BACALy

La protection statutaire du conseiller extérieur

Ophélie Deschamps-Jakovlevitch

Index

Index thématique

1Dans cette affaire un salarié sollicitait, en référé, la nullité de la rupture de sa période d'essai pour non-respect du statut protecteur en vertu d’un mandat de conseiller du salarié.

2Si le Code du travail précise que les règles relatives à la rupture du contrat à durée indéterminé ne sont pas applicables à la rupture de la période d'essai, ce principe est écarté quand le salarié est titulaire d'un mandat (Cass. soc, 26 octobre 2005 n° 03-44.751). Le non-respect de la procédure spécifique autorise le salarié à demander sa réintégration ou une indemnisation, qui comprendra; outre les indemnités de rupture, les rémunérations qu’aurait perçu le salarié entre la date de son éviction et la fin de la période de protection et des dommages-intérêts aux moins égaux à ceux de l'article L. 1235-3 du Code du travail.

3La protection du conseiller du salarié, identique à celle prévue pour les délégués syndicaux, prend fin soit au terme de la période de 3 ans en cours au jour du licenciement, soit 12 mois après la cessation des fonctions, à condition de les avoir exercées pendant un an au moins (Cass. soc. 19 juin 2007, n° 05-46.017).

4La problématique particulière des mandats extérieurs à l'entreprise, est celle de la connaissance par l'employeur du mandat. De manière contestable, ni le Code du travail, ni la jurisprudence n'ont instauré d'obligation pour le salarié d'informer l'employeur, contrairement à la procédure prévue pour les délégués syndicaux et malgré les préconisations de la circulaire DRT 91-16 du 5 septembre 1991 (n° 1.2.4 : BOMT n° 91/24 p. 91), qui juge nécessaire pour les Direccte, de communiquer aux chefs d'entreprise les noms des conseillers qu'ils emploient en recueillant ces informations notamment auprès des salariés eux-mêmes. La circulaire précise que cette procédure devrait être également mise en œuvre dans l'hypothèse où la liste départementale ferait l'objet d'un complément ou d'une modification et lors du renouvellement triennal.

5La cour d'appel de Lyon s'inscrit en l'espèce dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation, en relevant que la protection bénéficie au salarié peu important la connaissance par l'employeur de son mandat. À ce titre la protection commence à courir à compter du jour où la liste des conseillers est arrêtée par le préfet, indépendamment des formalités de publicité (Cass. soc, 22 septembre 2010 n° 08-45.227). Cette jurisprudence juridiquement fondée mais factuellement contestable peut entrainer la condamnation d'un employeur qui de bonne foi rompt une période d’essai sans respect de la procédure protectrice. C'est pourquoi, la Cour de cassation pose comme réserve la fraude ou le manquement du salarié à son obligation de loyauté. Toute la difficulté est de savoir ce qu’il faut entendre par ces notions.

6L'enjeu de la distinction est important sur le plan indemnitaire. Si en cas de fraude, le salarié n'est plus en mesure d'invoquer la protection attachée à son mandat, en cas de simple déloyauté le salarié peut bénéficier de cette protection mais son indemnisation est réduite.

7Cet arrêt ne permet pas de nous éclairer sur ce point, infirmant à juste titre la décision de premier instance pour incompétence de la formation de référé.

8Plusieurs éléments seraient susceptibles en l’espèce de caractériser la fraude du salarié ou à tout le moins un manquement à la loyauté. Le salarié avait bénéficié d'un entretien avant la rupture de sa période d'essai, au cours duquel il avait occulté la référence à son mandat, il n’avait pas, au cours de la période d’essai eu à exercer son mandat, mais surtout la proximité de la rupture avec la contestation du salarié (1er et 2 février), constituent des arguments en faveur de l’employeur.

9Si la Cour de cassation a par le passé, déjà admis la fraude, soit elle ne s’en est pas expliquée, renvoyant à l’appréciation de la cour d’appel (Cass. soc., 16 févr. 2011 : JurisData n° 2011-001706), soit les salariés, compte tenu de leurs fonctions, avaient en charge leurs propres licenciements, ce qui caractérisait en soi la fraude (Cass. soc., 6 avr. 2005, n° 03-42.894 ; Cass. soc., 29 sept. 2009, n° 08-43.997).

10Si le droit au silence pour le salarié semble acquis, le silence dolosif ou le mensonge en vue de dissimuler le mandat peuvent être sanctionnés. À ce titre, la fraude ou le manquement à l’obligation de loyauté ne pourrait-elle pas être recherchée dans le défaut d’information de la Direccte ou dans l’abstention du salarié à délivrer le nom de son employeur, comme le préconise la circulaire ?

11Ne serait-il pas plus simple et plus juste, de conditionner la protection des salariés au titre d’un mandat extérieur, à l'information de l'employeur, comme pour les délégués syndicaux ou instaurer un droit au « rattrapage » à l’instar des règles prévue pour les femmes enceintes ?

12Une évolution est envisageable avec le renvoi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité précisant que « le moyen tiré d'une atteinte au principe d'égalité et à la liberté d'entreprendre présente un caractère sérieux en ce que les dispositions en cause ne prévoient pas, lorsque le salarié est investi d'un mandat extérieur à l'entreprise, l'obligation d'en informer son employeur […] ce dernier se trouve exposé, en cas de rupture du contrat de travail du salarié en l'absence d'autorisation administrative, à des sanctions, notamment pénales » (Cass. soc, 7 mars 2012 n° 11-40.106 QPC).

13Dans l'attente, nous ne pouvons que conseiller aux employeurs de vérifier l’ensemble des listes départementales ou même d’interroger par écrit, lors de la rupture du contrat de travail, chaque salarié, sur le bénéfice d'un éventuel mandat. En cas d’absence de réponse ou de mensonge, l’employeur devrait alors être fondé à invoquer une fraude ou un manquement à la loyauté.

Arrêt commenté :
CA Lyon, ch. C, 20 janvier 2012, n° 11/04063



Citer ce document


Ophélie Deschamps-Jakovlevitch, «La protection statutaire du conseiller extérieur», BACALy [En ligne], n°1, Publié le : 19/06/2012,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=1573.

Auteur


À propos de l'auteur Ophélie Deschamps-Jakovlevitch

Avocat


BACALy