L’auteur à l’étranger, un auteur en partage ?

DOI : 10.35562/celec.94

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Existe-t-il un tel lien entre l’auteur et la nation, que le déplacement du premier hors de la seconde entraîne des conséquences notables ? Telle est la question qui sous-tend toutes celles que ce colloque va examiner, dont le domaine d’application est historiquement large, mais que l’on restreindra ici à la période où, précisément, les nations se construisent, s’affirment, puis sont mises en question dans le monde occidental, c’est-à-dire les deux derniers siècles. Elle a pour corollaire cette autre question qui, elle, concerne l’époque immédiatement contemporaine : si l’on considère que la littérature est entrée ou entre dans une ère « post-nationale1 » – que l’on comprenne le « post-national » comme le dépassement des états-nations au profit d’entités plus larges comme l’Europe2, ou bien comme un autre nom de ce que d’autres appellent la migritude3 – la notion même d’auteur étranger garde-telle un sens ? C’est vers cette interrogation que ces quelques remarques introductives se dirigeront. Mais il est nécessaire d’abord, avant donc d’examiner de plus près la notion d’« étranger », de rappeler que celle d’auteur n’est pas moins problématique, et de se demander ce que l’on peut, ou ce que l’on a pu, entendre par « auteur étranger ».

Prenons la question concrètement, d’abord, comme le fait sur son site la Fédération Interrégionale du Livre et de la Lecture, qui consacre une fiche pratique à l’« Accueil des auteurs étrangers4 ». Les choses semblent claires et simples : les questions soulevées à propos de « l’auteur à l’étranger » sont celles des autorisations de séjour et des visas, et celles des droits d’auteur ; les termes ne posent guère de problème de définition, seule est donnée celle d’« étranger » : « l’auteur accueilli est étranger et vit à l’étranger » ; le mot auteur est considéré comme allant de soi, simple équivalent d’écrivain ; enfin, il est évidemment question d’auteurs vivants, qui voyagent physiquement. Visiblement, la mort de l’auteur proclamée par Roland Barthes, en 1968, dans un article demeuré célèbre, a fait long feu5 ; on sait d’ailleurs que, dès l’année suivante, Michel Foucault définissait l’auteur comme « un certain foyer d’expression qui, sous des formes plus ou moins achevées, se manifeste aussi bien, et avec la même valeur, dans des œuvres, dans des brouillons, dans des lettres, dans des fragments6 ». Faisant référence à saint Jérôme, il posait surtout la notion de « fonction-auteur », entendue comme la garante de l’authenticité et de la cohérence d’une œuvre, selon quatre critères : un certain niveau constant de valeur ; un certain champ de cohérence conceptuelle ou théorique ; une unité stylistique ; un moment historique défini.

Si l’écrivain est celui qui écrit, le poète celui qui fabrique, qui crée, l’auteur est certes comme eux un foyer d’expression ; il est aussi celui qui assume l’auctorialité et répond de son œuvre, celui qui assume son identité ; mais il est encore l’auctor, celui qui ajoute une valeur à ce qu’il a inauguré, créé, donc un foyer d’autorité. D’où son fonctionnement actuel comme un label, voire comme une marque dans le marché des biens culturels : le nom de l’auteur identifie un type de produits, on achète « un Agatha Christie », « le dernier Marc Lévy »… Cela vaut pour la littérature de grande diffusion, mais aussi pour les auteurs canoniques du passé : on achète, on lit un Molière, un Shakespeare, un Balzac, un Dickens… Ce nom de l’auteur ne renvoie pas forcément à une personne physique. D’abord parce que derrière le nom se cache parfois en réalité un collectif, une entreprise : ce fut le cas pour Alexandre Dumas, et plus près de nous pour la « galaxie Sulitzer » ; aux Etats-Unis, pour faire face à la demande des lecteurs avides de thrillers, Tom Clancy ou Clive Cussler font appel à des « collaborateurs ». Ce peut être aussi parce que le nom de l’auteur n’est pas celui du scripteur : pour reprendre des exemples célèbres, Colette avait laissé son mari Willy signer ses premiers livres, Madeleine de Scudéry avait publié sous le nom de son frère Georges ; et combien de nègres, de « ghost writers » ont-il été oubliés ? Le nom de l’auteur peut aussi être un pseudonyme (Molière, Stendhal). Le même scripteur, la même personne physique, peut publier des œuvres différentes sous des noms d’auteur différents : c’est Romain Gary devenant Émile Ajar, ou l’auteur de la bande dessinée historique Blueberry, Jean Giraud, publiant sous le nom de Moebius des bandes dessinées de science-fiction. Le nom de l’auteur peut être aussi une supercherie (Ossian), une erreur d’attribution (le pseudo-Sénèque auteur de la tragédie Octavie, le pseudo-Longin auteur du Traité du sublime…), ou une identité hypothétique (Homère, Marie de France…). On doit aussi prendre en compte la notion, introduite dans la critique littéraire par Wayne C. Booth, d’« auteur implicite », image de lui-même qu’un auteur projette dans son œuvre lorsqu’il écrit, ou image que les lecteurs se font de lui à la lecture de son texte7.

La liste n’est pas close, mais avec ces quelques exemples on voit qu’un nombre important de variations de la formule « l’auteur à l’étranger » devient possible, variations que l’on ne peut pas faire fonctionner dans le système simple de la fiche pratique citée en commençant : outre que beaucoup de ces auteurs sont morts, accueillir l’auteur d’un livre, celui qui le signe et l’autorise, ne signifie pas forcément accueillir celui qui l’a écrit, et réciproquement accueillir celui qui l’a écrit n’est pas forcément accueillir son auteur.

Réfléchir à ce qu’il advient d’un « auteur à l’étranger », ce n’est donc pas seulement s’intéresser aux voyages ou aux exils d’un écrivain, mais aussi aux traductions et réceptions d’une œuvre, – et l’on entend alors dans cette expression comme un écho du livre d’Antoine Berman L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique8. J’emprunterai ici un exemple particulièrement frappant à Orham Pamuk, dans le discours qu’il a prononcé lors de la remise de son doctorat honoris causa à l’Université de Rouen9. Cet exemple est celui de Flaubert, encore jeune, avant l’écriture et la publication de Madame Bovary. Il est « à l’étranger », puisqu’il est hors de la France, son pays natal. De retour de son voyage en Palestine, il fait étape à Constantinople. Et c’est là, le 15 décembre 1850, qu’il écrit à sa mère, inquiète de son célibat prolongé, que, pour être un écrivain, pour peindre « le vin, l’amour, les femmes, la gloire », il doit se tenir à l’écart de la vie ordinaire car, « mêlé à la vie, on la voit mal, on en souffre ou [on] en jouit trop », et qu’il se résigne donc à vivre « seul, avec [s]a foule de grands hommes qui lui tiennent lieu de cercle ». Or, explique Orham Pamuk, lui-même, quand il était encore un apprenti écrivain, turc, vivant plus d’un siècle plus tard dans la même ville devenue Istanbul, avait pris Flaubert pour modèle : ce n’était plus alors de la personne physique du jeune écrivain Gustave Flaubert lors de son voyage à l’étranger qu’il s’agissait, mais de l’auteur Flaubert tel qu’il était perçu, reçu, dans un pays étranger au sien, par un jeune homme lui-même doublement étranger à lui, à la fois par l’écart temporel et par la distance géographique. Les comparatistes sont familiers de ce type de questionnements, qui ont suscité au siècle dernier une longue lignée de thèses célèbres, comme celle d’Alain Montandon sur La Réception de Laurence Sterne en Allemagne10. Ici, l’on a un exemple frappant de la réception de Flaubert en Turquie, plus précisément de la réflexion de Flaubert par un jeune écrivain turc. Or qu’est-ce que, dans les années 1970, Orham Pamuk recevait de Flaubert ? D’abord, ce qu’il désigne dans son discours de Rouen comme les principes de l’« éthique littéraire moderniste11 », c’est-à-dire la nécessité de se tenir à l’écart de la vie bourgeoise, et l’identification à de grands auteurs. Cette éthique, ajoute-t-il, est un modèle efficace et nécessaire « dans les pays non-occidentaux en particulier, où la culture moderne du roman et de la littérature ne sont pas enracinés12 ». Mais, continue-t-il, cette élection de grands modèles (Proust, Joyce, Kafka, Pessoa, Benjamin, Borges) et le véritable culte qui leur est voué présentent un danger : celui que l’on veuille imiter leur vie, leur éthique, plus que leur œuvre, celui aussi que l’on ne considère après eux la littérature que comme destinée à une élite : c’est Georges Pérec reconnaissant en lui un « vouloir être Flaubert13 », tout comme Victor Hugo voulait être « Chateaubriand ou rien ». Aussi Orham Pamuk termine-t-il en disant préférer aujourd’hui, pour « être Flaubert », prendre pour modèle non pas son éthique, mais son « langage narratif », ce style indirect libre qu’avant lui Goethe et Jane Austen avait utilisés, et qui a eu une influence décisive sur l’essor du roman dans « beaucoup de pays non-occidentaux14 ».

Le discours de Pamuk, qui est ici simplement résumé, donne de l’« auteur » une définition implicite : c’est un écrivain qui a créé une œuvre digne d’admiration et suscitant l’imitation – c’est-à-dire une œuvre classique – et qui est lui-même érigé en modèle, en figure proposée à l’identification, qui fait autorité. Ce texte ne creuse pas moins le sens du mot « étranger ». Le Flaubert de Pamuk est un étranger au moins en trois sens différents : parce qu’il se tient à l’écart de la vie ordinaire, bourgeoise, donc qu’il assume un rôle social différent de ceux de ses proches ; parce qu’il est français et que Pamuk est turc, donc qu’il appartient à une nation différente ; parce qu’il représente l’Occident dans un pays ici défini comme « non-occidental », donc qu’il appartient à une aire politico-culturelle différente.

Munis de ces définitions de l’auteur étranger, revenons aux deux problèmes concrets que mentionnait la fiche pratique concernant son accueil, à savoir la question du visa et celle de la rémunération.

Le visa d’abord : comment faire venir un auteur – son œuvre – dans un pays étranger ? Est-ce possible, et par quels moyens ? La question se pose de manière particulière pour un écrivain qui est déjà devenu un auteur classique dans son propre pays : peut-il « passer » dans un autre ? Une gloire nationale se partage-t-elle avec d’autres nations ? Si l’on en croit Borges, rien n’est moins sûr :

Est classique le livre qu’une nation, ou un groupe de nations, ou la durée, ont décidé de lire comme si, dans ses pages, tout était délibéré, fatal, profond comme le cosmos et susceptible d’interprétations sans fin. Il va de soi que ces décisions varient. Pour les Allemands et les Autrichiens, Faust est une œuvre géniale. Pour d’autres, c’est une des formes les plus mémorables de l’ennui15.

Ceux qui passent les frontières ont donc besoin d’un « visa ». Le plus nécessaire est la traduction. Les plus efficaces passeurs sont les traducteurs qui sont eux-mêmes des auteurs, des écrivains autorisés et porteurs d’autorité : ainsi Chateaubriand traducteur de Milton, Nerval traducteur des romantiques allemands, Baudelaire traducteur de Poe… L’auteur traduit, passé dans une langue et un pays étrangers partage alors son autorité avec son traducteur. Un autre type de « visa » est la préface, l’introduction, le patronage assumé par une autorité locale qui se porte garante de l’autorité importée : ainsi Valéry Larbaud qui préface la traduction française de As I lay dying, faisant de cette traduction, Tandis que j’agonise, un texte phare de la modernité. Gaston Gallimard écrivait d’ailleurs à Maurice-Edgar Coindreau, le traducteur de Faulkner, le 26 février 1933, que pour tous les ouvrages de la collection « Du Monde entier », dans laquelle ce livre est paru, il était « nécessaire d'avoir une préface d'un auteur connu16 ». Troisième type de visa, variante de la préface, le compte rendu dans une revue peut s’avérer d’une grande efficacité : pour Le Bruit et la Fureur, celui que Sartre a publié dans la NRF, en juillet 193917, a achevé de constituer Faulkner en grand écrivain du siècle.

Une fois la frontière passée, grâce aux visas que constituent la traduction, et/ou le patronage d’un autre auteur, local, qu’advient-il de l’auteur ? Obtient-il un bénéfice, une rémunération, quant à son statut d’auteur et à sa valeur nationale ?

Si l’auteur qui passe à l’étranger n’est pas encore une gloire nationale, un auteur consacré, le bénéfice de ce passage est en général considérable, car c’est le fait justement d’être traduit et publié dans un pays étranger, surtout si celui-ci est un centre reconnu de la « république mondiale des lettres18 », qui fait accéder l’écrivain à l’autorité et qui le canonise. L’échange peut se jouer entre deux nations jouant un rôle à peu près égal ; mais, la plupart du temps, ce n’est pas le cas, et il s’agit d’écrivains venus d’une nation « mineure » accueilli dans une nation « majeure ». On peut reprendre le cas de Faulkner et de sa traduction française : avant 1933, Faulkner est encore perçu aux Etats-Unis comme un écrivain régional, et c’est « la consécration française, décernée par les écrivains et les critiques les plus éminents qui, seule, a permis à l’Américain d’atteindre, de son vivant, à la reconnaissance dans son propre pays à la fin des années 4019 ». On peut penser à l’inversion de ce mouvement qui s’est produite à la fin du XXe siècle, aux auteurs français de la french theory consacrés, canonisés à cause de leur passage aux Etats-Unis, de Jacques Derrida à Monique Wittig. On peut penser aussi au décalage entre la réception de l’œuvre de Michel Houellebecq en France et hors de France.

Lorsque, en revanche, l’auteur est déjà une gloire nationale, un auteur classique, canonique, son passage à l’étranger par la traduction peut renforcer ce statut, et faire de lui une forme d’emblème de sa nation. S’il a la chance de porter en outre le même nom que sa nation, comme Walter Scott, la réussite est totale ! Mais même sans cela, l’équation entre l’auteur et sa nation d’origine – ou sa langue – se réalise aisément : que l’on pense aux clichés que sont les périphrases « la langue de Shakespeare », « le pays de Goethe » etc. L’image qu’une nation se fait d’une autre nation se cristallise ainsi volontiers sur le nom de son ou de ses « grands écrivains ». Les traductions et les commentaires visent alors à les exotiser le plus possible, à souligner leur caractère « étranger », étrange pour la culture qui les accueille. Ainsi l’une des premières étapes de la réception d’Ismaïl Kadaré en France a-t-elle consisté à faire de lui un « rhapsode albanais20 », témoin et gardien du passé légendaire et de l’art du récit donnés pour le « génie » de sa nation.

Mais, à l’inverse, l’auteur à l’étranger peut connaître une dénationalisation, sous deux formes différentes, celle d’un changement de nationalité, ou celle d’un dépassement de la nationalité. On les rencontre toutes deux dans un même exemple, celui des célébrations françaises du centenaire de la mort de Goethe, en 193221. Ce centenaire, en effet, a été spectaculairement célébré en France : par des numéros spéciaux de revues, la Revue de littérature comparée, la Nouvelle revue française, Europe et d’autres, mais aussi par des expositions et des célébrations officielles. Or, si l’on en croit leur recension parue dans la Revue de littérature comparée (12ème année, 1932), sans doute rédigée par Fernand Baldensperger, son directeur, on constate dans ces célébrations françaises une volonté « de réinscrire la personne de Goethe dans la France et l’Europe contemporaines22 » ; il est présenté ou bien comme porteur du « génie français », ou bien comme précurseur d’une Europe unie. Il y a bien quelques voix discordantes, comme celle de Paul Claudel qui voit en Goethe « un des trois mauvais génies de l’Allemagne23 ». Mais le Goethe qui est célébré en France en 1932, quand le souvenir de la première guerre mondiale est toujours bien présent, que la Société des Nations essaie d’empêcher qu’elle ne reprenne, et que les nazis sont en train d’accéder au pouvoir de l’autre côté du Rhin, c’est volontiers un Goethe « français », français parce que classique, homme des Lumières, de la mesure, de la raison, du bon goût : non seulement un ami de la France, un frontalier, mais un auteur que l’on pare de toutes les valeurs attribuées à la littérature française. On trouve aussi, sous la plume de Jean-Marie Carré dans son Goethe publié dans la collection des « Vies des hommes illustres » de Gallimard en 1927, l’exaltation du « grand cosmopolite et bon européen », sous celle de Benjamin Crémieux l’éloge de celui qui a fait de Weimar « un des lieux saints de la patrie européenne24 ». Le passage « à l’étranger », en France, de Goethe, modifie clairement dans ces cas l’autorité de Goethe, occultant son rapport à la nation, effaçant du même coup son statut d’étranger. En traduisant et en important Goethe de cette manière, la littérature française ne fait en réalité que renforcer la légitimation de sa propre valeur.

La capacité de récupération, d’annexion, de dénaturation de l’identité nationale d’un auteur par le pays qui l’édite et le consacre reste grande, en effet, comme elle l’avait été dans un passé plus lointain. Dans son étude sur La création des identités nationales, Anne-Marie Thiesse donne l’exemple particulièrement frappant de la réception d’Ossian en France25. En 1760, James Macpherson, jeune homme pauvre mais ambitieux publie, à la demande de son professeur Hugh Blair, des Fragments of Ancient Poetry, collected in the Highlands of Scotland and translated from the gaelic or erse language by James Macpherson, puis, en 1761, Fingal, an Ancien Epic Poem, in 6 books, together with several other Poems, composed by Ossian, the son of Fingal: translated from the gaelic language by James Macpherson. Ossian est né. L’auteur a été inventé, et légitimé par le double processus de la traduction, d’une langue à la fois ancienne et régionale, vers l’anglais moderne, la langue du « centre » et du pouvoir, et par le patronage d’une autorité scientifique. Mais sa poésie ne reste pas cantonnée aux îles britanniques, elle se répand sur toute l’Europe, connaissant un phénoménal succès parce qu’elle rencontre le désir, dans des nations européennes en train de s’affirmer, de contester l’hégémonie politique et culturelle de la France classique, avec sa célébration de l’antiquité gréco-latine, et la volonté de lui susciter des modèles, des antiquités concurrentes. Seulement, ce succès est tel qu’évidemment il touche aussi la France, et qu’Ossian, lancé pour concurrencer le goût français, deviendra aussi français… grâce à Bonaparte, lecteur enthousiaste, qui fait décorer la Malmaison, en 1802, par un tableau de Girodet représentant « Ossian recevant les héros français », lesquels héros français sont Desaix, Kléber, Marceau, Hoche, Dampierre, Dugommier. Naîtra ensuite à Paris l’Académie celtique, qui élira les Gaulois comme ancêtres des Français, et désignera la Bretagne comme leur terre d’origine26. Il ne reste pas un grand pas à franchir pour penser qu’Astérix le Gaulois n’aurait pas existé sans l’invention d’Ossian, et donc que cette fiction d’auteur, génie celte de l’Écosse, devenu l’inspirateur ou le modèle des épopées nationales européennes, a fini par créer les conditions nécessaires à la naissance de l’un des héros emblématiques de la France, alors qu’elle avait été utilisée en grande part pour lutter contre son hégémonie culturelle…

Du même coup, les frontières se brouillent, voire s’effacent, les mots « étranger » et « auteur » aussi : Ossian, faux auteur du passé celtique, est-il un étranger ou au contraire un père fondateur pour les Écossais du XVIIIe siècle ? Pour les Anglais ? Homère, tous les auteurs antiques, sont-ils des étrangers pour ceux qui vivent après eux sur le même sol qu’eux, et pour ceux qui vivent sur d’autres sols27 ? Les auteurs sont-ils au contraire offerts en partage à tous, et sont-ils également partagés par tous ? Telle est la dernière question à laquelle le titre de ce colloque nous conduit in fine, et que nous laisserons ouverte.

Le monde où nous vivons connaît toujours des revendications identitaires, nationales, linguistiques fortes, et celles-ci mobilisent toujours l’autorité de « grands écrivains », qu’ils soient nationaux ou étrangers, à leur profit. Des « grands auteurs » de la littérature mondiale se voient aujourd’hui traduits dans des langues réputées « mineures » ou « non littéraires », ou des langues parlées par une population peu nombreuse, comme par exemple les différents créoles. La traduction de Proust en créole haïtien qu’a entreprise Guy Régis Junior, après celles de Camus, de Koltès et de Maeterlinck, participe de la légitimation de cette langue en tant que langue écrite, de même que, explique David Bellos28, le traducteur estonien de Georges Pérec veut montrer que la langue estonienne « est assez riche pour accueillir une œuvre de cette envergure29 ». L’auteur canonique étranger est, dans ce cas, traduit pour valoriser la langue qui l’accueille, et/ou la nation qui parle cette langue.

Ce processus de traduction des classiques européens dans les langues des pays anciennement colonisés – Proust traduit en créole – veut inverser celui que l’impérialisme et la colonisation avaient généralisé : l’écriture des (ex) colonisés dans la langue de l’empire, dans la langue du colonisateur. La langue du pays d’accueil est, en effet, parfois la même que celle dans laquelle est écrite l’œuvre de l’auteur importé : c’est ce qui se passe notamment quand des auteurs de pays (anciennement) colonisés écrivent dans la langue de la nation (anciennement) colonisatrice. Il ne s’agit pas alors d’être traduit, mais d’être publié dans une maison d’édition prestigieuse et centrale. Se retrouvait, durant la période coloniale, la nécessité d’un « visa », octroyé par une autorité littéraire, sous la forme d’une recommandation, d’une préface, d’un compte rendu… La même année 1935 avait ainsi vu deux romanciers indiens écrivant en anglais, quasiment inconnus chez eux, être publiés à Londres, ce qui avait lancé leur reconnaissance ultérieure comme « grands écrivains » indiens : R. K. Narayan, auteur de Swami and Friends, recommandé par Graham Greene à l’éditeur londonien Hamish Hamilton – G. Greene a d’ailleurs aidé Narayan à reformuler le titre du roman, en référence à celui de Kipling Stalky and Co –, et Mulk Raj Anand, auteur d’Untouchable, préfacé par E. M. Forster. Ces processus et phénomènes sont largement étudiés par la critique postcoloniale. Le choix de la langue du colon n’est pas forcément le signe d’une dépendance, d’une minorité, ni celui d’un désir d’assimilation. Au contraire, il peut manifester la revendication d’une identité et d’une différence ; c’est Kateb Yacine proclamant :

La francophonie est une machine politique néocoloniale, qui ne fait que perpétuer notre aliénation, mais l’usage de la langue française ne signifie pas qu’on soit l’agent d’une puissance étrangère, et j’écris en français pour dire aux français que je ne suis pas français30.

Mais ce choix reste ambivalent – et d’ailleurs Kateb Yacine s’est tourné finalement vers la langue arabe.

Car il est bien des langues qui sont parlées par plus d’une nation, et il est aussi bien des nations où l’on parle plusieurs langues ; le passage à l’étranger n’implique donc pas toujours la traduction, et réciproquement, la traduction ne signifie pas forcément passage à l’étranger. Les nations elles-mêmes voient leur définition, leurs frontières, bouger ou disparaître. Il existe des auteurs qui pratiquent plusieurs langues, se font traduire ou s’auto-traduisent de l’une vers l’autre, changent de langue, de nationalité, d’identité au cours de leur vie ; il en est même qui écrivent simultanément dans des langues différentes : Myriam Suchet appelle leurs textes « hétérolingues », et leur consacre ses recherches actuelles31. Dans tous ces cas l’autorité et l’identité linguistique ne coïncident pas ; l’autorité et l’identité nationale non plus, car cette notion même d’identité nationale n’a plus lieu d’être, là où l’on parle de littérature postnationale32 ou de pluralisme33. C’est que, même si ses transformations ne coïncident pas toujours avec celles de l’espace géopolitique, l’espace littéraire est aujourd’hui en pleine mutation, et que ces mutations mettent sérieusement en cause les catégories sur lesquelles l’histoire littéraire a fonctionné pendant deux siècles au moins, celle des littératures nationales et de leurs auteurs canoniques34, au profit du concept de littérature mondiale pensé dans tous ses avatars, depuis Goethe et les romantiques allemands, par Marx, puis Erich Auerbach, Etiemble, Edward Said, jusqu’à Franco Moretti et Pascale Casanova. Comme en avertissaient dès 2005, dans leur bilan, Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault, « depuis qu’elle a été inventée par Goethe, qui faisait de l’Europe un centre pour la penser, la littérature mondiale s’est déplacée, étendue, reconfigurée. Elle a vu émerger d’autres centres et a dû réaménager la cartographie de ses périphéries35 ».

Dans ce nouvel espace, les lignes de partage entre langues et nations ont bougé, tout comme les partages dont l’autorité d’un écrivain peut faire l’objet : ces partages inégaux que l’on vient d’évoquer, où l’autorité est captée, confisquée, effacée, n’y ont pas disparu. Mais il y a aussi les partages qui veulent être égaux, ceux des grandes utopies qui rêvent de mettre en commun ces êtres non pas étrangers mais étranges, hors normes, différents, que sont les « phares », les « génies », les « modèles ». On n’en rappellera ici que quelques jalons ; d’abord la vision de Chateaubriand, qui, en 1836, commence en dessinant des lignées de littératures nationales, puis efface les frontières pour envisager les « peuples » et « l’esprit humain » :

Shakespeare est au nombre des cinq ou six écrivains qui ont suffi aux besoins et à l'aliment de la pensée : ces génies mères semblent avoir enfanté et allaité tous les autres. Homère a fécondé l'antiquité ; Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Horace, Virgile sont ses fils. Dante a engendré l'Italie moderne, depuis Pétrarque jusqu'au Tasse. Rabelais a créé les lettres françaises ; Montaigne, La Fontaine, Molière viennent de sa descendance. L'Angleterre est toute Shakespeare, et, jusque dans ces derniers temps, il a prêté sa langue à Byron, son dialogue à Walter Scott.

On renie souvent ces maîtres suprêmes ; on se révolte contre eux ; on compte leurs défauts ; on les accuse d'ennui, de longueur, de bizarrerie, de mauvais goût, en les volant et en se parant de leurs dépouilles ; mais on se débat en vain sous leur joug. Tout se teint de leurs couleurs ; partout s'impriment leurs traces : ils inventent des mots et des noms qui vont grossir le vocabulaire général des peuples ; leurs dires et leurs expressions deviennent proverbes, leurs personnages fictifs se changent en personnages réels, lesquels ont hoirs et lignée. Ils ouvrent des horizons d'où jaillissent des faisceaux de lumière ; ils sèment des idées, germes de mille autres ; ils fournissent des imaginations, des sujets, des styles à tous les arts : leurs œuvres sont des mines inépuisables ou les entrailles mêmes de l'esprit humain36.

On peut citer aussi le rêve d’Henri David Thoreau dans Walden, en 1854 :

Le temps, en vérité, sera riche, où ces reliques, que nous appelons les Classiques, et les Ecritures encore plus anciennes et plus que classiques, mais encore moins connues, des nations, se seront davantage encore accumulées, où les vaticans seront remplis de Védas et Zend-Avestas et Bibles, d’Homères et Dantes et Shakespeares, et où tous les siècles à venir auront successivement déposé leurs trophées sur le forum de l’univers. Grâce à quelle pile nous pouvons espérer enfin escalader le ciel37.

En même temps que s’effacent les nations, les noms des auteurs s’écrivent au pluriel.

On mentionnera enfin, en empruntant cette référence à Danielle Perrot-Corpet et Lise Gauvin qui l’utilisaient pour introduire leur volume consacré à la formule, lancée par Carlos Fuentes, de « la nation nommée roman38 », la définition par Salman Rushdie du « Parlement international des Écrivains », où l’on remarquera la disparition à la fois des auteurs, redevenus simplement « écrivains », et des nations politiques, remplacées par les domaines où s’opère le « partage du sensible39 » :

Les écrivains sont citoyens de nombreux pays : la région finie et délimitée de la réalité observable et de la vie quotidienne, le royaume infini de l’imagination, la patrie à demi perdue du souvenir, les fédérations du cœur qui sont à la fois chaudes et froides, les États unis de l’esprit (calmes et turbulents, larges et étroits, ordonnés et dérangés), les nations célestes et infernales du désir, et – peut-être la plus importante de toutes nos demeures– la république libre du langage40.

Notes

1 Voir « À la recherche du littéraire post-national », compte rendu par Max Roy de La recherche littéraire. Objets et méthodes, sous la direction de Claude Duchet et de Stéphane Vachon, Montréal / Paris, XYZ / Presses universitaires de Vincennes et Centre de coopération interuniversitaire franco-québécoise, collection « Théorie et littérature », dans Lettres québécoises : la revue de l'actualité littéraire, no 72, 1993, p. 41-42. Return to text

2 Postulat qui est politique avant d’être poétique, comme le montre le manifeste de Daniel Cohn-Bendit et de Guy Verhofstadt, Debout l'Europe ! Manifeste pour une révolution postnationale en Europe, suivi d'un entretien avec Jean Quatremer, Paris, André Versaille, 2012. Return to text

3 MEYER C. (dir.), Kosmopolitische «Germanophonie»: Postnationale Perspektiven in der deutschsprachigen Gegenwartsliteratur, Königshausen & Neumann, collection «Saarbrücker Beiträge zur vergleichenden Literatur- und Kulturwissenschaft», 2013. Return to text

4 http://www.fill.fr/images/documents/fichepratiquen_9_auteursetrangers.pdf Return to text

5 Sur la définition et l’histoire de la notion d’auteur, on renvoie au cours en ligne d’Antoine Compagnon, « Théorie de la littérature : qu’est-ce qu’un auteur ? », http://www.fabula.org/compagnon/auteur.php, consulté le 15/06/2013. Return to text

6 « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (1969), Dits et Écrits, Gallimard, 1994, t. I. Return to text

7 KINDT T., « L’“auteur implicite”. Remarques à propos de l’évolution de la critique d’une notion entre narratologie et théorie de l’interprétation », traduit par Thierry Grass et Sylvie Le Moël ; citations anglaises traduites par Nelly Valtat-Comet, http://www.vox-poetica.org/t/articles/kindt.html, consulté le 15/06/2013. Voir aussi KINDT Tom et MÜLLER HansHarald, The Implied Author. Concept and Controversy, Narratologia 9, Berlin et New York, de Gruyter, 2006. Return to text

8 Paris, Gallimard, 1984. Return to text

9 PAMUK O., « Monsieur Flaubert, c’est moi ! », traduit du turc par Gilles Authier, http://flaubert.univrouen.fr/etudes/pamuk_francais.php, consulté le 15/01/2013. Tous mes remerciements à Régine Borderie qui m’avait signalé ce texte. Return to text

10 Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 1985. Return to text

11 PAMUK O., op. cit. Return to text

12 Ibid. Return to text

13 PEREC G., « Emprunts à Flaubert », L’Arc, no 79, 1980, p. 50. Return to text

14 Ibid. Return to text

15 BORGES, J. L., « Sur les classiques », trad. J. P. Bernès, Autres inquisitions, dans Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, p. 818. Return to text

16 Voir sur le site des éditions Gallimard : Sanctuaire et Tandis que j'agonise de William Faulkner », http://www.gallimard.fr/Footer/Ressources/Entretiens-et-documents/Histoire-d-un-livre-Sanctuaire-et-Tandis-que-j-agonisede-William-Faulkner, consulté le 15/06/2013. Return to text

17 Repris dans Situations I, Paris, Gallimard, 1947, p. 65-75. Voir CASANOVA P., La République mondiale des lettres, préface inédite, édition revue et corrigée, Paris, Seuil, « Points », 2008, p. 195-196. Return to text

18 CASANOVA P., op. cit., chap. « La traduction comme littérarisation », p. 198-203. Return to text

19 CASANOVA P., ibid., p. 196. Return to text

20 Le titre donné à l’un des premiers essais écrits sur lui en français est significatif : Mitchell Anne-Marie, Un rhapsode albanais : Ismaïl Kadaré, Paris, Le temps parallèle, 1990. Return to text

21 Voir ALEXANDRE D., « Le centenaire de Goethe : regards croisés sur le monde actuel », in Alexandre D. et Asholt W (dir.), France-Allemagne, regards et objets croisés, Tübingen, Narr Verlag, 2011, p. 1-13. Return to text

22 ALEXANDRE D., op. cit., p. 3. Return to text

23 Dans L’Europe nouvelle, 15ème année, no 739, 9 avril 1932 ; voir Paul Claudel, Œuvres en prose, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 26 et p. 877. Return to text

24 Dans Inquiétude et reconstruction : Essai sur la littérature d'après-guerre, Paris, Gallimard, 1931. Return to text

25 THIESSE A.-M., La création des identités nationales, Paris, Seuil, « Points-Histoire », [1999], 2001, p. 24-25. Return to text

26 THIESSE A.-M., op. cit., p. 50-59. Return to text

27 Voir GELY V. (éd.), Partages de l’antiquité : les classiques grecs et latins et la littérature mondiale, Revue de littérature comparée, 2012/4, no 344. Return to text

28 Auteur de Is that a Fish in your Ear?: Translation and the Meaning of Everything, New York, Faber & Faber, 2012 [Le poisson et le bananier. Une histoire fabuleuse de la traduction, traduit par Daniel Loazya, Paris, Flammarion, 2012]. Return to text

29 Voir « Proust en créole ? », propos de Guy Régis Junior et de David Bellos recueillis par David Caviglioli BibliObs, http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20120406.OBS5667/proust-en-creole.html, créé le 06/04/2012, mis à jour le 07/01/2013 ; consulté le 15/06/2013. Return to text

30 KATEB Yacine, « Toujours la ruée vers l’or », le Poète comme un boxeur, Gilles Carpentier éd., Paris, Seuil, 1994, p. 132 ; cité par CASANOVA P., op. cit., p. 366. Return to text

31 Voir notamment son livre, sous presses aux éditions Classiques Garnier, dans la collection « Perspectives comparatistes », série « Littérature et mondialisation » : L’imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues. Return to text

32 Voir les notes 1 et 2, supra. Return to text

33 Voir MESSAGE V., « Littérature mondiale et pluralisme chez Carlos Fuentes et Édouard Glissant », in Perrot-Corpet D. et Gauvin L. (dir.), La Nation nommée roman face aux histoires nationales, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2011, p. 369-381. Return to text

34 MORGAN P., « Translating the World: Literature and Re-Connection from Goethe to Gao », Revue de littérature comparée, 2013/1, no 345, p. 63-79. Return to text

35 PRADEAU C. et SAMOYAUT T. (dir.), Où est la littérature mondiale ?, Presses Universitaires de Vincennes, 2005, prière d’insérer. Return to text

36 CHATEAUBRIAND F.-R. de, Essai sur la littérature anglaise, Paris, Furne et Charles Gosselin, 1836, p. 323. Récemment réédité par Sébastien Baudoin : Chateaubriand, Essai sur la littérature anglaise et considérations sur le génie des hommes, des temps et des révolutions, Paris, Classiques Garnier (diffusion-distribution), « Société des Textes Français Modernes », 2013. Return to text

37 THOREAU H. D., Walden ou la vie dans les bois, traduction par Louis Fabulet [1922], Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1990, p. 97 ; « That age will be rich indeed when those relics which we call Classics, and the still older and more than classic but even less known Scriptures of the nations, shall have still further accumulated, when the Vaticans shall be filled with Vedas and Zendavestas and Bibles, with Homers and Dantes and Shakespeares, and all the centuries to come shall have successively deposited their trophies in the forum of the world. By such a pile we may hope to scale heaven at last. » (Walden, and On The Duty Of Civil Disobedience [1854], ed. by Paul Lauter, Boston, Houghton Mifflin, 2000, p. 110. Return to text

38 PERROT-CORPET D. et GAUVIN L. (dir.), op. cit. Return to text

39 Je détourne ici le titre du livre de Jacques Rancière, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La fabrique éditions, diffusion Les Belles Lettres, 2000. Return to text

40 RUSHDIE Salman, « Écrit pour le Parlement international des Écrivains, février 1994. Une déclaration d’indépendance », dans Franchissez la ligne… Essais 1992-2002, trad. par Philippe Delamare, Paris, Plon, [2003], coll. « 10/18 », 2005, p. 251 (« Writers are citizens of many countries: the finite and frontiered country of observable reality and everyday life, the boundless kingdom of imagination, the half-lost land of memory, the federations of the heart which are both hot and cold, the united states of the mind (calm and turbulent, broad and narrow, ordered and deranged), the celestial and infernal nations of desire, and – perhaps the most important of all our habitations – the unfettered republic of the tongue. », Salman RUSHDIE, « Declaration of Independence for those without frontiers », The Independent, 14 février 1994.) Return to text

References

Electronic reference

Véronique Gély, « L’auteur à l’étranger, un auteur en partage ? », Cahiers du Celec [Online], 5 | 2013, Online since 01 juin 2023, connection on 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=94

Author

Véronique Gély

Université de Paris IV-Sorbonne

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