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Dans la culture populaire comme dans la société, on ne peut que constater que les stéréotypes et clichés auxquels est soumis le métier de bibliothécaire GARAMBOIS Marie. Le métier de bibliothécaire à l’épreuve des stéréotypes : changer d’image, un enjeu pour l’advocacy. Villeurbanne, Enssib : 2016. www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/67444-le-metier-de-bibliothecaire-a-l-epreuve-des-stereotypes-changer-d-image-un-enjeu-pour-l-advocacy.pdf perdurent. Pourtant, dans une profession dont les missions évoluent sans cesse, les bibliothécaires contribuent à la redéfinition de leur champ d’action, en se formant à de nouveaux outils et compétences. Mais si l’on veut qu’ils soient identifiés comme des interlocuteurs de référence, fiables et à la pointe des évolutions du monde académique, et, plus largement, des questions de société, au sein de laquelle ils ont un rôle renouvelé à jouer, ces évolutions doivent être prolongées par des actions de promotion en direction des différents publics.
Afin que la polyvalence des bibliothécaires ne soit pas un dogme, mais bien le reflet de compétences réelles, il convient tout d’abord de s’interroger sur la notion de légitimité et sur la différence notable entre légitimité perçue et légitimité ressentie. Dès 1995, Anne-Marie Bertrand s’interroge sur cette thématique BERTRAND Anne-Marie. « Légitimité professionnelle et modèles d’excellence ». Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1995, n° 6, p. 52-55. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1995-06-0052-009 : si la légitimité perçue est celle que confèrent au bibliothécaire ses interlocuteurs – les publics avec qui il est en interaction, les autres services de l’institution au sein de laquelle il exerce, voire ses pairs – la légitimité ressentie correspond au positionnement professionnel du bibliothécaire de son propre point de vue.
Parfois, les frontières du périmètre d’action légitime des bibliothécaires suscitent des discussions au sein même de la profession. En février 2020, la journée de rencontre organisée par l’ADBU, réunissant les membres des commissions « Recherche et Documentation » et « Signalement et Systèmes d’Information » Pour plus d’informations sur les travaux des commissions thématiques de l’ADBU et leur composition : DALBIN Sylvie, https://adbu.fr/activites interrogeait les compétences à développer et posait cette question : « jusqu’où le périmètre d’action des bibliothécaires doit-il s’étendre ? ». Ainsi par exemple des projets liés aux humanités numériques : comment le bibliothécaire est-il impliqué ? Doit-il traiter lui-même des jeux de données ? Doit-il pour ce faire apprendre à coder dans certains langages informatiques ? En d’autres termes, doit-il se positionner en « embedded librarian »S’intégrer à l’environnement de travail des utilisateurs d’information. https://referentieleninfodoc.wordpress.com/2010/08/16/pid-integre-embedded-librarian
En lecture publique, on assiste à une évolution similaire. Tout d’abord, le rôle de conseil du bibliothécaire est plus que jamais important, notamment dans le contexte de surproduction éditoriale à laquelle on assiste depuis plusieurs années SERY Macha. « Des livres par-dessus le marché ». Site Internet de l’Internal Revenue Service : Le Monde, 8/11/18. www.lemonde.fr/livres/article/2018/11/08/des-livres-par-dessus-le-marche_5380459_3260.html Volunteer Income Tax Assistance Program et le Tax Counseling for the Elderly. Les bibliothécaires qui le souhaitent doivent alors passer une certification dédiéewww.irs.gov/individuals/irs-tax-volunteers
Le statut de « personnel scientifique des bibliothèques » des conservateurs Telles que défini par l’article 3 du Décret n° 92-26 du 9 janvier 1992 portant statut particulier du corps des conservateurs des bibliothèques et du corps des conservateurs généraux des bibliothèques. www.legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte =LEGITEXT000006078555
C’est avant tout par la maîtrise de leurs compétences scientifiques et techniques, et par leur manière de communiquer sur celles-ci, que les bibliothécaires peuvent asseoir leur légitimité au sein de leur institution. L’accompagnement des chercheurs et enseignants-chercheurs en particulier doit répondre à certaines exigences. Développer ses connaissances des enjeux actuels pour les structures de recherche, permet d’une part de concevoir et proposer une offre de services adéquate, mais aussi de renforcer la légitimité perçue du bibliothécaire comme interlocuteur pour ces questions.
S’il est rare en France d’assister à une vraie spécialisation disciplinaire, comme celle des « subjects librarians » du monde anglo-saxon, il convient plutôt de trouver une organisation au sein de la bibliothèque permettant la diffusion des connaissances en interne. La formation continue des personnels est à cet égard cruciale, pour permettre aux agents ayant moins d’interactions avec les chercheurs d’être informés des enjeux d’actualité, mais aussi pour démystifier le travail de leurs collègues des services à la recherche, et construire ainsi pas à pas leur propre légitimité professionnelle. Outre la participation aux stages et autres journées d’études proposées par les organismes dédiés, souvent suivis par les personnels déjà confrontés à ces questions au quotidien, développer un plan de formation interne peut être un axe de travail pour accompagner une montée en compétences individuelle et collective.
Dépasser les clichés au sein même des institutions est un enjeu crucial de la légitimation du rôle des bibliothécaires. Décloisonner les fonctions des bibliothèques en s’appuyant sur les services support – de type Communication des universités ou Formation continue, pour inscrire les activités proposées par les SCD dans le cadre plus large de l’Université ou de la collectivité dont elle dépend, s’avère nécessaire pour présenter son offre à ses interlocuteurs.
Disposer d’un document officiel précisant certaines missions assoit également la légitimité des bibliothécaires. Ainsi, les traditionnels services aux chercheurs des bibliothèques universitaires évoluent-ils massivement dans la direction du soutien à la Science ouverte : diffusion des publications en archives ouvertes, archivage pérenne des données de la recherche, reproductibilité de la recherche… Autant de domaines où une incitation institutionnelle peut donner une légitimité « politique » à leur prise en charge par les bibliothécaires. Celle-ci se matérialise par différents textes Telle la Charte de Sorbonne Université pour le libre accès aux publications, votée en mars 2019 : www.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2020-01/Charte-libre-acces-publications.pdf a entrepris de collecter et référencer.
Une meilleure intégration des SCD dans les universités est ainsi l’un des leviers les plus pertinents d’une meilleure (re)connaissance des missions des bibliothèques et du professionnalisme de leurs agents, bien loin de la représentation d’acariâtres femmes âgées faisant régner le silence sur des salles poussiéreuses Une représentation qui semble ne pas avoir fait son temps, si l’on en croit des sorties récentes comme l’ouvrage jeune public L’épouvantable bibliothécaire, d’Anne-Gaëlle Balpe, aux éditions Sarbacane (février 2020) https://editions-sarbacane.com/romans/l-epouvantable-bibliothecaire
Si la légitimité des bibliothécaires n’est plus à prouver, elle reste parfois à démontrer. De nécessaires actions d’advocacy restent à mener au niveau institutionnel, local, national et au-delà, par les bibliothécaires, leurs tutelles et les associations qui œuvrent à la diffusion et la reconnaissance de ces « nouveaux » rôles.
Ne reste plus qu’à médiatiser ce spectre des possibles auprès du grand public, pour continuer à œuvrer à ce grand bien commun universel que sont les bibliothèques : où l’on se prend à rêver d’une grande campagne nationale pour les bibliothèques, qui pourrait être portée par les associations professionnelles, à l’instar des campagnes très populaires de l’American Library Association (ALA), comme la campagne « READ » à laquelle des célébrités prêtent leur visage depuis plus de vingt-cinq ans