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L’influence du droit des procédures collectives sur la validité d’un aval

Alexandre Quiquerez

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1Un gérant a avalisé un billet à ordre, à l’occasion d’une augmentation de trésorerie consentie à « sa » société par une banque. Une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre de cette société et la banque déclare sa créance au titre du billet à ordre, sans que ledit gérant élève de contestation. La banque obtient du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lyon le nantissement des parts de deux SCI à son profit. Le redressement judiciaire est, ensuite, converti en liquidation judiciaire.

2À la suite d’une assignation en paiement par la banque du montant du billet à ordre, le tribunal de commerce de Lyon condamne le gérant à payer ce titre. Le gérant interjette appel en invoquant différents moyens.

3À titre principal, il prétend que la signature portée sur le titre par lui ne vaut pas comme aval. Il fonde son moyen d’irrégularité du billet à ordre sur le fait que le nom du bénéficiaire ne figurait pas sur l’exemplaire en sa possession, mais a été rajouté par un membre du personnel de la banque. En vertu de l’article L. 512-1 du Code de commerce qui énonce les mentions obligatoires devant figurer sur un billet à ordre, il considère que cet engagement vaut cautionnement et que ce cautionnement est lui-même nul en l’absence des mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation.

4À titre subsidiaire, il demande, sur le fondement de l’article L. 650-1 du Code de commerce, à ce que soit jugé que la banque a commis une faute en octroyant des concours en raison de l’existence de garanties disproportionnées, d’annuler les garanties prises par lui en qualité d'avaliste du billet à ordre et de condamner la banque à procéder à la mainlevée des nantissements de parts sociales.

5Par un arrêt en date du 8 octobre 2015, la cour d’appel de Lyon rejette l’ensemble des demandes du gérant.

6D’une part, sur le moyen soulevé à titre principal, elle se borne à énoncer que « la décision d’admission de la créance, passée en force de chose jugée, faute de contestation dans le délai légal n’interdit certes pas à M. X, avaliste, d’invoquer une exception personnelle tirée de l’inobservation par la banque des dispositions dont elle est tenue à son égard, mais rend irrecevable toute contestation de sa part du titre sur lequel se fonde la banque, tant dans son principe que dans son montant ». En effet, à défaut de contestation dans le délai imparti devant le juge-commissaire, l’admission au passif de la créance acquiert autorité de la chose jugée et le débiteur est irrecevable à contester l’existence, la validité, le montant et la nature de la créance (en ce sens récemment : Cass. com., 4 nov. 2014, no 13-21.933 ; C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, coll. Domat, 2014, n° 799). L’autorité de la chose jugée peut être opposée à l’avaliste (Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-10.830 : retenant que « la cour d’appel en a déduit à bon droit que l’admission par le juge-commissaire d’une créance au passif du débiteur, acquérant quant à son existence et à son montant, l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’avaliste, sauf contestation par celui-ci de l’état des créances déposé au greffe, a pour effet de rendre irrecevable toute contestation ultérieure soulevée par lui à ce titre »). Cependant, l’admission de la créance déclarée par le porteur du titre est sans effets sur la question de l’existence du rapport fondamental (voir pour un exemple lié à un défaut de provision : CA Colmar, 19 décembre 2012, Jurisdata n° 05904). Il semble préférable d’utiliser l’expression « autorité de chose jugée », comme le fait la Cour de cassation, s’agissant d’une décision empêchant de rejuger la même affaire, et non pas de « force de chose jugée », laquelle renvoie spécifiquement, suivant l’article 500 du Code de procédure civile, à un jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Il s’agit bien en l’espèce d’une impossibilité pour le juge saisi et toute autre juridiction de revenir sur ce qui a été jugé.

7D’autre part, s’agissant de la demande à titre subsidiaire, la demande de mainlevée des nantissements est rejetée sur de simples appréciations de fait. Rappelons que l’article L. 650-1 alinéa 1 du Code de commerce dispose que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». D’une part, la cour d’appel de Lyon juge que la preuve d’une quelconque fraude de la part de la banque n’est pas rapportée. D’autre part, elle constate que le gérant n’établit pas que les garanties prises par la banque sont disproportionnées par rapport aux fonds débloqués.

8On retient que le droit des procédures collectives vient restreindre considérablement les moyens de défense, déjà limités par le droit cambiaire, à la disposition des avalistes. L’autorité de la chose jugée attachée à l’admission des créances a pour finalité d’assurer l’efficacité et la rapidité de la procédure de liquidation judiciaire.

Arrêt commenté :
CA Lyon, chambre 3 A, 8 octobre 2015, n° 14/06010



Citer ce document


Alexandre Quiquerez, «L’influence du droit des procédures collectives sur la validité d’un aval», BACALy [En ligne], n°8, Publié le : 01/02/2016,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=481.

Auteur


À propos de l'auteur Alexandre Quiquerez

Maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2


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