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Validité d’une clause organisant les conséquences indemnitaires de la résiliation anticipée d’un crédit-bail

Johann Le Bourg


1L’insertion de clauses pénales dans les contrats de crédit-bail est pour le moins fréquente. Le risque peut alors être grand pour le crédit bailleur de voir la clause qualifiée d’abusive par le juge ou réduite en cas d’excès. Pour autant, un strict respect des dispositions impératives du Code de la consommation dans la rédaction de la clause permet d’en assurer la validité et l’exécution.

2En l’espèce, un contrat ayant pour objet la location d’une voiture assortie d’une promesse de vente est conclu entre un établissement de crédit et un consommateur. Le contrat contenait une clause stipulant qu’en cas de résiliation anticipée, le locataire devait non seulement restituer le véhicule, mais également verser à titre de sanction de l'inexécution du contrat et en compensation du préjudice subi une indemnité de résiliation. Cette clause comprenait également la faculté pour le débiteur de présenter un acquéreur faisant une offre écrite d’achat. Moins d’un an après sa conclusion, le contrat est résilié par le locataire, auquel l’établissement de crédit réclame le versement de l’indemnité prévue au contrat après avoir revendu le véhicule pour un prix inférieur à sa valeur argus. Le tribunal d’instance condamne alors l’emprunteur à verser à son cocontractant une somme d’un montant nettement inférieur à ce que prévoyait l’application de la clause. Le prêteur interjette donc appel demandant le respect de la stipulation contractuelle. L’emprunteur, quant à lui, par la voie de l’appel incident, demande que la clause litigieuse soit déclarée abusive et donc réputée non écrite et, à titre subsidiaire qu’elle soit qualifiée de clause pénale et puisse ainsi faire l’objet d’une révision judiciaire en raison de son caractère excessif. Le problème posé à la cour d’appel de Lyon était donc double. Il convenait dans un premier temps de s’interroger sur l’éventuelle nature abusive de la clause. À défaut de démonstration du caractère abusif, les magistrats devaient, dans second temps se demander si elle devait être qualifiée de clause pénale et à ce titre pouvait faire l’objet d’une révision judiciaire.

3Concernant le premier problème, l’on peut rappeler que le premier alinéa de l’article L 132-1 du Code de la consommation dispose que « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». De telles clauses peuvent alors être réputées non écrites (L 132-1 al. 6, C. conso). En l’espèce, la qualification de clause abusive pour la stipulation litigieuse pouvait paraître plus qu’improbable, et le raisonnement des magistrats lyonnais doit être salué. Sur le principe, cette clause n’était qu’une application de l’article L 311-31 du Code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er mai 2011 applicable à l’espèce) qui permet au prêteur dans le cadre d’un contrat de crédit-bail « d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité […] dépendant de la durée restant à courir du contrat ». De plus, le mode de calcul du montant de cette indemnité était parfaitement conforme à ce que prescrit l’article D 311-13 C. conso. Enfin, la clause permettait à l’emprunteur de rechercher lui-même un acquéreur afin de diminuer sa créance (l’absence d’une telle possibilité pouvant emporter une qualification en clause abusive, Cass. civ. 1re, 6 janvier 1994, n° 91-19424, JurisData n° 1994-000202). La clause correspondant donc en tous points aux dispositions du Code de la consommation, la qualification en clause abusive devait bien être écartée. Dès lors la cour d’appel ne pouvait que condamner l’emprunteur au versement de la totalité de l’indemnité prévue.

4Concernant le second problème, la solution est somme toute logique. Bien que la cour d’appel ne qualifie pas expressément la clause litigieuse de clause pénale, en s’interrogeant et en refusant la révision pour excès, elle semble valider une telle qualification. Cela ne souffre d’aucune contestation. La clause pénale est la stipulation par laquelle les contractants évaluent par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur, en cas de retard ou d'inexécution. Or, en l’espèce, la clause avait bien pour objet de régler par avance les conséquences indemnitaires de la résiliation du contrat suite à une inexécution du débiteur. Sur la possibilité de réviser le montant de la clause prévu par l’article 1152 du Code civil, l’on sait que la Cour de cassation estime que l’excès doit être apprécié objectivement (V. par ex. Cass. com. 27 mars 1990, n° 88-13967), les juges doivent donc apprécier le préjudice réel subi par le créancier. En l’espèce la révision s’avérait impossible pour deux raisons. Tout d’abord car les modalités de calcul de l’indemnité (qui n’étaient d’ailleurs pas contestées par l’emprunteur) ne faisaient que reprendre les prescriptions légales tenant elles-mêmes compte du temps durant lequel le contrat a été correctement exécuté. Ensuite, car, comme, le relève les juges lyonnais, l’emprunteur ayant eu la possibilité de proposer un acquéreur pour le bien objet du contrat, il ne pouvait en aucun cas remettre en cause le montant de la vente réalisée par le prêteur. Les magistrats, sans pour autant retenir un tel fondement, réservent toutefois l’éventualité d’une remise en cause de la vente dans l’hypothèse d’une caractérisation d’un vil prix. Cela se comprend car le caractère dérisoire du prix de vente causerait objectivement un préjudice à l’emprunteur, l’indemnité due par ce dernier étant notamment calculée en fonction de la valeur vénale du bien (elle-même déterminée, selon l’article D 311-13, C. conso. al. 2, par la valeur « obtenue par le bailleur s'il vend le bien restitué ou repris »). En résumé, l’indemnité fixée, bien que d’un montant élevé, ne pouvait être considérée comme excessive.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 6e chambre, 5 janvier 2012, n° 10-05844, JurisData n° 2012-001969



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Johann Le Bourg, «Validité d’une clause organisant les conséquences indemnitaires de la résiliation anticipée d’un crédit-bail», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 09/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1560.

Auteur


À propos de l'auteur Johann Le Bourg

Maître de conférences en droit privé, Université Jean Moulin Lyon 3


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