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Dossier thématique
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De la recommandation à l’imposition normative

Le rôle du Conseil constitutionnel dans la construction du candidat idéal à l’élection présidentielle (1958-2017)
Clémentine Belle Grenier

Résumés

L’étude des archives du Conseil constitutionnel donne à voir un pan souvent occulté de l’élection présidentielle, celui des candidatures qui n’aboutissent pas. De la simple déclaration en quelques mots à la présentation détaillée de leur vie quotidienne et professionnelle, les candidats à la candidature ne manquent pas, et c’est à travers leurs présentations de soi que nous nous proposons ici d’analyser l’image que ces pré-candidats se font de la figure du président de la République, tout en étudiant parallèlement le rôle du Conseil constitutionnel dans la construction de cette image, à travers sa fonction de juge de l’élection. Cet article cherche ainsi à montrer comment une institution contribue à œuvrer au renforcement des conditions d’accès au premier tour de l’élection grâce à ses recommandations normatives et à la manière dont ces dernières se traduisent dans les actes des destinataires de la norme que sont les pré-candidats.

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Texte intégral

  • 1 Conseil constitutionnel, 7 juillet 2005, n2005-22 ELEC.
  • 2 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.
  • 3 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.
  • 4 Nous entendons ici le terme législateur au sens large i.e. les gouvernements successifs auxquels l (...)
  • 5 Par pré-candidat nous entendons toute personne ayant manifesté au Conseil constitutionnel son inte (...)
  • 6 Les informations relatives à l’identité et au nombre des candidats sont disponibles sur le site in (...)
  • 7 Ce capital politique est alors lui-même composé de capitaux social, économique et culturel.

1S’intéresser au rôle du Conseil constitutionnel dans le cadre de l’élection présidentielle, c’est prêter attention au contenu des recommandations qu’il émet en tant que juge de l’élection, et à leur influence sur le législateur. À l’issue de chaque élection présidentielle, le Conseil constitutionnel formule une série de préconisations en vue d’en améliorer le bon fonctionnement. À ce titre, il a régulièrement suggéré un durcissement des conditions d’accès au premier tour de l’élection (Grosieux, 2004) pour éviter que ne soient entravées la « clarté et la sincérité des opérations électorales »1. Le Conseil recommande que seuls puissent être représentés des candidats ayant une « véritable assise nationale »2, à l’exclusion des prétendants « fantaisistes »3 dont la candidature pourrait entacher la dignité de l’élection (Lamouroux, 2008). Cependant, la lecture des préconisations montre que les sages du Conseil constitutionnel ne proposent pas de définition claire et précise de ces critères. En principe, le législateur4 a prévu que pour être candidat, il faut obtenir un minimum de cinq cents signatures d’élus issus d’au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans que plus d’un dixième d’entre elles ne proviennent d’un même département ou collectivité d’outre-mer. Le formalisme de cette règle produit des effets sur la compétition politique lors des élections présidentielles : la quantité de signatures requises implique pour les pré-candidats5 la mobilisation de ressources importantes, tant économiques (payer les déplacements, rémunérer une équipe dédiée à la collecte des parrainages, etc.) que politiques (mobilisation d’un réseau, démarchage d’élus, rétributions militantes [Gaxie, 1977], argumentaire politique, etc.). S’il ne bénéficie pas de l’aide d’un parti politique afin de pourvoir aux frais inhérents à cette « opération séduction » des parrains éventuels, le candidat à l’élection doit alors être doté d’un capital économique conséquent ou trouver d’autres moyens de financement (Offerlé, 2012). En effet, la période des parrainages n’est pas considérée comme partie intégrante de la campagne électorale, donc si le pré-candidat échoue à obtenir les cinq cents signatures il ne sera pas remboursé des frais engagés : il aura financé sa participation sur ses propres deniers (Camby, 2001 ; Levade, 2015). Le prétendant à l’élection doit également être capable de fédérer autour de lui afin de créer un embryon de structure partisane, car sans capital militant il ne sera pas en mesure de parcourir la France pour convaincre cinq cents élus de soutenir sa candidature dans un contexte fortement concurrentiel (soixante personnes ont obtenu au moins une signature en 20176). Se présenter à l’élection présidentielle suppose ainsi de bénéficier d’un réseau d’élus suffisamment étendu et discipliné pour engranger un maximum de signatures avec un minimum d’investissement (économique, politique et personnel), comme c’est le cas dans les partis institutionnalisés. Cette configuration s’observe principalement dans le cas de candidats désignés par des partis de gouvernement, à l’image des Républicains ou du Parti socialiste (Aucante et al., 2008), mais aussi en 2017 dans le cas du Front national qui dispose d’un nombre suffisant d’élus au Parlement européen et dans les conseils régionaux. Dans le cas où le pré-candidat n’appartient pas à un parti disposant d’un tel réseau, il doit être en mesure de se déplacer sur l’ensemble du territoire afin de convaincre de potentiels parrains. Ainsi, les règles proposées par le Conseil constitutionnel et adoptées par le législateur ont des conséquences sur les ressources nécessaires à l’entrée dans la compétition politique et donc sur l’ouverture et la fermeture du champ politique. Enfin, convaincre un élu d’accorder sa signature implique aussi implicitement d’être considéré comme « présidentiable », ou à tout le moins de se conformer à la représentation que les parrains se font d’un possible candidat à la présidence de la République. En ce sens, la norme peut être étudiée du point de vue de ceux qui la créent mais aussi de ceux qui l’interprètent. C’est à la confrontation de ces deux perceptions que nous nous intéresserons ici : quelles sont les intentions du Conseil constitutionnel et du législateur ? Comment la loi est-elle comprise et interprétée par les candidats et par les parrains ? Dans cette perspective, nous faisons l’hypothèse qu’aux normes juridiques régissant les parrainages se superposent des normes sociales, reposant sur l’intériorisation de représentations qui ne sont pas formellement explicitées mais ont néanmoins des effets sur la compétition électorale. Autrement dit, la loi prévoyant les règles d’accession à la candidature aurait pour effet de conditionner cette dernière à la détention d’un capital politique7, apanage d’une minorité d’agents sociaux. Ce faisant, la norme juridique devient un outil de régulation politique dans le sens où elle opère un tri entre les pré-candidats en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques.

2Si le système de parrainage a fait l’objet de nombreux travaux en droit constitutionnel (Gély, 2011 ; Grosieux, 2004 ; Pina, 2013), les sciences sociales ne se sont que peu intéressées à ce sujet et essentiellement d’un point de vue quantitatif (Coulmont, 2019 ; Magni-Berton et Poyet, 2017 ; Rouban, 2011), c’est pourquoi nous nous proposons ici de revenir sur cette norme juridique à partir d’une approche sociologique. Il ne s’agit pas de surinterpréter le pouvoir du Conseil constitutionnel dans l’élaboration de la norme électorale, mais plutôt de montrer que ses recommandations ne sont pas neutres et peuvent influer sur les représentations et les décisions du législateur, dans une logique de rayonnement croissant depuis le début de la Cinquième République (François, 2011).

3Cet article est le fruit d’une communication faite lors d’un colloque consacré à la rencontre entre histoire du droit et sciences sociales, c’est pourquoi nous avons choisi d’appuyer notre réflexion sur les archives, matériau commun de la recherche dans ces deux disciplines. Les documents exploités ici ont pu être consultés à Pierrefitte‑sur‑Seine où sont conservés les cartons du Conseil constitutionnel, ainsi que sur le site internet du Conseil. Nous les classons en trois catégories. D’abord, les lettres de déclaration de candidatures envoyées par les candidats (qu’ils aient obtenus ou non des parrainages). Elles ont pu être consultées sur la période 1958-1995, le reste des cartons étant encore sous embargo. Ensuite, les recommandations post-électorales du Conseil constitutionnel. Elles ont été consultées dans les cartons pour la période 1958-1995 et en ligne sur le site internet de 2002 à 2017. Enfin, l’identité et le nombre de parrainages obtenus par les candidats en 2017. Ces informations ont été obtenues sur le site internet du Conseil constitutionnel.

  • 8 Une demande de dérogation pour consulter les archives du Conseil constitutionnel de 1995 à 2017 a (...)

4Pour reprendre les mots d’Arlette Farge, « l’archive ne manque pas mais elle crée un vide et fabrique du manque » (Farge, 1991, p. 44). Du fait de l’embargo existant sur les archives après 19958 ainsi que de documents parfois manquants (les lettres de déclaration de candidature en 1981 ne figuraient pas dans les archives cette année-là), on peut établir que le matériau utilisé ici est incomplet. Sans avoir la prétention de pallier cette carence, nous avons tâché de compléter ces archives en menant des entretiens avec des militants et candidats à la recherche de parrainages en 2017. S’il nous paraît indispensable de distinguer candidats et pré-candidats, il nous a tout autant paru nécessaire de mêler archives et entretiens afin de recueillir ce que l’écrit peine parfois à nous transmettre : des perceptions, des intonations, en bref un ressenti de l’élection par ceux qui s’y sont confrontés. Le dépouillement systématique de ces archives nous a permis de dresser une série de caractéristiques sociologiques et discursives propres aux pré-candidats, à l’instar des travaux menés par Céline Braconnier sur les usages profanes du Conseil constitutionnel (Braconnier, 2008) et ainsi de travailler sur la réception de la norme légale par les candidats à la candidature tandis que les entretiens menés auprès de militants investis dans la campagne présidentielle de 2017 nous a permis d’allier matériau juridique et sociologique dans l’appréhension du processus de création d’une norme régulatrice de l’accès au poste suprême de représentation politique (François, 2005).

5Nous reviendrons d’abord sur l’évolution du rôle du Conseil constitutionnel au long de la Cinquième République (I) et son rapport avec le législateur afin de chercher à évaluer son poids dans la création de la norme électorale que nous étudions ici. Nous nous pencherons ensuite sur la réception de cette norme (II) par ses destinataires et sur la manière dont ces derniers l’interprètent et contribuent ainsi indirectement à la façonner.

I. L’évolution du rôle du Conseil constitutionnel sous la Cinquième République au prisme de ses recommandations post-électorales

  • 9 CC, 7 juin 2007, n2007-142 PDR.
  • 10 CC, 21 juin 2012, no 2012-155 PDR ; CC, 20 juillet 2017, no 2017-172 PDR.

6Les pouvoirs dévolus au Conseil constitutionnel sont prévus au titre VII de la Constitution du 4 octobre 1958. Il est à la fois chargé du contrôle de la constitutionnalité des lois et des traités, et est juge de l’élection. Il est en somme, pour reprendre l’expression de Louis Favoreu, un « régulateur de l’activité normative des pouvoirs publics » (Favoreu, 1967). C’est l’article 58 de la Constitution qui précise les attributions du Conseil en tant que juge de l’élection. Il est ainsi écrit que « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Pris à la lettre, le texte ne semble pas porter d’ambiguïté sur les attributions du Conseil. On ne peut cependant ignorer qu’il a, au fil des années, su développer avec succès une interprétation extensive de son rôle, ajoutant à ses prérogatives de contrôle celle de conseil du législateur à travers ses recommandations formulées à l’issue de l’élection. Le Conseil apparaît désormais aux yeux des citoyens comme une « autorité morale », une sorte de garant agissant aux côtés du législateur (Bergougnous, 2013). Fort de cette légitimité, le Conseil assume pleinement son rôle, comme dans sa décision du 7 juin 2007, où il affirme qu’il a : « […] toujours considéré qu’il entrait dans sa mission de suggérer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à concourir à un meilleur déroulement de [l’élection présidentielle] »9 et rappelant dans ses décisions rendues en 2012 et en 201710 que ses propositions « ont, pour la plupart, été suivies d’effet ».

A. Des recommandations sources d’inspiration pour le législateur

  • 11 Ordonnance no 58-1064 du 7 novembre 1958. Le collège électoral est alors composé de près de 80 000 (...)
  • 12 Archives nationales, 19910411/43, n2.

7Dès 1958, avant même l’élection du président de la République au suffrage universel direct, il est prévu que le candidat à la présidence obtienne un minimum de cinquante signatures au sein d’un collège de grands électeurs11 pour pouvoir être légalement considéré comme candidat. Trois personnes parviennent alors à obtenir ces cinquante signatures : le général de Gaulle (Union pour une nouvelle république), Albert Châtelet (Union des forces démocratiques) et Georges Marrane (Parti communiste français), c’est-à-dire des représentants des principales forces politiques de l’époque. Dans le même temps, on dénombre onze autres prétendants ayant écrit au Conseil constitutionnel afin de déclarer leur candidature à la présidence de la République. Aucun d’entre eux ne parvient cependant à obtenir la moindre signature dans un collège composé de près de 80 000 parrains. Enfin, une élue choisit d’accorder son parrainage à l’ancien ministre du Travail et de la Sécurité sociale, M. Daniel Mayer, bien que celui-ci n’ait pas émis le souhait de se présenter12. On observe donc deux types de candidatures en 1958 : celles de professionnels de la politique reconnus, qui parviennent à obtenir cinquante parrainages sans difficulté, et celles de candidats-profanes peu ou pas insérés dans le champ politique traditionnel et dont la seule trace reste aujourd’hui la déclaration de candidature envoyée au Conseil constitutionnel. Pour autant, on constate que l’élection présidentielle attire dès le début de la Cinquième République quatre fois plus de prétendants qu’il n’y a de candidats officiellement présents au premier tour. Cet engouement va perdurer et sera à l’origine de plusieurs réformes visant à durcir les conditions d’accès au premier tour de l’élection.

  • 13 Loi no 62-1292 du 6 novembre 1962.
  • 14 Site du Conseil constitutionnel, « Historique de la procédure de parrainage ». Les grands électeur (...)
  • 15 Ces chiffres sont obtenus d’après les lettres de candidature trouvées dans les archives du Conseil (...)
  • 16 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.
  • 17 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.
  • 18 Proposition de loi organique n72 tendant à modifier la loi n62-1292 du 6 novembre 1962. Elle e (...)
  • 19 Jean-Charles Krieg, rapport n1164 du 20 septembre 1974, Assemblée nationale, troisième session e (...)

8Le premier renforcement des conditions intervient avec la réforme constitutionnelle du 28 octobre 1962 à la suite du referendum initié par le général de Gaulle, et qui modifie la procédure d’accession à la candidature : le président de la République est élu au suffrage universel, ce qui signifie une extension du corps électoral avec le passage de 80 000 grands électeurs à un peu moins de vingt-neuf millions d’inscrits sur les listes électorales. Pour tenir compte de cette augmentation, le nombre de parrainages requis passe de cinquante à cent signatures13, devant émaner des élus titulaires d’un mandat électif de la nature de ceux retenus pour les élections sénatoriales (« grands électeurs »)14. Cette procédure sera appliquée jusqu’aux élections de 1974 mais le nombre de candidats à l’élection présidentielle en mesure de réunir cent parrainages allant croissant (six, sept puis douze candidats), tout comme le nombre de prétendants n’obtenant pas ou peu de parrainages (ils sont 15 en 1965 ; 19 en 1969 ; 58 en 197415), le Conseil constitutionnel va suggérer un renforcement des conditions d’accession à la candidature dès 1969 : les sages écrivent alors que « l’expérience a montré que la sélection opérée sur la base de ces dispositions était insuffisante à écarter l’éventualité de candidatures fantaisistes et à assurer à l’élection présidentielle le caractère national qui doit être le sien »16. À l’issue de l’élection présidentielle de 1974, ils plaident de nouveau dans le sens d’une augmentation du nombre de parrainages nécessaires, et plus largement d’un durcissement des conditions d’accès puisqu’ils suggèrent également d’ajouter une contrainte géographique dans la récolte des signatures. Le Conseil écrit alors que « pour respecter l’esprit même de l’institution de l’élection du Président de la République par le suffrage universel, que les candidatures aient une assise véritablement nationale. […] À ces fins, il conviendrait d’augmenter le nombre de présentations et d’exiger que les signataires de celles-ci comprennent des élus du quart au moins des départements et territoires »17. Ces recommandations sont entendues par le législateur, sous les traits de trois sénateurs (René Jager, MRP ; Francis Palmero, PS ; Louis Jung, UCDP) qui rédigent conjointement une proposition de loi organique18 en s’appuyant sur les propositions du Conseil. Ces dernières sont également reprises dans le rapport de la commission des lois qui mentionne le Conseil en tant que source19. Est alors prévue l’augmentation de cent à cinq cents signatures nécessaires pour accéder au premier tour de l’élection présidentielle. En outre, les signatures doivent désormais provenir d’au moins trente départements ou territoires d’outre-mer différents sans que plus d’un dixième d’entre-elles ne proviennent du même département ou territoire d’outre-mer (écrêtement).

  • 20 Lettre du président du Conseil constitutionnel, Gaston Palewski adressée au Premier ministre Gasto (...)
  • 21 Compte-rendu de la séance du 4 juillet 1969 et décision n2012-155 PDR du 21 juin 2012.
  • 22 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.
  • 23 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.
  • 24 Ibid.
  • 25 CC, 7 juin 2007, n2007-142 PDR.
  • 26 Ibid.

9En rappelant régulièrement dans ses observations l’importance de la procédure de filtrage des candidats à l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel met en avant le caractère sélectif de l’élection (Manin, 2012) qui ne saurait en aucun cas être accessible à tous au risque de « porter atteinte au crédit de la première de nos institutions »20. Ce faisant, les sages cherchent à écarter les candidatures « purement fantaisistes »21, bien qu’ils n’en donnent pas les caractéristiques précises. Le Conseil reste également flou dans sa décision du 21 juin 2012, où il émet des réserves sur le système de présentations qui « ne réserve pas l’accès au premier tour de scrutin aux seuls candidats qui bénéficient d’un minimum de représentativité dans la vie politique française »22, sans donner de seuil à ce minimum ni définir « représentativité ». Le caractère sérieux de l’élection est également rappelé directement aux parrains de la république par le Conseil constitutionnel. L’institution précise dans ses observations que le parrainage est un « acte grave » et qu’il « importe donc de l’entourer de toute la solennité nécessaire »23. En rappelant aux parrains l’importance de leur prérogative de présentation, le Conseil contribue à modeler leur attendu du « bon » candidat, c’est-à-dire du candidat qui correspondrait à l’idée que se fait le Conseil de la représentativité politique (pour reprendre ses mots, qui bénéficie d’une « assise véritablement nationale »)24. Cette injonction à bien faire s’exprime également à travers l’acte de parrainer, qui doit être « personnel et volontaire »25 et ne saurait se faire sans une certaine solennité. Le Conseil a ainsi jugé que « le fait de tirer au sort le nom du candidat présenté en rendant ce geste public était incompatible avec la dignité qui sied aux opérations concourant à toute élection. »26 En rappelant constamment son caractère sérieux, en jugeant incompatibles certains procédés visant à désigner un candidat, le Conseil prescrit ainsi aux élus de « bonnes manières » de parrainer, à l’instar du bon citoyen qui doit aller voter de manière éclairée et informée (Déloye et Ihl, 2008). Ces « bonnes manières » qui doivent être conformes au caractère solennel de l’élection, impliquent donc indirectement de choisir un candidat qui en sera digne, autrement dit considéré comme crédible par les présentateurs, et par la suite par les électeurs.

B. La confirmation du rôle central du Conseil constitutionnel dans la législation électorale : retour sur la loi organique du 25 avril 2016

10En 2017, pour la première fois depuis le début de la Cinquième République, l’identité de chaque parrain est publiée en ligne à l’issue de l’élection présidentielle. Qu’il s’agisse de l’unique présentateur d’un candidat inconnu ou du deux mille cinq centième signataire d’un ténor de la politique, tous ont vu leurs nom, prénom, mandat et région d’élection mis en ligne sur le site du Conseil constitutionnel. Alors qu’initialement, seuls cinq cents noms par candidat étaient tirés au sort, cette évolution constitue une petite révolution au sein de l’institution présidentielle. Elle est aussi une fenêtre intéressante pour comprendre les rapports entre le Conseil constitutionnel et le législateur. En effet, si les recommandations du Conseil sont régulièrement suivies d’effet, la publication de l’identité des présentateurs a longtemps fait l’objet de réticences de la part du législateur.

  • 27 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.
  • 28 Loi organique n76-528 du 18 juin 1976.
  • 29 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.
  • 30 Loi organique n2016-506 du 25 avril 2016, article 3.
  • 31 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.
  • 32 Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. (...)
  • 33 Par exemple : « Ce que disent les maires », La Montagne, 25 février 2007 ; « Parrainages : ce qu’e (...)
  • 34 CC, 21 juillet 1988, n88-61 PDR ; CC, 7 novembre 2002, n2002-129 PDR ; CC, 7 juin 2007, n200 (...)

11La publication des parrainages est une recommandation de longue date du Conseil constitutionnel. Il la suggère pour la première fois en 196927 et est partiellement entendu puisque la loi du 18 juin 197628 prévoit que cinq cents des présentations par candidat doivent être tirées au sort pour être publiées au Journal officiel. Jugeant cependant cette mesure insuffisante, les sages vont choisir d’aller plus loin et de publier la liste complète des présentateurs dans leurs locaux en 1988, 1995, et 2002 (Lamouroux, 2008), tout en continuant de recommander la publication intégrale comme dans leurs décisions rendues à la suite de l’élection en 1988 et en 2005. Cet affichage prend fin en 2007 lorsque l’éventualité d’une publication intégrale des présentations est débattue et rejetée à l’issue de débats parlementaires. Le Conseil constitutionnel considère alors qu’il ne peut plus bénéficier du flou entourant la possibilité de publier l’ensemble des identités des présentateurs – car si ce cette possibilité n’est pas prévue par la loi, elle n’est pas non plus interdite – et y renonce (Colliard, 2012). Il recommande cependant une nouvelle fois en 2012 que les parrainages soient rendus publics : « Depuis les observations formulées à l’occasion de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 1974, le Conseil constitutionnel a exprimé le souhait d’une publication intégrale des noms des présentateurs »29. Il sera finalement entendu puisque la loi organique du 25 avril 2016 prévoit la publication de l’intégralité des présentations sur le site du Conseil constitutionnel30. Cette mesure est présentée par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, et le projet reprend plusieurs propositions du Conseil constitutionnel, parmi lesquelles la nécessité de responsabiliser des élus-parrains31, le caractère sérieux de l’élection ou encore l’importance de l’égalité entre les candidats32. C’est d’ailleurs sur le thème de l’égalité entre les candidats que les deux points qui nous intéressent – le rôle du Conseil constitutionnel et le rapport entre norme légale et norme sociale – trouvent un véritable écho. Jusqu’en 2016, le tirage au sort avait des conséquences variables selon les candidats. Ainsi, soutenir un candidat qui atteindra juste le nombre de signatures revient à être assuré de voir son nom publié tandis que signer pour un candidat largement présenté diminue cette probabilité. Parrainer un candidat suppose donc d’être en mesure d’assumer publiquement sa signature, ce qui peut représenter une contrainte pour certains présentateurs. Ce faisant, en choisissant de rendre l’ensemble des présentations publiques, la loi irait à première vue dans le sens d’une plus grande égalité des candidats, mais aussi de responsabilisation des présentateurs (car à l’inverse, on peut imaginer que certains parrains pouvaient être tentés de parrainer un candidat aux nombreux soutiens en misant sur la possibilité de ne pas voir leur nom publié). Cette réforme ne fait cependant pas l’unanimité si l’on tient compte des témoignages d’élus – parrains potentiels répertoriés dans la presse. Plusieurs d’entre eux disent craindre la totale publication des parrainages pour l’élection présidentielle de 2017, la certitude de voir leur identité révélée semblant augmenter l’enjeu que représente l’acte de présentation puisqu’il est désormais certain que n’importe qui pourra connaître leur choix. Cette appréhension montre que l’assurance de voir sa présentation publiée peut rendre plus réticents certains présentateurs à donner leur signature à des candidats qu’ils estiment marginaux33. Certes, le nombre de parrainages et de candidatures est resté stable malgré la publication sur le site du Conseil constitutionnel, cependant cela n’évacue pas l’hypothèse d’une plus grande difficulté dans la recherche de parrainages par certains candidats. Ainsi, si cette publication partielle est d’abord justifiée par le Conseil constitutionnel comme un effort de transparence et de responsabilisation du parrain qui doit prendre conscience de l’importance de sa présentation34, il peut aussi être envisagé comme un filtre supplémentaire qui s’appliquerait essentiellement aux candidats les moins dotés en capital politique.

12À la publication des présentations, la loi du 25 avril 2016 ajoute une modification de la procédure de collecte des présentations. Ces dernières ne sont plus déposées par les candidats ou leur représentant au Conseil constitutionnel mais envoyées par les parrains eux-mêmes. Cette évolution est passée presque inaperçue à côté de la publication totale des parrainages, alors même qu’elle tend à modifier l’interaction entre parrains et militants. Elle peut aussi être considérée comme un filtrage supplémentaire, car l’envoi par le présentateur lui-même de la présentation – plutôt que sa récupération par un militant – lui laisse le temps de changer d’avis en étant démarché par un autre candidat, ou bien de promettre une signature qu’il ne compte en réalité pas donner. Ce constat a, à plusieurs reprises, été partagé par des militants et des candidats lors d’entretiens :

  • 35 Jérôme, militant pour Résistons ! explique ainsi qu’il a pu faire changer des élus d’avis à temps (...)

« […] Je rappelle un gars que j’avais dans mes fiches que je devais rappeler, qui était plus ou moins indécis et il finit par m’avouer qu’entre Rama Yade et Jean Lassalle il préférait quand même Jean Lassalle parce que moi je l’avais persuadé que parrainer Rama Yade ça servait à rien parce qu’elle n’aurait pas ses signatures, elle n’en avait que 180 un truc comme ça et jamais elle pouvait en deux jours en avoir plus de 500. Alors il me dit “bah oui c’est bien dommage mais j’ai déjà rempli mon document pour Rama Yade”. Je lui dis “il est où votre document monsieur le maire ?” il me dit “mais il là sur mon bureau, il est sous mes yeux”, je lui dis “c’est pas compliqué (…) vous prenez votre règle, vous rayez proprement le nom de Rama Yade, à côté vous mettez Lassalle (…)”. Il a rayé, il a écrit Jean Lassalle, il nous l’a faxé. On s’est battu comme des diables. » 35 (Extrait d’entretien avec Jérôme A., militant Résistons !)

  • 36 Entretien du 22 février 2018.

« Alors ça c’est à mon avis une scélératesse de la loi Urvoas, c’est fait exprès bien évidemment pour nous embêter, parce que vous vous rendez compte : un maire qui parraine un candidat, qui le parraine parfois un an avant l’élection présidentielle, quelques mois avant l’élection présidentielle, bah le maire il va peut-être changer d’avis ou oublier (…) »36 (Extrait d’entretien avec David V., militant UPR)

  • 37 Il en a fait la recommandation dans sa décision CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

13Dès lors, si le Conseil constitutionnel considère que cette mesure va dans le sens d’une plus grande liberté du présentateur37 puisqu’elle lui permet d’être moins sujet aux pressions de candidats insistants, certains militants estiment à l’inverse qu’elle représente un obstacle supplémentaire. En ne disposant pas de la possibilité de récupérer systématiquement les formulaires, les pré-candidats et leurs militants se retrouvent dans une situation d’incertitude car ils sont incapables de pouvoir précisément décompter les présentations obtenues au fur et à mesure de la pré-campagne. Ils deviennent dépendants du décompte officiel que le Conseil constitutionnel publie sur son site internet, or, les publications interviennent tous les trois à quatre jours sur un laps de temps très court (dix-sept jours au total), présentateurs et militants découvrant alors en même temps le nombre de soutiens dont les candidats bénéficient. Cette absence d’exactitude dans la connaissance du nombre de parrainages obtenus, couplée à la découverte simultanée des résultats par tous les protagonistes de cet échange électoral, peut avoir pour effet de désavantager les candidats les moins dotés en ressources dans le champ politique (Bourdieu, 1981), généralement issus des formations les moins institutionnalisées. Ils sont alors tributaires des publications pouvant faire état du faible nombre de présentations obtenues, ce qui les positionne d’entrée de jeu comme des dominés de la compétition. À l’inverse, les candidats mieux dotés ne se trouvent pas lésés car ils sont assurés d’obtenir un nombre de présentations suffisant. La norme juridique renforce le poids des ressources fournies par l’institutionnalisation des partis politiques et la capacité à construire un réseau fiable d’élus. En dépit de ces réformes, le nombre de candidats parvenant à prendre part au premier tour de l’élection présidentielle est resté constant depuis 1974, oscillant en moyenne entre neuf et onze participants, à l’exception de l’année 2012 qui réunit seize concurrents. Si l’on peut alors questionner l’efficacité de la norme juridique ou s’interroger sur les critiques émises par les pré-candidats et leurs militants sur la quête des présentations, il nous semble important de nous intéresser au profil des pré-candidats parvenant à passer l’étape des parrainages, ainsi qu’à ceux qui n’y parviennent pas, autrement dit d’étudier les effets du droit sur les caractéristiques sociodémographiques des candidats à l’élection présidentielle.

II. Les effets du droit sur les caractéristiques sociodémographiques des candidats à l’élection présidentielle

14En produisant des recommandations écoutées par le législateur, le Conseil constitutionnel contribue activement à la production de la norme électorale et plaide régulièrement en faveur de mesures qui favorisent une limitation du nombre de candidats à l’élection présidentielle. En insistant sur l’importance de conserver le caractère solennel de l’élection, et en proposant des mesures pouvant conduire à l’éviction de certains pré-candidats de la compétition électorale, le Conseil contribue à prescrire l’image d’un « bon » candidat à l’élection, c’est-à-dire d’un candidat qui jouit de caractéristiques sociales, culturelles et économiques lui permettant de répondre aux contraintes légales et d’occuper la plus haute fonction politique du pays avec la dignité qu’elle implique. La question se pose alors de comprendre comment cette perception du candidat légitime à l’élection présidentielle se construit, et comment la norme concoure à façonner l’offre électorale.

A. Les effets des réformes électorales de 1962 à 2016 : comment la norme légale reproduit la norme sociale

  • 38 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.
  • 39 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.
  • 40 À l’instar du Front National qui échoue à présenter un candidat en 1981 faute de signatures.

15Le caractère crédible d’une candidature peut paraître purement subjectif car il est soumis à l’appréciation de chaque présentateur. Cependant, de la même manière que le Conseil indique aux parrains un bon usage de leurs présentations, ses observations sur les conditions d’accession au premier tour vont influer sur la nature des candidatures. Le Conseil constitutionnel a régulièrement proposé de durcir les conditions d’accès au premier tour de l’élection présidentielle en s’appuyant sur un double motif : la préservation d’une forme de lisibilité dans l’offre politique d’une part, et la nécessité de pouvoir répartir équitablement le temps de parole parmi les candidats d’autre part38. Si cette procédure de filtrage est assumée, le Conseil précise toutefois qu’il est « indispensable que tout courant réel d’opinion puisse susciter une candidature »39. Or, il est en réalité parfois difficile pour certaines formations dont on peut considérer qu’elles représentent un tel courant40 de présenter un candidat.

16Nous l’avons vu, l’évolution des règles sur les parrainages suppose que le pré-candidat dispose d’un capital partisan. Ce faisant, le pré-candidat doit disposer du soutien d’un parti lui apportant soit des signatures du fait de son réseau d’élus sur l’ensemble du territoire (PS, LR, FN), soit de militants prêts à faire du porte-à-porte et du démarchage téléphonique pour convaincre des élus de le parrainer. Certaines candidatures à l’élection présidentielle de 2017 ont pu paraître adventices, à l’instar de celles de François Asselineau ou Jean Lassalle dont la presse a régulièrement souligné l’étonnement suscité par leur présence au premier tour. Pourtant, même ces « petits » candidats – pour reprendre une expression largement utilisée dans le champ médiatique – ne sont pas des profanes de la politique et disposent de ressources mobilisables dans le cadre de la pré-campagne. Élu maire pour la première fois en 1977 (il le restera pendant quarante ans, l’interdiction de cumul des mandats le conduisant à abandonner son poste d’édile en 2017), Jean Lassalle est député depuis 2002. Également conseiller général des Pyrénées-Atlantiques pendant trente ans, dont dix en tant que vice-président, il a aussi été président du comité départemental du tourisme Pyrénées-Atlantiques et président de l’institution patrimoniale du Haut-Béarn. Il s’est fait connaître par ses actions en faveur du maintien de structures dans les territoires ruraux. Anciennement membre du MoDem, il en a un temps été le vice-président. François Asselineau est haut-fonctionnaire de formation. Passé par HEC Paris, il intègre ensuite l’ENA dont il sort second de la promotion Léonard de Vinci (1985) et rejoint l’Inspection générale des finances, l’un des grands corps les plus prestigieux. Il travaille par la suite dans plusieurs ministères, notamment à la fin des années 1990 en tant que directeur de cabinet pour plusieurs figures de la droite gouvernementale du Premier ministre Alain Juppé. Tête de liste du dix-neuvième arrondissement de Paris lors des élections municipales de 2001 sur la liste de Jean Tibéri (RPR), il est élu conseiller de Paris de 2001 à 2008.

  • 41 Entretien du 23 novembre 2017 avec Benjamin M., militant du NPA.

17Loin des discours médiatiques qui participent à construire la singularité de ces individus dans le champ politique, on constate qu’ils disposent de ressources légitimes et de profils finalement assez classiques de carrière politique : celui de l’élu local qui accède à la représentation nationale, et le haut-fonctionnaire qui tente d’opérer un passage en politique. Ils ne sont donc pas des outsiders du champ politique (Becker, 2012). Les candidats parvenant au premier tour de l’élection présidentielle sont ceux qui arrivent à convaincre au moins cinq cents élus de les présenter, et qui disposent des moyens de payer les frais de pré-campagne. Or, si aucun candidat ne peut faire l’économie de ces frais (trajets, représentation, lettres aux élus…), plusieurs entretiens réalisés avec des militants ont permis d’observer que la mise en place d’une solide organisation pouvait permettre de pallier le manque de moyens41, comme dans le cas de Lutte ouvrière (LO) et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Bien qu’elles soient dépourvues d’un maillage d’élus sur l’ensemble du territoire, ces deux formations ont acquis une expertise de l’élection qui leur a chacune permis de présenter des candidats depuis les élections de 1974. En dépit de leur absence dans les arènes institutionnelles, elles sont en mesure de proposer un candidat qui sera considéré comme crédible car issu d’une organisation pérenne, comme en témoigne Benjamin, militant au NPA.

  • 42 Entretien du 23 novembre 2017 avec Benjamin M., militant au Nouveau Parti anticapitaliste

« Le formulaire qu’on a fait remplir de façon informelle, ce qu’on a écrit […] c’est “bien que ne partageant pas vos idées j’accepte de vous parrainer pour que vous puissiez vous présenter”. C’est sur la base d’un soutien démocratique. Et c’est cet argument qui l’emporte la plupart du temps, parce qu’il y a quand même beaucoup de maires qui […] considèrent qu’on représente quelque chose politiquement et que donc on est légitimes à être présents. »42 (Extrait d’entretien avec Benjamin M., militant au Nouveau Parti anticapitaliste)

18Lors de l’élection présidentielle de 2017, sur les onze candidats présents, huit bénéficient d’un capital politique conséquent dans le sens où ils occupent ou ont occupé une ou plusieurs fonctions électives (François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, François Fillon, Benoît Hamon, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon) et/ou gouvernementales (Emmanuel Macron). Seuls Jacques Cheminade, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou ne disposent pas d’une telle expérience. Huit bénéficient d’un capital partisan, c’est-à-dire qu’ils sont soutenus par une formation qui dispose d’un réseau d’élus et/ou de militants qui peut leur permettre a priori de réunir suffisamment de parrainages pour être en mesure de participer à l’élection (les nouveaux venus sont Jean Lassalle, François Asselineau, Emmanuel Macron). Enfin, seul Philippe Poutou, le candidat du NPA, n’est pas diplômé du supérieur tandis que François Asselineau, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuel Macron sont diplômés de l’École nationale d’administration (ENA). Autrement dit, malgré la variété des formations politiques représentées, une certaine homogénéité sociale caractérise les candidats présents au premier tour des élections présidentielles : ils ont occupé des responsabilités politiques, disposent d’un appareil partisan et/ou sont fortement dotés en capital culturel, notamment grâce à leur(s) diplôme(s). Pour la majorité d’entre eux, ils présentent un profil social et politique conforme au recrutement traditionnel du champ politique sous la Cinquième République. Ainsi, si la législation mise en place produit des effets limités sur le nombre de candidats, elle semble contribuer à une forme de sélection sociale. La règle de droit n’est pas un simple artefact juridique, mais fonctionne également comme un filtre social qui contribue à produire et reproduire les frontières du champ politique, et à en renforcer les logiques de recrutement.

19Des candidats présentés comme minoritaires voire étrangers au champ politique peuvent en réalité en connaître les pratiques et être en mesure de satisfaire aux normes que supposent les recommandations du Conseil constitutionnel. Cette capacité à entrer dans le jeu de l’élection présidentielle peut s’expliquer par le caractère non cumulatif des capitaux nécessaires pour recueillir les cinq cents signatures. Le capital militant (disposer d’une formation militante pérenne et organisée) ou politique (une connaissance du champ politique et de ses élus ; un mandat) peuvent compenser des moyens économiques plus faibles. Ces ressources (institutionnelles, politiques) permettent alors d’incarner le « bon » candidat au sens suggéré par le Conseil constitutionnel. Elles sont toutefois fortement corrélées au capital culturel des candidats, qui conditionne leur présentation de soi et leur crédibilité auprès des élus lors de la recherche des parrainages. C’est par un travail d’analyse des lettres envoyées par les pré-candidats que cette condition d’accession au premier tour de l’élection peut être mise au jour.

B. Définir ce qu’est un candidat « fantaisiste » : retour sur l’analyse des lettres de candidatures envoyées au Conseil constitutionnel

20Pour analyser l’assimilation de la norme juridique par ses récipiendaires, nous avons consulté les archives du Conseil constitutionnel, parmi lesquelles se trouvent les lettres écrites par les pré-candidats. On y retrouve des déclarations de candidature de la part d’individus n’obtenant aucune présentation par la suite, mais aussi de pré-candidats récoltant un nombre important de signatures. Les grands absents de ces archives sont les candidats des partis institutionnalisés : si à la suite de la validation de leur candidature par le Conseil ils confirment effectivement leur volonté d’être candidat (il s’agit d’une condition légale et donc obligatoire), ils ne déclarent pas leur candidature en amont (il ne s’agit pas d’une obligation). On peut y voir une connaissance fine, propre aux professionnels de la politique, des règles relatives à l’élection ou, au contraire, une règle tacite qui voudrait, par évidence, que ces candidatures ne nécessitent pas une déclaration préalable au Conseil, ce dernier étant informé en temps voulu à travers l’envoi des présentations requises. En tout état de cause, ces missives donnent à voir de la part des prétendants à l’élection présidentielle des présentations de soi socialement situées, et bien que le nombre important de ces déclarations adressées au Conseil puisse à première vue donner l’impression d’une grande hétérogénéité de ces présentations de soi, certaines récurrences peuvent en réalité être observées, comme la mise en avant par les pré-candidats de leur capital culturel, de leur capacité de bon gestionnaire ou encore de leur sérieux. Pour le dire autrement, ces lettres montrent que l’origine sociale et la trajectoire des individus influencent les registres de légitimation employés, le choix des qualités mises en avant et la justification de leur candidature. Elles révèlent différentes manières de s’approprier les représentations associées à une fonction politique, et traduisent en fait la réception par les prétendants à l’élection de la norme du « bon » candidat – c’est-à-dire disposant des capitaux nécessaires à l’accession au premier tour de l’élection présidentielle – suggéré par le Conseil constitutionnel à travers ses recommandations. Il s’agit donc ici d’aborder la norme à partir des outils de la sociologie et de la science politique, c’est-à-dire avec une attention portée à l’origine sociale des acteurs, au vocable employé par le Conseil constitutionnel, à la performativité de la parole et aux effets sociaux du droit.

21Un premier examen a permis d’observer une nette augmentation des pré-candidats (12 en 1958, 15 en 1965, 19 en 1969 et 58 en 1974), qu’il faut cependant mettre en regard avec le nombre croissant de candidats parvenant à accéder au premier tour de l’élection (3 en 1958 ; 6 en 1965 ; 7 en 1969 et 12 en 1974). Nous avons ici tâché de lire l’ensemble de la correspondance adressée au Conseil constitutionnel pouvant être considérée comme une déclaration de candidature en cherchant à déterminer la construction d’un système de règles permettant de corroborer l’existence d’une norme. Pour ce faire nous nous sommes inspiré des travaux de Luc Boltanski à partir des lettres de dénonciation adressées au journal Le Monde. L’auteur analyse la manière dont les lettres sont formulées et leur potentiel impact. Plus précisément il se demande dans « quels cas l’attitude qui consiste à donner de la voix et à protester publiquement a des chances d’être reconnue comme valide (même si elle est combattue) et dans quels cas elle est ignorée ou disqualifiée » (Boltanski et al., 1984, p. 6), questionnement que nous rejoignons en nous demandant dans quelle mesure les déclarations de candidatures envoyées au Conseil constitutionnel trahissent l’incorporation d’une perception de ce qu’est un candidat crédible aux yeux du conseil du législateur.

  • 43 Le « sauveur de la France » se distingue du résistant ou de l’ancien combattant en ce qu’il est em (...)
  • 44 Si le ratio entre les arguments employés et le nombre de pré-candidats peut sembler faible, partic (...)

22La mise au jour d’une norme sociale, celle d’un « bon » candidat passe par l’analyse de la présentation de soi et du répertoire argumentaire employé par les postulants au premier tour de l’élection. Autrement dit, sur quels critères peut-on s’appuyer pour considérer qu’un candidat est « fantaisiste » ou au contraire crédible ? Dans son étude sur les éléments caractéristiques de l’élite de la Cinquième République, Claire Oger propose de se focaliser sur « des attitudes, des dispositions psychologiques, des comportements imputés aux candidats » (Oger, 2008, p. 209) qui vont déterminer leur degré de crédibilité. Dans notre cas, on observe ainsi que les arguments mis en avant par les pré-candidats évoluent au fil du temps. Lors de l’élection présidentielle de 1958, c’est le statut d’ancien combattant qui est le plus souvent valorisé par les pré-candidats (plus d’une lettre sur deux le mentionne), suivi du diplôme ou de l’emploi et de la présentation de soi en tant que « sauveur de la France » (une lettre sur deux). En 1965 ce sont les titres possédés par les pré-candidats (médailles de guerre) que l’on retrouve le plus souvent et l’emploi/diplôme (environ 40 % des lettres y font référence). Le spectre de la guerre commençant à être plus lointain, les lettres de candidatures mettent davantage l’accent sur le potentiel de « sauveur de la France »43 du candidat que sur sa capacité à la défendre face à des ennemis (un tiers des lettres). Enfin, les élections de 1974 voient le niveau de diplôme et l’emploi et le caractère sérieux et responsable du candidat comme arguments les plus souvent mobilisés44.

23La mise en avant par les pré-candidats de leur niveau de diplôme et/ou de l’emploi qu’ils exercent illustre l’intériorisation des normes et des qualités attendues dans l’exercice des fonctions de gouvernement. Plus généralement, ces références au diplôme et à la profession sont le signe d’une valorisation sociale croissante des titres scolaires et donc des transformations macrosociales en termes d’accès à l’éducation dans la France d’après-guerre. Ainsi, les pré-candidats se présentent comme actifs (ils peuvent préciser qu’ils sont en bonne santé ou utiliser des adjectifs se référant à une forme de dynamisme), responsables (ils mettent en avant leur sérieux, soit en se décrivant comme tels, soit en mettant l’accent sur leur travail) et éduqués (ils citent très souvent les diplômes ou qualifications dont ils disposent), autant de qualités considérées comme indispensables pour un président de la République. Plus concrètement, il s’agit de mettre en valeur un capital culturel au sens entendu par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (Bourdieu et Passeron, 2005), c’est-à-dire l’ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu, et dont la forme institutionnalisée est le diplôme. Pourtant, la majorité des pré-candidats observés sur les élections de 1958 à 1974 ne dispose pas d’un diplôme élevé, certains précisant seulement être titulaires d’un certificat d’études. Ce faible niveau relatif de diplôme peut dès lors être considéré comme un critère distinctif entre candidat et pré-candidat dans la mesure où les candidats parvenant au premier tour de l’élection présidentielle sont le plus souvent diplômés de grandes écoles (Dulong et Matonti, 2007) telles que Sciences Po, l’ENA, ou sont passés par une faculté de droit. À titre d’exemple François Mitterrand et Raymond Barre sont diplômés de l’École libre de sciences politiques (Sciences Po), Jean Lecanuet est agrégé en lettres, Gaston Deferre est avocat, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac sont énarques, etc. Lors de la majorité des élections présidentielles, seuls les candidats présentés par le Nouveau Parti anticapitaliste et le Parti communiste français ne disposent pas de tels diplômes, mais leur engagement militant de longue date leur a permis d’acquérir un important capital militant, des savoir-faire et des pratiques propres au champ politique (Pudal, 1989) qui compensent en partie cette différence. En présentant l’élection comme sérieuse et solennelle, et en excluant les candidats « fantaisistes » sans précisément les définir, le Conseil constitutionnel entretient un flou sur la définition du « bon » candidat. Il revient alors aux pré-candidats d’identifier les caractéristiques qui leur semblent les plus pertinentes en observant ceux qui parviennent à participer à l’élection. Fortement diplômés, titulaires de fonctions reconnues voire prestigieuses, ils représentent un modèle pour les aspirants candidats qui vont intérioriser le diplôme comme un gage de sérieux et les conduire, même faiblement diplômés, à faire valoir leurs titres scolaires. Les recommandations du Conseil constitutionnel ont donc des implications sur la manière dont les pré-candidats choisissent de se présenter. Examiner le profil social de ceux qui ne parviennent pas à prendre part à la compétition permet alors de souligner que caractère sérieux et capacité à assimiler les règles du jeu politique vont généralement de pair avec un haut niveau de diplôme.

24Dans un autre registre, la mise en valeur par les pré-candidats de leur engagement pour la patrie à travers l’évocation de titres de guerre (médailles, participation à une bataille) d’un passé de combattant (ou de résistant) ou tout simplement d’une volonté de « sauver » la France rappelle une perception communément partagée : le président de la République est le dirigeant de la nation et l’élection présidentielle représente la pierre angulaire de notre système démocratique (François, 2005). À l’instar du diplôme, la suggestion d’une forme d’engagement « pour la France » permet de déterminer en creux ce qu’est la norme du « bon » candidat : celui qui se présente pour son pays, dans un souci d’intérêt général, de manière désintéressée. C’est d’ailleurs une forme de présentation de l’engagement qui se retrouve dans d’autres élections et notamment chez les maires dont Christian Le Bart analyse la mise en scène du rapport neutre et désintéressé à la politique (Le Bart, 2003). Se présenter à l’élection pour accéder à un mandat électif devient alors une forme de dévouement, et le mandat occupé un sacerdoce. On ne se présente pas pour obtenir du pouvoir mais pour participer au rayonnement de son pays. Présenter sa candidature autrement que comme la participation à une noble cause apparaît impensable, car contraire à l’idéal démocratique.

  • 45 AN, 19910411/43 et AN, 19910411/125, n5.

25Malgré une déférence pour la fonction présidentielle qui fait écho à l’image que le Conseil constitutionnel véhicule d’une élection « suprême », on trouve dans les lettres des pré-candidats des éléments qui les distinguent de ceux qui parviennent au premier tour. Sur la forme comme sur le fond, leurs déclarations sont souvent remarquables car elles dérogent au formalisme que l’on peut attendre d’un tel courrier. Ainsi, nombreux sont ceux à s’adresser au Conseil constitutionnel en écrivant sur une feuille de papier abîmée, tâchée ou visiblement arrachée d’un cahier. La déclaration peut être raturée, voire déchirée. Autrement dit on observe souvent un manque de soin dans la mise en forme des missives qui contraste avec les lettres envoyées par les candidats qualifiés pour confirmer la candidature qui sont le plus souvent dactylographiées et sur du papier à lettres. La rédaction des déclarations de candidature en elle-même montre aussi un écart dans les manières d’écrire, ainsi les fautes d’orthographe sont-elles relativement fréquentes, tout comme les formulations qui traduisent la difficulté des pré-candidats à identifier leur interlocuteur. À titre d’exemple on trouve des lettres de candidature adressées au « Conseil constitutionnel de l’État » ; à « Monsieur le Président Alain Poher » ; ou plus simplement à « Madame, Mademoiselle, Monsieur »45. Certaines lettres ont d’ailleurs été réexpédiées au Conseil par les services internes du ministère de l’Intérieur ou de la présidence de la République à qui elles avaient été dans un premier temps adressées, ce qui illustre la difficulté pour certains pré-candidats d’identifier le Conseil constitutionnel comme interlocuteur et montre ainsi leur compréhension limitée de l’organisation et du fonctionnement de l’élection présidentielle. Ces exemples offrent une illustration de la maîtrise partielle des codes de la politique légitime de ces pré-candidats, dont la présentation écrite laisse à penser que la raison de leur échec dans la récolte des parrainages peut être liée à ce défaut de sérieux, de ce que l’on qualifie aujourd’hui de « présidentiable ».

Conclusion

26L’étude des archives est profitable car elle permet d’observer les velléités de candidatures de multiples individus dès les débuts de la Cinquième République. Elle est l’occasion de revenir sur l’évolution d’une institution, et de comprendre depuis plus d’un demi-siècle comment elle aide à façonner une perception de l’élection présidentielle et de ceux qui y participent. La candidature à l’élection du président de la République repose ainsi sur la possession de multiples capitaux dont la nécessité est en partie la conséquence des normes suggérées par le Conseil constitutionnel et adoptées par le législateur. Qu’il s’agisse des implications de normes au sens juridique du terme, ou de normes sociales implicites relatives à la figure du « bon » candidat, il convient pour les mettre au jour de s’intéresser aux acteurs hétérodoxes qui gravitent autour de l’élection : les pré-candidats, les « petits » candidats, les militants… Nous avons ainsi cherché à analyser la manière dont se creuse l’écart à la norme en insistant d’abord sur les règles puis sur ceux à qui elles sont destinées.

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Notes

1 Conseil constitutionnel, 7 juillet 2005, n2005-22 ELEC.

2 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.

3 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

4 Nous entendons ici le terme législateur au sens large i.e. les gouvernements successifs auxquels le Conseil adresse ses recommandations mais également les parlementaires qui peuvent se baser sur ces suggestions pour initier une proposition de loi.

5 Par pré-candidat nous entendons toute personne ayant manifesté au Conseil constitutionnel son intention de se présenter à l’élection présidentielle et/ou ayant récolté au moins une présentation d’élu.

6 Les informations relatives à l’identité et au nombre des candidats sont disponibles sur le site internet du Conseil constitutionnel.

7 Ce capital politique est alors lui-même composé de capitaux social, économique et culturel.

8 Une demande de dérogation pour consulter les archives du Conseil constitutionnel de 1995 à 2017 a été faite auprès du Conseil constitutionnel. Elle a été accordée pour l’année 1995 seulement.

9 CC, 7 juin 2007, n2007-142 PDR.

10 CC, 21 juin 2012, no 2012-155 PDR ; CC, 20 juillet 2017, no 2017-172 PDR.

11 Ordonnance no 58-1064 du 7 novembre 1958. Le collège électoral est alors composé de près de 80 000 parrains correspondants « aux membres du Parlement, des conseillers généraux, des membres des assemblées territoriales ou provinciales des territoires d’outre-mer, des représentants élus des conseils municipaux et, dans les territoires d’outre-mer, des représentants élus des communes de moyen et de plein exercice et des communes mixtes, ainsi que des présidents élus des conseils des autres collectivités municipales ou rurales. »

12 Archives nationales, 19910411/43, n2.

13 Loi no 62-1292 du 6 novembre 1962.

14 Site du Conseil constitutionnel, « Historique de la procédure de parrainage ». Les grands électeurs dont il est question sont les parlementaires, les députés européens, les conseillers régionaux et départementaux, les maires, et les représentants des assemblées d’Outre-mer.

15 Ces chiffres sont obtenus d’après les lettres de candidature trouvées dans les archives du Conseil constitutionnel pour les élections de 1965 (AN, 19910411/47, n2) ; 1969 (AN, 19910411/82, n2) et 1974 (AN, 19910411/125, n1).

16 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.

17 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.

18 Proposition de loi organique n72 tendant à modifier la loi n62-1292 du 6 novembre 1962. Elle est présentée lors de la première session ordinaire du Sénat de 1972-1973, le 21 novembre 1972.

19 Jean-Charles Krieg, rapport n1164 du 20 septembre 1974, Assemblée nationale, troisième session extraordinaire 1973-1974.

20 Lettre du président du Conseil constitutionnel, Gaston Palewski adressée au Premier ministre Gaston Couve de Murville, 15 mai 1969. Archives du Conseil constitutionnel, élection présidentielle de 1969.

21 Compte-rendu de la séance du 4 juillet 1969 et décision n2012-155 PDR du 21 juin 2012.

22 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

23 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.

24 Ibid.

25 CC, 7 juin 2007, n2007-142 PDR.

26 Ibid.

27 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.

28 Loi organique n76-528 du 18 juin 1976.

29 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

30 Loi organique n2016-506 du 25 avril 2016, article 3.

31 Compte rendu de la séance du 4 juillet 1969.

32 Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Présentation en Assemblée nationale n3201, 5 novembre 2015.

33 Par exemple : « Ce que disent les maires », La Montagne, 25 février 2007 ; « Parrainages : ce qu’en pensent nos élus », Ouest France, 17 février 2012.

34 CC, 21 juillet 1988, n88-61 PDR ; CC, 7 novembre 2002, n2002-129 PDR ; CC, 7 juin 2007, n2007-142 PDR ; CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

35 Jérôme, militant pour Résistons ! explique ainsi qu’il a pu faire changer des élus d’avis à temps car ces derniers n’avaient pas encore envoyé leur parrainage. Entretien du 20 mars 2018.

36 Entretien du 22 février 2018.

37 Il en a fait la recommandation dans sa décision CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

38 CC, 21 juin 2012, n2012-155 PDR.

39 CC, 24 mai 1974, n74-33 PDR.

40 À l’instar du Front National qui échoue à présenter un candidat en 1981 faute de signatures.

41 Entretien du 23 novembre 2017 avec Benjamin M., militant du NPA.

42 Entretien du 23 novembre 2017 avec Benjamin M., militant au Nouveau Parti anticapitaliste

43 Le « sauveur de la France » se distingue du résistant ou de l’ancien combattant en ce qu’il est employé de multiples manières par les candidats face à des adversaires plus théoriques (le chômage, l’immigration, le manque d’éducation, etc.).

44 Si le ratio entre les arguments employés et le nombre de pré-candidats peut sembler faible, particulièrement dans le cas de l’élection de 1974, c’est que plusieurs d’entre eux se sont contentés d’envoyer au Conseil constitutionnel une déclaration de participation à l’élection en ne donnant que leur nom.

45 AN, 19910411/43 et AN, 19910411/125, n5.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Clémentine Belle Grenier, « De la recommandation à l’imposition normative »Cahiers Jean Moulin [En ligne], 6 | 2020, mis en ligne le 13 novembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cjm/1038 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cjm.1038

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Auteur

Clémentine Belle Grenier

A.T.E.R. en science politique (IRISSO – UMR CNRS 7170)
Université Paris Dauphine – PSL Research University

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Droits d’auteur

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