L’image des bibliothèques de dépôt pour les collections imprimées est en pleine mutation. Leur rôle ne se limite plus à celui d’un méga-magasin pour des collections gelées, elles innovent, se transforment et se réinventent en fonction des divers contextes nationaux. Qu’en est‑il du positionnement du Centre technique du livre de l’enseignement supérieur dans cette situation de changements ?
Le périmètre d’action du Centre technique du livre de l’enseignement supérieur (CTLES) s’est étendu depuis la publication du décret n° 2014-320 du 10 mars 2014. L’article 2 du décret stipule qu’au-delà du rôle de magasin distant pour les fonds qui lui sont confiés en dépôt, il « intervient dans le cadre des dispositifs de fourniture de documents à distance, notamment au titre du prêt entre bibliothèques, […] dans le cadre des dispositifs de mutualisation des collections, notamment à travers les plans de conservation partagée. Il coopère avec les organismes concourant aux mêmes fins, tant en France qu’à l’étranger. »
Au niveau national, son positionnement comme interlocuteur privilégié des grandes bibliothèques universitaires est désormais une réalité à travers le rôle qu’il joue dans la promotion et l’animation des plans de conservation partagée. Un rôle qui s’inscrit pleinement dans l’ensemble des services aux lecteurs porté par le dispositif des collections d’excellence (Collex) mis en place par le ministère de tutelle. L’élargissement du périmètre des missions bénéficie d’un contexte favorable qui conforte l’établissement dans ses missions historiques et favorise l’émergence d’une nouvelle offre de services inscrite pour une grande part dans un dispositif national porté par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Au niveau international, l’institution figurera dès 2016 au 2e rang des bibliothèques européennes de dépôt en termes de capacité d’accueil des collections grâce à la livraison de deux nouveaux bâtiments dédiés au stockage des collections imprimées.
Vers un accroissement majeur des collections
Cet accroissement de la capacité de stockage représente une extension de plus de 100 kilomètres linéaires de rayonnages qui viennent s’ajouter aux 75 kilomètres linéaires existants. Ces nouveaux magasins constituent un contexte propice au développement, au sein des bibliothèques franciliennes, de programmes de gestion dynamique des collections qui ont vocation à libérer des espaces pour les lecteurs, répondant ainsi à l’une des préconisations du rapport de Bernard Larrouturou1. Le recensement des besoins des bibliothèques franciliennes, pour le prochain marché biennal de transfert des collections (novembre 2015 - octobre 2017), fait apparaître une forte demande puisque 27 bibliothèques issues d’universités, de grands établissements, ou d’organismes de recherche ont manifesté des besoins. La volumétrie de ces versements représente près de 10 kilomètres linéaires constitués de près de 85 %de dépôts et de plus de 15 %de cessions. Parmi les fonds en dépôt, figurent 14 kilomètres linéaires de collections de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne qui ont vocation à demeurer au CTLES de manière pérenne. Les fonds en cession qui représentent près de 40 % des collections ne génèrent pas de ressources propres, dans la mesure où aucun loyer n’est dû pour leur stockage, mais elles permettent néanmoins au centre de s’inscrire dans une dynamique évolutive, en mesure de s’adapter aux politiques documentaires préconisées par ses partenaires. Conservation partagée avant l’heure, l’intégration des fonds donne lieu à concertation entre le CTLES et les bibliothèques versantes, ne fût-ce que pour se prémunir, autant que faire se peut, des versements de collections redondantes. L’adoption dans les prochains mois d’une charte documentaire, dont les principes ont été présentés aux principales bibliothèques versantes et à la BNF, va permettre une coopération plus systématique. L’objectif pour le centre est de contribuer à une meilleure visibilité de la cartographie documentaire nationale et d’encourager les cessions conformément à ce qui est préconisé dans le rapport de l’Inspection générale des bibliothèques sur le stockage des collections imprimées2.
Le prêt entre bibliothèques en transition
En raison de l’existence de deux fonds distincts ; celui en dépôt, qui reste la propriété des établissements versants, et celui en cession, qui est la propriété du CTLES, la notion de prêt entre bibliothèques (Peb) recouvre dans les faits deux prestations distinctes. La communication distante d’un document en dépôt à la bibliothèque qui en détient la propriété et le Peb qui concerne les documents qui appartiennent au centre et qui sont communiqués aux bibliothèques françaises et étrangères. En 2014, le CTLES a communiqué plus de 21 000 documents originaux dont seuls 6 %ont porté sur des fonds en cession et peuvent être considérés comme du Peb stricto sensu. L’accroissement des fonds, qu’il s’agisse de dépôts ou de cessions, va de pair avec l’accroissement du nombre de communications. Les projections de croissance de l’activité du prêt permettent de tabler pour la période 2015‑2017 sur une augmentation annuelle de 18 %à 25 %du nombre de communications. Ces projections tiennent compte de l’accroissement des fonds conservés au CTLES et de son adhésion au service Worldshare Interlibrary Loan d’OCLC3 pour les demandes de prêt émanant de l’étranger. Accroître la visibilité de la bibliothèque de dépôt à l’étranger en tant que centre de ressources pour le prêt de documents originaux, n’est pas l’objectif visé. Il ne s’agit pas non plus de trouver des ressources financières supplémentaires. Les produits générés par ces transactions de prêt, devraient être dérisoires (moins de 3 000 €). Il s’agit plutôt ici de tester, sur un nombre réduit de transactions, les prestations de facturation automatique et de relance des non‑rendus qui sont liées à ce service commercial. À terme, si l’expérience s’avère concluante, l’établissement devrait aussi adopter ce système pour les transactions au niveau national comme le font déjà l’Inist et la BIU Santé.
Réactiver le Peb en Île-de-France, pour les doctorants et les enseignants-chercheurs, fait aussi partie des projets qui sont portés par l’établissement. Opérateur légitime sur ce créneau depuis la révision du décret fondateur, le CTLES répond, avec d’autres4, à la préconisation n° 20 du rapport de Bernard Larrouturou5 : « Mener une étude visant à relancer une politique de prêt entre bibliothèques en s’appuyant sur un opérateur national ou régional ». Acteur dans le dispositif des Collex, le CTLES porte également ce projet d’un point de vue logistique et financier jusqu’à l’achèvement d’une phase d’essai convenue (septembre-décembre 2015), éventuellement au-delà si les résultats sont concluants. En inscrivant les plans de conservation partagée (PCP) dans le dispositif Collex au même titre que le Peb, le MENESR donne aux PCP existants une dimension nationale tout en encourageant l’élargissement du périmètre des participants, mais il incite surtout à l’émergence de nouveaux plans. Aujourd’hui, l’animation de chaque plan est assurée conjointement par le CTLES et une bibliothèque spécialisée dans le champ disciplinaire concerné.
Poursuite de la coopération avec l’ABES
Le CTLES développe et administre deux bases de gestion. La première est dévolue au suivi des mouvements de collections et permet de produire des indicateurs d’activité. La deuxième est une base de gestion des titres dédiée principalement à l’affichage comparatif des états de collections et à l’identification des pôles de conservation. Cet outil est un complément de Périscope, application de visualisation des fonds conservés dans les différents établissements, développée par l’Abes. La collaboration entre le CTLES et l’Abes, dans le domaine des PCP, a débuté avec la publication en janvier 2013 d’un rapport conjoint sur la conservation partagée6. Aujourd’hui, cette collaboration se traduit par le versement des notices bibliographiques et des notices d’exemplaires du Sudoc dans la base de gestion des périodiques. À terme, la collaboration avec l’ABES, qui vise notamment la mise à jour en temps réel des états de collection, permettra d’améliorer de ce fait le niveau de performance des applications gérées par le CTLES et devrait marquer une étape significative dans la gestion des PCP. La coopération CTLES - Abes se poursuit dans le but d’améliorer les services offerts aux professionnels.