La plateforme comme frontière

Suivre l’agencement des territoires numériques

DOI : 10.35562/balisages.590

Résumés

Les plateformes créent-elles des « frontières » ? Pour répondre à cette problématique, nous discutons dans cet article des mécanismes de construction des territoires numériques. À partir de deux terrains portant sur des actions de communication en ligne par des acteurs organisationnels, nous montrons comment leurs territoires numériques se construisent et s’observent par la circulation d’éléments tant sémiotiques qu’informationnels. Cette circulation, que les plateformes contraignent et rendent parfois invisible, repose sur plusieurs agencements et pratiques info-communicationnelles que nous décrivons. Ainsi, nous proposons d’envisager les territoires numériques à la fois comme un outil heuristique pour observer ces agencements, et comme le résultat d’actions de communication soumises aux standards des plateformes.

Do platforms create “borders”? To answer this question we discuss in this article the mechanisms of construction of digital territories. Starting from two fields dealing with online communication actions by various organizational actors, we show how their digital territories are constructed and observed through the circulation of semiotic and informational elements. This circulation, which the platforms constrain and sometimes make invisible, is based on several arrangements and info-communication practices that we describe. Thus, we propose to consider digital territories both as a heuristic tool for observing these arrangements, and as the result of communication actions subject to platform standards.

Index

Mots-clés

plateformes, territoires numériques, signes, méthodes mixtes, affects

Keywords

platform, mixed methods, affects, signs, digital territories

Plan

Texte

Introduction

Le lien entre participation et réseaux sociaux numériques, que nous qualifions de médias numériques, est documenté dans la littérature scientifique. Que la participation réponde à des objectifs militants, commerciaux ou culturels, l’analyse des dimensions territoriales se développe dans la littérature sur le financement participatif [Agrawal et al., 2015]. Au-delà de la capacité à agréger des publics à travers des réseaux sociaux de proximité, reposant sur des liens forts [Granovetter, 1973] comme la famille et les amis, quels sont les leviers qui font accéder à des réseaux sociaux plus denses et plus étendus géographiquement grâce aux médias numériques ? Élargir son réseau social suppose de pouvoir tracer des ponts entre chaque média numérique afin de combler les « trous structuraux » [Burt, Soda, 2021]. Créer des ponts entre des médias numériques permet à des publics mobilisables sur des sujets similaires d’accéder aux mêmes informations en fonction des espaces d’expression où ils s’informent. Mais les médias numériques, en particulier les plateformes [Plantin et al., 2016], agencent la circulation de l’information selon leurs stratégies et leurs impératifs économiques. Le développement d’écosystèmes de « qualculation »1 [Callon, Law, 2005], d’architectures conversationnelles ou de fonctionnalités affectives [Alloing, Pierre, 2017] propres à chaque plateforme nous interroge sur les pratiques de communication qui s’y déploient.

Ainsi, notre problématique est la suivante : la plateforme crée-t-elle des « frontières » ? « Sur le web, la frontière est une autre forme "d’étatisation de l’espace" car celui-ci n’est plus physique. [...] Les frontières [Certeau, 2010] sont des rapports entre l’espace légitimé et l’extérieur. La limite et la mobilité sont un rapport entre points et actant, un passage et un entre-deux, la frontière devient donc des échanges et des rencontres, elle n’est pas vide, elle devient pleine, voire lieu établi selon de Certeau » [Le Béchec, 2014]. Ces précédents travaux montrent que les frontières numériques deviennent poreuses. L’inscription d’une territorialité vient des signes que des collectifs arrivent à mobiliser. Face à la porosité de ces frontières sur le web, les plateformes mettent en place des standards pour orienter les pratiques, les usages et capter les données d’usage.

Notre première hypothèse est que les frontières des plateformes se révèlent par l’observation des stratégies et pratiques de communication de divers acteurs (marques, institutions, particuliers, etc.). Les stratégies établies par les acteurs reprennent les méthodes de construction symbolique des territoires en réponse aux frontières établies par les plateformes. Notre seconde hypothèse est que les frontières sont poreuses, car les acteurs peuvent « braconner » [Certeau, 2010] le design territorial des plateformes.

La circulation de l’information permise par les plateformes, et nécessaire pour agréger des publics aisément qualifiés de « communautés en ligne », repose sur des standards qui supposent la transposition et l’agrégation de signes. L’agrégation et la transposition de signes offrent un potentiel marquage entraînant un attachement à un acteur (marques, institutions, particuliers) d’un média numérique à un autre. Selon nous, les frontières participent à la formation de territoires numériques agencés par les plateformes et reposent sur des algorithmes, des métadonnées, des APIs, des conditions générales d’utilisation et des pratiques de modérations.

Afin de discuter de nos deux hypothèses, nous prendrons appui sur deux enquêtes : une première enquête (2016) sur le financement participatif pour des projets culturels [Le Béchec et al., 2018] et une seconde enquête (2017-2018) auprès de gestionnaires de communautés en ligne [Alloing, Pierre, 2019]. La proximité temporelle des deux enquêtes nous permet d’observer les mêmes médias numériques. Dans les deux enquêtes, les individus interrogés et observés développent des stratégies visant à amplifier la circulation de leurs informations au-delà des espaces où se trouvent déjà leurs publics. La propagation espérée a pour but d’atteindre des objectifs de financement participatif ou stratégiques pour des organisations commerciales. Les deux recherches empiriques, inscrites dans le champ des humanités numériques [Plantin, 2014] développent des méthodes de suivi de la circulation de divers contenus (comme des vidéos d’appels aux dons) ou de signes accompagnant ces contenus (comme des emoji). L’analyse sémiopragmatique des entités circulantes nous a obligés à déployer des méthodes mixtes [Jonhson et al., 2007] spécifiques afin de dépasser les frontières techniques (standards) des plateformes. Les enjeux méthodologiques et les deux enquêtes permettant d’observer l’ensemble des agencements qui supporte la construction de territoires numériques sont exposés dans une première partie. Deux points méthodologiques y sont développés : la nécessité d’analyses multiplateformes et la prise en compte des publics invisibles.

La deuxième partie développe plus précisément la deuxième enquête mais propose des résultats communs aux deux enquêtes que sont les agencements à la fois techniques, politiques, info-communicationnels supportant les territoires numériques ou permettant leur identification. L’agentivité [Hoskins, 2006] d’entités circulantes sur les médias numériques marque un attachement [Hennion, 2013] à des projets, des organisations ou des lieux. L’agencement de la circulation permet de comprendre comment sont inclus à la fois des pratiques visibles quantifiables et des pratiques invisibles portées par la conversation au sein de réseaux sociaux. L’agencement de la circulation sera donc étudié selon le développement de capacités à agréger relations affectives et invisibles qui sous-tendent la participation numérique.

Enfin, nous montrons que l’agencement des circulations repose sur les plateformes elles-mêmes et in fine, sur la capacité des communicants, qu’ils soient amateurs ou professionnels, à mobiliser leurs publics par les plateformes selon le déploiement de leur stratégie. Loin d’être acquises, les pratiques demandent de composer avec les standards des plateformes qui les influencent, tant dans leur dimension stratégique que dans leurs matérialités sémiotiques (prédominance de l’image, de formats courts, de signes facilement identifiables). Les plateformes participent à professionnaliser, ou au contraire rendre amateurs, leurs usagers dès qu’ils souhaitent personnaliser leur territoire numérique.

L’agencement de la participation pour construire un territoire numérique

L’une des huit acceptions du terme territoire proposée par Lévy est « un espace contrôlé-borné [...] un espace correspondant à la logique de l’État, avec son exhaustivité interne et ses frontières externes. » [Lévy et al., 2003] Mais avec les médias numériques d’autres acteurs que les États définissent des normes et des standards [Le Béchec, 2014]. Les usages des outils numériques, selon l’observation proposée par Lussault [2017] participent à la construction des représentations des espaces, à leur appropriation. L’usage de téléphone mobile et des selfies transforment alors les lieux les plus iconiques en hyperlieux [Lussault, 2017, p. 18]. L’auteur souligne donc le localisme, « une idéologie sociale, spatiale et politique » qui fait du lieu le point d’ancrage « d’imaginations géographiques et politiques ». Notre questionnement porte plus spécifiquement sur les agencements qui composent les logiques de territorialisation au sein de médias numériques. « Autrement dit les pratiques n’existent que lorsque les éléments qui les composent – matériau, compétences et significations – sont intégrés et forment une configuration agissante. » [Soulier, 2014].

Notre définition d’un territoire numérique dépasse l’usage symbolique et mobilisateur présent dans les discours politiques [Musso, 2008], qui développent actuellement la thématique de la souveraineté numérique. Le territoire numérique est aussi pratiqué et voulu à travers des imaginaires, et surtout des pratiques ordinaires [Le Béchec, 2014]. Il paraît alors pertinent de comprendre comment des éléments en lien avec un territoire réel ou imaginé circulant sur les médias numériques sont contraints par les plateformes.

La dimension territoriale dans l’analyse des réseaux sociaux qui peuvent être qualifiés de numériques repose sur les questions de voisinage, dont l’expression de communauté, et la distinction Gemeinschaft et Gesellschaft [Tönnies, 2001] rendent compte. Les contraintes et spécificités des médias numériques élargissent cette catégorie d’analyse qu’est la communauté. Elle devient portée moins par des propriétés de proximité et de redondance dans le temps que par des connectivités sur des temps limités [Le Béchec, Boullier, 2014]. Mais cette description des voisinages sur les médias numériques, en gardant en perspective les attachements territoriaux de l’information ou des individus, se rapporte-t-elle aux propriétés intrinsèques des plateformes [Plantin et al., 2016] ou à des capacités d’influence et d’agrégation des publics ?

À partir de ce questionnement théorique, nous étudions les pratiques de communication numérique afin de faire participer des publics sur les plateformes à travers deux enquêtes complémentaires au niveau des stratégies développées par les acteurs. La première enquête (2016) étudie les pratiques de porteurs de projets culturels lancés entre 2012 et 2015 sur la plateforme de financement participatif Ulule.com [Le Béchec, Alloing, 2016]. Par l’observation du déploiement de cinq projets (film, deux projets d’édition, radio, exposition) nous identifions les potentialités des stratégies de communication numérique quant à la réussite du financement participatif. La seconde enquête porte sur le recours aux emoji et autres fonctionnalités affectives des plateformes numériques par les gestionnaires de communautés en ligne de 25 organisations (commerciales, institutionnelles, médiatiques, politiques) entre novembre 2017 et juillet 2018 [Alloing, Pierre, 2021]. Nous ne traitons pas les données de corpus différents pour produire un résultat. Nous mettons en perspective les résultats des deux enquêtes dont les objectifs se rejoignent : observer les possibles formes de territorialisation permises par des pratiques et l’usage de plusieurs médias numériques.

Dans les deux enquêtes, la notion de territoire numérique est féconde pour décrire les résultats des pratiques visant à faire participer des publics agrégés sous l’appellation de « communautés » par les acteurs : gestionnaires de communautés, porteurs de projets ou plateformes. Dans l’enquête sur le financement participatif, l’objectif est d’attirer les publics vers les plateformes de financement des projets. Dans l’enquête sur la modération, le but est d’étendre la présence des organisations d’une plateforme à une autre afin de mieux capter l’attention. La littérature montre clairement que le succès d’un financement repose sur la mobilisation et la participation actives des publics et des réseaux sociaux des porteurs de projet de financement [Agrawal et al., 2015]. Les emoji, comme signes, participent à la mobilisation des publics afin d’atteindre les objectifs stratégiques fixés par les organisations, tels que faire connaître de nouveaux produits ou gérer sa (e)réputation par exemple [Ge et Gretzel, 2018].

Pour les deux recherches, des problèmes méthodologiques similaires ont émergé rapidement :

  • l’extraction de données sur plusieurs plateformes (Twitter, Facebook et YouTube) suppose de manipuler des données structurées différemment, de s’accaparer des interfaces de programmation différentes (APIs) pour des analyses croisées dans une approche quantitative ;
  • une partie des interactions demeurent invisibles [Alloing et Le Béchec, 2017] car elles ont lieu dans des espaces privés des plateformes, sur d’autres plateformes ou hors-ligne, selon l’étude menée dans une approche qualitative.

Pour remédier à ces points aveugles, le recours aux méthodes mixtes permet d’identifier ce qui agence la participation des publics par :

  • l’extraction de données Facebook via une infrastructure de recherche construite spécifiquement [Le Béchec, Alloing, 2016] ou l’application Netvizz [Rieder, 2013]2 ;
  • l’extraction et le traitement automatisé d’emoji présents dans des messages Twitter [Alloing, Pierre, 2021]3, et le « scraping » de messages via le moteur de recherche4 ;
  • l’analyse sémiopragmatique des interfaces (Facebook, Twitter et Ulule) et des tableaux de bord statistiques des propriétaires des pages Facebook après avoir signé des contrats de confidentialité ;
  • des entretiens semi-directifs, 30 au total sur les deux enquêtes ;
  • un questionnaire en ligne (passation entre le 16/10 et 09/11/2018, n= 545) ;
  • l’exploitation statistique de la base de données fournie par Ulule.com.

Les méthodes dites mixtes, permettent pour ces deux projets de varier les angles d’analyse, d’alterner des points de vue localisés (les entretiens, les observations ethnographiques) et une vision plus générale (collectes quantitatives). Des processus itératifs de recherche se mettent en place : les analyses issues des observations quantitatives (collecte d'emoji, de publications Facebook) sont confrontées en entretien aux pratiques des acteurs concernés. À partir de leurs discours sur nos observations, les analyses quantitatives peuvent être affinées (nouvelles hypothèses, nouveaux critères de croisement de données) et d’autres collectes de données peuvent être réalisées pour approfondir ou confirmer des hypothèses (questionnaire, analyse d’interface d’un sous-corpus de publications). De plus, ces croisements nous offrent la possibilité de ne pas se limiter à ce que les interfaces des plateformes et de leurs API nous donnent à voir. Les méthodes mixtes nous offrent ainsi une possible montée en généralité à partir des propos issus d’entretiens ou d’observations circonscrites.

Cependant, les méthodes mixtes présentent des limites, dont la difficulté à corréler des observations avec les discours tenus sur celles-ci par exemple. Elles ne permettent pas non plus de contourner toutes les restrictions et les formatages des données effectués par les plateformes. Néanmoins, elles nous autorisent à qualifier l’importance de la circulation multiplateforme des informations pour mobiliser les publics dans le cadre des deux enquêtes. La circulation de l’information résulte d’une participation des publics qui la partagent, la commentent et la reproduisent. La circulation devient un moyen de circonscrire les espaces où elle est agencée. Les espaces de circulation de l’information ne sont pas uniques et homogènes mais relèvent d’une connectivité entre des pages, des comptes, des profils sur plusieurs plateformes.

Pour illustrer notre propos, à partir de la seconde enquête sur les stratégies des organisations, nous prenons les emoji les plus utilisés sur Twitter. Les organisations retenues ici pour illustration sont la World Wildlife Fund France (WWF France, figure 1), et le Centre national d’études spatiales (CNES, figure 2), qui accompagnent leurs messages de signes fortement liés aux thèmes traités par ces deux organisations. Il est par ailleurs intéressant de souligner que dans nos corpus, l’emoji le plus utilisé par ces deux organisations vague et satellite est identique à celui usité par les publics lorsqu’ils citent ces organisations. La participation se fait alors ici par l’usage partagé des emoji entre les communicants et les publics.

Figure 1. Emoji utilisés par le compte Twitter de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 1. Emoji utilisés par le compte Twitter de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 2. Emoji utilisés par le compte Twitter du CNES entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 2. Emoji utilisés par le compte Twitter du CNES entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Dans le corpus de messages Facebook, le recours aux emoji se retrouve lui aussi dans les publications produites par les gestionnaires de communautés (figure 3).

Figure 3. Emoji similaires à ceux utilisés sur Twitter par la page Facebook de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via Netvizz

Figure 3. Emoji similaires à ceux utilisés sur Twitter par la page Facebook de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via Netvizz

Les signes marquent la présence numérique des organisations. Ils permettent de territorialiser les espaces dans lesquels les publics s’expriment. L’attachement d’un message à une organisation, permis par les fonctionnalités des plateformes, offre aux chercheurs la possibilité d’observer des agrégats de signes, de messages et de profils. Loin de former des communautés stables et qui se définissent comme telles, la mise en circulation de marqueurs nous éclaire sur le processus de formation de possibles territoires numériques, au sein des plateformes et entre les plateformes. Ce processus nécessite l’agencement de la participation des publics, c’est-à-dire la capacité de susciter l’usage d’un signe choisi et attaché à une organisation. Il n’est pas alors question d’adhésion, ou comme nous l’avons souligné, de « communauté », mais bien d’un ensemble de marqueurs qui indiquent qu’à un instant donné, dans un contexte précis, par rapport à une information particulière, le territoire numérique de l’organisation s’est étendu jusqu’aux profils qui font usage de ces signes visuels. « L’engagement » des publics (pour reprendre un terme fortement usité en marketing et par Facebook) ne consiste pas à adhérer à un discours, ou à se mobiliser de manière récurrente pour l’organisation, mais à signaler sa présence au sein de son territoire.

Pour autant, l’observation des marqueurs, via un traitement quantitatif de données, ne permet pas, à elle seule, d’expliquer ce qui influe les agencements, les permet ou les oriente. Les entretiens semi-directifs menés dans les deux enquêtes révèlent des processus invisibilisés par les plateformes, ou les acteurs eux-mêmes, c’est-à-dire des processus qui ne se manifestent pas de manière intelligible pour nous, ou tout simplement dont nous n’avons pas connaissance. Selon nous, les pratiques invisibilisées et incalculables sont centrales dans l’agencement des participations nécessaires à la construction de territoires numériques.

Le territoire numérique comme agencement de la circulation invisible

L’étude de l’agencement de la participation effectué par les plateformes numériques nécessite donc des méthodes souvent mises en exergue dans le champ des humanités numériques [Plantin, 2014] afin d’identifier et suivre la circulation des informations ou signes résultant de la participation. Elle suppose également le développement de méthodes qualitatives afin de mieux cerner ce qui relève d’interactions rendues invisibles par les plateformes. Elle permet enfin de comprendre comment des territoires numériques s’agrègent à des territoires affectifs des publics, pour favoriser la mobilisation des « amis » et de leurs contacts. Parallèlement, la composition sémiotique des contenus selon les attentes des plateformes amène une capacité de captation de l’attention qui doit aboutir selon les promoteurs des campagnes de communication à une participation. L’agencement repose donc dans la rencontre entre des pratiques (des compétences), des entités circulantes sur le web (des matériaux) et des formes de compositions de l’information définies par les plateformes (des significations).

Agencement de la circulation invisible

La dimension spatiale de ces médias numériques ne dépend pas uniquement de lieux et de leur mise en réseau. Elle repose également sur la création de collectifs à géométrie variable reposant sur des liens faibles [Granovetter, 1973] qui portent un attachement territorial dans leur participation [Le Béchec, Boullier, 2014]. Les dimensions spatiales inhérentes à la participation au financement de projets culturels affectent les possibilités d’interactions sociales. L’hypothèse d’une homophilie permet de mieux comprendre comment l’attachement motive à participer à une campagne de financement participatif.

Dans la première enquête, les territoires physiques qui disposent de meilleurs indicateurs de participation à des activités collectives sont des territoires où le financement participatif est présent [Le Béchec et al., 2018]. Pour les porteurs de projet, les résultats sont similaires. S’ils disposent d’une présence bien délimitée sur les plateformes, leurs campagnes obtiennent un meilleur taux de participation voire un dépassement des objectifs financiers fixe, comme pour Noob le film ! en 2015. En première lecture, ce résultat paraît cohérent avec le fait que les territoires numériques de projets culturels numériques construits dans le temps et sur le web par l’agrégation et la participation de leurs publics. Leurs publics deviennent plus facilement mobilisables dans le cadre d’une communication principalement numérique.

Les observations des pratiques peuvent alors être réalisées « à distance » via des méthodes quantitatives. Elles portent sur des traces identifiables et limitent l’analyse à ce que les acteurs et médias numériques donnent à voir ou à calculer. Lors des entretiens semi-directifs de la première enquête, des financeurs indiquent mobiliser leurs réseaux sociaux de proximité pour contribuer à la campagne de financement. Comme dans le cadre de poupées russes, ce qui fait une contribution dans la base de données fournie par Ulule s’avère être le résultat d’un encastrement de plusieurs contributions faites à un financeur par son réseau social. Ainsi, une contribution financière dans la base de données fournie par Ulule regroupe parfois plusieurs donateurs valant pour 1. Ce résultat montre que le réseau social du porteur de projet n’est pas directement étendu par le numérique. La réussite d’un financement participatif repose également sur une agrégation de réseaux sociaux des donateurs. De plus, le partage d’une information par plusieurs publics n’est pas systématiquement le résultat des actions d’un porteur de projet comme le relais d’un article de presse généraliste ou numérique annonçant le lancement de la campagne de financement participatif ou l’interview du porteur de projet par ces médias [Le Béchec, Alloing, 2016]. Via d’autres plateformes, un contributeur peut agréger d’autres participants pourtant invisibles dans l’analyse quantitative, mais indispensables à la réussite d’une action de communication.

Agencement d’éléments circulants

La trivialité des êtres culturels [Jeanneret, 2019] circulant sur le web est identifiée et étudiée. Leur multiplicité et leur signification varient selon leur contexte d’exposition. Les signes observés ont leur propre agentivité [Hoskins, 2006], au sens où leur composition provoque des attachements qui évoluent dans le temps et ne correspondent pas au contexte de leur production. Les précédentes figures 1 et 2 montrent une sémiodiversité qui se réduit en raison du développement de standards par les plateformes.

La multiplicité sémiotique dans un corpus de sites web se restreint à une combinaison d'emoji mis à disposition par les plateformes. Les signes des figures 1 et 2 ne sont pas spécialement créés par les organisations qui les mobilisent. Pour établir un attachement avec leurs publics, les organisations composent avec des emoji disponibles. Il est ainsi étonnant de constater que le WWF France n’utilise pas en priorité un emoji rappelant son logotype. La création de nouveaux emoji suit des normes et des procédures édictées par les plateformes elles-mêmes en adéquation avec des standards du web, comme l’Unicode. Les plateformes organisent des espaces de circulation des signes qui attachent les informations à des organisations mais les communicants se doivent de composer. L’agencement de plusieurs emoji, de leur propagation auprès de publics qui peuvent les reprendre, permet aux organisations étudiées d’agréger des publics et de construire leur territoire numérique. La construction devient alors symbolique sans capacité de verrouiller la signification des signes.

Selon nous, le territoire numérique d’un acteur se construit par la participation des publics qui vont mettre en circulation des informations ou signes signifiant sa présence. La participation des publics s’étend au-delà des frontières (normes, standards) fixées par les plateformes avec une circulation multiplateforme d’interactions et de mobilisations diverses. Une circulation par définition invisible via des méthodes distantes puisque lesdites plateformes n’offrent pas d’interopérabilité entre elles. Ainsi, les gestionnaires de communautés en ligne doivent choisir les emoji en fonction des possibilités offertes par les plateformes et des goûts des publics. Ce choix repose sur un travail interprétatif et d’ajustement lui aussi invisibilisé par les acteurs interrogés, souvent par ethos professionnel.

Agencement de la circulation affective

Dès lors, la circulation d’éléments s’organise et s’agence de manière visible ou invisible dans les plateformes, entre les plateformes et hors des plateformes.

Les acteurs qui communiquent font donc circuler de manière régulière des signes (termes, avatars, images, etc.) que se réapproprient les publics afin de montrer leur attachement et leur affection. Les plateformes par lesquelles circulent ces signes offrent donc aux publics la possibilité de marquer cet attachement à travers le like de Facebook par exemple, et plus explicitement leur affection via le recours aux emoji et émoticônes. Cet attachement n’est cependant pas obligatoirement intentionnel. Les publics attirent ainsi l’attention de leurs proches et favorisent la mobilisation d’autres individus, qui soutiennent parfois moins le porteur de projet en lui-même que le financeur. Un relais vers le « territoire affectif » du financeur émerge. Le territoire numérique n’est plus identifiable à l’aune de l’organisation qui communique mais par le prisme d’un individu. Deux types de contacts peuvent être qualifiés. Des contacts réguliers de proximité composés de liens forts et d’homophilie que l’individu est en capacité d’affecter afin de les mobiliser. Des contacts issus de groupes plus hétérogènes, plus vastes, pour lesquels l’individu admet qu’il les influence. Ce deuxième type reprend la qualification des "two step-flow of communication" [Katz et al., 2008].

Vus depuis la plateforme, les territoires affectifs sont centraux pour favoriser le passage à l’action et attirer l’attention. Il est alors plus aisé de comprendre la place centrale de Facebook dans les actions de communication numériques qui visent à faire participer les publics. Facebook fonctionne sur un principe affinitaire en adéquation avec des actions de communication qui mobilisent des goûts et des émotions. Chaque usager de la plateforme est à la fois un relais potentiel, mais il fait aussi autorité pour ses contacts qui vont, en fonction des liens relationnels et affinitaires identifiés par Facebook, prendre connaissance d’un projet et être incités à le soutenir.

Par le prisme des porteurs de projets et gestionnaires de communautés en ligne que nous avons observés, une gamme d’actions signalent cette volonté de mobiliser des territoires affectifs, de faire circuler des informations en leur sein : incitation au partage, incitation à « taguer » des contacts (figure 4) ou encore à utiliser une fonctionnalité (comme le « like » sur Facebook) qui permet d’exposer un contenu à ses contacts (figure 5).

Figure 4. Exemple d’une incitation à liker/aimer un contenu sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 4. Exemple d’une incitation à liker/aimer un contenu sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 5. Exemple d’une incitation à « taguer » un « ami » sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 5. Exemple d’une incitation à « taguer » un « ami » sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Pourtant, Facebook interdit les pratiques à des fins promotionnelles5. La mobilisation des publics nécessaire à l’agencement des participations puis à la propagation des éléments circulants qui construisent des territoires numériques peut néanmoins dépasser les frontières définies par les plateformes. Pour y parvenir, il convient de fournir un travail constant d’adaptation entre les plateformes. Au sein de chaque plateforme, le travail est dépendant de certains standards. Des standards qui amènent ceux qui construisent leur territoire numérique, ou braconnent les frontières des plateformes, à se professionnaliser. Les acteurs du financement participatif, afin d’être performants sur chaque plateforme, s’approprient les critères de performances que les plateformes ont institués : utiliser des mots-clics sur Twitter, faire du « ciblage » sur Facebook ou encore définir des créneaux horaires précis. S’approprier chacun un « standard », les techniques nécessaires pour être performant et en faire des pratiques récurrentes et maîtrisées, devient une activité professionnelle. À l’inverse, pour les professionnels (les gestionnaires de communautés), optimiser ses activités en reproduisant des pratiques standardisées par chaque plateforme, d’une plateforme à l’autre, demande de la ruse au sens de Certeau.

Le territoire numérique comme professionnalisation de la participation

La communication politique visant à marquer les spécificités de territoires locaux au sein de frontières nationales, en faisant appel à des communautés et des symboles qui se veulent stabilisés, fait résonance avec ce que nous avons pu observer sur nos terrains numériques. Par le choix de certains signes (un emoji), de références culturelles (via des terminologies spécifiques) ou encore d’appels à la « communauté », les territoires numériques se dessinent par la participation des individus qui s’y trouvent. Mais l’affirmation de territoires physiques peut être vue comme une finalité de la communication politique : un territoire est ainsi identifiable, donc potentiellement attractif ou encore gouvernable. Les territoires numériques que nous avons observés ne sont, pour les acteurs qui cherchent à les construire, qu’un moyen d’atteindre un objectif stratégique précis. Ils répondent aux impératifs des plateformes, c’est-à-dire à la nécessité de définir où les informations doivent circuler pour inciter à la participation. Ainsi, Facebook qualifie de « portée organique ou payante », ou de « couverture », le « nombre de personnes qui ont vu votre message au cours de votre campagne publicitaire »6, quand bien même elle n’est pas publicitaire. Cette « portée » est centrale, et très contrôlée, non seulement pour que les messages soient vus par les publics ayant déjà marqué leur attachement à un profil de l’organisation, mais aussi pour aller chercher de nouveaux publics au sein même de la plateforme.

Comme nous l’avons souligné dans la partie précédente, la plateforme interdit des pratiques qui ne lui permettent pas d’avoir un contrôle sur ce qu’il se passe à l’intérieur de ses frontières. Elle fournit également des indications sur ce qu’il est possible de faire, sur ce qui va favoriser la portée d’un message. Ces directives sont dupliquées sur d’autres plateformes. Twitter conseille sur la manière de générer des conversations7 et plus globalement explique « qu’est‑ce qui fait qu’un Tweet marche mieux qu’un autre ? »8.

Les acteurs souhaitant communiquer « efficacement » par et sur les plateformes sont alors fortement incités à :

  • définir cette efficacité par les seules statistiques proposées par les plateformes [Alloing, Pierre, 2019] ;
  • agencer la participation nécessaire à la circulation des informations en fonction des techniques proposées par les plateformes ;
  • maintenir ou élargir continuellement des territoires en s’adaptant aux changements des règles, des modèles économiques, des fonctionnements techniques (algorithmes par exemple) et des usages.

Nos deux enquêtes portent sur deux types d’acteurs de prime abord différents, mais qui sont soumis aux mêmes impératifs : les gestionnaires de communautés, professionnels de la communication numérique et les porteurs de projets de financement participatif, professionnels de la culture. Pour autant, ces deux types d’acteurs construisent des territoires numériques afin de rendre plus performantes leurs actions sur une même plateforme. Pour y parvenir, ils s’appuient sur les mêmes standards et les mêmes conventions.

Dans le cas du financement participatif, Ulule fournit les standards et les conventions. Les standards de la plateforme reposent sur des explications afin d’optimiser au mieux sa campagne de financement9. Les conventions sont élaborées à partir de la meilleure manière de communiquer en utilisant des plateformes tierces par le biais de « Community Captains »10 et de formations dédiées. Les non-professionnels voient leur communication numérique professionnalisée par les plateformes. En effet, ils acquièrent des compétences nouvelles, des qualités ou des habiletés propres aux professionnels de la communication numérique. Ces compétences (connaissances, savoir-faire et savoir-être) ne sont pas pour autant nécessairement duplicables à d’autres contextes. Cette professionnalisation est validée par les prescriptions et standards des plateformes qui répondent à des objectifs économiques. Nos analyses montrent clairement un rythme similaire dans la mise en circulation de contenus et messages par les porteurs de projets de financement participatif11. La plateforme Ulule mesure le résultat des actions de communication par le volume de contributions par exemple. La gouvernance chiffrée donne un poids aux standards et aux conventions et aucun acteur rencontré n’y déroge. Pour les gestionnaires de communautés, leurs moyens d’agir et d’évaluer leurs résultats sont dépendants des plateformes qu’ils utilisent. Les conventions se créent par imitation, par des formations, des rencontres en ligne parfois, et la lecture de sources d’information similaires. Les éléments circulants perdent en sémiodiversité et en diversité des modalités de leur circulation, puisque les campagnes de communication sont dupliquées.

La différence notable se situe dans les pratiques en elles-mêmes. Les porteurs de projets de financement participatif vont se professionnaliser, au sens où leurs pratiques personnelles des médias numériques se trouvent encadrées par des standards et des conventions. Les gestionnaires de communautés vont quant à eux être constamment ramenés à un statut d’amateur. Par amateur, nous entendons le fait que pour maintenir ou agrandir les territoires numériques qu’ils gèrent sur une plateforme, et encore plus quand ils gèrent plusieurs comptes, les professionnels vont devoir manifester leur goût pour les plateformes numériques et s’intéresser constamment aux goûts de leurs publics pour leur faire « liker » ce qu’ils aiment. Ainsi, les gestionnaires de communautés signalent en entretien mener une « veille active » sur les évolutions des plateformes, autant que sur les intérêts de leurs publics. Les standards qui dirigent leurs pratiques sont en constant ré-agencement. Les conventions sur lesquelles ils s’appuient, autant que les envies de leurs publics, doivent, elles aussi, s’adapter et évoluer constamment. S’ils n’arrivent pas à y prendre goût, alors leurs territoires numériques risquent de s’effondrer avec les investissements qui ont amené à leur construction. Et, dans une économie de l’attention où la présence se construit par la participation, perdre ses publics est un risque que peu d’organisations prennent.

Synthèse et conclusion : des territoires marqués par les frontières des plateformes

La plateforme crée-t-elle des frontières ? Pour discuter de la problématique posée en introduction, nous avons émis deux hypothèses.

Afin de répondre à la première hypothèse, nous montrons qu’effectivement les stratégies et pratiques de communication des divers acteurs répondent aux limites techniques, aux standards des plateformes et aux usages prescrits. Ces limites techniques peuvent être alors considérées comme des frontières, car elles contraignent voire empêchent la circulation des informations et contenus d’une plateforme concurrente à une autre. Les conventions, propres aux acteurs de la communication numérique, qui dirigent les stratégies des organisations observées font alors écho aux modes de gouvernance des territoires physiques. Ils ne s’en inspirent pas directement mais les plateformes les incitent explicitement ou non à délimiter les espaces dans lesquels leurs publics interagissent et sont exposés à leurs messages. Pour ce faire, ces acteurs doivent alors déployer des pratiques permettant de faire participer les usagers des plateformes et leurs publics afin de mettre en circulation les éléments qui les identifient et délimitent des territoires.

Les territoires numériques que dessinent les acteurs étudiés au sein des plateformes sont alors le résultat de multiples agencements permettant la propagation d’éléments circulants. Par l’emploi de méthodes mixtes adéquates dans nos enquêtes, nous avons identifié des formes de circulation invisibles et affectives qui structurent donc les territoires construits à l’aide de la participation des publics (figure 6).

Figure 6. Schématisation de la circulation des éléments constitutifs d’un territoire numérique sur une plateforme

Figure 6. Schématisation de la circulation des éléments constitutifs d’un territoire numérique sur une plateforme

Source : Alloing et Le Béchec.

Dans ce schéma, l’organisation met en circulation des contenus dans son territoire numérique, lui-même situé au sein d’une plateforme. Ces contenus circulent par les algorithmes qui les distribuent à de nouveaux publics connexes à ce territoire numérique. Ainsi, les contenus colonisent les territoires affectifs de publics connexes. Depuis ces territoires, certains éléments circulants (comme les emoji) sont aussi remis en circulation par les algorithmes des plateformes. Dès lors, les API sont en quelque sorte les « postes frontaliers » qui permettent de transposer ces contenus et éléments circulants sur d’autres plateformes.

Mais si ces frontières amènent à construire des territoires au sein des plateformes pour répondre à des objectifs communicationnels, qu’en est-il de la circulation au-delà de ces frontières ?

Notre deuxième hypothèse est que ces frontières sont poreuses et nos observations nous ont amenés à identifier des formes d’adaptation des actions de communication des acteurs observés, d’une plateforme à une autre. Les contenus varient et diffèrent souvent, car les contraintes d’écriture numérique et d’interopérabilité des données sont propres à chaque média numérique. Pour autant, ce sont les éléments sémiotiques, dont la transposition est permise par certains standards partagés (comme pour les emoji), qui apparaissent comme un fil tracé entre chaque plateforme. C’est pour cela que nous parlons de « territoires numériques de marques » [Le Béchec, Alloing, 2016, 2018]. Les acteurs marquent leurs contenus avec des signes distinctifs qui territorialisent ainsi les espaces dans lesquels l’on discute d’eux ou de leurs actions. Les publics marquent ces mêmes messages ou ceux qui discutent des organisations, afin de montrer leur attachement à ces acteurs, et affecter leurs contacts pour les faire participer.

Suivre la circulation des marqueurs qui signalent la constitution de ces territoires numériques au sein des plateformes, et d’une plateforme à une autre, offre des pistes pour se détacher des frontières qu’elles érigent dans nos observations et recherches.

1 « La qualculation consiste à détacher des entités de leur contexte, de les retravailler, manipuler, transformer, puis de les résumer dans un seul

2 Pour la seconde enquête, à partir de 26 pages « fans » d’organisations francophones, nous souhaitions extraire le 27 septembre 2017 les 100

3 Notre échantillon de données collectées sur 26 comptes Twitter d’organisations francophones entre le 1er novembre 2017 et le 31 juillet 2018 est

4 Nous avons collecté dans les résultats du moteur des éléments des tweets (contenu, date, volume de retweets, etc.) issus de requêtes spécifiques à

5 « Vous ne devez pas utiliser les journaux personnels ni les connexions des amis pour gérer des promotions (par exemple, les mentions telles que “

6https://www.facebook.com/business/help/710746785663278?helpref=faq_content >.

7https://business.twitter.com/fr/blog/6-ways-social-media-managers-deliver-twitter-experience.html >.

8https://business.twitter.com/fr/basics/what-to-tweet.html >.

9https://community.ulule.com/reussir-sa-campagne-ulule/ >.

10https://pitch.ulule.com/fr/captains/ >.

11 Notre interprétation ne permet pas d’exclure que cette temporalité, qui se perçoit dans la circulation des informations, repose sur l’écosystème

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Notes

1 « La qualculation consiste à détacher des entités de leur contexte, de les retravailler, manipuler, transformer, puis de les résumer dans un seul espace. Ainsi, il s’agit d’une question d’agencements et non pas de transformation en chiffre (quantification) ou de comparaison (commensuration), des arrangements entre le jugement, l’évaluation et l’appréciation » [Alloing, 2020].

2 Pour la seconde enquête, à partir de 26 pages « fans » d’organisations francophones, nous souhaitions extraire le 27 septembre 2017 les 100 dernières publications (et éléments associés) de chaque page. Nous n’avons néanmoins pas obtenu 100 posts pour chaque page, certains messages étant accompagnés de trop de commentaires ou interactions (likes, etc.) pour être supportés par l’API. Au final, nous avons extrait 2 403 publications, 180 868 commentaires et 201 3030 « réactions » (likes, etc.) associées.

3 Notre échantillon de données collectées sur 26 comptes Twitter d’organisations francophones entre le 1er novembre 2017 et le 31 juillet 2018 est composé de 134 678 tweets provenant de 68 921 comptes. Parmi eux, 38 798 tweets contiennent 76 114 emoji. L’API de recherche standard de Twitter via un service externe fournit un fichier par compte visé. Un script de traitement de ces fichiers a permis de réaliser et d’afficher des calculs sur notre propre serveur web.

4 Nous avons collecté dans les résultats du moteur des éléments des tweets (contenu, date, volume de retweets, etc.) issus de requêtes spécifiques à chaque projet étudié (mot-clic du financement, lien vers Ulule, dates de la campagne, etc.) via un « plug-in » (Scraper) du navigateur Google Chrome.

5 « Vous ne devez pas utiliser les journaux personnels ni les connexions des amis pour gérer des promotions (par exemple, les mentions telles que “partagez ce lien dans votre journal pour participer”, […] ne sont pas autorisées). », in : < https://www.facebook.com/policies/pages_groups_events/ >.

6https://www.facebook.com/business/help/710746785663278?helpref=faq_content >.

7https://business.twitter.com/fr/blog/6-ways-social-media-managers-deliver-twitter-experience.html >.

8https://business.twitter.com/fr/basics/what-to-tweet.html >.

9https://community.ulule.com/reussir-sa-campagne-ulule/ >.

10https://pitch.ulule.com/fr/captains/ >.

11 Notre interprétation ne permet pas d’exclure que cette temporalité, qui se perçoit dans la circulation des informations, repose sur l’écosystème des médias numériques.

Illustrations

Figure 1. Emoji utilisés par le compte Twitter de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 1. Emoji utilisés par le compte Twitter de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 2. Emoji utilisés par le compte Twitter du CNES entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 2. Emoji utilisés par le compte Twitter du CNES entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via l’API Twitter

Figure 3. Emoji similaires à ceux utilisés sur Twitter par la page Facebook de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via Netvizz

Figure 3. Emoji similaires à ceux utilisés sur Twitter par la page Facebook de WWF France entre le 1er novembre 2017 et le 30 juillet 2018, collectés via Netvizz

Figure 4. Exemple d’une incitation à liker/aimer un contenu sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 4. Exemple d’une incitation à liker/aimer un contenu sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 5. Exemple d’une incitation à « taguer » un « ami » sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 5. Exemple d’une incitation à « taguer » un « ami » sur la page Facebook « Oasis be fruit », en date du 27 juillet 2017, collecté via Netvizz

Figure 6. Schématisation de la circulation des éléments constitutifs d’un territoire numérique sur une plateforme

Figure 6. Schématisation de la circulation des éléments constitutifs d’un territoire numérique sur une plateforme

Source : Alloing et Le Béchec.

Citer cet article

Référence électronique

Camille Alloing et Mariannig Le Béchec, « La plateforme comme frontière », Balisages [En ligne], 3 | 2021, mis en ligne le 15 novembre 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/balisages/index.php?id=590

Auteurs

Camille Alloing

Professeur en relations publiques, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal

Mariannig Le Béchec

Maîtresse de conférences-HDR en sciences de l’information et de la communication, Département informatique, Université Claude Bernard Lyon 1

Droits d'auteur

CC BY SA 4.0