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La mobilisation de la création, le recours à celle-ci dans les dispositifs de soins ne sont plus très récents maintenant. Il y eut d’abord le recours spontané par des artistes isolés, identifiés par Jean Dubuffet comme relevant de l’art brut, c’est-à-dire d’un art non académique ; il y eut le travail de Hans Prinzhorn sur l’art des fous. Songeons au succès récent du film Séraphine, domestique et créatrice qui vécut de 1864 à 1942, film qui donna une grande visibilité à l’art brut, au risque parfois d’incompréhension ou d’idéalisation.
Sur ce terreau émergea l’idée de proposer des dispositifs favorisant la création artistique à des sujets en souffrance psychique, que le modèle sous-jacent soit celui de la catharsis (décharge), de l’expression, de la médiation, de la symbolisation, de l’élaboration… Conjointement se construisit la notion d’art-thérapie, c’est-à-dire de thérapie par l’art, ce qui pose la question de l’écart entre l’art, le produit, l’œuvre finis, et le processus de la création, de la créativité (autre pôle de discussion). Le débat demeure des plus vivants actuellement, tant ces pratiques peuvent être associées à des modes de pensées différents.
À Lyon 2, cette question fut longtemps portée par Bernard Chouvier qui, dès les années 1980, anima au sein du laboratoire de psychologie clinique un séminaire sur la création et les médiations artistiques, séminaire qui accueillit des figures telles que M. Couade, pédopsychiatre au Puy-en-Velay, qui faisait le lien, dans la lignée d’H. Maldiney, entre phénoménologie et psychanalyse, ou encore J.-P. Klein, fondateur d’une des principales écoles françaises d’art-thérapie. En appui sur ce séminaire, B. Chouvier créa des journées de formation continue sur le thème de l’art et du soin.
C’est dans cette dynamique, qui rencontra celle de l’association Création et soin, qu’émergea l’idée de créer un diplôme d’université (DU) au sein de l’Institut de psychologie. L’association Création et soins était née de la volonté de soignants (infirmier-e, psychologue, psychiatre) et d’artistes intéressés par le recours à l’art dans le soin et par la mise en pratique de ce recours. Ainsi d’ateliers d’écriture, de collage, de peinture, de sculpture, qui demandaient à être pensés plus avant. L’association, portée entre autres par B. Cadoux, C. Chalard, D. Cœur, J.-P. Petit… côté soignants et par Bénédicte Chaine, Patrick Germignani, Alain Pouillet… côté artistes, mit en place des soirées mensuelles, des groupes de travail.
Avec un petit groupe d’universitaires et la responsable de la formation continue, je portais le projet du DU qui fut co-élaboré avec l’équipe de Création et soins. Ceci aboutit à une maquette initiale de cinq semaines par an sur trois ans, format qui fut refusé par l’université car il lui semblait trop onéreux. La maquette fut ramenée à cinq semaines par an sur deux ans. Le public visé était (et demeure) principalement des soignants et des artistes soit ayant déjà une pratique qu’ils souhaitent élaborer, soit envisageant une reconversion ou une réorientation professionnelle dans cette direction. L’objectif était, et demeure, de former des professionnels à même de concevoir et d’animer des ateliers à médiation artistique, formule que nous retrouverons bientôt dans un nouvel intitulé du DU.
Cette formation, qui accueillit la première promotion en janvier 2003 (le DU a donc accueilli sa 15e promotion en janvier 2017), est depuis le début organisée autour de différents dispositifs pédagogiques proposés à un groupe stable sur les deux ans :
Dans cette formation, la dimension groupale est doublement importante. D’une part car le groupe des étudiants est un groupe stable permettant étayage et confrontation puisque les personnes arrivent avec des formations, des parcours professionnels fort différents. D’autre part parce que le DU est soutenu par une équipe pédagogique qui se réunit régulièrement afin de réguler ce qui se joue dans chaque promotion mais aussi afin d’ajuster régulièrement les contenus de formation.
Lors de sa création, le nom de ce DU a donné lieu à des discussions qui ont conduit à « Diplôme d’Université Soins Psychiques, Créativité et Expression Artistique » (Dusopcéa), témoignant ainsi des éléments importants qui rassemblent l’équipe, tout en évitant et le mot « art-thérapie », porteur de certaines ambiguïtés et de l’illusion d’un titre (art-thérapeute) qui n’existe pas en France, et le mot « médiation » qui peut entrainer de la confusion, étant aussi utilisé dans les champs social, familial, judiciaire.
En 2017, les équipes de la formation continue de l’Institut de psychologie et de Lyon 2 ont engagé une procédure d’inscription au RNCP (Répertoire nationale des certifications professionnelles), inscription devenue nécessaire pour que cette formation soit prise en charge par les organismes financeurs pour les participants professionnels. Ceci ne changera rien quant au fond de la formation mais entrainera un changement de nom afin de faire ressortir les compétences acquises au cours de la formation qui s’intitulera : Concepteur-intervenant en atelier à médiation artistique, avec, en sous-titre : Soins psychiques, Créativité et Expression Artistique.
Cette formation a accueilli depuis quinze ans une vingtaine d’étudiants par promotion. Tous en ont été transformés, ce qui ne fut pas toujours sans difficultés. Certains continuent de travailler dans leur ancien poste, mais autrement, d’autres ont changé d’emploi ou diversifié leurs activités, les artistes témoignent que leur création en a été marquée. Certains, enfin, ont entamé des études de psycho, en FPP le plus souvent tant il y a des liens entre ces deux formations du fait de la place importante accordée aux expériences et à leur élaboration tant personnelle que théorico-clinique.