Difformité grotesque, difformité burlesque

Le cas de la Fiancée du roi (Die Königsbraut) d’E.T.A. Hoffmann

DOI : 10.35562/celec.143

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Pour Wolfgang Kayser, auteur d’une étude sur le grotesque qui fait encore référence aujourd’hui1, l’expérience la plus tangible du grotesque est sans conteste celle qu’offre une déambulation dans le Musée du Prado, avec quelques temps d’arrêt, notamment devant les célèbres Ménines de Vélasquez2 : dans ce tableau qui a pour personnage principal l’angélique infante Marguerite, entourée de ses demoiselles de compagnie et également d’un groupe de nains, décalé au premier plan et redoublant celui que forment les courtisans, situés en retrait3, beauté et difformité sont mises en regard, en un jeu de contraste d’autant plus saisissant que cette a-normalité n’apparaît pas, nous dit Kayser, comme « quelque chose de tout à fait autre », mais comme « partie intégrante de cette cour »4.

C’est également dans une cour, mais cette fois en son centre, qu’est placé le monstrueux « roi des légumes » mis en scène par Hoffmann dans La fiancée du roi, un conte rédigé en 1821 et publié dans le 4ème et dernier volume des Frères Sérapion5. Rarement peut-être un texte d’Hoffmann a-t-il divisé aussi nettement la critique, pour peu qu’elle s’intéresse à ce récit assez bref, souvent éclipsé par d’autres productions unanimement reconnues, elles, comme chefs d’œuvre (Le Vase d’or, L’homme au sable, Princesse Brambilla pour n’en citer que quelques-unes…). Tantôt jugé comme une démonstration de « fantastique comique » certes virtuose, mais tournant à vide – en somme, un « grand divertissement »6, rien de plus –, tantôt salué comme une performance avantgardiste en matière de « comique fantastique absolu », selon les termes de G. Vitt-Maucher7 – un éloge que lui fera par ailleurs Baudelaire, nous y reviendrons –, le conte reste un « étrange produit hybride »8, né du croisement de multiples influences (du conte populaire à la commedia dell’arte, en passant par les contes de fées français et leurs transpositions allemandes au XVIIIe siècle9).

Nous l’aborderons sous l’angle, certainement plus consensuel, de la difformité et de son lien manifeste avec la grotesque, non sans reprendre au préalable la question posée d’emblée par W. Kayser : la simple présence, dans une représentation, d’un élément ou d’une figure difforme suffitelle pour que l’on puisse lui appliquer le qualificatif de grotesque10 ? La réponse était déjà partiellement contenue dans l’évocation des Ménines : c’est en s’inscrivant dans un « contexte », en tant qu’élément à la fois structurel et signifiant, que la forme singulière du monstrueux relève du grotesque11.

Qu’en est-il chez Hoffmann et plus spécifiquement dans la Fiancée du roi ? Dans quel ensemble la difformité qu’incarne l’horrible créature briguant les faveurs d’une belle jeune fille de la campagne vient-elle s’intégrer ? Sa mise en perspective avec d’autres manifestations du difforme dans l’œuvre, essentiellement narrative, d’Hoffmann permettra un premier rattachement à l’univers de la grotesque, certes probant, mais non suffisant pour ce conte traité sur le mode de la burla. S’il opère le passage du grotesque au burlesque, le rire apparaîtra aussi comme le correctif d’une difformité qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, se rapporte à la Nature, ainsi que le stipule le sous-titre du conte : « ein nach der Natur entworfenes Märchen », soit « un conte élaboré d’après nature ».

Éloge de la difformité

Résumons tout d’abord, pour plus de clarté, l’histoire qui nous est exposée en six chapitres, systématiquement introduits par un sommaire moins destiné à véritablement renseigner le lecteur qu’à l’initier à une forme d’« arabesque humoristique12 », comme par exemple lorsque le narrateur auctorial s’amuse à souligner le caractère indispensable d’un chapitre pour l’économie même du conte13. Un gnome faisant irruption un beau jour dans le petit village de Dapsulheim14 veut emporter dans son univers souterrain – on songe ici, entre autres réminiscences possibles, au mythe de Perséphone – la jeune et belle Anna de Zabelthau, qu’une prédilection quasiment innée pour la culture potagère semble prédisposer à un tel dessein. Afin de ne pas éveiller la méfiance du père, le sieur Dapsul de Zabelthau, féru de sciences occultes et donc susceptible de découvrir le pot aux roses, le prétendant se fait passer pour le descendant d’une haute lignée d’esprits élémentaires, le baron Porphirio de Ockerodastes. Si le sieur Dapsul, voyant son propre projet de mariage avec une sylphide par là même favorisé, se laisse aisément duper, la Demoiselle Annette, elle, n’éprouve au premier abord que de l’aversion pour « l’affreux baron »15 ; elle appelle alors à la rescousse son fiancé « humain », l’étudiant Amandus de Nebelstern, « au reste un gai et franc jeune homme »16, mais suffisamment influençable pour croire le premier venu, qui voit en lui un « prodigieux génie poétique »17. Néanmoins, la révélation par le baron lui-même de son rang au royaume des légumes (il n’est rien de moins que le roi Daucus Carotta Ier) amadoue la jeune fille sensible aux titres, au point qu’elle accepte de devenir sa fiancée. S’ensuit une période d’entente harmonieuse entre les trois personnages, jusqu’à ce que le sieur Dapsul découvre la véritable origine de son futur gendre, un gnome « de la plus basse espèce »18. Afin de convaincre sa fille du sort funeste qui l’attend, il lui fait alors entrevoir la face cachée, proprement répugnante, du royaume souterrain et cherche à la libérer de l’emprise du « gnome ennemi19 », n’hésitant pas à l’affronter dans un duel pour ainsi dire culinaire20 qui échoue lamentablement. Le salut peut encore venir d’Amandus, mais ce dernier, revenu entre-temps de la ville, est engagé par le « roi des légumes » comme poète de cour. Une démonstration de son talent provoque de tels maux de ventre chez son monstrueux mécène que ce dernier disparaît sous terre sans demander son reste. Le mariage des deux jeunes gens peut alors avoir lieu : « tout est bien qui finit bien », comme le veut la formule consacrée…

Au beau milieu du conte, précisément dans le troisième chapitre, apparaît donc une créature qui s’apparente à un monstre, soit si l’on prend la deuxième acception proposée pour ce terme par le dictionnaire Robert à un « être vivant ou organisme de conformation anormale (par excès, défaut ou position anormale de certaines parties de l’organisme »21. Voici comment le narrateur nous la dépeint :

Pour ce qui était de l’élégance de ses formes, le baron était loin de pouvoir être comparé à l’Apollon du Belvédère et au Gladiateur mourant : car, outre qu’il avait trois pieds de haut à peine, le tiers de son corps consistait en une énorme tête qu’ornaient agréablement un long nez recourbé et deux gros yeux saillants en forme de boule, et comme le corps était aussi assez long, il ne restait que quatre pouces environ pour les cuisses22.

La difformité se traduit ici par une disproportion frappante entre la tête, d’une taille anormale, et la partie inférieure du corps, réduite au strict minimum. Cette anomalie touche également le cavalier envoyé en éclaireur, un « petit homme » qui, en dépit de l’impression produite par une tête rendue « informe » par sa grosseur23, n’a « rien qui rappelât un nain »24, relève le narrateur, essentiellement parce qu’il est doté d’un long buste.

Ce « petit monstre »25, ainsi que le qualifie celle sur laquelle il a jeté son dévolu, n’est pas une figure isolée dans l’univers narratif d’Hoffmann. Par sa difformité, bien qu’atténuée par ces « agréables ornements » du visage que sont le nez et les yeux (pourtant jugés protubérants !) et même par une certaine grâce de l’ensemble26, le baron Porphirio figure en bonne place dans ce « cabinet de curiosités » qu’Hoffmann, des Fantaisies à la manière de Callot (1814-1815) aux Frères Sérapion (1819-1821) s’est plu à se constituer : le « Magister Tinte » (« Maître Encre ») dans le conte Das fremde Kind (L’enfant étranger), un nain avec une « tête informe » et de toutes petites et fines « jambes d’araignée » qui contrastent « étrangement » avec un corps très large27, l’« horrible enfant difforme » (« abscheuliche[r] Wechselbalg »28) que Lothar, un autre des « Frères Sérapion », dépeint dans un bref récit précédant la lecture du conte Die Brautwahl (Le choix de la fiancée), une « chose » à mi-chemin entre l’homme et l’animal, pourvue notamment de « deux cornes » et manifestement invertébrée29 ; le « Petit Zachée surnommé Cinabre » (Klein Zaches genannt Zinnober), autre exemple, certainement plus connu que le précédent et plus monstrueux encore, de « Wechselbalg » que nous évoquerons plus loin ou encore « Maître Puce » (« Meister Floh »), le « petit monstre » (« kleine[s] Ungeheuer ») qui apparaît dans la troisième aventure du conte éponyme d’Hoffmann et frappe tout particulièrement par la configuration anormale et proprement fantastique de ses membres, les bras (situés dans le prolongement de la « tête d’oiseau » de cette étrange créature30) et les jambes (« deux pattes très fines, puis, plus loin, deux autres »31) étant munis d’une « double articulation »…

Dans sa pratique du récit comme dans celle, qui lui est étroitement liée, du dessin (et de la caricature), Hoffmann semble donc prendre un réel plaisir à représenter l’anormalité (« das Abnorme »), comme le souligne Hyun-Sook Lee32, et éprouver une nette prédilection pour des figures de nains dotés d’une trop grosse tête. En matière de difformité, sa source d’inspiration est double. Outre la lecture de récits que produisent, à la même époque, d’autres auteurs romantiques (Achim von Arnim notamment et son Isabelle d’Égypte, qui attire Hoffmann par sa mise en scène d’une figure de mandragore33), celle de « chroniques anciennes », de véritables « mines » selon Lothar pour qui veut écrire des « récits, contes, nouvelles et drames »34, vient nourrir une imagination naturellement fertile. Les monstres découverts dans ces « étranges et folles fables » complètent alors la collection de créatures fantastiques que conçoit, la plupart du temps en rêve35, Hoffmann. Cette veine est alimentée également par des représentations plastiques de la difformité, comme la série des « bossus » (« i gobbi ») de Jacques Callot, ce graveur français du début du XVIIe siècle qu’affectionne tout particulièrement Hoffmann, au point de lui emprunter sa « manière », comme l’annonce le sous-titre de ses Fantaisies.

Pourquoi ne puis-je me rassasier à la vue de tes ouvrages bizarres et fantastiques, ô toi maître sublime ! Pourquoi toutes tes figures, dont souvent un seul trait hardi suffit à marquer les contours, restent-elles si bien gravées dans mon esprit36 ?

Cette question, qui ouvre l’essai consacré à J. Callot au début des Fantaisies, mérite en effet d’être posée : pourquoi Hoffmann éprouve-t-il une telle fascination pour toutes ces formes de monstruosité que sont le nanisme, la gibbosité ou encore l’excroissance de certaines parties du corps ?

Il est possible de trouver un élément de réponse dans le portrait que brosse Gabrielle WittkopMénardeau du jeune Hoffmann, manifestement peu gâté par la nature :

À cette époque, son corps et son visage ont déjà pris cet aspect caractéristique qui ne subira que d’infimes modifications au cours des ans. Le jeune homme est d’une taille largement au-dessous de la moyenne, très maigre, un peu penché en avant. Ses cheveux d’un noir bleuté tombent en désordre sur le front haut placé, le nez est busqué, le menton en galoche, le teint jaune, la grande bouche semble fermée sur un secret ; les yeux, magnifiques et myopes, de la couleur de la pierre de lune, brillent et scintillent d’un feu inquiétant entre les longs cils. Cette silhouette de mandragore toute entière est animée de mouvements permanents, gigotant, gesticulant continuellement. C’est ainsi qu’il apparaît à sa première élève, qui devient aussi son premier amour37.

Ces diverses imperfections physiques, au premier rang desquelles figure l’anormale petitesse de la taille, entrent de manière systématique dans la composition des monstres hoffmanniens. Cela vaut bien sûr pour le « petit baron » de Porphirio tel que nous l’avons découvert précédemment, ce « vilain petit homme jaune »38 qui brigue les faveurs de Demoiselle Annette et semble affecté du même syndrome que son fébrile créateur : une gesticulation permanente. En lien avec ce que l’on pourrait appeler ici, tant ce motif végétal semble prégnant chez Hoffmann39, le « complexe de la mandragore », la représentation du difforme semble donc opérer comme une auto-critique non dénuée d’humour, voire comme une catharsis plus ou moins consciente : Rüdiger Safranski, dans son récent essai sur le romantisme, ne parle-t-il pas d’Hoffmann comme du « petit gnome aux traits mobiles »40 ?

Venons-en enfin au « petit monstre » qui apparaît d’emblée dans le conte du Petit Zachée surnommé Cinabre41. Le visage de « l’affreux avorton » (« de[r] abscheulich[e] Wechselbalg ») fait également penser à « une petite mandragore », en raison de la difformité de ses traits (« un long nez pointu », « deux petits yeux noirs et flamboyants », l’ensemble étant « sillonné de rides profondes »42) ; mais là n’est pas la seule de ses ressemblances avec l’univers végétal, comme le confirme la description de son corps :

La tête de ce phénomène était enfoncée entre ses épaules ; le dos était marqué par une excroissance en forme de courge et, juste au-dessous de la poitrine, de petites jambes aussi minces que des baguettes de courdrier pendaient, de sorte que le gamin ressemblait à un radis fendu en deux43.

Plus loin, alors qu’il tente de se maintenir en selle sur un grand cheval, ce « singulier petit monstre » (« [dies] seltsame kleine Ungetüm ») sera même comparé à une « pomme plantée sur une fourchette et dans laquelle on aurait taillé un masque grotesque »44.

C’est précisément cette corrélation cocasse avec des éléments végétaux, exploitée à l’extrême dans le conte de la Fiancée du roi, qui donne à la représentation du difforme chez Hoffmann sa signification profonde, qui, en d’autres termes, lui vaut son caractère « grotesque ».

Du grotesque au burlesque

Par son lien avec le monde végétal, la représentation du monstrueux « roi des légumes » s’apparente à la grotesque, soit, si l’on reprend la définition de G. Vasari, cette « catégorie de peinture libre et cocasse inventée dans l’Antiquité pour orner les surfaces murales où seules des formes en suspension pouvaient trouver place »45. La profusion d’éléments hétérogènes, l’hybridation effaçant les frontières entre le domaine végétal ou animal et celui de l’humain, ainsi que le jeu d’une imagination débridée en sont les principales caractéristiques, appliquées pour l’essentiel à la représentation de « difformités monstrueuses » :

Les artistes y représentaient des difformités monstrueuses créées du caprice de la nature ou de la fantaisie extravagante d’artistes : ils inventaient ces formes en dehors de toute règle, suspendaient à un fil très fin un poids qu’il ne pouvait supporter, transformaient les pattes d’un cheval en feuillage, les jambes d’un homme en pattes de grues et peignaient ainsi une foule d’espiègleries et d’extravagances. Celui qui avait l’imagination la plus folle passait pour le plus doué46.

Hoffmann s’est lui-même essayé à la réalisation de grotesques, comme en témoigne par exemple la couverture47 réalisée pour le Chat Murr (Kater Murr). Néanmoins, c’est dans la mise en scène de créatures grotesques, directement inspirées des figures « à moitié humaines, à moitié bestiales » de J. Callot, que l’auteur des Fantaisies excelle. Nous nous contenterons de citer ce passage des Aventures de la nuit de la Saint-Sylvestre (Abenteuer der Silvester-Nacht) où le narrateur, après avoir bu du punch (« boisson favorite » de ce double d’Hoffmann qu’est le maître de chapelle Kreisler48 !), voit apparaître une étrange créature « aux jambes d’araignée, avec des yeux de grenouille » qui vient lui réclamer sa « femme »49, la belle Julie, autre exemple de cohabitation (mais officialisée cette fois par le mariage !) entre difformité monstrueuse et beauté angélique. Dans la Fiancée du roi, on trouve également ce que le « petit homme » (« der Kleine ») croisé dans les Aventures de la nuit de la Saint-Sylvestre – un personnage aux allures de revenant, dépossédé non de son ombre comme le célèbre Peter Schlemihl, mais de son reflet – nomme un « tableau d’avertissement » réalisé à la manière de « Bruegel50, Callot ou Rembrandt »51, trois références interchangeables aux yeux d’Hoffmann en matière de grotesques. Il s’agit de la vision « en négligé »52 du royaume, qui révèle à la jeune promise séduite par l’apparente magnificence de ce dernier la réelle « extraction » du pseudo Baron de Porphirio :

Juste ciel ! qu’aperçut-elle en place du beau potager, en place de la garde des carottes, des pages Lavande, des princes Salades, et de tout ce qui lui avait paru si magnifique ? Elle vit un marais profond qui paraissait rempli d’une vase dégoûtante, et dans cette vase s’agitait un peuple affreux qui sortait de la terre. De gros vers s’entrelaçaient lentement ensemble, pendant que des espèces d’escargots rampaient avec de gros ognons, qui, avec une laide figure humaine, coassaient, louchaient de leurs yeux jaunes, et avec les petites griffes qu’ils portaient auprès des oreilles s’efforçaient de les saisir par leur grand nez et de les tirer dans la vase ; tandis que de grandes limaces nues dans leur paresse écœurante se roulaient l’une sur l’autre, et leurs longues cornes sortaient du gouffre.

Demoiselle Annette, à cet affreux spectacle, fut sur le point de s’évanouir. Elle mit sa main devant sa figure, et s’enfuit rapidement53.

Toutefois, à l’exception de cette vision d’épouvante que seule la médiation de la magie permet de percevoir (Anna est enveloppée au préalable, « de la tête aux pieds », d’une « quantité de rubans jaunes, rouges, blancs et verts »54 par son père féru de cabale), la représentation grotesque de la difformité s’accompagne dans le conte d’un souci d’esthétisation. Ainsi, le corps contrefait du « petit Baron » n’est pas dépourvu d’une certaine grâce, ni même d’une certaine harmonie, aussi paradoxal que cela puisse paraître : sa partie inférieure, pourtant rachitique, semble « assez bien utilisée » (elle se termine par les « pieds les plus jolis et les plus barons que l’on pût imaginer »55) et même les chutes du bancal personnage s’apparentent aux « évolutions d’une danse »56. Quant à la description de l’arrivée de sa cour à Dapsulheim, un « ballet en miniature » pour Gisela VittMaucher57 – « rien n’est plus beau à voir » disait Baudelaire58 –, elle illustre de manière magistrale la transposition, dans le domaine narratif, de la « manière » de Callot, parvenant à « rassembler dans un petit espace un nombre infini d’objets59 » sans que cette profusion nuise à l’harmonie de l’ensemble :

Un beau et long cortège monta la rue. En tête s’avançaient de soixante à soixante-dix cavaliers de petite taille montés sur des chevaux jaunes, leurs habits étaient jaunes aussi comme celui de l’ambassadeur. Ils portaient des bonnets pointus et des bottes de bois d’acajou. Ils précédaient une voiture attelée de huit chevaux jaunes et du plus pur cristal. Environ quarante autres voitures moins brillantes, et attelées tantôt de six, tantôt de quatre chevaux, suivaient la première. Une foule de pages, de coureurs et d’autres domestiques s’agitaient de toutes parts couverts de riches costumes […]60.

Surtout, c’est par sa mise en scène humoristique que le « roi des légumes » sort du lot de créatures grotesques imaginées par Hoffmann. L’effet produit par le déploiement de toute sa cour est à la fois « étrange » et « comique »61 ; de même, son « ambassadeur » est « d’une tournure assez singulière et drôle »62. Cette dimension comique n’est certes pas étrangère à la nature même de la grotesque, qui consiste, nous l’avons vu, « en une foule d’espiègleries et d’extravagances » (des « peintures fantasques » dira Montaigne63). Toutefois, dans le conte de la Fiancée du roi, son amplification est telle qu’un basculement s’opère, d’une forme de grotesque fantastique – celle-là même qui, d’après W. Kayser, naît de la découverte mi-amusée, mi-effrayée de l’étrangeté du monde64 – à un type de grotesque essentiellement ludique, presque jouissif, proche de l’univers de la commedia dell’arte, et pour lequel le terme de burlesque paraît plus approprié.

En témoigne l’utilisation du motif de l’hypertrophie de la tête, marque de fabrique du grotesque « homme-carotte » Daucus Carota 1er. Cette difformité est l’objet d’un long développement théorique, placé dans la bouche de l’érudit Dapsul : étayé tout d’abord par un syllogisme de son propre cru (« la beauté c’est la sagesse, la sagesse est dans la pensée, et la tête est le symbole physique de la pensée »65), il s’achève par la formulation d’un idéal pour le moins cocasse, celui d’une humanité faite de corps tronqués, se résumant à l’éminence (au propre comme au figuré) de la tête :

Plus la tête est grosse et plus sont grandes la sagesse et la pensée ; et si l’homme pouvait regarder tous les autres membres comme des articles de luxe qui lui sont donnés pour lui nuire, il arriverait au sublime de l’idéal.

D’où viennent toutes les peines, tous les ennuis, toutes les dissensions, toutes les disputes, en un mot les causes de ruine des mortels ? N’est-ce pas des désirs impies des membres ? O quelle tranquillité, quelle béatitude s’établiraient sur la terre si l’humanité était privée du corps, des bras et des jambes ! De là l’heureuse idée des sculpteurs de représenter en buste les grands hommes d’État et les grands savants pour désigner d’une manière symbolique la nature supérieure qui doit vivre en eux en vertu de leur place ou de leur livre. Ainsi, ma fille, qu’il ne soit plus question de laideur ou d’autres reproches de ce genre adressés au plus noble des esprits. Tu es et demeures la fiancée du magnifique Porphirio de Ockerodastes66.

Le lecteur ne sera alors pas étonné d’apprendre, au détour d’une lettre envoyée par la prosaïque Anna à son fiancé Amandus (qui s’est mis en tête de devenir poète et, du même coup, la perd !), qu’un buste de Charlemagne trône dans la salle de réception familiale67. Même coiffé d’un chapeau de paille par la jeune fille dont les « sens terrestres et grossiers » sont peu perméables à la « céleste sagesse »68 (ayant utilisé son carton à chapeaux pour envoyer du tabac à son fiancé, elle s’en sert comme d’une simple patère), ce buste incarne l’aspiration de Dapsul à se tourner exclusivement vers la sphère céleste – projet qu’un trop grand attachement aux « besoins terrestres69 » (« je mange horriblement »70, confesse-t-il sans retenue à sa fille) vient manifestement encore trop souvent contrecarrer…

Repris plus loin dans une version végétale, lors du duel opposant le radis rebelle71 au « roi des légumes », cet éloge de la difformité sur le mode burlesque nous renvoie au traitement spécifique des images du corps dans la culture comique populaire, telles que les a disséquées Mikhaïl Bakhtine dans son étude sur Rabelais72. Qu’il s’agisse du ventre ou du phallus (dont le nez est un traditionnel substitut) ou encore de certaines parties du visage, dont la tête – mais seulement lorsqu’elles se transforment, précise Bakhtine, « en formes d’animaux ou de choses » et deviennent donc « grotesques », au sens rappelé plus haut –, ces éléments sont « l’objet de prédilection d’une exagération positive, d’une hyperbolisation » et peuvent même « se séparer du corps, mener une vie indépendante », le restant du corps étant ainsi « relégué au second plan »73, voire tronqué comme en rêve le sieur Dapsul. Même si Bakhtine continue d’employer ici le qualificatif de grotesque74 là où le terme de burlesque nous semblerait plus justifié, il conforte notre découverte, chez Hoffmann, d’une difformité qui prête essentiellement à rire.

Le conte de la Fiancée du roi ne serait-il alors, comme le jugent souvent sévèrement certains critiques, qu’une simple farce carnavalesque, mettant en scène un « répugnant épouvantail » (« widerwärtige[r] Popanz »75) ? De nombreuses scènes de « rabaissement », trait marquant du « réalisme grotesque » pour Bakhtine (soit le « transfert de tout ce qui est élevé, spirituel, idéal et abstrait sur le plan matériel et corporel, celui de la terre et du corps dans leur indissoluble unité »76), invitent à aller dans ce sens : celle du combat final77 dans la cuisine entre le pseudo magicien Dapsul et le « gnome ennemi »78 en est un très bon exemple, surtout si l’on pense en la lisant à son versant mythologique dans le célèbre Vase d’or d’Hoffmann (le duel du « Prince des esprits »salamandre contre la sorcière-betterave, libérant Anselme du « principe hostile » qui l’empêchait d’accéder à l’univers poétique d’Atlantis79). Ici, les armes se réduisent à des ustensiles ménagers et le combat à une recette de cuisine, dont Dapsul fait lui-même les frais (il finit « cuisiné » à la place du gnome), ce qui rappelle bien sûr le Quichotte de Cervantès, une référence pour Bakhtine en matière de « carnaval grotesque ». En outre, « divertissant » (« ergötzlich ») est le qualificatif sur lequel s’accordent les Frères Sérapion à l’issue de la lecture du conte80 et qu’il nous faut replacer, pour en saisir toute la portée, dans la terminologie hoffmannienne, opposant ce qui est simplement « drôle » (« d[as] Drollig[e] ») à ce qui s’avère « véritablement comique » (« [das] wahrhaft Humoristisch[e] » ou « [das] wahrhaftig Komische »), soit ce curieux mélange de joie et de douleur que seule la dualité foncière de la nature humaine peut expliquer81.

Pour autant, le traitement burlesque de la difformité dans le conte de La Fiancée du roi n’est pas dénué de profondeur, ni même d’ironie, au sens où l’entend Hoffmann82. S’il se rapproche du rire carnavalesque, c’est également parce qu’il fonctionne lui aussi comme correctif. Le malencontreux (en apparence) coup de bêche donné sur la tête d’Amandus, difforme au second degré (le poète en herbe a, dirait-on familièrement, « pris la grosse tête » !) ne relève pas d’un simple comique de situation ; de la même manière, dans une des scènes de la commedia dell’arte, Arlequin vient au secours d’un bègue en lui donnant un coup de tête dans le ventre, ce qui permet de le faire « accoucher » du mot compliqué qu’il ne parvenait pas à prononcer. Ainsi, par ce coup reçu sur la partie (métaphoriquement) hypertrophiée de son corps – un « geste traditionnel » selon Bakhtine83 –, Amandus est définitivement guéri de sa « folie » poétique.

Cet aspect correctif induit nécessairement la présence d’une norme, à l’aune de laquelle peut être mesurée la difformité burlesque : dans la Fiancée du roi, un « conte élaboré d’après nature »84, c’est bien la Nature qui remplit cette fonction normative.

La norme de la Nature

Que la Nature soit choisie comme référence dans un récit où la difformité, l’anormalité ont une place aussi prépondérante peut surprendre et ce, même si sa conception élargie en tant que natura naturans – notamment dans le contexte spécifique du XVIe siècle, ainsi que le relève A. Muzelle, soucieux de relativiser la notion d’art mimétique appliquée à la grotesque85 – autorise bien des écarts : « […] de raison il n’y en a aucune, fors de dire que Nature se joüe en ses œuvres », en concluait Ambroise Paré dans son traité sur les [M]onstres et prodiges86 (1573), illustrant l’extraordinaire capacité de la Nature à se faire « chambrière du grand Dieu87 ». Rappelons également que nous avons ici affaire à un « conte » (« Märchen »), soit, par définition88, à un récit où le merveilleux (y compris sous ses formes les plus horribles) trouve une justification « naturelle ».

En fait, ce n’est pas dans le sens d’une reproduction mimétique qu’il faut comprendre la mention mise en exergue au récit. Rares sont en effet les descriptions qui prennent « réellement » la nature pour objet, à l’exception de cette scène d’orgie naturelle qui, nous le verrons, ouvre le conte. Comme le relève G. Vitt-Maucher, Hoffmann nous livre plutôt un « conte sur l’essence de la nature »89, trahissant nettement l’influence de la Naturphilosophie de G. H. Schubert90. Le domaine qui échoit en héritage au sieur Dapsul, revenu sur ses terres natales après avoir mené pendant quelques années une vie aventureuse91, et qui se réduit alors au petit village de Dapsulheim – appellation métonymique qui résume à elle seule la manière dont fut administré le riche patrimoine familial en l’absence de Dapsul – apparaît en effet comme un microcosme concentrant les différentes composantes de « l’organisme » naturel : inorganiques et métalliques tout d’abord (l’anneau d’or et les ustensiles de cuisine utilisés comme armes contre le gnome), végétales ensuite (le monde potager dans toute sa variété), humaines enfin (l’hybride « roi des légumes » et sa cour). Entre les règnes de l’inorganique et du végétal, comme entre l’existence de l’homme et le développement des végétaux existe une corrélation (« Wechselbeziehung »), idée-clé chez Schubert, qui organise l’ensemble et lui donne son sens, chaque élément aspirant à accéder à l’étape supérieure de son évolution naturelle : la forme humaine pour l’animal, l’Idéal pour l’homme – une « philosophie de la nature » qu’illustrent, dans la Fiancée du roi, tant le désir d’union d’un esprit élémentaire avec une mortelle que les élans mystico-cosmiques du « magicien » Dapsul, et ce, en dépit des « rabaissements92 » opérés par le narrateur93. Plus encore, l’omniprésence du thème de la fertilité, de la productivité dans le conte – sa force à la fois « motrice » et « (ré)conciliatrice » pour G. Vitt-Maucher94 – s’explique par la valeur particulière qu’accorde Schubert aux temps de floraison, de fécondation et d’accouplement, moments où ce phénomène de corrélation « internaturelle » est le plus probant.

« C’était une année bénie », constate le narrateur auctorial en guise d’entrée en matière, avant de dérouler les images d’une nature littéralement saturée :

Dans les champs, le grain, l’orge et l’avoine verdoyaient et fleurissaient, les jeunes paysans s’en allaient dans les pois verts, le bétail foulait le trèfle, et les arbres étaient rouges de cerises malgré la voracité des moineaux. Tout être trouvait chaque jour à la grande table de la nature une pâture abondante […]95.

La personnalité des principaux protagonistes du conte est également placée sous le signe de la productivité : Anna entretient une relation affective, héritée de sa propre mère (dont l’attachement à un troupeau de chèvres lui avait valu en son temps le sobriquet de « fille aux chèvres96 »), avec son jardin potager (les carottes sont ses « Möhrenkinder »97 et une fois « adopté », le petit Baron se laisse alimenter comme un enfant98) ; de son côté, Dapsul se dit aimé d’une sylphide à laquelle il souhaiterait s’unir99 – une possible variation du leitmotiv de la productivité – ; enfin, Amandus connaît des élans de création poétique dont sa prosaïque fiancée est la première destinataire. Néanmoins, chez tous les trois, cette productivité a un caractère excessif : si la jardinière passionnée est trop profondément ancrée dans le monde terrestre, l’adepte invétéré des sciences occultes est, lui, trop tourné vers le domaine céleste ; quant au poète impénitent, il s’est laissé entraîner à « faire dans l’excès »100, comme le constate, peut-être en une forme d’autocritique, le narrateur, porté parfois lui aussi, nous le verrons, à « dépasser les bornes ». Or, la démesure est inscrite d’emblée dans la nature elle-même, à la « table » de laquelle tous viennent « faire bombance à satiété »101 sans l’épuiser pour autant, puisque la moitié des cerises restent sur l’arbre malgré la « voracité » des moineaux. De cette prodigalité anormale découle « tout naturellement » le comportement excessif de l’homme, comme l’atteste la fin de la description orgiaque de la nature :

[…] mais les légumes étaient surtout si admirablement beaux dans le jardin du sieur Dapfuhl de Zabelthau que mademoiselle Annette ne se possédait plus de joie.

Le goût immodéré de la jeune fille pour la culture potagère ne peut être qu’encouragé par le spectacle d’une nature ayant perdu tout sens de la mesure, a fortiori lorsque l’on est soi-même déjà guetté à l’origine par la difformité : si des « yeux bleus et clairs » (un invariant dans la constitution des personnages féminins chez Hoffmann), confèrent à Annette une certaine beauté, ses « formes » présentent en revanche « un peu trop de rondeur »102 ; en outre, alors qu’elle pense être la droiture même, comme elle l’écrit à son « cher Amandus » dans l’un de ses post-scriptum à tiroirs, son écriture demeure « quelque peu tordue »103. En d’autres termes, et pour reprendre le sous-titre du conte, c’est bien « d’après nature » que se conçoit la difformité d’Anna, sa « pathologie » (une absence de rapport équilibré, mesuré, avec la nature organique) étant induite par une nature prête à tous les excès, comme au surgissement en cette année « bénie » – on relèvera ici l’ironie du narrateur – d’une créature monstrueuse.

Enfin, cette productivité semble s’appliquer à la langue elle-même, avec tous les risques de difformité que cela comporte. En témoigne cette scène étonnante où tout le « petit peuple » de la cour potagère s’anime en « mètres » antiques :

[…] plus de cent petits hommes, partie sur les pieds, partie sur la tête, se mirent à danser, comme l’avait fait le courrier, des pyrrhiques, des trochées, des spondées, des dactyles, des choriambes, que c’était un plaisir de les voir104.

À l’instar de l’« habile écuyer gymnaste » qui les a précédés et a réalisé une vraie performance en écrivant son message « sur la terre de la cour » grâce à « toutes sortes de mouvements » réalisés autour de son cheval105, les petits personnages font ici la démonstration de la capacité productive, créatrice de cette langue du corps qui est la leur. L’énumération de termes techniques, plus symptomatique encore dans le texte allemand où elle procède en dix temps, est la marque d’une « prolifération automatique » de la langue elle-même, comme l’analyse G. Vitt-Maucher106. Ce qu’elle reconnaît comme un mode de narration moderne, voire avant-gardiste – en tout cas résolument nouveau107 – peut aussi être identifié comme une forme d’expression maniériste, qui parviendrait à rendre compte de l’animation de la langue, calquée sur celle des corps, au prix même de son inflation, de sa déformation108

Ainsi, c’est à un autre tableau que nous fait penser pour finir le traitement, dans la Fiancée du roi, d’une difformité « d’après nature » : il s’agit du portrait de Rodolphe II, réalisé en 1591 par Arcimboldo (1527-1593), un assemblage composite d’éléments végétaux censé représenter le « prince des collectionneurs »109 en Dieu Vertumne. La symbolique attachée à cette divinité, qui incarne les « changements qui se manifestent dans la nature, et surtout le passage de la floraison à la fructification »110 (Vertumne était le Dieu fétiche des jardiniers) ne fait que renforcer le parallèle avec notre grotesque « roi des légumes », dont l’arrivée est associée à un moment d’extraordinaire fécondité (« magique » ou « magnétique » selon Schubert) de la nature tout entière.

Toutefois, là où le peintre maniériste ose l’écart par rapport à la norme (l’image idéale et supérieure de l’homme de la Renaissance), l’écrivain postromantique, affichant même dans cette histoire de jardin potager (trop) amoureusement cultivé une sensibilité Biedermeier, cherche manifestement à la rétablir. À l’issue du conte, après que la créature monstrueuse, terrassée par les « vers sublimes »111 de son tout nouveau poète de cour (qui n’est autre qu’Amandus), a regagné son royaume souterrain avec armes et bagages, l’héroïne semble définitivement « vaccinée » contre tout excès de culture potagère. Toutefois, derrière ce traditionnel retour à l’ordre, garanti par la structure même du conte, transparaissent d’autres enjeux, d’ordre poétologique tout d’abord. La question, envisagée sous l’angle de la difformité, du juste rapport de l’homme à la Nature est aisément transposable au domaine de la création poétique. Dans la discussion qui s’engage après la lecture du conte, Ottmar, l’un des Frères Sérapion, souligne en effet le danger pour un poète qui donnerait libre cours à son imagination fantastique de prendre la « mesure de sa force comme la norme de ce qui peut être offert à l’esprit humain »112 ; l’œuvre produite aurait alors beau paraître « géniale », elle ne présenterait jamais ce caractère achevé que seule « la plus grande des pondérations » – « die größte Besonnenheit », principe de création majeur chez Hoffmann – peut lui conférer113. Dans la Fiancée du roi, texte tardif et souvent présenté par la critique114 comme le « produit d’un délassement de l’esprit » (« Entspannungsprodukt »), la difformité que pourrait engendrer la simple subordination au pouvoir de l’imagination est essentiellement corrigée par le rire. Porté à un degré « absolu », comme le relève Baudelaire dans son essai sur L’essence du rire, il devient « l’expression de l’idée de supériorité […] de l’homme sur la nature »115.

Enfin, replacé dans son contexte historique, le conte peut également se lire comme une allégorie de la « difformité » qui a atteint l’Allemagne dans les décennies qui ont précédé la phase dite de Restauration (à partir de 1815) : difformité politique, due essentiellement aux changements opérés par ces deux « monstres » que furent la Révolution française et l’occupation napoléonienne (comment ne pas faire le parallèle entre cette cour potagère que le narrateur s’amuse à nous dépeindre et celle qu’Hoffmann avait côtoyée à Bamberg116, réduite sur le plan politique à un état végétatif depuis que le grand-duché de Berg, d’abord annexé par la Bavière en 1802, était passé sous administration française ?) ; difformité culturelle également, liée au repli des poètes euxmêmes dans la haute sphère de l’idéalisme (au point de se défiler, comme Amandus, lorsqu’il est question d’un duel contre le « gnome ennemi »). C’est donc en « véritable reine » que Demoiselle Annette règne finalement sur son potager, laissant aux servantes le « travail des mains »117, non sans avoir appris à ses propres dépens que, sans mesure ni norme(s), nul ne peut « cultiver [son] jardin »…

Notes

1 Wolfgang Kayser, Das Groteske. Seine Gestaltung in Malerei und Dichtung, Oldenburg, G. Stalling Verlag, [1957], 1961. Return to text

2 Diego Vélasquez, Les Ménines, 1656/57, Madrid, Musée du Prado. Return to text

3 Nous renvoyons ici à l’analyse éclairante que propose pour ce tableau Michel Foucault, en ce qui concerne notamment son organisation interne, dans le premier chapitre de son essai sur Les mots et les choses (Paris, Gallimard, 1966, notamment p. 27 suiv.). Plus loin, l’auteur précise que le « véritable centre de la composition » est en fait occupé par le couple de souverains, Philippe IV et son épouse (cf. p. 30). Return to text

4 « […] der Kontrast wirkt um so greller, weil es eben nicht das Häßliche und Unnatürliche als etwas ganz anderes ist, sondern als Teil dieses Hofstaates », W. Kayser, p. 18. Return to text

5 Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, Die Serapions-Brüder. Gesammelte Erzählungen und Märchen. Herausgegeben von E. T. A. Hoffman, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, [1819-21], 1979, vol. 1 (Die Königsbraut, p. 945-993). C’est à cette édition que nous ferons référence par la suite, en utilisant l’abréviation Kb, suivie du numéro de la page concernée. Contes des Frères Sérapion, trad. d’Emile de La Bédollière, Paris, G. Barba, 1871 (La Fiancée du roi, p. 42-53). Return to text

6 Nous reprenons ici le jugement de Thomas Cramer : « Die Groteske wird so übertrieben, daß sie vollkommen sinnlos wird, und nur noch das technisch-artistische Spiel der komischen Phantastik übrigbleibt – ein großer Spaß » (Das Groteske bei E. T. A. Hoffmann, Munich, W. Fink, 1970). Return to text

7 « eines der frühesten und größten Produkte absoluter fantastischer Komik », Gisela Vitt-Maucher, « E. T. A. HOFFMANS DIE KONIGSBRAUT : “ein nach der Natur entworfenes Märchen” », Mitteilungen der E. T. A. Hoffamnn-Gesellschaft, 30, 1984, p. 42. Return to text

8 « seltsame[s] Zwittergebilde », ibid. Return to text

9 Cf. sur ce point Alfred Behrmann, « Zur Poetik des Kunstmärchens. Eine Strukturanalyse der “Königsbraut” von E. T. A. Hoffmann », Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, Beiheft 8 (Erzählforschung 3, Wolfgang Hauberichs éd., Vandenhoeck & Ruprecht), 1978, notamment p. 119 suiv. Return to text

10 « Läßt sich eine einzelne, isoliert gesehene Gestalt wie etwa ein Zwerg, läßt sich ein einzelner, isoliert gesehener Gegenstand wie etwa ein gotischer Wasserspeicher schon eindeutig als grotesk bezeichnen? Reicht die klare äußere Form des Mißgestalteten, Häßlichen dazu aus? », W. Kayser, p. 60. Return to text

11 « Erst im Zusammenhang, als Teil einer Struktur und als Träger eines Gehaltes, bekommt die einzelne Form Ausdruckswert und gehört sie zum “Grotesken” », ibid. Return to text

12 La formule est empruntée à A. Behrmann : « humoristische Arabeske », p. 113. Return to text

13 Ainsi, le deuxième chapitre est suivi de la mention suivante, proprement réflexive : « welches das erste Ereignis und andere lesenswerte Dinge enthält, ohne die das versprochene Märchen nicht bestehen kann » (Kb, 951) / « qui contient le premier événement et d’autres choses dignes d’êtres lues et sans lesquels le conte promis ne pourrait exister ». Nous proposons ici notre propre traduction, dans la mesure où ces sommaires – une pratique récurrente chez Hoffmann – ne sont pas toujours traduits dans la version française que nous allons utiliser par la suite, celle d’Émile de La Bédollière (cf. bibliographie). Signalons qu’il existe d’autres traductions de ce conte d’Hoffmann, dont celle de Madeleine Laval (Les Frères de Saint-Sérapion, éd. par Albert Béguin et Madeleine Laval, Paris, Phébus, 1982, vol. 4, p. 237-291) ; si nous avons opté pour la traduction d’É. de La Bédollière, certes plus ancienne et – nous le relèverons au cours de notre étude – souvent imparfaite, c’est essentiellement en raison des illustrations qui l’accompagnent, notamment celle de l’étrange prétendant, particulièrement intéressante pour notre propos (cf. note 26). Return to text

14 Cette arrivée est en fait préparée par la découverte, dans les plants de carottes que cultive amoureusement la jeune Anna, d’un anneau d’or – un motif que l’on peut croire emprunté à l’univers du conte (comme dans Die neue Melusine de Goethe, un texte présentant une parenté frappante avec celui d’Hoffmann), mais que Vinzenz, l’un des « Frères Sérapion » qui nous raconte l’histoire de la « fiancée du roi » affirme avoir tiré d’une anecdote « réelle » (cf. E. T. A. Hoffmann, 1979, p. 994) – qui entoure les racines de « la plus belle et la plus tendre des carottes » (LB, 44). Une fois mis au doigt de la jeune fille, cet anneau ne peut être ôté, même lorsque son père use d’une « lime mystique » (LB, 46) pour l’en libérer. Return to text

15 « der häßliche Baron » (Kb, 964). Return to text

16 « sonst ein heiterer unbefangener Jüngling » (Kb, 949) ; nous citons ici dans la traduction d’É. de La Bédolllière (notée en abrégé LB, avec mention ensuite du numéro de page, soit pour le passage précédemment cité : LB, 43). Return to text

17 « ein ungeheures poetisches Genie » (ibid.) ; nous donnons ici notre propre traduction, souhaitant mettre davantage l’accent sur l’adjectif « ungeheuer » (littéralement « monstrueux »), particulièrement signifiant dans le contexte de notre étude. Return to text

18 « ein Gnome […] jenes niedrigsten Geschlechts » (Kb, 982 / LB, 50). Return to text

19 « ein feindseliger Gnome » (Kb, 968 / LB, 47). Return to text

20 Le « cabaliste » Dapsul tente en fait d’emprisonner le « roi des légumes » dans une casserole où « mijotent » déjà ses « fidèles vassaux », mais il finit lui-même « cuisiné » (cf. Kb, 986 suiv. / LB, 51-52). Return to text

21 Le nouveau Petit Robert, texte remanié sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, article « monstre », p. 1434. Return to text

22 LB, 46 (« Was seinen Wuchs betraf, so war der Herr Baron bei weitem nicht dem Apollo von Belvedere, ja nicht einmal dem sterbenden Fechter zu vergleichen. Denn außerdem, daß er keine volle drei Fuß maß, so bestand auch der dritte Teil dieses kleinen Körpers aus dem offenbar zu großen dicken Kopfe, dem übrigens eine tüchtige lang gebogene Nase, sowie ein Paar große kugelrund hervorquellende Augen keine üble Zierde waren », Kb, 963-964). Return to text

23 « trotz seines unförmlich dicken Kopfs » (Kb, 961-962). Return to text

24 LB, 46 (« […] deshalb nahm sich der Kleine […] gar nicht so zwergartig aus […] », Kb, ibid.). Return to text

25 « kleine[r] Unhold » (Kb, 970) ou encore « de[r] klein[e] abscheulich[e] Unhold » (Kb, 986, soit « l’horrible petit monstre »). Le terme allemand « Unhold » désigne à la fois un esprit malin, tel qu’on le rencontre dans le conte populaire, parfois sous la forme d’un kobold (un terme auquel recourt également la jeune Anna, en l’associant aux mêmes adjectifs, lorsqu’elle exprime par exemple son refus d’épouser « l’horrible petit kobold » / « de[r] abscheulich[e] klein[e] Kobold », Kb, 968), et un monstre, dans l’acception donnée en 4ème position par le dictionnaire Robert (op. cit.) pour ce terme, soit une « personne effrayante par son caractère, son comportement (spécialement sa méchanceté) ». C’est donc sur les deux tableaux, celui de l’univers du conte et celui de l’usage courant du terme, que joue cette appellation de « Unhold », récurrente dans le texte d’Hoffmann. Return to text

26 Cette atténuation est particulièrement manifeste dans l’illustration, réalisée par Valentin Foulquier, que l’on peut trouver dans l’édition de la traduction de La Bédollière (LB, 48 ; cf. reproduction n° 1) : contre toute attente, c’est plutôt le « magicien » Dapsul qui pourrait paraître repoussant et non le petit baron de Porphirio qui vient se pendre à son cou. Return to text

27 « Der Mann mochte kaum mehr als einen halben Kopf höher sein als Felix, dabei war er aber untersetzt; nur stachen gegen den sehr starken breiten Leib die kleinen ganz dünnen Spinnenbeinchen seltsam ab. Der unförmliche Kopf war beinahe viereckig zu nennen, und das Gesicht fast gar zu häßlich, denn außerdem, daß zu den dicken braunroten Backen und dem breiten Maule die viel zu lange spitze Nase gar nicht passen wollte, so glänzten auch die kleinen hervorstehenden Glasaugen so graulich, daß man ihn gar nicht gern ansehen mochte », E. T. A. Hoffmann, 1979, p. 497. Nous retrouvons dans cette édition les illustrations réalisées à l’origine par Theodor Hosemann, dont celle qui représente la première rencontre des deux principaux protagonistes du conte (deux enfants) avec leur curieux précepteur, le « Magister Tinte » (cf. reproduction n° 2, p. 481 dans notre édition de référence). Return to text

28 Il est difficile de traduire précisément en français le terme équivoque de « Wechselbalg », désignant dans le meilleur des cas (c’est-à-dire lorsque la créature ainsi qualifiée présente encore un lien de parenté avec la nature humaine) l’enfant d’une sorcière et d’un incube ou d’un sorcier et d’une succube, « substitué » (d’où le premier terme de la composition « Wechsel- ») par leurs géniteurs à un nourrisson « humain » et placé dans le berceau de ce dernier, et dans le pire des cas un monstrueux rejeton totalement étranger à l’espèce humaine, tels ceux que peuvent engendrer les gnomes. Nous renvoyons sur ce point aux éclaircissements apportés par Paul Sucher dans son introduction au conte du Petit Zacharie (E. T. A. Hoffmann, Petit Zacharie / Klein Zaches, traduit et présenté par Paul Sucher, Paris, Aubier, 1946, cf. notamment p. 37). Return to text

29 « Alle Freude und Hoffnung des Herrn Lütkens wurde aber verwandelt in bittres Herzeleid und tiefen Gram, als seine Hausfrau statt des holden Knäbleins, das die Barbara Roloffin prophezeit, einen abscheulichen Wechselbalg zur Welt brachte. Das Ding war ganz kastanienbraun, hatte zwei Hörner, dicke große Augen, keine Nase, ein weites Maul, eine weiße verkehrte Zunge und keinen Hals. Der Kopf stand ihm zwischen den Schultern, der Leib war runzlicht und geschwollen, die Arme hingen an den Lenden, und es hatte lange dünne Schenkel » (E. T. A. Hoffmann, 1979, p. 523). Return to text

30 « Wie schon erwähnt, war die Kreatur kaum eine Spanne lang; in dem Vogelkopf staken ein Paar runde glänzende Augen und aus dem Sperlingsschnabel starrte noch ein langes spitzes Ding, wie ein dünnes Rapier hervor, dicht über dem Schnabel streckten sich zwei Hörner aus der Stirne. […] Das Wunderlichste und Seltsamste war aber wohl die Gestaltung der Arme und Beine. Die ersteren hatten zwei Gelenke und wurzelten in den beiden Backen der Kreatur dicht bei dem Schnabel », E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 716. Nous renvoyons ici à la traduction de Madeleine Laval (Maître Puce. Conte en sept aventures survenues à deux amis, Paris, Phébus libretto, 1980, cit. p. 78). Return to text

31 « […] ein Paar Füße und denn weiterhin noch ein Paar, beide zweigelenkig, wie die Arme », ibid. Return to text

32 « Hoffmann als Zeichner zeigt, so wie als Erzähler, Freude an der Darstellung der abnormen Figuren », Hyun-Sook Lee, Die Bedeutung von Zeichnen und Malerei für die Erzählkunst E. T. A. Hoffmanns, Francfort / Main, Berne, NewYork, 1985, p. 182. Return to text

33 Il est directement fait allusion dans La fiancée du roi à cette « racine de mandragore » (« Alraunwurzel ») comparée à une silhouette humaine en raison de sa forme fourchue et dotée, selon la croyance populaire, de pouvoirs magiques ; mais contrairement à « l’effroyable gémissement » que produirait la mandragore au moment de son extraction, venant « traverser le cœur des hommes » (Kb, 44), c’est une sorte de « rire amical » que croit percevoir demoiselle Annette. Indépendamment de cette inflexion humoristique, ce motif de la mandragore est, nous le verrons, particulièrement signifiant dans la vie et l’œuvre d’Hoffmann. Return to text

34 « – Eines Tages trat er [Lothar] an mein Bett […] und sprach: “Die schönsten reichsten Fundgruben für Erzählungen, Märchen, Novellen, Dramen, sind alte Chroniken. […]” », E.T.A. Hoffmann, 1979, p. 518. Return to text

35 Dans une lettre adressée à Kunz le 19.7.1812, Hoffmann évoque l’apparition dans ses rêves d’« horribles démons, de marmots fantastiques » (« gräßliche Dämonen, fantastische Knirpse » (cit. dans H.-S. Lee, 1985, p. 183), qu’il se plaît ensuite à fixer sur le papier. Return to text

36 Traduction de Henri Egmont (1840), dans Les romantiques allemands, éd. établie et présentée par Armel Guerne, Paris, Phébus libretto, 2004, p. 461 (« Warum kann ich mich an deinen sonderbaren fantastischen Blättern nicht sattsehen, du kecker Meister! – Warum kommen mir deine Gestalten, oft nur durch ein paar kühne Striche angedeutet, nicht aus dem Sinn? », E.T.A. Hoffmann, Fantasie-und Nachtstücke, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, [1844/45] 1979, p. 12). Return to text

37 « Um diese Zeit haben seine Figur und sein Gesicht bereits das charakteristische Aussehen angenommen, das sich im Laufe der Jahre kaum noch wandeln wird. Der junge Mann ist von weit unterdurchschnittlicher Größe, sehr hager, ein wenig vorgebeugt. Sein blauschwarzer Schopf hängt unordentlich in die hohe Stirn, die Nase ist gebogen, das Kinn schuhförmig aufwärts gekrümmt, der Teint gelb, der sehr große Mund scheint über einem Geheimnis versiegelt zu sein; die Augen, herrlich und kurzsichtig, von der Farbe des Mondsteins, glänzen und funkeln von beunruhigendem Feuer zwischen den langen Wimpern. Die ganze Alraungestalt wird von ständigem Zappeln, von unaufhörlichem Gestikulieren in Bewegung gehalten. So erscheint er seiner ersten Schülerin, die auch seine erste Geliebte wird » (G. Wittkop-Ménardeau, E. T. A. Hoffmann, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt (rowohlts monographien), 19661966, p. 18, termes soulignés par nous). Nous proposons ici notre propre traduction. Return to text

38 « kleiner garstiger Mensch », Kb, 970 (LB, 47). Return to text

39 Cf. note 33. Return to text

40 « Bald nennt man ihn den “Gespenster-Hoffmann”. Er wird der Star der Frauentaschenbücher. Es beginnen seine Berliner Tage und Nächte um den Gendarmenmarkt herum. Man geht zu “Lutter und Wegner”, um den kleinen Gnom mit den beweglichen Gesichtszügen dort sitzen und zechen zu sehen […] », R. Safranski, Romantik. Eine deutsche Affäre, Munich, C. Hanser Verlag, p. 220 (termes soulignés par nous). Return to text

41 L’expression « [d]er kleine Wechselbalg » figure en première position dans le sommaire du premier chapitre. Cf. E.T.A. Hoffmann, Späte Werke, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1966 (Klein Zaches genannt Zinnober, p. 5-100, cit. ici p. 7). Nous nous référons ici à la traduction de Madeleine Laval (Le Petit Zachée surnommé Cinabre, Paris, Phébus libretto, 1980). Return to text

42 « Vom Gesicht konnte ein stumpfes Auge nicht viel entdecken, schärfer hinblickend wurde man aber wohl die lange spitze Nase, die aus schwarzen struppigen Haaren hervorstarrte, und ein Paar kleine schwarz funkelnde Äuglein gewahr, die, zumal bei den übrigens ganz alten eingefurchten Zügen des Gesichts, ein klein Alräunchen kund zu geben schienen », ibid., p. 8 (p. 26 pour le texte français). Return to text

43 « Der Kopf stak dem Dinge tief zwischen den Schultern, die Stelle des Rückens vertrat ein kurbisähnlicher Auswuchs, und gleich unter der Brust hingen die haselgertdünnen Beinchen herab, daß der Junge aussah wie ein gespalteter Rettich », ibid. Return to text

44 « […] er war mit seinem Auswuchs auf Brust und Rücken, mit seinem kurzen Leibe und seinen hohen Spinnenbeinchen anzusehen wie ein auf eine Gabel gespießter Apfel, dem man ein Fratzengesicht eingeschnitten », ibid, p. 27 (p. 52 dans la traduction française). Nous renvoyons ici au dessin de Theodor Hosemann représentant précisément cette scène (cf. reproduction n° 3 ; p. 65 dans l’édition de référence). Return to text

45 G. Vasari, Le Vite de’piu eccelenti pittori, scultori e archittetori italiani, Naples, 1859, chap. XXVII (« Come si lavacin le grottesche su lo stucco ») / Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes italiens, cit. dans la traduction d’A. Muzelle (2006, p. 24-25). Comme le rappelle ce dernier, il s’agit donc d’une « appellation métonymique », l’endroit où fut découvert ce type de peinture décorative (des « grottes », soit en fait des espaces souterrains situés dans l’ancien palais de Néron sur l’Esquilin) étant à l’origine de la dénomination choisie à l’époque de la Renaissance (cf. ibid., p. 21). Return to text

46 Ibid. Return to text

47 Sa bordure inférieure est ornée notamment d’une figure de sphinx associée à des béliers. Return to text

48 Nous renvoyons ici à la 12ème veillée du Vase d’or (Der goldne Topf) dans les Fantasiestücke où l’archiviste Lindhorst tend au narrateur (intervenu en tant que tel dans le récit), une « coupe d’or » contenant ce breuvage « magique » concocté par ses soins (il finit même par s’y plonger !), afin de l’aider à achever son œuvre (« “Hier”, sprach er [der Archivarius Lindhorst], “bringe ich Ihnen das Lieblingsgetränk Ihres Freundes des Kapellmeisters Johannes Kreisler […]” », E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 252). Return to text

49 « In dem Augenblick schwankte eine tölpische, spinnenbeinichte Figur mit herausstechenden Froschaugen herein und rief, recht widrig kreischend und dämisch lachend: “Wo der Tausend ist denn meine Frau geblieben?” » (E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 260). Return to text

50 Il est ici question d’un des fils de Pieter Bruegel, celui qui porte le surnom de « Bruegel d’Enfer » (1564-1638). Return to text

51 « “Trink nicht, trink nicht – sieh sie doch recht an! Hast du sie nicht schon gesehen auf den Warnungstafeln von Breughel, von Callot oder von Rembrandt?” – Mir scheuerte vor Julien, denn freilich war sie in ihrem faltenreichen Gewande mit den bauschigen Ärmeln, in ihrem Haarschmuck so anzusehen, wie die von höllischen Untieren umgebenen lockenden Jungfrauen auf den Bildern jener Meister », E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 268. Return to text

52 « das Reich im Négligé » (Kb, 984 / LB, 51). Return to text

53 LB, 51 (« Hilf Himmel! Was erblickte sie statt des schönen Gemüsegartens, statt der Karottengarde, der Plümagedamen, der Lavendelpagen, der Salatprinzen und alles dessen, was ihr so wunderbar herrlicherschienen war? – In einen tiefen Pfuhl sah sie hinab, der mit einem farblosen ekelhaften Schlamm gefüllt schien. Und in diesem Schlamm regte und bewegte sich allerlei häßliches Volk aus dem Schoß der Erde. Dicke Regenwürmer ringelten sich langsam durcheinander, während käferartige Tiere ihre kurzen Beine ausstreckend schwerfällig fortkrochen. Auf ihrem Rücken trugen sie große Zwiebeln, die hatten aber häßliche menschliche Gesichter und grinsten und schielten sich an mit trüben gelben Augen und suchten sich mit den kleinen Krallen, die ihnen dicht an die Ohren gewachsen waren, bei den langen krummen Nasen zu packen und hinunterzuziehen in den Schlamm, während lange nackte Schnecken in ekelhafter Trägheit sich durcheinanderwälzten und ihre langen Hörner emporstreckten aus der Tiefe. – Fräulein Ännchen wäre bei dem scheußlichen Anblick vor Grauen bald in Ohnmacht gesunken. Sie hielt beide Hände vors Gesicht und rannte schnell davon », Kb, 983-984). Return to text

54 Ibid. Aus einer großen Schachtel holte Herr Dapsul von Zabelthau eine Menge gelbes, rotes, weißes und grünes Band, und umwickelte damit unter seltsamen Zeremonien Fräulein Ännchen von Kopf bis Fuß »). Return to text

55 Ibid., p. 46 (« Dieser kleine Spielraum war aber gut genutzt, denn an und vor sich selbst waren die freiherrlichen Füßchen die zierlichsten, die man nur sehen konnte », Kb, 963-964). Return to text

56 Ibid. (« […] so daß jenes Umstülpen mehr der angenehme Schnörkel eines Tanzes schien »). Return to text

57 « Ankunft und Gebaren des Gemüse-Hofstaates, mit einem ganzen Heer von kleinen Reitern, über 40 winzigen Kutschen und Scharen von kleinen dickköpfigen Pagen, Läufern, Dienern, gleicht einem schwindelerregenden Miniatur-Ballett, einem fantastischen Traumgeschehen in Farben und Bewegungen, dessen einziger Erzählzweck darin liegt, die magische Animierung des Pflanzenreiches konkret zu veranschaulichen », G. Vitt-Maucher, p. 54. Return to text

58 : « Dans le conte intitulé : Daucus Carota, le Roi des Carottes, et par quelques traducteurs la Fiancée du roi, quand la grande troupe des Carottes arrive dans la cour de la ferme où demeure la fiancée, rien n’est plus beau à voir », C. Baudelaire, « De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques », Œuvres, texte établi et annoté par Y.-G. Le Dantec, Paris, Pléiade, 1932, vol. 2, p. 165-183, cit. ici p. 181. Return to text

59 « […] in einem kleinen Raum eine Fülle von Gegenständen zusammen[zu]drängen […] », E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 12 (traduction d’H. Egmont, op. cit., p. 46). Return to text

60 LB, 46 (« Ein schöner langer Zug kam die Straße herauf. Voran ritten wohl an sechzig, siebzig kleine Reiter auf kleinen gelben Pferden, sämtlich gekleidet wie der Abgesandte in gelben Habiten, spitzen Mützen und Stiefeln von poliertem Mahagoni. Ihnen folgte eine mit acht gelben Pferden bespannte Kutsche von dem reinsten Kristall, der noch ungefähr vierzig andere minder prächtige, teils mit sechs, teils mit vier Pferden bespannten Kutschen folgten. Noch eine Menge Pagen, Läufer und andere Diener schwärmten nebenher auf und nieder in glänzenden Kleidern angetan […] », Kb, 963). Return to text

61 « […] so daß das Ganze einen ebenso lustigen als seltsamen Anblick gewährte », ibid. (nous proposons ici notre propre traduction). Return to text

62 LB, 46 (« ein kleiner Reiter von ziemlich sonderbarem possierlichen Ansehen », Kb, 961). Return to text

63 « Considérant la conduite de la besongne d’un peintre que j’ay, il m’a pris envie de l’ensuivre. Il choisit le plus bel endroit et milieu de chaque paroy, pour y loger un tableau élabouré de toute sa suffisance, et, le vide tout autour, il le remplit de crotesques, qui sont peintures fantasques, n’ayant grâce qu’en la variété et estrangeté. Que sont-ce icy aussi, à la vérité, que crotesques et corps monstrueux, rappiecez de divers membres, sans certaine figure, n’ayants ordre, suite ny proportion que fortuite ? », M. de Montaigne, Essais, Gallimard, NRF, Pléiade, 1962, I, XXVIII, p. 181 (cit. par A. Muzelle, L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel dans l’Athenaüm, PUPS, Paris, 2006 p. 24, note 8). Return to text

64 « Die groteske Welt ist unsere Welt – und ist es nicht. Das mit dem Lächeln gemischte Grauen hat seinen Grund eben in der Erfahrung, daß unsere vertraute und scheinbar in fester Ordnung ruhende Welt sich unter dem Einbruch abgründiger Mächte verfremdet, aus den Fugen und Formen gerät und sich in ihren Ordnungen auflöst », W. Kayser, p. 38. Return to text

65 LB, 47 (« Alle Schönheit liegt in der Weisheit, alle Weisheit in dem Gedanken, und das physische Symbol des Gedankens ist der Kopf! », Kb, 968). Return to text

66 Ibid. (« Je mehr Kopf, desto mehr Schönheit und Weisheit, und könnte der Mensch alle übrigen Glieder als schädliche Luxusartikel die vom Übel, wegwerfen, er stände da als höchstes Ideal! Woraus entsteht alle Beschwerde, alles Ungemach, alle Zwietracht, aller Hader, kurz alles Verderben des Irdischen, als aus der verdammten Üppigkeit der Glieder? – O welcher Friede, welche Ruhe, welche Seligkeit auf Erden, wenn die Menschheit existierte ohne Leib, Steiß, Arm und Bein! – wenn sie aus lauter Büsten bestünde! – Glücklich ist daher der Gedanke der Künstler, wenn sie große Staatsmänner oder große Gelehrte als Büste darstellen, um symbolisch die höhere Natur anzudeuten, die ihnen inwohnen muß vermöge ihrer Charge oder ihrer Bücher! – Also ! meine Tochter Anna, nichts von Häßlichkeit, Abscheulichkeit oder sonstigem Tadel des edelsten der Geister, des herrlichen Porphyrio von Ockerodastes, dessen Braut du bist und bleibst ! », Kb, 969). La traduction de La Bédollière édulcore le texte original (comme l’illustration de V. Foulquier embellit « l’affreux baron », cf. note 26), en omettant de mentionner dans la liste des parties inutiles du corps les « fesses » (« Steiß »). Return to text

67 Cf. LB, 44 (Kb, 953). Return to text

68 Ibid., p. 47 (« […] da sehe ich denn zu meinem Leidwesen, wie wenig die himmlische Weisheit deinen verstockten irdischen Sinn zu durchdringen vermag! », Kb, 968). Return to text

69 Ibid., p. 45 (« […] da ich noch immer viel zu sehr an irdischen Bedürfnissen hänge, und daher der gehörigen Weisheit ermangle », Kb, 959). Return to text

70 Ibid. (« […] ich fresse erschrecklich! »). Return to text

71 « […] quelqu’un de ta famille a-t-il jamais eu une tête aussi grosse que moi et mes parents ? Nous avons l’esprit, la sagesse, le tact et la courtoisie et tandis que vous traînez dans les écuries et les cuisines […] nous jouissons de la compagnie de personnes plus élevées, et nous sommes salués par des cris de joie lorsque nous élevons nos vertes têtes », ibid., p. 50 (Kb, 979). Return to text

72 M. Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, traduit du russe par Andrée Robel, Paris, Gallimard, 1970. Return to text

73 Ibid., p. 315. Return to text

74 Plus précisément, chez Bakhtine, le « système d’images » de la culture comique populaire du Moyen Âge et de la Renaissance est désigné comme étant une forme de « réalisme grotesque ». Return to text

75 Kb, 971 (nous relevons cette expression qui n’apparaît pas dans la traduction de La Bédollière). Return to text

76 M. Bakhtine, p. 29. Return to text

77 Cf. LB, 51-52 ; Kb, 987-988. Return to text

78 Ibid., p. 47 (« feindseliger Gnome », Kb, 968). Return to text

79 E. T. A. Hoffmann, op. cit. (Der goldne Topf, p. 179-255, cf. notamment 10ème veillée). Return to text

80 « Die Freunde hatten, während Vinzenz las, mehrmals hell aufgelacht und waren nun einig, daß, wenn die Erfindung des Märchens auch nicht eben besonders zu rühmen, doch das Ganze sich nicht sowohl im wahrhaft Humoristischen als im Drolligen rein erhalte ohne fremdartige Beimischung und eben daher ergötzlich zu nennen sei », E. T. A. Hoffmann, 1979, p. 994. Return to text

81 Nous renvoyons ici aux propos d’un des deux protagonistes du récit intitulé Seltsame Leiden eines Theater-Direktors, exposant l’essence du « véritablement comique » : « Jetzt lassen Sie uns von dem wahrhaftig Komischen sprechen! – Wer mag denn die Ironie wegleugnen, die tief in der menschlichen Natur liegt, ja die eben die menschliche Natur in ihrem innersten Wesen bedingt und aus der mit dem tiefsten Ernst der Scherz, der Witz, die Schalkheit herausstrahlen. […] Die krampfhaften Zuckungen des Schmerzes, die schneidenden Klagetöne der Verzweiflung strömen aus in das Lachen der wunderbaren Lust, die eben erst von Schmerz und Verzweiflung erzeugt wurde. Die volle Erkenntnis dieses seltsamen Organism der menschlichen Natur möchte ja eben das sein, was wir Humor nennen und so sich das tiefe innere Wesen des Humoristischen, welches meines Bedünkens mit dem wahrhaftig Komischen eins und dasselbe ist, von selbst bestimmen », E. T. A. Hoffmann, op. cit., p. 654. Return to text

82 À sa manière, le sieur Dapsul illustre parfaitement la dualité de la nature humaine, l’appel du ventre faisant souvent obstacle chez lui, comme nous l’avons relevé, à l’élévation de l’esprit ; de même, la correspondance du « poète » Amandus manifeste un tiraillement permanent entre exaltation poétique et nécessité prosaïque, comme dans cette lettre où, après avoir fait preuve de sa capacité à « aimer sous forme de sonnet » (« hör, o höre, wie ich nur sonettisch zu lieben, von meiner Liebe zu sprechen vermag », Kb, 950), il vient réclamer à sa jeune fiancée, en un post-scriptum particulièrement dégrisant, « quelques livres de tabac de Virginie » (LB, 44). Return to text

83 A. Bakhtine, notamment p. 302 suiv. Return to text

84 La traduction que propose M. Laval (cf. note 12) pour ce sous-titre programmatique, un « conte véridique », ne nous paraît pas rendre compte du rôle tenu par la Nature dans la Fiancée du roi, d’où le choix de la présente formule, certes littérale, mais plus conforme à la teneur idéologique du conte. Return to text

85 « […] l’invention de figures grotesques peut participer d’un mode de représentation mimétique au sens large : le peintre imite la nature considérée comme une natura naturans susceptible de générer des merveilles », A. Muzelle, 2006, p. 22, note 4. Return to text

86 A. Paré, Des monstres et prodiges, édition critique et commentée par Jean Céard, Genève, Droz, 1971 (cf. notamment chap. XXXIIII « À présent nous parlerons des monstres marins », cit. ici p. 102). L’auteur relève par exemple l’intervention d’un « grand ordre de nature » dans la constitution étrange d’un monstre « de merveilleuse grandeur », aux dents « semblables à celles d’un grand sanglier, estant couvert d’escailles » et indique en marge : « Nature maistresse ouvriere de toutes choses » (p. 107). Return to text

87 Ibid., p. 117. Dans le chapitre XXX de ses Essais (« D’un enfant monstrueux »), Montaigne parvient à un constat identique : « Ce que nous appelons monstres ne le sont pas à Dieu, qui voit en l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a comprinses ; et est à croire que cette figure qui nous estonne, se rapporte et tient à quelque autre figure de mesme genre inconnu à l’homme. De sa toute sagesse il ne part rien que bon et commun et réglé ; mais nous n’en voyons pas l’assortiment et la relation. […] Nous appelons contre nature ce qui advient contre la coustume ; rien n’est que selon elle, quel qu’il soit. Que cette raison universelle et naturelle chasse de nous l’erreur et l’estonnement que la nouvelleté nous apporte » (Montaigne, Essais, II, Paris, Flammarion, [1580], 2008, p. 709). Return to text

88 Cf. notamment sur ce point Max Lüthi, qui présente ce traitement spécifique du merveilleux dans le conte comme un critère de distinction essentiel par rapport à la légende (« Sage ») : « Die Ergriffenheit, Gebanntheit des Sagenerzählers und der in der Sage vorkommenden Gestalten unterscheidet sich von der Selbstverständlichkeit, mit der der Märchenerzähler das Ungewöhnliche, Wunderbare berichtet und die Märchenfigur ihm begegnet » (M. Lüthi, Märchen, édition n° 9, Stuttgart / Weimar, Metzler, [1962] 1996, cit. ici p. 7). Return to text

89 « Hoffmann beschreibt also nicht naiv und direkt die Natur, sondern er schreibt ein Märchen über das Wesen der Natur […] », G. Vitt-Maucher, p. 45. Return to text

90 Hoffmann connaissait bien les écrits de ce philosophe (né en 1780 et décédé en 1860) qui détermina le romantisme des premières décennies du XIXE siècle, notamment Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft (Dresde, 1808) et Die Symbolik des Traumes (Bamberg, 1814) ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les années où Hoffmann découvre la pensée de Schubert coïncident avec celles où il opte plus nettement pour la littérature, soit autour de 1813 / 1814. Ainsi, avec ses trois passages consacrés au « mythe d’Atlantis », le Vase d’or offre un bel exemple de transcription littéraire de cette nouvelle « philosophie de la nature » développée par Schubert à la suite de Schelling. Return to text

91 Nous renvoyons ici à la présentation, sous la forme d’une de ces analepses que le narrateur auctorial s’amuse à développer – dans le même paragraphe est également condensée, comme « en contrepoint » selon l’expression d’A. Behrmann (p. 110), l’enfance de sa fille Anna – de la vita du sieur Dapsul, « trop charmé par l’or éclos au soleil d’un plus haut monde pour apporter une grande importance aux choses terrestres » (LB, 43). Return to text

92 Cf. supra, note 76. Return to text

93 Ainsi, comme l’explique Dapsul à sa fille, la quête d’une union avec une mortelle n’est pas aussi « avantageuse » dans le cas des « rois des gnomes » que dans celui des esprits élémentaires : « hypocrites, malicieux, méchants et cruels », les premiers ne sont mus que par un désir de vengeance envers les « enfants de la terre », leur seul but étant que « la nature humaine, dégénérée et maltraitée comme les gnomes, rentre dans la terre pour ne jamais reparaître à la surface » (LB, 50-51 ; Kb, 983). Nous relèverons également qu’à l’inverse, Dapsul souhaite « se rendre digne d’une alliance » avec un être doté d’une « nature supérieure », mais qui n’est autre qu’une sylphide, devant son patronyme à la spécificité de son nez – « pointu », cela va de soi chez Hoffmann (cf. LB, 47 ; Kb, 969) ! Return to text

94 « Fruchtbarkeit ist die Grundsituation, die das Märchengeschehen auf jeder Ebene vorantreibt, und die Kraft, die das anscheinend Widersprüchliche miteinander verknüfpt », G. Vitt-Maucher, p. 49. Return to text

95 LB, 42 (« Auf den Feldern grünte und blühte gar herrlich Korn und Weizen und Gerste und Hafer, die Bauerjungen gingen in die Schoten, und das liebe Vieh in den Klee; die Bäume hingen so voller Kirschen, daß das ganze Heer der Sperlinge trotz dem besten Willen, alles kahl zu picken, die Hälfte übriglassen mußte zu sonstiger Verspeisung. Alles schmauste sich satt tagtäglich an der großen offnen Gasttafel der Natur », Kb, 945). Return to text

96 Ce surnom s’applique bien à l’épouse défunte du sieur Dapsul et non à sa fille, comme pourrait le laisser croire la traduction de La Bédollière, confuse, voire erronée, pour le passage concerné (LB, 46). Nous rappelons donc ici le texte original : « Du bist mein Kind – das ich zwar nicht mit einer Sylphide, Salamandrin oder sonst einem Elementargeist erzeugt, sondern mit jenem armen Landfräulein aus der besten Familie, die die gottverlassenen Nachbarn mit dem Spottnamen: Ziegenfräulein, verhöhnten, ihrer idyllischen Natur halber, die sie vermochte, jeden Tages eine kleine Herde weißer schmucker Ziegen selbst zu weiden auf grünen Hügeln […] » (Kb, 961). Return to text

97 Pour ce terme, créé pour l’occasion et difficile à rendre justement en français, à moins d’user du même principe de composition qu’en allemand (« enfants-carottes » ?), La Bédollière propose simplement « carottes » (LB, 43). Return to text

98 « [Herr Porphyrio von Ockerodastes] ließ sich von Fräulein Ännchen mit Butterbrot füttern […] » (Kb, 978). Return to text

99 Cf. supra, note 93. Return to text

100 « sich auf die Überschwenglichkeit […] legen » (Kb, 949), expression également difficile à transposer en français (« [cet homme] le poussa à accoucher de quelques œuvres », traduit La Bédollière, qui s’éloigne ici beaucoup du texte original). Return to text

101 Nous préférons ici traduire stricto sensu la tournure plaisante « sich satt schmausen ». Return to text

102 LB, 43 ; Kb, 946. Return to text

103 « N. S. Du mußt mir das aber beileibe nicht übelnehmen, ich bin dennoch, schreibe ich etwas krumm, geraden Sinnes und stets deine getreue Anna » (Kb, 954). Nous donnons ici notre propre traduction, ce passage ne figurant pas dans la traduction de La Bédollière. Return to text

104 LB, 46 (« […] über hundert kleine Herrlein, die den Kutschen und den Pferden entstiegen, tanzten wie erst der Kurier zum Teil auf den Köpfen, dann wieder auf den Füßen, in den zierlichsten Trochäen, Spondäen, Jamben, Pyrrhichien, Anapästen, Tribrachen, Bachien, Antibachien, Choriamben und Daktylen, daß es eine Lust war », Kb, 964). Return to text

105 Cf. ibid. (« [Der Reiter] schien absteigen zu wollen, plötzlich fuhr er aber mit der Schnelligkeit des Blitzes unter dem Bauch des Pferdes hinweg, schleuderte sich auf der andern Seite zwei-, dreimal hintereinander zwölf Ellen hoch in die Lüfte, so daß er sich auf jeder Elle sechsmal überschlug, bis er mit dem Kopf auf dem Sattelknopf zu stehen kam. So galoppierte er, indem die Füßchen in den Lüften Trochäen, Pyrrhichien, Daktylen u. s. w. spielten, vorwärts, rückwärts, seitwärts in allerlei wunderlichen Wendungen und Krümmungen. Als der zierliche Gymnastiker und Reitkünstler endlich stillstand und höflich grüßte, erblickte man auf dem Boden des Hofes die Worte: “Sein Sie mir schönstens gegrüßt samt Ihrem Fräulein Tochter, mein hochverehrtester Herr Dapsul von Zabelthau!” », Kb, 962). Return to text

106 « Auch die oben erwähnte akkumulative Darstellungstechnik, fast ein automatisches Überhandnehmen der Sprache selbst, verdeutlicht sich in der zehngliedrigen nominalen Aufzählung dieses Beispiels », G. Vitt-Maucher, p. 54. Return to text

107 « Nicht die Erzählung ist neu, sondern das Erzählen. Sprache, in Wörtern und syntaktischen Strukturen, die traditionell als Mittel zur Verwirklichung und Mitteilung bestimmter vorgefaßter Sinngebung diente, wird in der Königsbraut zum Zweck selbst: der Sinn der Sprache, der mannigfaltig in den Formen der Sprache selber ruht, entfaltet sich im Erzählen zu Sinn und Bedeutung des Märchens », ibid., p. 58. Return to text

108 Rappelons ici la définition que Marianne Thalmann donne du maniérisme : « Es geht dabei um eine Erscheinung, die nicht nur auf die Stilperiode von 1520-1650 eingeschränkt werden darf, sondern als unklassischer und antinaturalistischer Ausdruckswille das Leben nicht in der Ausgewogenheit der Kräfte, sondern in seiner Unrast zu fassen versucht. Statt das Verborgene zu sublimieren, wie es sich jede klassische Richtung zur Aufgabe macht, unternimmt es der Manierismus, das Verborgene darzustellen, selbst um den Preis der Deformation » (M. Thalmann, Romantik und Manierismus, Stuttgart, W. Kohlhammer Verlag, 1963, cit. ici p. 14). Return to text

109 L’expression est empruntée à Patrick Mauriès, qui, dans son ouvrage abondamment illustré sur les Cabinets de curiosités (Paris, Gallimard, 2002), réserve une place de choix à l’empereur Rodolphe II. En tête du 3ème chapitre (« Le collectionneur », p. 129) figure une reproduction du tableau d’Arcimboldo. Return to text

110 Cf. F. Guirand et J. Schmidt, Mythes Mythologie. Histoire et dictionnaire, Larousse, 1996, p. 869. Return to text

111 LB, 52 ; Kb, 990. Return to text

112 « […] mag jeder tragen was er kann, jedoch nur nicht das Maß seiner Kraft für die Norm dessen halten, was dem menschlichen Geist überhaupt geboten werden darf », E. T. A. Hoffmann, 1979, p. 994. Return to text

113 « Wer weiß es denn aber nicht, daß jeder auf diese jene Weise erregter Seelenzustand zwar einen glücklichen genialen Gedanken, nie aber ein in sich gehaltenes geründetes Werk erzeugen kann, das eben die größte Besonnenheit erfordert », ibid., p. 995. Return to text

114 C’est le cas notamment de Walther Harich (vol. 2, p. 206). Return to text

115 Cf. Baudelaire, op. cit., p. 175. Au terme de son essai, l’auteur revient sur cette idée en précisant : « Et pour en revenir à mes primitives définitions et m’exprimer plus clairement, je dis que quand Hoffmann engendre le comique absolu, il est bien vrai qu’il le sait ; mais il sait aussi que l’essence de ce comique est de paraître s’ignorer lui-même et de développer chez le spectateur, ou plutôt chez le lecteur, la joie de sa propre supériorité et la joie de la supériorité de l’homme sur la nature » (ibid., p. 183). Return to text

116 Engagé comme « chef de musique » par le directeur du théâtre municipal de Bamberg, Hoffmann se rendit en 1808 dans cette ville de Franconie et y résida jusqu’en 1813. Return to text

117 LB, 52 (« Fräulein Ännchen hatte einen Abscheu gegen das Handhaben des Spatens bekommen und herrschte wirklich wie eine echte Königin über das Gemüsereich, da sie dafür mit Liebe sorgte, daß ihre Vasallen gehörig gehegt und gepflegt wurden, ohne dabei selbst Hand anzulegen, welches sie treuen Mägden überließ », Kb, 993). Return to text

References

Electronic reference

Patricia Desroches-Viallet, « Difformité grotesque, difformité burlesque », Cahiers du Celec [Online], 1 | 2010, Online since 31 mai 2023, connection on 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=143

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Patricia Desroches-Viallet

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