Version Métopes : 2.3
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En reprenant mes coups de cœur, j’ai été surpris de ne pas y retrouver Erri De Luca alors qu’il est pour moi un auteur essentiel, et ce dès la première lecture, d’abord à cause du titre « Acide, arc-en-ciel ». Erri De Luca écrit comme il est. Lors d’une rencontre, voici quelques années, à la bibliothèque de la Part-Dieu, il était (et non pas ceci ou cela). Assis, ses grosses mains de maçon croisées sur la table, prenant le temps qu’il faut avant de répondre. Erri De Luca n’écrit ni ne parle à la légère.
Il sait quelque chose du poids de la vie, du poids d’être, lui qui fit le maçon par engagement, lui qui se levait plus tôt pour traduire la Bible de l’hébreu alors qu’il dit (dans « Noyau d’olive ») ne pas avoir la foi, lui qui est un homme de montagne, d’escalade, un homme d’écriture, un homme d’engagement.
Il est passionnant de suivre De Luca dans son chemin d’écriture, des premiers livres denses, complexes, aux derniers tout aussi denses, mais allant vers le simple. Le virage c’est, à n’en pas douter, le bouleversant « Montedidio ».
« Le poids du papillon » peut se lire de multiples manières, comme un conte, et c’est une première piste. Il peut aussi se lire comme une méditation sur la vieillesse et sur la mort. Ou encore comme une parabole. Le poids du papillon, en référence au battement d’ailes à New York qui peut déclencher une tempête au Japon, est celui qui peut faire basculer le chamois comme l’homme, le « en plus » que devient un « en trop » provoquant un basculement irréversible.
Un chamois solitaire et un braconnier vieillissent, sentent leur fin venir, au risque de leur faire perdre le mode qui leur a permis de vivre jusqu’ici avec juste ce qu’il faut de commerce avec leurs semblables. Le braconnier n’a jamais vu le chamois, mais sait qu’il existe (cela fait penser à d’autres.). Le chamois le connaît, mais a su rester invisible.
La puissance de l’écriture de De Luca tient, entre autres - je n’ai pas envie de chercher à percer tout à fait son mystère -, à une alternance entre le très concret et l’abstrait enchâssé dans ce concret, tel, par moments, un aphorisme qui demeure plus ou moins énigmatique et donc provocateur de rêverie, de pensée.
« Le présent est la seule connaissance qui est utile. L’homme ne sait pas vivre dans le présent. »