BACALy

Une SCI est-elle un créancier professionnel en matière de cautionnement ?

Quentin Némoz-Rajot

Index

Index thématique

1La qualité de créancier professionnel peut avoir de grandes conséquences lorsqu’il s’agit d’appliquer les articles L 341-1 et suivants du Code de la consommation à des contrats de cautionnement. L’arrêt de la cour d’appel de Lyon en date du 12 mars 2013 en constitue une parfaite illustration tout en soulignant les dangers d’un cautionnement solidaire.

2En l’espèce, un contrat de bail avait été conclu en juillet 2007 entre la SCI Le Grimaud et la SARL Oceane. M. G., gérant de la SARL, s’était alors porté caution solidaire de la société envers le bailleur pour le paiement des loyers, charges, frais et taxes ainsi que pour l’exécution des clauses du bail.

3Le 22 janvier 2008, le preneur fut placé en liquidation judiciaire et le bailleur déclara alors une créance d’un montant de 15 147,15 € correspondant aux arriérés de loyers et charges jusqu’à la date de restitution des locaux. M. G, en sa qualité de caution solidaire, fut alors assigné en paiement de cette créance sur le fondement des articles 1134 et 2288 du Code civil. Condamné en première instance au paiement de la somme correspondant aux arriérés, il interjeta alors appel devant la cour d’appel de Lyon. Si plusieurs critiques sont avancées, c’est principalement sur la notion de créancier professionnel, au sens de l’article L 341-5 du Code de la consommation, que sont amenés à se prononcer les magistrats lyonnais.

4En effet, l’application ou non de ce texte dépend de la qualité des parties. Le demandeur avance que le bailleur, donc la SCI, a la qualité de créancier professionnel et ainsi que les dispositions de l’article L 341-5 du Code de la consommation lui sont applicables. Or, son cautionnement n’étant pas limité à un montant global expressément déterminé, les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion devraient alors être réputées non écrites. Il deviendrait alors une simple caution ce qui imposerait une discussion préalable des biens du débiteur (Art. 2998 C. Civ.) à laquelle la société bailleresse n’a pas procédée ce qui pourrait alors décharger la caution en vertu de l’article 2314 du Code civil.

5Pour la plus grande joie du bailleur, la qualité de créancier professionnel ne lui est pas reconnue par la cour d’appel qui, reprenant une formule de la Cour de cassation (Cass. civ. 1re, 9 juillet 2009, n° 08-15910), estime que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles ». Les arguments avancés par le demandeur sont dès lors insuffisants. La cour estime que la qualité de créancier professionnel de la SCI ne peut se déduire du seul constat que l’objet social de la bailleresse est de louer le bien et que « la créance invoquée est bien née de cette activité ». Le cautionnement conclu est donc bien solidaire ce qui exclut le bénéfice de l’article 2314 du Code civil. La bailleresse reste donc bien garantie par le contrat de cautionnement solidaire qui conserve toute sa vigueur et elle ne peut bénéficier des dispositions favorables du Code de la consommation issues de la loi Dutreil du 1er aout 2003.

6Outre la faible protection accordée à la caution personne physique, le refus de reconnaitre la qualité de créancier professionnel à la SCI semble discutable. Face à l’absence de définition légale, la Haute juridiction retient une interprétation souple de la qualité créancier professionnel ce qui laisse ouvertes toutes les options en matière de SCI créancière. L’arrêt de la cour d’appel de Lyon l’illustre d’autant plus que les critères avancés ne permettent aucunement de clore le débat. Pour des faits similaires, il a été estimé qu’il s’agissait d’une contestation sérieuse qu’il n’appartenait pas aux juges des référés de trancher (Cass. civ. 3e, 9 mars 2011, n° 10-11011). Pourtant le juge des référés avait, contrairement au présent arrêt de la cour d’appel de Lyon, avancé des arguments solides pour refuser la qualité de créancier professionnel à une SCI. Il avait été avancé que la SCI bailleresse avait « une activité exclusivement civile de mise en location de locaux nus, ne louant pas de locaux meublés, n'étant pas soumise à l'impôt sur les sociétés, n'octroyant pas de crédit et n'effectuant aucun acte réputé acte de commerce. » Faut-il y voir la volonté déguisée de la Cour de cassation d’assimiler une SCI à un créancier professionnel comme elle l’a fait dans d’autres affaires (V. Cass. civ. 1re, 10 mai 2005, n° 03-14446 ; Cass. com., 13 mars 2012, n° 10-27814) ? Il faut espérer une réponse négative et laisser aux juges du fond un large pouvoir d’appréciation. Ils pourront alors rejeter la qualité de créancier professionnel face à une SCI « familiale » de gestion d’un petit patrimoine immobilier et à l’inverse l’appliquer lorsque la SCI sera l’émanation d’une véritable activité professionnelle ou aura pour objet la gestion d’un important parc immobilier.

7Le présent arrêt de la cour d’appel de Lyon semble s’inscrire dans une telle politique mais on ne peut que regretter le peu d’arguments avancés pour justifier le refus de la qualité de créancier professionnel à la SCI.

Arrêt commenté :
CA Lyon, chambre civile 1 B, 12 mars 2013, n° 12-02162, JurisData n° 2013-004724



Citer ce document


Quentin Némoz-Rajot, «Une SCI est-elle un créancier professionnel en matière de cautionnement ?», BACALy [En ligne], n°3, Publié le : 06/07/2013,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1311.

Auteur


À propos de l'auteur Quentin Némoz-Rajot

ATER à l’Université Jean Moulin Lyon 3


BACALy