Une reine tyrannique : Jeanne de Naples et sa favorite

DOI : 10.35562/celec.724

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Cette communication porte sur la mise en scène, dans le théâtre espagnol profane du xviisiècle, d’une autorité au féminin déclinée sous le signe de la monstruosité. Cette monstruosité est analysée à travers deux figures, celle de la reine Jeanne de Naples d’une part et celle de sa favorite sicilienne Felipa de Catane, d’autre part. Elles sont les protagonistes du drame historique El Monstruo de la fortuna. La lavandera de Nápoles, Felipa de Catanea1 écrit en collaboration par Pedro Calderón de la Barca, Juan Pérez de Montalbán, et Francisco de Rojas Zorrilla.

S’agissant de la date d’écriture de cette pièce, Germana Volpe, qui en a réalisé une édition critique récente, l’établit entre 1630 et 1633. Elle se base sur deux arguments : le premier a trait à la pratique de l’écriture en collaboration, qui devient courante parmi les dramaturges espagnols, à partir de l’année 1630 justement ; d’autre part, Germana Volpe signale la publication en Septembre 1633 d’une pièce de théâtre de Tirso de Molina et, selon elle (c’est nous qui traduisons) :

Cotarelo affirme, sur la base des fortes similitudes entre le monologue de Felipa dans le premier acte du Monstruo et les « dizains » du fameux monologue prononcé par Sigismond, que la pièce en question doit avoir été écrite précédemment « car Calderón ne les aurait pas reproduits en les altérant »2.

L’intrigue de cette pièce est basée sur des faits historiques, plus précisément sur une série d’événements survenus durant le règne tourmenté de Jeanne 1ère d’Anjou-Sicile, reine de Naples et comtesse de Provence de 1343 à 1382. Celle-ci épouse sous la contrainte son cousin André de Hongrie et en 1343, âgée de 17 ans, accède au trône de Naples. L’assassinat d’André, en 1345, à Aversa, près de Naples, est à l’origine de l’invasion de Naples par les troupes hongroises dirigées par Louis de Hongrie, frère aîné d’André, désireux de venger la mort de son frère. Les proches de la reine, parmi lesquels se trouve sa favorite, une lavandière sicilienne nommée Felipa de Catane, sont accusés de ce crime. C’est cet épisode du règne de Jeanne de Naples que les dramaturges transposent, en respectant assez fidèlement la trame des événements. Cette dernière étant complexe, il s’avère nécessaire d’en résumer les principales étapes.

Le premier acte s’ouvre alors que Jeanne de Naples vient de rejeter la demande en mariage du roi André de Hongrie, mariage pourtant concerté par son défunt père, comme le lui rappelle avec insistance son conseiller, don Octave. Mais Jeanne s’oppose à cet engagement, au double motif qu’elle veut régner et qu’elle est éprise d’un noble italien, Charles de Salerne. Le refus de Jeanne d’épouser André de Hongrie conduit ce dernier à lui déclarer la guerre et à assiéger Naples. En réaction, l’entourage de Jeanne lui conseille de se rendre. Seule Felipa, une modeste lavandière armée d’une épée, lutte contre les soldats du roi André. Contrainte d’épouser André de Hongrie, Jeanne témoigne sa gratitude à Felipa en l’invitant à vivre à ses côtés, au palais. Felipa accepte cette proposition. Le premier acte se clôt sur le désespoir de Jeanne, désespoir qui contraste avec la liesse générale et la joie de Felipa, qui accède au palais, lieu du pouvoir et objet de son ambition.

Au cours du deuxième acte, les dramaturges mettent en scène l’ascension politique de Felipa qui, en plus d’être la confidente de Jeanne, accède au pouvoir politique, Jeanne lui déléguant d’importantes charges liées au gouvernement de Naples. Désespérée par son mariage, Jeanne de Naples confie à Felipa la haine qu’elle porte à André de Hongrie, qu’elle décrit comme un époux brutal. Une nuit, Jeanne de Naples ordonne à Felipa d’assassiner le roi André de Hongrie. Felipa obéit à Jeanne, persuadée que cette dernière est en danger.

Au début du troisième et dernier acte, Louis de Hongrie, frère du roi André, exige de Jeanne de Naples le châtiment de l’assassin. Il menace la reine de représailles si elle ne punit pas sa favorite car il sait que c’est Felipa qui a poignardé André. Jeanne de Naples ordonne à don Octave d’emprisonner Felipa. La pièce se termine sur l’exécution de Felipa.

Avant d’approfondir la problématique, il convient de rappeler la constitution du système des personnages dans le théâtre profane espagnol, dans la mesure où cet élément éclaire la caractérisation de Jeanne de Naples et Felipa en tant que figures monstrueuses d’autorité politique. En 1609, Lope de Vega publie un traité d’art dramatique intitulé Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo, traité dans lequel il synthétise les critères formels distinctifs d’une pièce de théâtre3. Parmi les critères retenus par Lope de Vega, tels qu’ils sont synthétisés par Ignacio Arellano – « combinaison d’éléments tragiques et d’éléments comiques, flexibilité des unités dramatiques, division en trois parties du drame, polymétrie à valeur structurelle et esthétique […] distribution fixe de personnages types (six personnages basiques : Dame, Galant, Puissant, Vieillard, Valet, Servante » – le système des personnages occupe une place particulière.

Il fonctionne sur la base d’un répertoire de six types de personnages, quatre d’entre eux étant masculins – le galant, le puissant, le vieillard et le valet – et deux autres féminins – la servante et la dame. C’est précisément en référence au personnage type de la dame que se construisent Jeanne de Naples et Felipa.

La dame se caractérise par une double combinaison de traits socio-dramatiques, avec des traits permanents et d’autres flexibles. Les traits permanents, qui sont au nombre de quatre, correspondent à l’appartenance à un lignage prestigieux, noble ou royal, à la jeunesse, à la beauté, et enfin à l’amour : la dame aime et est aimée. Ces traits permanents sont associés à des éléments flexibles, eux-mêmes déterminés par le genre dramatique où évolue la dame. Par exemple, dans la comédie d’intrigue4 la dame évolue en milieu urbain, elle multiplie les ruses et les astuces afin de parvenir à ses fins – un mariage avec le galant de son choix. Dans la comédie de thème paysan5 elle peut avoir au contraire l’apparence d’une jeune paysanne naïve qui, grâce à un mariage d’amour avec un galant noble, accède elle aussi à la noblesse. Dans le drame historique, la dame est la protagoniste d’une intrigue basée sur un fait historique réel et qui a trait à un conflit politique, à une lutte pour le pouvoir. En d’autres termes, la dame est impliquée dans une intrigue dramatique où la question de l’autorité politique se pose comme un enjeu fondamental. Or, cet enjeu fait sens non seulement par rapport à la fiction théâtrale elle-même, mais aussi, plus largement, par rapport au contexte de réception de ladite fiction. Le contexte auquel je me réfère ici est celui de l’Espagne du XVIIe siècle6 et plus précisément, en relation avec la date d’écriture de la pièce de théâtre El Monstruo de la Fortuna, l’Espagne de Philippe IV (1621-1665).

Ce roi, qui accède au trône à l’âge de 16 ans, est décrit par l’historien John H. Elliott comme « un enfant gâté et maussade, entouré de courtisans rivalisant pour obtenir sa faveur »7. Parmi ces derniers, se trouve le comte Olivarès qui progressivement acquiert un ascendant certain sur le jeune roi. Ce dernier lui manifeste sa confiance en l’élevant au rang de Grand d’Espagne dès 16218. En 1622, Olivarès entre au Conseil d’Etat et acquiert le titre de ministre. De son côté, après avoir montré de l’intérêt pour les affaires du royaume au début de son règne, Philippe IV s’en détourne rapidement9, ce qui laisse le champ libre à son favori, Olivarès, qui devient tout-puissant jusqu’à sa disgrâce, en 1643.

La date d’écriture de la pièce El Monstruo de la Fortuna correspond donc à un moment où Olivarès est au faîte de son pouvoir, pouvoir qu’il exerce avec une autorité jugée excessive par ses contemporains10. C’est à cette situation que peut faire écho dans la pièce El Monstruo de la Fortuna, l’évolution de la trajectoire dramatique de la lavandière Felipa de Catane, élevée au rang de favorite toute-puissante avant de connaître une chute brutale.

Dans l’intrigue dramatique, une place importante est accordée à la relation entre la reine Jeanne de Naples et Felipa : la reine fait de Felipa sa favorite dès la fin de l’acte I afin de la récompenser de son courage, face aux Hongrois qui assaillent Naples. La reine invite Felipa à vivre au Palais, c’est-à-dire à ses côtés, et ordonne que Felipa soit « soignée et traitée comme » une autre elle-même :

Jeanne

Charles, que cette femme

soit logée en mon Palais ;

comme ma propre personne

qu’elle soit soignée et traitée ;

et ne crains nul manque,

si le ciel accorde longue vie

à ton courage, aussi longtemps que je vivrai,

tu seras, femme vaillante,

à Naples, une autre moi-même11.

La proximité physique, induite par l’invitation faite à Felipa de s’installer au Palais, introduit cette dernière dans l’intimité de la reine, intimité soulignée par l’attention que la reine accorde aux soins qui seront donnés à Felipa qu’elle considère désormais comme une autre elle-même. Cette formulation, que l’on trouve dans le dernier vers de la tirade fait écho à l’expression « comme à ma propre personne », expression par laquelle la reine énonce, au début de la tirade, la relation d’équivalence qu’elle établit entre l’humble lavandière et elle-même. En raison du statut royal de Jeanne, faire de Felipa une autre elle-même, signifie confier à Felipa l’exercice du pouvoir. En d’autres termes, dans le contexte de l’époque, Felipa devient la favorite – la privada – de la reine Jeanne, comme ne manque pas de le souligner avec humour le valet Calabrais, témoin de la scène :

Calabrais

Celle qui tant de langes a lavés

mérite bien d’être favorite12.

Une double fonction peut être assignée à la réplique de Calabrais : d’une part, souligner l’incongruité de la situation – une lavandière élevée au rang de favorite – et, d’autre part, introduire dans le dialogue théâtral le terme de « favori », terme qui, dans l’Espagne de Philippe IV, rencontre un écho particulier puisqu’il permet de désigner son favori tout-puissant, le comte-duc Olivarès.

Dramaturges et théoriciens du théâtre participent donc à la réflexion engagée sur la société de leur temps. Dès 1625, ils accordent au théâtre, et surtout au théâtre historique, une fonction didactique vis-à-vis des spectateurs. La mission première du théâtre historique consiste bel et bien à éduquer le public. En raison de leur axe thématique de prédilection, à savoir un conflit politique, les drames historiques contribuent donc à la réflexion menée sur le pouvoir politique et, dans le même ordre d’idées, sur l’autorité dont est investi le personnage du roi et à un degré différent, celui du puissant, noble, loyal à son roi. Dans les drames historiques, le positionnement de la dame à l’égard de cette double figure d’autorité masculine acquiert une importance capitale13. Elle peut soit accepter de se soumettre à l’autorité qu’il incarne soit, à l’inverse, la rejeter. Dans la pièce étudiée ici, la reine Jeanne de Naples et Felipa refusent d’obéir à la figure d’autorité masculine incarnée par don Octave. Or, le refus clairement exprimé par la reine Jeanne et sa favorite Felipa d’être tenues éloignées du pouvoir, d’être maintenues hors du champ de l’autorité masculine, entendue comme seule légitime, va inscrire l’exercice de leur autorité dans le registre d’une transgression monstrueuse. Précisément, l’objet de cette communication consiste à analyser les procédés dramaturgiques sur lesquels repose la mise en scène d’une autorité au féminin déclinée sous le signe de cette monstruosité. Ils sont au nombre de trois et correspondent à la désignation, l’idiolecte et la mise en scène du corps.

La désignation

Le réseau onomastique qui s’applique à Jeanne et Felipa de Catane comprend, d’une part, des éléments de désignation calqués sur les noms des personnages référents, la reine Jeanne de Naples d’Anjou-Sicile et sa favorite, la lavandière sicilienne, Felipa de Catane. Parallèlement à ce premier réseau onomastique de nature historique, il existe un deuxième réseau, de nature essentiellement littéraire, qui se fonde sur l’emploi de termes – « monstre », « armée », « hautaine » (I, v. 119-122) – inscrivant, dès l’acte I, Jeanne et Felipa dans une filiation féminine de nature littéraire, celle du personnage de la reine tyrannique – la tirana – figure subversive de l’autorité politique.

En effet, dans l’acte I, lors de son entrée en scène, la reine Jeanne de Naples affirme sa volonté de lutter contre les troupes du roi André de Hongrie. Elle définit sa propre action en ayant recours à une terminologie à connotation guerrière – « acier », « courage », « armée », « forte », « mort » – qui exprime sa détermination :

Moi, d’acier et de courage armée

avec mes compagnes je garderai l’entrée

de Naples, où hautaine et forte,

avec mes dames, sans frémir, je lui donnerai la mort14.

Dans le dernier vers de la tirade, et symétriquement opposé au pronom « Moi » avec lequel Jeanne commence orgueilleusement son discours, le pronom « lui » désigne le roi André de Hongrie que le père de Jeanne, avant de mourir, lui a ordonné d’épouser. Le refus de Jeanne est motivé par une double ambition, à savoir, d’une part, le désir d’épouser non pas André de Hongrie mais Charles de Salerne, et d’autre part, la volonté de régner sur Naples, c’est-à-dire, la volonté d’exercer le pouvoir politique. Au vu du statut royal de Jeanne, cette ambition, qui préside à sa trajectoire dramatique, l’inscrit dans la lignée théâtrale des reines tyranniques.

Une logique similaire est à l’œuvre s’agissant de la lavandière sicilienne Felipa, lavandière que Jeanne de Naples va élever au rang de favorite. Au début de l’acte I, Felipa est la seule à lutter contre l’armée hongroise, ainsi que le souligne une des dames de la reine, Julie :

Une femme

désespérée et courageuse,

est la seule qui en vain

cherche à résister

au soulèvement.

Et les portes du Palais

c’est avec une épée qu’elle les défend,

alors qu’aux portes du Palais

se pressent déjà les soldats15.

Il convient de souligner le parallélisme lexical entre la description de l’action de Felipa et celle de Jeanne. Toutes deux sont réalisées à partir d’une série de termes de nature guerrière à savoir, en ce qui concerne Felipa « courageuse », « résister », « épée », « défendre ». Ils traduisent la lutte acharnée de Felipa dont la désobéissance est de nature politique. Felipa refuse en effet de reconnaître André de Hongrie comme roi de Naples, attitude de révolte amenant ce dernier à la qualifier de « monstre » lors de leur premier échange : « Tu ressembles plutôt à un monstre »16. Ainsi, les modalités de désignation appliquées à Jeanne et à sa favorite les situent toutes deux dans la lignée théâtrale des reines tyranniques.

Dans le théâtre espagnol, la première œuvre dramatique profane où apparaît le terme de tirana est la tragédie de Cristóbal de Virués, La gran Semíramis, imprimée à Madrid en 1609, mais rédigée sans doute bien avant son impression, probablement dans les trente ou vingt dernières années du xvie siècle : « Hoy en su traje trágico se ofrece/ la vida y muerte de la gran Semíramis,/tirana Reina de la grande Asiria »17.

La reine Sémiramis est qualifiée de tirana en raison tout d’abord de son ambition politique puisqu’elle fait enfermer son époux, le roi Ninus, et usurpe l’identité de leur fils, Zameis Ninias, afin de régner. Ensuite, le terme tirana est employé par rapport à l’amour incestueux que Sémiramis porte à son fils. Le lien entre agissement tyrannique et lubricité se justifie par le manque de tempérance conventionnellement attribué au mauvais roi par les théoriciens du pouvoir politique aux xvie et xviisiècles18.

Au xvisiècle, le théâtre profane reflète cette théorie, puisque la passion amoureuse constitue une caractéristique fondamentale du tyran, selon Robert A. Lauer qui écrit à propos de la représentation dramatique du tyran en Espagne entre 1582 et 1609 : « Au cours de cette période, la tyrannie apparaît comme l’exercice d’un vice porté à son degré le plus haut, ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour les royaumes, les villes et les sujets. Un tyran est un être humain faillible, gouverné par des passions immodérées qui le transforment en une bête féroce, au mépris de sa soif de pouvoir. Le tyrannicide est le moyen de remédier à une situation grave mais seulement si la personne qui commet un tel acte a des intentions irréprochables »19.

Au xviisiècle, le terme de tirana désigne un personnage féminin subversif sur le plan moral et politique, intervenant dans l’intrigue dramatique principale de pièces de théâtre historiques, bibliques et mythologiques. Lope de Vega écrit en 1615 un drame historique dans lequel il met en scène la vie de Jeanne de Naples et Felipa de Catane, La reina Juana de Nápoles. Tirso de Molina s’inspire de Jézabel pour La mujer que manda en casa. Tragicomedia bíblica, écrite en 1612. Quant à Calderón, il met en scène la légende de Sémiramis dans la pièce mythologique La hija del aire.

En résumé, dans le théâtre espagnol du XVIIsiècle, la monstruosité de l’autorité au féminin repose sur la mise en scène de la passion amoureuse subversive et celle de l’usurpation du pouvoir politique, thématique abordée ici, après les modalités de désignation, à travers l’analyse du langage verbal de Jeanne et Felipa.

L’idiolecte

Tout d’abord, les tirades énoncées par Jeanne et Felipa se caractérisent par le lexique de la passion amoureuse. A titre d’exemple, Jeanne de Naples décrit ses sentiments envers le noble italien, Charles de Salerne, par le biais du substantif « passion » associé au verbe « aimer » (II, v. 1851 et 1852). A l’inverse, elle désigne son mariage dénué d’amour avec André de Hongrie, par la locution verbale « j’ai un époux » (II, v. 1850).

Moi je suis reine,

moi j’ai un époux et il n’est pas juste

que je ne domine pas mes passions.

Moi je l’ai aimé20.

Cette tirade illustre la tension permanente entre la conscience que la reine a de ses obligations et, à l’inverse, la persistance de sa passion pour Charles de Salerne. Cette tension est mise en évidence par la répétition du pronom « moi », placé au début des vers 1849 et 1850, et associé, toujours dans ces deux vers, à la mention de son statut de « reine » et d’épouse. Le rappel par la reine de ses obligations culmine dans l’affirmation de la nécessité de vaincre sa passion pour Charles de Salerne : « il n’est pas juste/que je ne domine pas mes passions » (II, v. 1850-1851). De la sorte, elle fait référence aux deux types de gouvernants qui s’opposent dans les drames du pouvoir. Il s’agit, d’une part, du tyran qui se laisse gouverner par les passions, ces passions que la reine Jeanne tente précisément de vaincre, et à l’opposé, du gouvernant qui maîtrise ses passions, le roi prudent et son équivalent féminin, la reine vertueuse.

Contrairement à l’amour vertueux, conjugal, associé au personnage de la reine prudente étudié par Philippe Meunier, l’amour que ressent et suscite Jeanne de Naples se définit comme une pathologie physique et une aliénation mentale, tant pour elle-même que pour son galant, Charles de Salerne et son propre époux, André de Hongrie. La passion amoureuse affecte, sur le plan physique, un sens de Jeanne et d’André en particulier, celui de la vue. Sur le plan sémantique, l’emploi du verbe « voir » et des substantifs « vue » et « yeux » dans l’énoncé de la reine et du roi, indique la place fondamentale de la vue dans la naissance du sentiment amoureux. A cet égard, il est intéressant de comparer la réplique dans laquelle André décrit son premier échange de regards avec Jeanne, et celle où Jeanne évoque l’effet produit sur elle par les yeux de Charles de Salerne.

Dans l’acte I, André dépeint, de façon conventionnelle, Jeanne sous les traits d’une déesse, dont les yeux sont la cause de sa passion :

Moi je vis Jeanne, et moi je vis en elle

une déesse, à qui l’amour

doit plus de victoires

qu’à ses propres flèches21.

Jeanne, à son tour, reprend ce thème conventionnel, mais souligne le rôle néfaste des yeux, qu’elle qualifie de « juges fantasques » aveugles aux défauts de l’être aimé :

Par les oreilles,

la passion ne s’infiltre pas autant que par les yeux,

juges si fantasques,

que même en voyant les différences

ils s’inclinent devant les vices22.

Jeanne se réfère à sa propre expérience, où l’amour qu’elle porte à Charles de Salerne ne se concrétise pas dans le mariage mais demeure une passion qu’elle ne parvient pas à maîtriser, ce qui est, au théâtre, un indice d’une incapacité à gouverner de façon juste.

Les références aux yeux comme source de mal renforcent l’identification de Jeanne avec une figure féminine transgressive, celle de la sorcière puisque dans la société espagnole du xviie siècle, les maladies oculaires, désignées sous le nom de mal de ojos ou fascinum, sont associées à la sorcellerie selon Juan Blázquez Miguel : « [ce terme] désignait toutes les maladies qui n’avaient pas de cadre clinique précisément défini. »23

Outre qu’elle affecte le corps, la passion amoureuse touche aussi l’esprit dans la mesure où elle s’apparente à une forme de folie dont est saisie la reine Jeanne. Elle se transcrit, dans son idiolecte, par la combinaison d’un lexique doublement transgressif, celui de la colère allié à la folie, aboutissant à l’expression d’une véritable fureur érotique, décrite par Martine Bigeard :

La folie est indissociable de l’amour, la « fureur » constituant l’expression ordinaire de la passion virile. La passion amoureuse implique, en effet, du côté masculin, et même parfois du côté féminin, l’aliénation, la désagrégation de l’individualité et l’identification de l’amant avec l’objet aimé24.

Ce topos littéraire doit être mis en relation avec la problématique de l’autorité au féminin dans la mesure où la passion amoureuse de Jeanne, c’est-à-dire son manque de tempérance sur le plan privé, traduit, dans le champ du politique, son incapacité à gouverner. La revendication par Jeanne d’une autorité politique est doublement monstrueuse car en plus d’être inapte à gouverner, Jeanne abandonne le gouvernement de Naples à sa favorite, une lavandière sicilienne, dont l’action va engendrer un véritable chaos politique. La question de l’autorité transgressive au féminin, ici incarnée par la reine Jeanne et sa favorite, est traitée tout d’abord sous un angle similaire à celui de son homologue masculin, le personnage du tyran, conventionnellement représenté en proie à la passion amoureuse et dépourvu de prudence. Cependant, dans le traitement dramatique de l’autorité déviante, on observe une spécificité de l’autorité au féminin, spécificité basée sur la mise en scène du corps de la reine.

La mise en scène du corps

Du point de vue dramaturgique, la mise en scène du corps de Jeanne et Felipa transcrit l’illégitimité féminine à revendiquer et à exercer le pouvoir politique, au motif de la charge à la fois tragique et sensuelle dont est investi le corps de la reine et de sa favorite.

La dimension tragique repose sur deux éléments qui sont, dans l’acte I, les mains ensanglantées de Jeanne et dans le dernier acte, l’exécution de Felipa. La scène de décapitation acquiert un relief saisissant en raison de la double énonciation dont elle fait l’objet, d’une part dans le discours verbal de la reine Jeanne de Naples qui commente la scène violente dont elle est la spectatrice et d’autre part, dans la mise en scène macabre du corps désarticulé de Felipa, comme le signale la didascalie : « La tête de Felipa apparaît d’un côté et le corps de l’autre »25.

Reine

Oh Ciel ! Que vois-je ?

Comme elle a vite agi la rigueur

lâche et impitoyable ! Toujours l’innocence Attire le danger.

 

On la recouvre26.

Dans le théâtre espagnol du xviisiècle, le procédé dramaturgique de la tête coupée consiste en une « tête de carton, recouverte de cuir et peinte », d’après les recherches menées par José María Ruano de la Haza : « Parmi les nombreux effets spéciaux que les acteurs exécutaient, sur scène ou hors de la scène, l’un des plus populaires était sans doute celui de la tête coupée. Dans un “document” de vente de vêtements de théâtre de 1608 nous trouvons par exemple, “deux douzaines de têtes de toutes sortes” (Augulló, “Cornejos”, 188). Dans tous ces cas, il s’agissait sans nul doute de têtes de carton recouvertes de cuir peint auquel on collait une chevelure, comme les “six têtes” évaluées 12 réaux que l’on trouve dans le “document” du matériel de représentation que Baltasar Pinedo vendit à Juan Granados en 1605 (Pérez Pastor, 2.a serie, 371) »27.

La dimension macabre de l’exécution de Felipa est accentuée par le sang qui macule la tête coupée : « Les têtes, qu’elles soient ou non décapitées, étaient montrées tachées de sang. Ce terme est mentionné très fréquemment dans les indications scéniques des pièces de théâtre, et, dans la majorité des cas, il semble venir d’animaux »28. Le sang qui, soit provient d’animaux, soit est en réalité du vin, est placé dans une vessie dissimulée sous les vêtements de l’actrice, que cette dernière presse au moment opportun29. Ce sang matérialise alors, sur l’espace scénique, la défaite politique de Jeanne et de Felipa, incapables de gouverner.

Dans la même logique, une deuxième stratégie corporelle est mise en place afin de souligner une fois encore l’incapacité féminine à exercer correctement le pouvoir politique. Il s’agit du dévoilement du corps féminin, dévoilement exprimé par les termes « à moitié nue » et « mal habillée ». Ils sont présents uniquement dans deux scènes, qu’il convient de situer et d’analyser, tant leur importance est grande, au regard de l’évolution de la trajectoire dramatique de la reine Jeanne et de sa favorite.

La première scène dans laquelle il est fait mention de l’expression « à moitié nue » est située au début de l’acte II. Il s’agit de la première apparition de Jeanne après sa défaite et son mariage avec André de Hongrie. L’entrée en scène de Jeanne est précédée de musique, comme le précise l’indication scénique, et de vivats célébrant la victoire d’André :

On entend des tambourins, la moitié du vers est prononcée depuis les coulisses, puis entrent en scène la reine à moitié nue, Felipa, Octavio, le prince de Salerne et des dames.
Des coulisses.

Vive André et la Hongrie.

Autres voix

Vive le roi

Reine

Je meurs et j’enrage. Oh voix infâmes ! Que ne me tue d’abord ma peine chagrine.

Felipa

Où vas-tu ?

Reine

Je suis hors de moi.

Dame

Madame, votre altesse, dans cet état ?

Prince

Dans cet état, ton altesse sort de sa chambre, sans apprêt ?

Octave

Quelle terrible humeur !30

Le contraste est grand entre la liesse générale et l’égarement de Jeanne de Naples, plastiquement traduit par le dévoilement de son corps. Il est d’abord mentionné dans l’indication scénique, puis l’entourage de Jeanne attire l’attention sur cet élément en ayant recours à des expressions y faisant référence, à savoir « dans cet état » expression réitérée à deux reprises, puis « sans apprêt ». Le corps dévoilé de la reine apparaît comme le symbole de sa défaite politique et de sa défaite personnelle face aux passions qui l’agitent et contre lesquelles elle lutte en vain. Force est de constater la cohérence esthétique entre l’idiolecte de la reine, centré sur la passion amoureuse, et le langage gestuel qui traduit dans cette scène, l’égarement provoqué par la passion.

L’expression « mal habillée » apparaît dans la dernière scène de l’acte II. Elle est formulée par Felipa, au cours d’un échange avec Jeanne, échange qui constitue le point culminant de l’acte II. L’intensité de cette scène repose sur un ensemble de procédés dont le premier est sans nul doute sa position à la fin de l’acte, dans un rapport de symétrie inversée avec la scène aperturale du même acte. En effet, c’est dans la première scène de l’acte II que sont signalées pour la première fois une tenue indécente portée par Jeanne et une attitude, une gestuelle inappropriée à son statut de reine. Au cours de la dernière scène de l’acte II, dans un parallélisme saisissant avec la scène d’ouverture de l’acte II, la reine est mise en scène une fois encore « mal habillée », selon les termes de Felipa qui manifeste son étonnement face au comportement irraisonné de la reine. Les interrogations successives de Felipa soulignent l’incongruité de la présence de la reine, au vu de l’heure – « Comment, vous, à cette heure ? » – et des circonstances dans lesquelles arrive la reine, seule et « mal habillée ».

Felipa

Madame, vous ? Comment, vous, à cette heure ?

Reine

Je suis comme morte.

Felipa

Abandonnant ta couche.

Reine

Le motif est sérieux.

Felipa

Avec cette lumière ?

Reine

Je suis aveuglée.

Felipa

Mal habillée31.

Cette série de termes signale que Jeanne de Naples est vêtue d’une toilette qui, loin de correspondre à son statut de reine, est jugée indécente par son entourage. Dans la société espagnole du XVIIe siècle, ces termes désignent en effet des vêtements légers laissant apparaître les contours du corps. Les travaux récents d’Evangelina Rodríguez-Cuadros32 confirment le rapport analogique existant, à cette époque, entre le terme « dénudée » desnuda et celui de « mal habillée » mal vestida. Son analyse, pour ce qui est du domaine hispanique, rejoint celle de l’historien Jean-Claude Bologne sur la mise en scène de la nudité en France au XVIIsiècle. Dans l’ouvrage Histoire de la pudeur, il apparaît que les « limites de la pudeur théâtrale » (p. 232) dans le théâtre classique français sont similaires à celles de la Comedia, à savoir, le décolleté féminin et le port d’un vêtement « censé imiter la chair nue » (p. 233) comme celui revêtu par Madeleine Béjart en 1661, au cours d’une représentation des Fâcheux où l’actrice « parut nue sous les traits d’une naïade sortant des eaux dans une coquille » (p. 232) :

C’était à Vaux, en 1661, à la fête que le surintendant Fouquet offrit au roi Louis XIV. […] Madeleine Béjart était-elle réellement nue au sortir de sa coquille ? Une gravure nous la montre à peine parée d’un collier et de deux bracelets : astuce classique pour dissimuler l’encolure et les poignets d’un maillot. Les courtisans s’y seraient laissé prendre33.

La stratégie de dévoilement appliquée au corps de la reine Jeanne attire l’attention sur les passions qui l’agitent, donnant à voir de la sorte, par le biais du langage gestuel, son manque de tempérance, déjà perceptible dans son idiolecte. Sa tenue indécente, inappropriée eu égard à son statut de reine, permet de visualiser, sur l’espace scénique, son incapacité à gouverner, incapacité liée à son identité féminine. Dans les drames historiques, la stratégie de dévoilement du corps s’applique au personnage de la reine, mais jamais à celui du tyran, cette stratégie représentant de la sorte une spécificité de la mise en scène de l’autorité au féminin.

En conclusion, la problématique de la représentation de l’autorité politique au féminin dans le théâtre historique espagnol, au xviie siècle, telle qu’elle a été abordée à travers la pièce El Monstruo de la Fortuna, La lavandera de Nápoles. Felipa de Catanea, met en évidence l’exclusion violente du féminin hors de la sphère du pouvoir politique. Cette exclusion, qui se justifie au motif de l’incapacité féminine à gouverner s’appuie, dans la pièce étudiée sur différents procédés dramaturgiques – la désignation, l’idiolecte et la mise en scène du corps – mettant en évidence une autorité féminine tyrannique incarnée par la reine Jeanne de Naples et sa favorite. La « caractérisation négative » de Felipa, pour reprendre l’expression de Germana Volpe34, expression que l’on peut également appliquer à la reine Jeanne, les fait toutes deux apparaître comme des figures d’autorité tyrannique, figures antithétiques de celle des reines vertueuses. Par contraste avec ces dernières, Jeanne de Naples et sa favorite s’inscrivent dans un lignage féminin et subversif qui plonge ses racines dans le théâtre antique, en particulier dans des personnages tels que celui de Médée ou d’Antigone, tout en témoignant de la capacité d’invention, de l’audace du théâtre espagnol tel qu’il est conçu et mis en scène au xviie siècle.

Notes

1 Edizione crítica, introduzione e note a a cura di Germana Volpe. Università degli Studi di Napoli “L’Orientale”, Napoli, 2006. Return to text

2 Ibid., p. 65 : « Cotarelo sostiene, sulla base della forte somiglianza tra il monologo di Filippa nel primo atto del Monstruo e le “décimas” del famoso monologo pronunicato da Sigismondo, che l’opera in questione debba essere stata scritta precedentemente “pues Calderón no las hubiera repetido para empeorarlas”. » Return to text

3 Ignacio Arellano, « comedia », in Diccionario de la comedia del Siglo de Oro, Madrid, Castalia, 2002, p. 49: « mezcla de tragedia y comedia; manejo flexible de las unidades dramáticas, división tripartita del drama; polimetría de valor estructural y estético; […] elenco fijo de personajes tipificados (seis personajes básicos: Dama, Galán, Poderoso, Viejo, Gracioso, Criada.  » Return to text

4 « Comedia de enredo. » Return to text

5 « Comedia a lo villano. » Return to text

6 Voir à ce sujet Joseph Perez, Histoire de l’Espagne, Paris, Fayard, 1996, p. 248 : « Après la mort de Philippe II, l’Espagne paraît entrer dans une longue période de turbulences dont elle ne sortira qu’au début du xviie siècle, avec l’avènement des Bourbons. Des monarques falots qui vivent au-dessus de leurs moyens, un trésor vide, une nation qui s’épuise à maintenir son rang de grande puissance, des milliers de mendiants et d’oisifs, voilà l’image qu’on donne le plus souvent de la péninsule sous les règnes de Philippe III, de Philippe IV et de Charles II. […] Du point de vue politique, trois traits caractérisent le xviie siècle espagnol :
1) l’avènement de favoris qui exercent le pouvoir au nom du roi ;
2) l’effort démesuré pour conserver à l’Espagne sa prépondérance en Europe ;
3) l’effondrement de cette puissance dans la seconde moitié du siècle. »
On pourra consulter également l’ouvrage de Raphaël Carrasco, L’Espagne au temps des validos. 1598-1645, Presses Universitaires du Mirail, Université de Toulouse-Le-Mirail, 2009, p. 24-25 : « Ce basculement spectaculaire de la richesse dans la misère, de l’hégémonie dans la dépendance, de l’expansion territoriale à la perte de possessions, ce douloureux effacement du devant de la scène internationale, survenus au cours du xviie siècle, sont autant de symptômes visibles d’une notoire paralysie du système économique, politique et social en vigueur, phénomène qu’on a rangé, avec ses nombreuses et catastrophiques conséquences, dans un tiroir commodément appelé “décadence”. Return to text

7 John H. Elliott, Olivares (1587-1645). L’Espagne de Philippe IV. Traduit de l’anglais par France-Marie Watkins avec le concours de Claire Le-Ho Devianne. Introduction, orientation bibliographique et glossaire par Bartolomé Bennassar. Chronologie par Pascale Arnoux, Paris, Rober Laffont, Collection Bouquins, 1992, p. 43. Première édition : Yale University Press, 1986. Return to text

8 John H. Elliott, Olivares (1587-1645)…, op. cit., p. 56 Return to text

9 Ibid., p. 124 : « Il se lassa vite de la nouveauté du trône ; il abandonna l’étude pour les plaisirs de la chasse. » Return to text

10 Ibid., p. 787-788 : « Si les Espagnols des années 1640 étaient unis sur un point, c’était leur vœu de ne plus jamais voir se répéter l’expérience des années Olivarès. » Return to text

11 I, v. 946-954 : « Carlos, aquesta mujer / en mi Palacio se albergue ; / como a mi misma persona / se lo cure y se remedie ; / y no temas que te falte, / si vida el cielo te concede / a tu valor, mientras viva, / que has de ser, mujer valiente, / en Nápoles otra yo. » Return to text

12 I, v. 966-967 : « Quien lavó tantos pañales / bien ser privada merece. » Return to text

13 Une telle importance est liée aux contraintes sociales qui, dans la société espagnole du xviie siècle, pèsent sur les femmes, plus encore que sur les hommes. En vertu de ces contraintes, les femmes sont placées dans une position de subordination par rapport à l’autorité masculine, que ce soit dans le domaine privé ou public. A titre d’exemple, la littérature de formation consacrée aux femmes en Espagne, aux xvie et xviisiècles, rappelle constamment la nécessaire soumission à une autorité masculine, d’abord paternelle, puis maritale. Au théâtre, dans les drames historiques en particulier, une telle situation se reflète à travers la mise en scène de l’autorité au féminin. Cette mise en scène repose sur une série de procédés dramaturgiques visant à restreindre la portée politique des actes de pouvoir attribués aux personnages féminins impliqués dans un conflit en lien avec le pouvoir. A ce sujet, voir la thèse de Delphine Sangu, Savoir-être au féminin dans le drame historique en Espagne (1625-1680). Vertu et passion. Thèse de doctorat en 2 volumes sous la direction de Madame la Professeure Françoise Crémoux, Université de Paris 8 – Vincennes – Saint – Denis, Département d’Etudes hispaniques et hispano-américaines, 2011. Return to text

14 I, v. 119-122 : « yo de acero y de valor armada/con mis mujeres guardaré la entrada / a Nápoles, adonde altiva y fuerte, / con mis damas, no más le dé la muerte. » Return to text

15 I, v. 832-839 : « Una mujer,/ desesperada y valiente,/ es sola quien resistir/ en vano el motín pretende./ Y las puertas de Palacio/ con una espada defiende,/ cuando hasta al Palacio mismo/ ya los soldados se atreven. » Return to text

16 I, v. 907: « Más pareces monstruo. » Return to text

17 Cristóbal De Virués, La gran Semíramis. Elisa Dido. Edición de Alfredo Hermenegildo, Madrid, Cátedra, Letras Hispánicas, 2003, [Primera publicación en Obras trágicas y líricas del Capitán Virués, impresa en Madrid, el año 1609 a coste de Esteban Bogia, mercader de libros].p.101: « Aujourd’hui dans son vêtement tragique vous est offerte/la vie et la mort de la grande Sémiramis,/Reine tyrannique de la grande Assyrie. » Return to text

18 On consultera à ce sujet l’ouvrage de José-Antonio Maravall, La philosophie politique espagnole au xviie siècle dans ses rapports avec l’esprit de la Contre-Réforme. Traduit et présenté par Louis Cazes et Pierre Mesnard. Edition enrichie d’une série de « devises » représentant les principaux aspects de cette philosophie politique, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1955. JoséAntonio Maravall aborde la question de la tempérance en se référant au Jésuite Pedro de Ribadeneyra pour qui la tempérance se définit comme « l’appétit concupiscible » et « les excès de la gourmandise et de la luxure. », p. 214.
La nécessité de cette vertu chez le Prince se justifie d’après l’analyse suivante, formulée par José-Antonio Maravall : « L’ordre et la modération dans la vie intérieure de la société dépendent dans une large mesure de la tempérance et de la chasteté des citoyens sur lesquelles ces mêmes vertus, quand elles se trouvent chez le Prince, exercent l’influence que nous savons. », ibid. Return to text

19 Robert A. Lauer, Tyrannicide and drama. Part I : the tradition of tyrannicide from Polybius to Suarez. Part II: the tyrannicide drama in Spain from 1579 to 1698, Stuggart, Franz Steiner Verlag Wiesbaden GMBH, 1987, p. 91 : « In this period, tyranny appears to be the exercise of a vice taken to its utmost degree, with disastrous consequences for kingdoms, cities and persons. A tyrant is a defective human being who is ruled by inordinate passions that transform himself into a beast regardless of his claim to power. Tyrannicide is the mean to remedy an offensive situation but only if the person exercising such a venture has impeccable intentions. » Return to text

20 II, v. 1849-1852: « […] yo soy reina, / yo tengo esposo y no es justo / que mis pasiones no venza. / Yo lo quise. » Return to text

21 I, v. 658-661: « Yo vi a Juana, y yo vi en ella/una deidad, a quien debe / más vitorias el amor, / que a sus flechas.  » Return to text

22 II, v. 1327-1331: « En los oídos,/no hay pasión, como en los ojos, / jueces tan antojadizos, / que viendo las diferencias/ se subornan de los vicios. » Return to text

23 Juan Blázquez Miguel, Eros y Tanatos. Brujería, hechicería y superstición en España. Prólogo de Julio Caro Baroja, Toledo, Editorial Arcano, 1989, p. 230 : « englobaba cuantas enfermedades no tuviesen un cuadro clínico definido. » Return to text

24 Martine Bigeard, La folie et les fous littéraires en Espagne : 1500-1650, Paris, Centre de Recherches hispaniques, Institut d’Etudes hispaniques, 1972, p.164. Return to text

25 « Descúbrese la cabeza de Felipa a una parte y el cuerpo a otra» Return to text

26 III, v. 3039-3043: « ¡ Ah cielos ! ¿ Qué es lo que miro ? / ¡Qué tan presto obró el rigor/ cobarde y no compasivo! /Y es que siempre la inocencia/tiene más cerca el peligro. Cúbrenla. » Return to text

27 José María Ruano de la Haza, La puesta en escena en los teatros comerciales del Siglo de Oro, Madrid, Castalia, 2000, p. 313 : « Entre los numerosos efectos especiales que los actores ejecutaban, dentro o fuera de escena, uno de los más populares era sin duda la cabeza cortada. En una “memoria” de venta de vestimentas teatrales de 1608 encontramos por ejemplo, “dos docenas de cabezas de todas suertes” (Augulló, “Cornejos”, 188). En todos estos casos se trataba con seguridad de cabezas de cartón recubiertas de cuero pintado al que se pegaba una cabellera, como las “seis cabezas” valoradas en 12 reales que se incluyen en la “memoria” del hato para representar que Baltasar Pinedo vendió a Juan Granados en 1605 (Pérez Pastor, 2.a serie, 371). » Return to text

28 Ibid., p. 315 : « las cabezas degolladas o no, se mostraban manchadas de sangre. Ésta se nombra muy a menudo en las acotaciones de comedias y, en la mayoría de los casos, parece provenir de animales. » Return to text

29 Ibid. p. 316 : « le sang était placé dans des vessies, dissimulées sur le corps ou entre les plis des vêtements de l’acteur. Ainsi, dans La fundadora de la Santa Concepción, de Fernández de Mesa, nous apprenons que pour l’action scénique suivante a été employée “une petite vessie remplie de sang, reliée par un fil au doigt, telle que l’utilise doña Beatriz de Silva” : Doña Beatriz va sortir et elle s’arrête en face du vestiaire et elle prend une petite vessie remplie de sang, pourvue d’un lacet par lequel elle la fixe à un doigt […] La Reine frappe doña Beatriz avec le poignard, cette dernière l’arrête avec la main, et serrant le poignard de cette même main, elle transperce la petite vessie, de sa main ensanglantée elle saisit le poignard pour qu’il soit couvert de sang et en cachette, elle fait tomber la vessie, le poignard ne doit pas avoir de côté tranchant (p. 87) ». [« la sangre se hallaba en vejigas, ocultas en el cuerpo o entre los pliegues de la ropa del actor. Así, en La fundadora de la Santa Concepción, de Fernández de Mesa, encontramos que para la siguiente acción escénica se utilizó “una vejiguilla llena de sangre que tenga un hilo para afianzarla en un dedo, de que usa doña Beatriz de Silva”: Va doña Beatriz a entrarse y detiénese dentro de la puerta, el rostro al vestuario, y toma una vejiguilla llena de sangre que tenga una lazada con que la afiance en un dedo [...] Tira la Reina un golpe con el puñal a doña Beatriz y repárale con la mano, y apretando el puñal con ella revienta la vejiguilla y corre con la mano ensangrentada el puñal para que se ensangriente y con disimulo deja caer la vejiguilla y el puñal no ha de tener filos (p. 87) ».
José María Ruano de la Haza donne un autre exemple pour figurer le sang au théâtre, celui de l’emploi du vin, idem : « Dans le manuscrit d’Antonio Roca, de Lope, le sang est du vin rosé : “Dénudant son bras, il perce, avec le poignard, une vessie et le sang qui la remplit jaillit, ce sera du rosé (fol.39v). » [« En el manuscrito de Antonio Roca, de Lope, la sangre es vino tinto: « Desnudándose el brazo, pica con el puñal una vejiga y va saliendo la sangre de que ha de estar llena, que será clarete (fol.39v). »] Return to text

30 II, v. 968-977: « Tocan atabalillos y dicen dentro medio verso y medio y salen la reina medio desnuda, Felipa y Octavio y el príncipe de Salerno y damas. Dentro
Viva Andrés y Hungría viva. Otros Viva el rey. Reina Rabiando muero./ ¡Oh infames voces! Primero/ me mate mi pena esquiva. Felipa ¿Dónde vas? Reina No estoy en mí. Dama Señora, ¿assi vuestra alteza? Príncipe ¿Tu alteza se sale assi/ de su cuarto, sin acuerdo ? Octavio ¡Qué terrible condición! » Return to text

31 II, v. 1964–1969: « Felipa Señora, ¿ vos ? ¿Cómo vos a estas horas? Reina Vengo muerta. Felipa Dejando el lecho. Reina Hay gran causa. Felipa ¿Con esa luz? Reina Estoy ciega. Felipa Mal vestida. » Return to text

32 Evangelina Rodríguez-Cuadros, La técnica del actor español en el Barroco. Hipótesis y documentos, Madrid, Castalia, 1998, p. 602: « “desnuda” : se tomaba en su acepción de “muy mal vestido e indecente” en términos puramente materiales. Además, ya el Diccionario de Autoridades permite sugerir que el tipo de vestuario imitador de la estatuaria clásica se conocía en España, pues por « desnudo » también entiende « la disposición de los miembros del cuerpo » en una pintura o en una escultura “que se reconoce y se deja ver aun estando vestida la estatua o imagen. » [« “dénudée” s’entendait dans son acception de “très mal habillé et indécent” en termes purement matériels. De plus, le Diccionario de Autoridades permet de suggérer que le type de garde-robe imitant la statuaire classique était connu en Espagne car par “dénudé” on comprend aussi “l’harmonie des membres du corps” dans une peinture ou une sculpture “qui se devine et se laisse voir même si la statue ou l’image est vêtue. » Return to text

33 Jean-Claude Bologne, Histoire de la pudeur, Paris, Perrin, 1999. [Première édition : Olivier Orban, 1986], p. 232-233 : « C’est dans les indications de mise en scène que l’on suite le mieux les limites de la pudeur théâtrale. Adraste, “l’amour peintre”, demande ainsi au modèle qu’il convoite de se montrer plus complètement et “découvre un peu plus sa gorge”. Les ministres du sacrifice, dans Les Amants magnifigues, sont par contre “habillés comme s’ils étoient presque nuds”. Notation doublement intéressante. D’abord parce qu’elle prouve que la pudeur alors ne se contentait pas d’un pagne ou d’un voile comme pour les statues, mais exigeait de véritables habits mimant la nudité, même partielle ! Ensuite, parce qu’il est tentant d’y voir l’ancêtre du maillot qui s’imposera sur scène au xviiie siècle. C’est en tout cas la première mention d’un vêtement de décence censé imiter la chair nue. » Return to text

34 Germana Volpe, El Monstruo de la Fortuna […], op. cit., p. 71. Return to text

References

Electronic reference

Delphine Sangu, « Une reine tyrannique : Jeanne de Naples et sa favorite », Cahiers du Celec [Online], 3 | 2012, Online since 07 juin 2023, connection on 05 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=724

Author

Delphine Sangu

Université de Nantes

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