Centrale !
Comme beaucoup de ses étudiants, elle s’est fait un lundi matin à huit heures, rencontre d’autant plus déterminante pour moi que je suivais ces cours en candidat libre afin de confirmer mon orientation universitaire, les bancs d’AES MASS de Lyon 3 ne m’ayant pas convaincu.
Il est très rapidement devenu pour moi un repère, une autorité paternelle à laquelle je me référais régulièrement afin de tenir mon cap. C’était « notre papa de la fac » ainsi que nous l’appelions entre nous.
C’est la nature de ce lien de transmission entre proximité et distance qui est le plus significatif. Il était curieux de nous, de nous voir apprendre et de nous voir nous interroger, non seulement professionnellement, il était aussi présent dans notre devenir adulte. Je ne crois pas avoir ressenti de fascination à son endroit contrairement à d’autres enseignants qui l’appellent naturellement, du respect, de la colère parfois quand j’ai pu le sentir fragile au détour d’une épreuve personnelle qu’il traversait… bref, quelque chose de vivant.
J’ai gardé de lui cette nécessaire implication personnelle dans la transmission, travailler à transmettre n’est pas un acte à distance, il me semble que l’on ne peut transmettre sans curiosité pour l’autre, sans s’intéresser à ce que produit simultanément en l’autre ce que nous lui transmettons et, le suivre sur ce chemin ; sans non plus, accepter d’être pris en défaut, faillible, sans solution... mais pas pour autant impuissant.
Cela fait maintenant un peu moins de dix ans que j’exerce mon métier de clinicien au sein des entreprises en tant que consultant. La formation est une des techniques d’intervention que j’ai rapidement abandonnées au profit de l’accompagnement collectif, tant au sein de cet environnement, elle porte la trace de la transmission de contenus morts, méthodes ou techniques à reproduire dans un geste parfait au service d’une représentation idéal du manager en entreprise.
C’est en grande partie grâce à Dominique, certes pas seulement, car d’autres au sein de l’institut ont participé à ce chemin, que j’ai pu explorer ce champ professionnel. Mais de nouveau, c’est son ouverture vers la pratique de la clinique dans d’autres environnements et la confiance qu’il m’a faite, en adaptant les règles de tutorat des stages de DESS1, qui m’ont autorisé à aller me risquer ailleurs, là où il paraît que « l’on perd son âme ». Depuis, je viens « secouer » chaque année les étudiants en leur parlant de la vie de clinicien au sein des entreprises, en leur faisant partager un peu de mon quotidien de consultant dans des environnements où tout est à construire, où la richesse des modèles psychanalytiques du groupe et de l’institution sont un atout pour intervenir dans ces systèmes complexes et éprouver les limites de ces derniers, avec la joie de se dire qu’il y a encore des choses à découvrir...
Je crois sincèrement que je ne serais pas le professionnel que je suis aujourd’hui sans lui, et si je devais qualifier ce qu’il m’a transmis de plus déterminant alors ce serait l’implication et l’autorisation de risquer son identité de clinicien ailleurs.
Nicolas Brachet