L’intime et l’universel

Symbolisations dans la création

p. 16

Texte

Organisé par le Centre de Recherches en Psychologie et Psychopathologie Cliniques sous la direction de Bernard Chouvier, le colloque sur « l’intime et l’universel, symbolisation dans la création » s’est déroulé les 2 et 3 février derniers sur le campus de Bron.

Cette manifestation qui a rencontré un vif succès auprès d’un public nombreux (près de 500 personnes…) avait joint le geste à la parole puisqu’elle accueillait, parallèlement aux conférences, une série d’expositions et de présentations d’œuvres par leurs auteurs. Deux journées rythmées par la tenue de forum ont permis d’explorer, sous différents angles le « paradoxe » de la création, qui se veut à la fois production de l’intime du créateur, et valeur reconnue par un public, tendant donc de ce fait à l’universel.

En ouvrant à proprement parler la discussion, après les présentations liminaires, André Green lui a donné d’emblée sa dimension anthropologique et culturelle, en interrogeant la création dans son rapport au divin. Comment entendre la parole des Dieux ? Comment adresser la parole aux Dieux ? Si le divin se présente comme l’« autre côté du sexuel », c’est bien par cette parole qu’il importe de questionner la place de l’autre dans la création.

Daniel Payot lui répondait en philosophe, confrontant Adorno aux sonnets de Michel-Ange. L’esthétique engagée par le mouvement de la création ne peut faire abstraction d’une éthique qui en porte le sens, et dessine sa relation à l’autre, entre l’identique et le non-identique.

Deux ouvertures brillantes, donc, pour cette première matinée présidée par René Roussillon et poursuivie par quatre forums dans lesquels ont pu circuler les participants, entre les thèmes de l’écriture, de l’histoire, de l’intersubjectivité et de la formation.

La matinée du samedi, dont René Kaës présidait les travaux, a entendu successivement les conférences de Jean Guillaumin et Bruno Gelas. René Kaës avait tenu, en ouverture, à revenir sur la question de l’éthique évoquée par D. Payot, pour rappeler la figure centrale de Bataille dans une esthétique de la transformation. L’intime universel ne serait-il pas perceptible, dans sa dimension paradigmatique, dans le processus de reconnaissance du visage, encore énigmatique au plan scientifique ?

C’est l’angle du jugement, opposé à la croyance, que Jean Guillaumin avait quant à lui choisi pour structurer sa conférence. Un jugement porteur de multiples expériences esthétiques, qui sont analysables comme autant d’expériences intimes mettant en jeu la pulsion de mort. Quant à Bruno Gelas, en suivant le fil de la muse, il suspendit l’assistance sous le charme d’une réflexion axée sur les modalités de l’inspiration.

Il appartenait à Julia Kristeva et Jacques Hochmann, dans une séance sous la présidence de B. Chouvier, de terminer ce cycle de présentations. La première témoigne à son habitude de son intelligence provocante, contraignant à une prise en compte exigeante des expériences de sensorialité esthétiques, pour proposer l’hypothèse qu’elle défend dans son dernier ouvrage d’une « caverne de la sensorialité » comme matrice des expériences esthétiques. Jacques Hochmann, quant à lui, présenta, avec tout autant d’élégance et de clarté une réflexion stimulante dans la clinique de l’autisme à partir d’un cas clinique mettant directement en jeu la problématique de la création.

Un débat d’ensemble (exclusivement masculin comme le fit remarquer la salle, Julia Kristeva étant partie…) reprit pour conclure les principaux thèmes mis en débat au cours de ces deux journées.

Outre les remerciements à la mairie de Lyon pour sa réception, à l’Hôtel de Ville, une mention particulière, et des remerciements appuyés, pour la fondation Léa et Napoléon Bullukian, de Champagne-au-Mont-d’Or, qui avait accepté de coupler à cette manifestation – une exposition du peintre Mathieu Klossowki. C’est donc dans le cadre de cette fondation que le lendemain du colloque, certains conférenciers ont pu débattre avec un public différent, et en présence du peintre, des voies énigmatiques de la création.

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Référence papier

Bernard Chouvier et Jean Ménéchal, « L’intime et l’universel », Canal Psy, 23 | 1996, 16.

Référence électronique

Bernard Chouvier et Jean Ménéchal, « L’intime et l’universel », Canal Psy [En ligne], 23 | 1996, mis en ligne le 29 janvier 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2594

Auteurs

Bernard Chouvier

Centre de Recherches en Psychologie et Psychopathologie Cliniques, Université Lumière Lyon 2

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Jean Ménéchal

Centre de Recherches en Psychologie et Psychopathologie Cliniques, Université Lumière Lyon 2

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