux de recherche menés en Irlande, nous savons que pour aboutir, cette transition mondiale vers le libre accès nécessitera l’emploi de différents modèles. Les institutions irlandaises continuent donc de soutenir la voie verte en tenant leurs référentiels institutionnels à jour et l’IReL soutient des initiatives telles que le projet pilote Subscribe to Open d’Annual Reviews et le partenariat SCOAP3. Les bibliothèques membres de l’IReL soutiennent également, à titre individuel, l’Open Library of Humanities et d’autres maisons d’édition en open access qui ne facturent pas directement aux auteurs ou à leurs institutions les frais de publication de leurs articles. L’IReL envisage également d’appuyer plusieurs autres initiatives non commerciales en faveur du libre accès. 

Le libre accès ne représente qu’une partie de la tendance mondiale visant à faciliter l’accès aux articles de recherche et nous devons aligner les travaux de l’IReL à ceux menés par d’autres acteurs dans ce domaine au niveau national. L’IReL a choisi, dans cette optique, de devenir membre du National Open Research Forum d’Irlande, chargé de coordonner les efforts déployés au niveau national en faveur du libre accès, mais également dans d’autres domaines, tels que celui des données Fair et de l’infrastructure ouverte. Cette décision a déjà permis à l’IReL de diriger la création du consortium irlandais Orcid en 2020. Fort de vingt membres, l’IRel collabore avec des universités, des instituts de technologie, des mécènes et d’autres organisations de recherche en Irlande pour intégrer les outils de l’Orcid dans leurs systèmes et encourager leurs chercheurs à les utiliser. 

À sa création, il y a près de vingt ans, l’IReL admettait déjà qu’il lui serait difficile de réconcilier ses deux objectifs : fournir un contenu et des services exclusifs à ses membres tout en contribuant, pour le bien de tous, à l’ouverture et au partage des connaissances. Aujourd’hui, ces tensions existent toujours, mais nous continuons de chercher le point d’équilibre entre ces forces.

1 https://irel.ie/about-irel

Notes

1 https://irel.ie/about-irel

Illustrations

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© Bibliothèque universitaire de Maynooth

Citer cet article

Référence papier

Jack Hyland, « Consortium IReL : vers le libre accès en Irlande », Arabesques, 102 | 2021, 22-23.

Référence électronique

Jack Hyland, « Consortium IReL : vers le libre accès en Irlande », Arabesques [En ligne], 102 | 2021, mis en ligne le 15 juillet 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2652

Auteur

Jack Hyland

Directeur IReL, université de Maynooth

jack.hyland@mu.ie

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