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La vulgarisation d’un droit d’application quotidienne

L’exemple des baux d’habitation conclus par des profanes
Hugues Bouthinon-Dumas

Résumés

La conclusion d’un contrat de bail est une opération de la vie juridique quotidienne. Elle est pratiquée dans une assez large mesure par des profanes, c’est-à-dire des personnes qui ne sont ni des juristes, ni des professionnels de l’immobilier. Pour permettre à ces acteurs de pouvoir s’engager en étant relativement informés de ce qu’ils font et pour assurer ainsi le bon fonctionnement du marché immobilier locatif, il apparaît nécessaire que le droit du bail soit rendu accessible aux profanes, et donc qu’il soit vulgarisé. Les sources juridiques traditionnelles ne permettent en effet pas aux non-juristes d’accéder à une information utilisable dans ce domaine. Une multitude de médiateurs et de vulgarisateurs facilitent l’accès au droit du bail, à travers des contenus (livres, articles de presse, vidéos, fiches pratiques, etc.) qui permettent in fine aux acteurs pratiquant le droit du bail en amateurs d’acquérir une certaine familiarité avec ce droit.

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Texte intégral

Introduction

1Le droit du bail d’habitation offre une illustration remarquable de la manière dont la vulgarisation peut rendre accessible une matière juridique à des non-juristes. Il nous permet donc de comprendre comment une opération juridique relativement courante peut cesser d’apparaître étrangère à des profanes, c’est-à-dire à des acteurs qui la pratiquent sans pour autant être des juristes ou des professionnels de l’immobilier.

  • 1 Le caractère non contractuel de transactions économiques simples ou atypiques apparaît dans l’ancie (...)

2Le droit du bail est en effet l’une des manifestations de la vie juridique les plus quotidiennes (Friedrichs, 2012 ; Molfessis, 2010), même si sa dimension explicitement juridique n’est essentiellement perçue par les intéressés qu’à l’occasion de la formation du contrat (négociation, visites, signature des contrats, état des lieux…), de son interruption (congés, achèvement du bail…) et lorsque des difficultés surviennent (non-paiement des loyers, dégradation du logement, vente ou sous-location du logement loué, etc.). Il faut remarquer que c’est un acte juridique perçu par les acteurs comme manifestement juridique, par contraste avec la plupart des contrats de la vie quotidienne qui ne donnent pas lieu à la « signature d’un contrat » et qui, notamment pour cette raison, ne sont pas perçus par les profanes comme de véritables contrats mais comme de simples transactions économiques1 dénuées de dimension juridique (Carbonnier, 2013 et 2016). Parmi les actes juridiques explicites, les contrats de baux sont certainement parmi les opérations les plus répandues, si l’on en juge par le nombre de baux d’habitation conclus chaque année et par la proportion de personnes qui accèdent à un logement dans ce cadre (Burckel, 2018).

3Ce contrat est aussi intéressant pour étudier le rapport des profanes au droit parce que le contrat de bail et le droit qui le régit paraissent à portée des usagers. Précisons que les usagers du contrat de bail sont aussi bien les locataires que les bailleurs et aussi les cautions qui garantissent les obligations des locataires dans de très nombreux cas. C’est une autre caractéristique intéressante du bail d’habitation dans la perspective d’une étude de la vulgarisation juridique : il s’agit d’une relation juridique qui concerne souvent des non-juristes et des non-professionnels de chaque côté du contrat. Il est en effet très fréquent qu’à la fois les locataires et les bailleurs soient des « acteurs ordinaires » au regard du droit. Cette situation contraste avec les nombreux contrats d’adhésion conclus quotidiennement par les particuliers face à des professionnels qui proposent des contrats tout prêts, à prendre ou à laisser. Dans ce dernier cas, les particuliers ne s’investissent guère dans l’aspect juridique des transactions, puisqu’il s’agit d’un droit qu’ils subissent sans avoir intérêt à adopter une attitude active. De plus, le bail est un contrat qui ne présente pas des difficultés insurmontables pour des non-juristes. À la différence de contrats de gré à gré très sophistiqués (par exemple la vente d’une entreprise ou d’un immeuble qui donne nécessairement lieu à l’intervention de professionnels du droit, avocats et/ou notaires), les baux d’habitation sont souvent gérés de façon autonome ou semi-autonome par les parties, du moins jusqu’à ce qu’un problème sérieux survienne (il y aura alors intervention d’huissiers, d’avocats, de juges…). Les baux d’habitation présentent un degré de complexité intermédiaire : ils ne sont ni particulièrement simples, ni excessivement complexes. Ils apparaissent, dans une certaine mesure, à la portée de contractants profanes. Des non-juristes et des non-professionnels peuvent ainsi devenir des pratiquants amateurs du droit des contrats. Cette situation n’est finalement pas très fréquente, les autres contrats significatifs que les particuliers sont amenés à conclure étant généralement des contrats d’adhésion (contrats de fourniture d’énergie, d’eau, de télécommunications, de services bancaires et d’assurance, etc.).

4Dans ce contexte, les parties au contrat sont censées pouvoir gérer elles-mêmes l’aspect juridique de leur relation. Nous ne faisons pas ici référence à la présomption légale de connaissance du droit (« Nul n’est censé ignorer la loi »), mais à l’idée que s’engager dans un contrat de bail est une opération suffisamment courante et « normale » pour ne pas avoir à requérir a priori l’intervention de professionnels spécialisés. C’est donc typiquement une activité qui invite à renouer avec l’idéal attaché historiquement à la codification. L’un des objectifs du code est en effet de fournir à des citoyens normalement cultivés et instruits un outil de connaissance du droit, maniable, pratique et qui soit écrit dans un langage accessible (Portalis, 1998 ; Carbonnier, 1986). Dans le contexte actuel, la difficulté d’accès au droit qui régit cette matière et la difficulté de lecture et de compréhension des documents soumis aux parties à cette occasion (contrat de bail, contrat de cautionnement, conditions générales…) constituent un problème auquel la démarche de vulgarisation ambitionne d’apporter une réponse.

5Cette étude vise à montrer comment un droit d’application relativement courante (c’est-à-dire placé dans une situation de quotidienneté objective) peut devenir relativement familier (ce qui renvoie à une quotidienneté subjective) aux acteurs qu’il concerne. Mais il faut relever que cette réconciliation entre la quotidienneté objective du droit et la quotidienneté subjective du droit est d’abord limitée (les parties aux contrats de bail ne maîtrisent pas le droit comme seuls les juristes et les professionnels de l’immobilier peuvent le faire et elles ne se départiront pas totalement du sentiment que le droit ne leur est pas complètement familier) et ensuite elle n’est pas immédiate (elle passe par l’intermédiaire de la vulgarisation, c’est-à-dire d’un processus à la fois matériel-intellectuel et socio-économique). Autrement dit, le droit du bail d’habitation peut devenir relativement familier aux locataires, aux cautions et aux bailleurs non professionnels grâce à des supports de communication et à des médiateurs intéressés ou désintéressés qui rendent ce droit accessible, et ce faisant modifie le rapport au droit de ces profanes.

6Cette étude ambitionne d’examiner le rapport au droit des profanes à partir d’un terrain d’investigation exemplaire, alors que l’évolution du contexte contemporain invite à renouveler l’approche des conditions réelles d’accès au droit (Lafore, 2014). La manière dont le droit peut toucher les acteurs sociaux et la manière dont les acteurs peuvent réellement se saisir du droit doivent être pensées à la lumière des sciences humaines (sociologie du droit, psycho-sociologie juridique, histoire, économie institutionnaliste…). C’est une démarche qui rompt avec deux prénotions. Du point de vue d’une approche empirique de l’accès au droit, le principe juridique d’accessibilité et d’intelligibilité du droit aujourd’hui affirmé au plus haut niveau (Du Marais, 2016), fait figure de noble ambition qui peut contribuer à faire évoluer la réalité de l’accès au droit et la simplification du droit (Pousson et Rueda, 2010), mais il ne garantit nullement que le droit en vigueur, y compris lorsque son intelligibilité aura été expressément examinée par l’autorité compétente, sera effectivement intelligible pour les acteurs sociaux ordinaires. Cela tient notamment au fait que « le droit du bail » ne se réduit pas à la législation et à la règlementation sur le bail, mais inclut largement des sources contractuelles dont l’intelligibilité n’est pas contrôlée a priori2. En outre, l’examen de l’intelligibilité est une appréciation judiciaire qui repose sur la mise en œuvre d’un raisonnement abstrait par un juge et non une vérification empirique comme pourrait la réaliser un institut de sondage ou un sociologue. La deuxième idée reçue avec laquelle il faut prendre ses distances consiste à considérer que le tournant numérique et les solutions technologiques seraient la réponse au problème posé par la difficulté d’accès réel au droit. L’idée assez couramment exprimée aujourd’hui serait qu’il suffirait « d’aller sur internet » pour trouver l’information, voire qu’il ne serait plus nécessaire de comprendre le droit pour réaliser des opérations juridiques, puisque l’on peut « passer par une application », par exemple pour gérer une location3. Loin de nous l’idée de sous-estimer l’impact des nouvelles technologies et des ressources numériques sur le rapport au droit. Mais la transformation numérique appliquée au droit ne doit pas être l’occasion de projeter un espoir d’accessibilité parfaite du droit qui reste aujourd’hui largement illusoire. Le numérique peut produire des effets, mais il ne peut pas tout faire tout seul. Nous verrons donc que c’est en pratique souvent l’association du numérique avec une démarche de vulgarisation qui peut permettre d’améliorer le rapport des profanes à une matière juridique particulière comme le droit du bail d’habitation.

7Notre analyse du rapport au droit des profanes intéressés par le droit du bail s’inscrira dans le cadre de la problématique plus large de la vulgarisation juridique (Guerlain et Hakim, 2019), ce qui appelle quelques précisions. La vulgarisation juridique est une application particulière de la démarche plus générale de vulgarisation (ou popularization en langue anglaise) (Michaut, 2014, Lazlo, 1993), mais c’est un type de vulgarisation particulier.

  • 4 Le « catéchisme » ou les supports missionnaires apparaissent comme une forme de « vulgarisation » d (...)

8La vulgarisation consiste à sensibiliser et à donner une éducation élémentaire à des personnes qui ne sont pas en situation d’accéder par les voies ordinaires, et notamment académiques, à des savoirs théoriques ou pratiques, alors que l’on estime qu’il n’est pas bon que ces savoirs leur restent étrangers (Jurdant, 2009 ; Lapointe, 2008 ; Caro, 1990). La vulgarisation a d’abord concerné des domaines éloignés du droit, comme l’hygiène, la connaissance scientifique et les technologiques, la théologie4 ou l’économie domestique. Les publics visés par cette démarche de vulgarisation étaient soit le « grand public » (c’est-à-dire toute la population à l’exception des savants), soit des publics particuliers (souvent des populations en transition, du fait de phénomènes comme l’exode rural, la colonisation, la modernisation…). Différents supports ont été conçus dans cette perspective, notamment à partir du xviiisiècle (Raichvarg, 2003), tantôt par des savants désireux de partager leur savoir, tantôt par des pédagogues soucieux d’étendre, au-delà du cadre scolaire, leur vocation éducative, tantôt par des hommes et des femmes de communication (journalistes et écrivains notamment) à l’origine d’une littérature singulière (Jeanneret, 1994 ; Resche, 2016, Beacco, 1999) qui s’est élargie au xixe et au xxsiècle vers d’autres formes d’expression que l’écrit (cinéma, radio, jeux, dessins, etc.) (collectif, 2007 ; Mottet, 1997).

  • 5 Jean Rostand : « Acceptons donc résolument, courageusement ce vieux mot, consacré par l’usage, de v (...)
  • 6 Selon L. Guerlain et N. Hakim, il en était déjà ainsi autrefois. Quelques rares professeurs de droi (...)
  • 7 Voir toutefois comme illustration de la vulgarisation juridique générale (Gerrero, 2015 ; Pierrat, (...)

9La vulgarisation juridique, quant à elle, occupe une position particulière. Tout d’abord, il faut rappeler que pour l’essentiel, le droit n’est pas une discipline théorique mais un savoir pratique. La vulgarisation juridique n’aura en conséquence pas de visée théorétique. Le droit ne sert guère à comprendre le monde ; il sert surtout à organiser les relations sociales. Il s’ensuit que la vulgarisation juridique, à la différence par exemple de la vulgarisation scientifique, n’ambitionne pas principalement de susciter le désir de comprendre et d’entretenir le plaisir de savoir (M.-O. Monchicourt, citée par Michaut, 2014 p. 35), mais plutôt de donner aux acteurs sociaux les moyens d’agir et de bien agir dans leur vie quotidienne. À la différence des beaux-arts ou de l’histoire, le droit ne fait pas non plus partie de la « culture générale ». Ensuite, il convient de remarquer que la vulgarisation juridique n’a pas été très valorisée dans le contexte français (Beck, 2017). D’une façon générale d’ailleurs, le terme même de « vulgarisation » a une connotation négative, même s’il a ses défenseurs et possède ses lettres de noblesse5. Les ouvrages et émissions de vulgarisation juridique n’ont jamais eu le succès de leurs homologues dans le domaine scientifique ou même économique. Les spécialistes de la vulgarisation ne s’y sont guère intéressés et la vulgarisation est assez peu prisée dans les milieux académiques, à quelques exceptions près (Terré, 1999 ; Hue, 1997)6. Quant aux juristes praticiens, leur rapport à la vulgarisation est souvent ambigu7. La publication d’ouvrages ou de textes sur internet à destination du grand public a souvent été vue comme un moyen de se signaler à des clients potentiels, alors que la publicité leur était interdite, mais leur intérêt n’est évidemment pas de rendre les clients potentiels autonomes... Les innovations récentes dans le domaine juridique ont ravivé les craintes et les réflexes protectionnistes des professionnels du droit qui se sentent menacés par des solutions technologiques qui pourraient permettre de se passer des juristes pour accéder au droit et réaliser des opérations juridiques.

10La vulgarisation du droit en général et de certains domaines juridiques en particulier existe, au moins depuis le xixsiècle (Guerlain et Hakim, 2019), mais elle n’a pas l’assise historique et la reconnaissance qu’a par exemple la vulgarisation scientifique. La situation est toutefois en train d’évoluer, sous l’effet d’initiatives technologiques et économiques et sous l’influence de courants de pensée principalement étrangers à l’origine (Masson et Bouthinon-Dumas, 2019). Le traitement de l’information, sa diffusion sur le réseau internet et les techniques algorithmiques sont applicables aux données et à l’activité juridique et donnent naissance à la « legaltech ». On voit donc apparaître depuis quelques années de nombreuses offres développées par des start-up, par des acteurs installés ou par des institutions publiques ou parapubliques. Par ailleurs, l’approche en termes de design (ce qu’on appelle couramment le design thinking) est de plus en plus appliquée au droit. Cette démarche qu’on appelle le legal design, dont fait partie la représentation visuelle du droit (visual law), a d’abord émergé aux États-Unis, notamment à l’université de Stanford8, et en Scandinavie9. Elle inspire aujourd’hui de nombreux projets visant à rendre le droit plus accessible en proposant des supports de communication plus adaptés. Cette démarche rejoint aussi le mouvement en faveur du « langage juridique clair » (plain language en anglais) qui s’est développé plus rapidement dans les pays anglophones et dans les autres pays francophones (en particulier en Belgique et au Québec10) qu’en France. Toutes ces initiatives partagent l’ambition de favoriser l’accès au droit quotidien. De façon symptomatique, « droits quotidiens » est d’ailleurs le nom choisi par l’une des principales organisations actives dans ce domaine11.

  • 12 L’auteur remercie pour leur participation les étudiants du groupe 3 du séminaire « comprendre et ch (...)

11Pour comprendre concrètement comment un droit particulier comme le droit du bail peut « rentrer dans les têtes », ne serait-ce que partiellement, de profanes, nous avons utilisé différentes sources d’information. Ces sources ne se limitent naturellement pas aux « sources du droit traditionnelles » puisque la vulgarisation juridique trouve son sens dans le cas où les supports et les vecteurs du droit de premier rang, c’est-à-dire les sources officielles, académiques ou professionnelles, ne suffisent pas à rendre le droit accessible à des personnes qui ne sont pas formées et préparées à les utiliser. Nous avons donc été amenés à comparer la documentation juridique traditionnelle (les codes, le JO, les revues juridiques, les bases de données juridiques, les ouvrages édités par des éditeurs juridiques…) avec les supports alternatifs de la communication juridique. Nous avons complété ces investigations sur textes et autres supports multimédia, avec un questionnaire administré auprès d’une population limitée et avec des entretiens réalisés avec des utilisateurs et avec quelques intermédiaires (opérateurs offrant des conseils par téléphone, notaires ayant une clientèle de particuliers-bailleurs, avocats gérant des contentieux impliquant des locataires et des bailleurs non-professionnels)12. Nous ne prétendons pas que les personnes interrogées sont représentatives du marché du bail, mais ces échanges fournissent des données de première main sur l’interaction entre les parties au contrat de bail. Ajoutons que notre connaissance de la pratique du bail se fonde aussi sur l’observation participante, l’auteur ayant été amené à conclure une dizaine de baux d’habitation, comme locataire et comme bailleur, pour lui-même ou pour ses proches, étant précisé que le droit du bail n’est pas sa spécialité juridique. La notion de profane est en droit comme dans d’autres matières (médecine, informatique…) relative : on est plus ou moins profane. On peut ainsi être profane en matière de droit du bail tout en ayant par ailleurs une expertise juridique dans un autre domaine. Les informations sur l’attitude des contractants vis-à-vis de la matière juridique sont fondées sur ces différentes sources.

12Nous analyserons dans une première partie pourquoi la vulgarisation du droit du bail apparaît nécessaire (I), puis dans une seconde partie, comment s’exprime cette vulgarisation du droit du bail en direction des profanes (II), avant de conclure sur ses implications en termes d’appropriation du droit.

I – La justification de la vulgarisation du droit du bail

13Il est important que le droit du bail d’habitation soit vulgarisé pour être accessible aux acteurs, tout d’abord parce que cette accessibilité apparaît comme une nécessité pratique (A) et ensuite parce que cette accessibilité est conforme aux ambitions assignées au droit du bail (B).

A/ Une nécessité pratique

14Rendre le droit du bail accessible est une nécessité qui découle de l’importance pratique de cette relation juridique (1°) et du déficit de connaissance juridique dans ce domaine perçu et déploré par les acteurs eux-mêmes (2°).

1°) Une relation juridique essentielle

15S’il est si important de rendre le droit du bail accessible aux profanes à travers la vulgarisation, cela tient au fait que cette relation juridique joue un rôle essentiel dans la satisfaction d’un besoin fondamental et que les acteurs concernés par le droit du bail ne peuvent pas complètement se reposer sur des dispositifs institutionnels qui les dispenseraient d’acquérir eux-mêmes un certain savoir juridique pratique.

  • 13 Les dernières statistiques connues de l’INSEE montrent que près de 40 % des gens sont locataires, l (...)
  • 14 Toujours selon l’INSEE, les logements donnés en location par des particuliers (et non par des colle (...)

16On conviendra sans difficulté que l’accès à un logement permet de satisfaire un besoin tout à fait fondamental. Or, dans la société française contemporaine, le marché locatif privé occupe une place considérable parmi les moyens d’accéder à un logement, à côté de la propriété et du logement social13. Ces deux derniers types de logement n’impliquent pas la même maîtrise d’un instrument juridique aussi complexe que le contrat de bail. Dans le cas des propriétaires occupants, leur situation juridique est assise sur le droit de propriété. L’importance et la complexité d’une opération d’acquisition immobilière font que les acheteurs sont toujours accompagnés de professionnels (notaires, et parfois avocats et agents immobiliers). En outre, acheter un logement est une opération moins courante qu’une location (sauf pour les marchands de biens). Quant au logement social, il s’inscrit juridiquement dans un cadre qui est autant institutionnel que contractuel (constitution d’un dossier, examen du dossier par une commission d’attribution, etc.). À l’intérieur du marché locatif privé, on peut distinguer une offre émanant d’acteurs institutionnels et une offre émanant de particuliers14. Ces derniers sont propriétaires d’un bien ou de quelques biens immobiliers qu’ils mettent en location. Les investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance, sociétés immobilières…) peuvent être considérés comme des professionnels qui ont les compétences pour gérer eux-mêmes leur portefeuille d’immeubles ou les moyens de le faire gérer par des professionnels de la gestion immobilière et locative. Les contrats de baux proposés aux locataires sont alors des contrats d’adhésion. C’est pour la catégorie résiduelle – mais non négligeable quantitativement – des locations conclues par des particuliers du côté de l’offre comme de celui de la demande qu’un niveau minimal de connaissance et de compréhension du mécanisme juridique du bail apparaît particulièrement important.

17Les parties aux contrats peuvent certes s’appuyer sur des intermédiaires qui facilitent la mise en relation des propriétaires-bailleurs et des candidats à la location, voire qui accompagnent les parties dans leur négociation et dans leur relation. Plusieurs professionnels tels que les agences immobilières traditionnelles ou les huissiers de justice (pour l’établissement de l’état des lieux notamment) sont amenés à intervenir. Ils sont de plus en plus concurrencés sur ce marché des services d’assistance aux acteurs du marché immobilier locatif par de nouveaux acteurs comme les plateformes électroniques15 et les applications d’aide à la gestion immobilière. Il est certain que l’interposition de ces acteurs est une ressource précieuse. Il faut toutefois souligner que cette assistance n’est ni systématique, ni complète. À moins de déléguer complètement la gestion de son patrimoine immobilier locatif à des mandataires, la plupart des bailleurs doivent s’impliquer eux-mêmes, à des degrés variables, dans la gestion et donc dans la conclusion des baux et le suivi de la relation contractuelle avec leurs locataires. Quant aux locataires, ils sont encore plus nombreux à chercher à éviter les frais de gestion associés au passage par une agence. Très rares sont ceux qui sollicitent les services d’un notaire ou d’un avocat pour les assister dans la négociation de leur bail. Il résulte de ces faits que les contrats de bail sont des contrats importants en pratique pour les parties (bailleurs, locataires et personnes physiques qui se portent caution des obligations du locataire), mais ce sont aussi des contrats que ces parties gèrent au moins en partie par elles-mêmes. Il est donc essentiel qu’elles comprennent ce qu’elles font quand elles s’engagent dans une telle relation.

2°) … confrontée à un déficit de connaissance juridique élémentaire des non-juristes

18De nombreux particuliers qui sont susceptibles de conclure un contrat de bail considèrent qu’ils disposent d’une connaissance insuffisante du droit qui régit cette matière.

  • 16 Sondage réalisé par les étudiants de première année de l’ESSEC auprès de leurs pairs (37 répondants (...)

19Cette perception (Percheron, 1991) a été étudiée à travers un sondage réalisé par voie de questionnaire électronique auprès d’une population d’étudiants de première année d’école de commerce au cours du mois de septembre 201816. Cette population était donc constituée de jeunes gens tout justes sortis de classes préparatoires commerciales, c’est-à-dire disposant de capacités intellectuelles et d’un niveau de culture générale relativement élevés, mais n’ayant pas suivi d’enseignements juridiques. Ce sondage n’est donc pas représentatif de la population française, mais il fournit des enseignements sur le rapport au droit de non-juristes. 97,3 % des personnes interrogées avaient conclu un contrat de bail au cours de l’année. 67,7 % des répondants considéraient qu’ils n’étaient pas capables de présenter dans ses grandes lignes le fonctionnement d’un contrat de bail. 64,9 % des répondants reconnaissaient ne pas avoir lu intégralement le contrat de bail, d’abord en raison de sa longueur, et ensuite en raison de sa complexité et de sa technicité. Finalement, 94,6 % des personnes interrogées dans le cadre de ce sondage ont conclu qu’une vulgarisation du droit qui régit le bail était nécessaire.

20Cette perception découle du fait que les profanes semblent avoir conscience que le bail repose sur une relation contractuelle relativement sophistiquée et du fait que leurs connaissances juridiques sont faibles. La conscience de la juridicité de la relation entre un bailleur et un locataire apparaît très forte parce que le contrat de bail est un contrat écrit et qu’il porte sur une prestation de service. À la différence des menus achats de la vie quotidienne, la relation juridique est matérialisée dans la très grande majorité des cas par un instrumentum présentant toutes les caractéristiques que les profanes attribuent à un document juridique (un document de plusieurs pages, des articles, des références à la loi et des signatures…). À la différence des contrats portant sur des choses, les services ne semblent exister qu’à travers un contrat qui fait naître les obligations qui définissent le contenu de la prestation et sa rémunération.

21Comme les profanes reconnaissent facilement qu’un bail est un contrat et donc quelque chose de juridique, ils sont portés à reconnaître leurs lacunes dans ce domaine. Le sentiment d’incompétence et d’ignorance en droit s’explique aisément. Le cursus scolaire français comporte très peu d’enseignements de nature juridique, en dehors de certaines filières techniques ou professionnelles. Le droit n’est pas une matière générale enseignée à l’école (Robert, 1998), en attendant une généralisation des conférences expérimentales réalisées par des juristes17 et l’introduction d’un enseignement optionnel au lycée. Les élèves reçoivent bien quelques rudiments dans le cadre de « l’enseignement moral et civique (EMC) », mais il s’agit plus d’une sensibilisation que d’une véritable transmission de savoirs. En outre, cet enseignement est davantage consacré aux institutions publiques qu’aux relations juridiques relevant du droit privé. La question se pose de savoir s’il ne serait pas nécessaire de doter les écoliers, futurs citoyens actifs dans la démocratie mais aussi sujets actifs de la vie civile, d’un kit de survie juridique. La culture populaire constitue un palliatif très imparfait à cette quasi absence de formation juridique dans l’enseignement primaire et secondaire. Certes, on observe bien une multiplication des œuvres (notamment les films et les séries) ayant pour objet le monde judiciaire, mais ces supports ne livrent que peu d’informations sur les questions relevant du droit des contrats (Molfessis, 2010). La plupart des fictions ayant une coloration juridique privilégient des thèmes tels que le droit pénal, le droit de la famille, les activités des professionnels du droit et les joutes oratoires dans les prétoires. Rien qui ne prépare les jeunes spectateurs et lecteurs à signer un bail en connaissance de cause.

22En théorie, le droit du bail est une matière juridique riche et complexe. Elle repose à la foi sur des principes juridiques généraux (droit des contrats, droits fondamentaux…) et sur des textes spéciaux (la loi de 1989, issue de la loi Quillot de 1982, plusieurs fois réformée par le législateur, jusqu’à tout récemment avec les lois ALUR et ELAN, sans parler des régimes dérogatoires comme la loi de 1948). La maitrise du droit du bail doit en outre être combinée avec des considérations relevant du droit de la famille (les divorces, mariages, naissances pouvant avoir des incidences sur le contrat de bail). Du point de vue des bailleurs, les considérations fiscales sont importantes. Du côté des locataires, le droit des aides sociales (APL, garantie des loyers…) ne doit pas être négligé. En pratique néanmoins, le droit du bail repose sur des règles fondamentales qui sont moins nombreuses que cette présentation le laisse penser. Au surplus, le droit du bail n’est pas aussi exposé à l’inflation normative et à l’instabilité législative et règlementaire que d’autres branches du droit également d’application quotidienne comme le droit fiscal ou le droit du travail. Le droit du bail est donc un droit qui peut être grosso modo mis à la portée de non juristes.

23Plus que le contenu du droit lui-même, c’est la forme à travers laquelle il se présente aux utilisateurs profanes qui rebute et nourrit le sentiment d’étrangeté du droit et l’idée que c’est surtout « l’affaire des autres » (c’est-à-dire des juristes ou des professionnels expérimentés). La complexité du droit est imputée à la langue juridique qui serait empreinte de termes jargonnant (« synallagmatique »), de tournures inhabituelles (« nonobstant »), de termes empruntés à des langues étrangères (« ad probationem »…), comme l’observe les juristes (Cornu, 2005) aussi bien que les non-juristes interrogés. En réalité, les contrats de bail et les textes sur le bail sont très largement dépourvus de ces particularités stylistiques. Ce n’est donc guère ce qui empêcherait un individu normalement cultivé de tenter de comprendre le droit du bail. C’est davantage la logique du droit et l’enchevêtrement des sources juridiques (les renvois, les règles d’articulation entre règles…) qui heurtent les utilisateurs non juristes. Cela laisse penser que le droit présenté autrement pourrait être compris, au moins dans ses grandes lignes. Cette dernière idée fait frémir d’effroi les juristes tant ils sont convaincus que l’approximation est incompatible avec le droit. Mais, d’un point de vue sociologique et pratique, il n’est pas déraisonnable de penser qu’il vaudrait mieux permettre aux profanes de comprendre un peu le droit que de les décourager de tenter de pénétrer un monde présenté comme inaccessible.

24Il n’est donc pas hors de propos de former l’espoir qu’à tout le moins les bases du droit du bail peuvent être inculquées utilement à des profanes qui, en pratique, en auront souvent besoin pour s’engager dans une relation bailleur-locataire-caution, en disposant d’un minimum de connaissances.

B/ Une ambition juridique légitime

25Au-delà des considérations pratiques, c’est la vocation même de notre droit qui justifie que l’on rende accessible un droit d’application quotidienne comme le droit du bail, grâce à un effort de vulgarisation. Dans une société démocratique avancée et dans une économie de marché décentralisée comme nous les connaissons en France, une certaine connaissance du droit du bail est un prérequis fonctionnel pour permettre à ce droit d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés, à savoir assurer le bon fonctionnement du marché locatif (1°) et assurer l’effectivité de la capacité juridique des personnes (2°).

1°) Assurer le bon fonctionnement du marché locatif

26Une branche du droit comme le droit du bail d’habitation a essentiellement une vocation fonctionnelle : les règles instituées par le législateur servent à encadrer les relations sociales et économiques relativement à une activité particulière. Contrairement à d’autres branches du droit comme le droit de la famille, le droit du bail n’a pas une fonction essentiellement symbolique. Sa raison d’être est d’orienter effectivement les comportements des sujets de droit, de manière à ce que les relations en question se déploient conformément à l’intention du législateur. En l’occurrence, il s’agit principalement d’assurer le fonctionnement du marché immobilier locatif dont on a déjà souligné l’importance pour assurer un logement à une partie considérable de la population. Pour que le marché fonctionne bien, il faut que les échanges puissent avoir lieu. Il faut aussi que les négociations et l’exécution des contrats soient relativement simples et ne génèrent pas des « coûts de transactions » qui dissuaderaient les acteurs de s’engager dans des relations de ce type. On sait par exemple que les difficultés à obtenir l’expulsion des locataires ne payant pas leurs loyers peuvent dissuader certains propriétaires de mettre leurs biens en location (Boudon, 1977). En outre, le droit du bail vise à assurer un certain équilibre entre les intérêts des parties en présence, les locataires et les bailleurs. Comme d’autres branches du droit (droit du travail, droit de la consommation…), le droit du bail postule qu’une catégorie socio-économique (les bailleurs) est structurellement en position de force. Il appartient dès lors au droit de contrecarrer ce rapport de force en prenant le parti de la catégorie réputée en position de faiblesse, en l’occurrence les locataires. Le droit français du bail relève ainsi d’un ordre public économique de direction et de protection (Farjat, 1962). Si ce droit n’est pas connu et respecté, il y a donc un risque réel que le marché locatif se contracte ou se développe de façon anarchique. Par exemple, la loi encadre la durée des baux dans un sens favorable aux locataires. Si les parties au contrat ne connaissent pas ces règles, on peut craindre que les bailleurs n’essayent d’imposer contractuellement une durée de bail inférieure au minimum légal. Les locataires risquent aussi ne pas exercer leur droit (Warin, 2016) de résiliation anticipée, faute de savoir qu’il leur est possible de se désengager avec un préavis réduit dans certaines hypothèses.

  • 18 Sur une question aussi essentielle que celle de savoir si le locataire doit continuer à payer ses l (...)

27Le point décisif est qu’un droit dirigiste ne peut produire les effets recherchés par le législateur que si ce droit est connu, compris et pris en compte par les parties concernées. Même si la connaissance du droit n’est pas une condition suffisante de l’application du droit (il faut encore que les parties, conscientes de leurs droits et obligations, veuillent bien les respecter ou les faire valoir), nous pensons qu’elle est une condition nécessaire. A contrario, il nous semble très improbable qu’un droit, qui ne serait pas connu des acteurs, serait néanmoins appliqué par eux. Deux mécanismes pourraient théoriquement permettre une application d’un droit qui ne serait pas connu des acteurs qu’ils cherchent à encadrer. Premièrement, on peut conjecturer que le droit donne naissance à un modèle de comportement qui lui-même aura une force normative suffisante pour que les acteurs l’appliquent, sans même savoir que ce sont en réalité des règles de droit qui en sont à l’origine. Les acteurs sociaux savent, à travers des échanges informels ou des œuvres de la culture populaire (Storey, 2006) ou encore des proverbes condensant des règles juridiques par exemple, qu’il y a « des choses qui ne se font pas » et se comportent donc de la bonne manière, sans connaître au juste la règle sous-jacente. On peut ainsi observer que « les gens savent » que le vol ou le viol sont interdits sans avoir besoin de connaître les règles prohibitives en question. En matière de droit du bail, la fréquentation des parties profanes donne à penser que de nombreuses règles ne font pas partie de la connaissance commune ou de la culture ambiante18. Deuxièmement, on peut imaginer que les destinataires finaux de la règle n’ont pas besoin de la connaître pour l’appliquer, parce que l’application de la règle passera par l’intervention de professionnels qui eux la connaissent et la feront appliquer. Les actes de vente immobilière par exemple seront conformes au droit, non parce que les vendeurs et les acheteurs connaissent ce droit et le respectent, mais parce que le processus juridique est médiatisé par des professionnels, en l’occurrence les notaires, qui vont l’appliquer et le faire appliquer. Or, comme nous l’avons déjà remarqué, l’intervention de professionnels du droit (ou de l’immobilier) sur le marché locatif est loin d’être systématique. On ne peut donc pas compter sur les intermédiaires pour faire respecter un droit que les destinataires ultimes des règles ne connaissent pas bien.

28Pour que les objectifs poursuivis par le droit soient atteints, il faut donc que le droit soit connu de ceux à qui il s’adresse.

2°) Assurer l’effectivité de la capacité juridique des personnes

  • 19 La littérature populaire du droit au xixsiècle visait déjà, selon L. Guerlain et N. Hakim à « per (...)

29Dans la tradition française, l’État ne se soucie pas seulement du bon fonctionnement du marché ; il cherche aussi à favoriser la capacité des citoyens à être des sujets de droit véritablement actifs, capables de s’occuper de leurs affaires, de défendre leurs intérêts, de s’engager avec assurance et en connaissance de cause dans les relations juridiques privées qu’ils peuvent nouer. Cette préoccupation est historiquement liée à une politique d’émancipation attachée au projet républicain qui se déploie depuis la Révolution de 1789. Cette inspiration à la fois libérale et républicaine, défendue notamment par les partis républicains et radicaux sous la Troisième République19, peut d’ailleurs entrer en tension avec les approches plus interventionnistes ou protectrices qui se traduisent par un ordre public de protection que nous avons déjà signalé. Il s’agit de traiter les citoyens français – au moins les majeurs non protégés – comme des personnes juridiques disposant d’une pleine capacité juridique leur permettant de conclure des actes juridiques qui contribueront à modeler et à améliorer leur vie quotidienne.

30Cette politique souvent désignée par le terme anglais d’empowerment comporte deux volets. Tout d’abord, l’État pose le principe de la capacité juridique des citoyens et il tend à élargir au fil des années les frontières de cette catégorie juridique, notamment en direction des femmes qui ont longtemps disposés de droits civils inférieurs à ceux des hommes, puis des jeunes, avec l’abaissement à 18 ans de l’âge de la majorité. Les prérogatives civiles et politiques des étrangers (droit de vote et éligibilité aux élections locales, mais aussi le droit de travailler lorsque l’on n’est pas en situation régulière) pourraient s’accroître encore. Mais la capacité d’exercer ses droits de citoyens actifs de la vie juridique n’est pas qu’une question statutaire. Pour exercer véritablement ses droits civils, il ne suffit pas que l’Etat les reconnaisse formellement. Il faut encore que les citoyens disposent effectivement des moyens de les exercer. À cet égard, un certain niveau de connaissance juridique général et spécifique est nécessaire.

31Étant donné l’importance pratique du droit du bail pour les parties intéressées, un effort spécifique pour rendre ce droit compréhensible nous semble particulièrement recommandé. Nous avons en effet souligné que les locations constituaient l’une des modalités courantes pour accéder au logement, qui lui-même satisfait un besoin fondamental et contribue de façon essentielle à la qualité de vie quotidienne des personnes. Par ailleurs, pour de nombreuses personnes des catégories moyennes et supérieures de la population, la propriété d’un bien immobilier ou de plusieurs biens immobiliers représente une part essentielle de leur patrimoine. En conséquence, la possibilité de mettre ce bien en location est un mode de valorisation de leur capital tout à fait essentiel et une source de revenus non négligeable, en particulier pour les personnes relativement âgées et les retraités. Quant aux personnes qui cautionnent les obligations souscrites par les locataires (parents, amis, employeurs…), cet engagement représente un risque patrimonial majeur auxquels elles sont exposées. Il est donc essentiel que le droit de contracter, comme bailleur, locataire ou garant soit dans les faits accompagné par une information suffisante accessible à des profanes. A contrario, s’il fallait être juriste pour participer à des transactions sur le marché immobilier locatif, ou même s’il fallait nécessairement s’en remettre à des professionnels, une part importante de la population serait en réalité exclue.

32Le droit du bail joue un rôle si important dans la vie quotidienne des personnes qui, dans leur grande majorité, ne sont ni des juristes, ni des professionnels de l’immobilier, qu’il apparaît indispensable que ce droit soit vulgarisé.

II – L’expression de la vulgarisation du droit du bail

33Pour comprendre comment les profanes peuvent accéder à une information vulgarisée sur le droit du bail, il faut faire l’expérience de se mettre à leur place et vérifier par des entretiens avec ces acteurs et ceux qui les conseillent que leur manière de procéder suit la démarche que l’on peut reconstituer à partir des sources d’information analysables.

34Il apparaît que la vulgarisation du droit du bail d’habitation dépend d’initiatives d’un certain nombre d’acteurs qui mettent à disposition des informations au-delà des sources traditionnelles (A). Elle se traduit concrètement par un travail consistant principalement à simplifier l’information juridique et à privilégier le point de vue de l’utilisateur (B).

A/ Les sources d’information vulgarisée sur le droit du bail

35S’il existe des sources d’information vulgarisées sur le droit du bail, c’est d’abord parce que les sources traditionnelles ne conviennent pas aux profanes (1°). D’autres informateurs que les auteurs de la documentation juridique traditionnelle prennent donc des initiatives pour diffuser des informations qui visent spécifiquement à faire comprendre le droit qui régit la relation bailleurs-locataires à des non-juristes (2°).

1°) L’insuffisance des sources traditionnelles

36Les entretiens menés avec des acteurs du marché immobilier locatif conduisent à la conclusion que les non-juristes n’utilisent pas les sources d’information qui sont familières aux juristes, à savoir les sources primaires et les sources secondaires traditionnelles constituées par les publications rédigées par des juristes.

37Les pouvoirs publics ont fait et continuent à faire des efforts pour rendre le droit français accessible au plus grand nombre à travers la publication des sources officielles. Cela concerne notamment le droit du bail. Comme nous l’avons déjà noté, le cadre juridique des baux d’habitation est principalement constitué d’une loi consacrée à cette question (la loi de 1989), des dispositions du code civil relatives aux contrats et au droit commun du bail et de la jurisprudence qui, à la marge, complète et précise les dispositions légales. Toutes ces sources sont accessibles aisément et gratuitement à n’importe quelle personne disposant d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un smartphone et d’un accès à internet, via le portail Légifrance.fr qui se présente comme « le service public de la diffusion du droit ». Le code civil et une loi particulière sont ainsi accessibles en deux ou trois clics. L’internaute peut également faire une recherche par mots clés (cette méthode de recherche sera d’ailleurs nécessaire pour se renseigner sur la jurisprudence). Cette source d’information a théoriquement plusieurs avantages pour une personne qui souhaiterait s’informer sur une question particulière comme les règles de fonctionnement du bail : elle est exhaustive et elle est parfaitement à jour. Le site Légifrance.fr se veut pédagogique. La présentation cherche à guider un lecteur qui n’est pas nécessairement familier du système juridique français. En témoigne le fait que les différentes sources, juridictions et institutions sont présentées. Les normes de présentation des textes normatifs ne sont pas supposées connues, etc. Comme le code civil autrefois, Légifrance se présente donc comme une source d’accès au droit français qui s’adresse à tout le monde, juristes et non-juristes. Cette ambition apparaît en discordance avec la réalité. Les profanes avec lesquels nous avons échangé ne s’informent pas à la source officielle. De nombreuses personnes interrogées ne connaissent pas l’existence du portail Légifrance. On peut d’ailleurs noter que lorsque l’on saisit les termes « bail » ou « droit du bail » ou « droit de la location » sur les moteurs de recherche les plus courants, le lien vers Légifrance n’apparaît pas parmi les premières réponses proposées. Étant donné la logique sous-jacente des algorithmes utilisés par le moteur de recherche dominant, cela signifie que l’utilisation de ce portail n’est pas associée en pratique avec la démarche tâtonnante des profanes cherchant à se renseigner sur ce domaine du droit. En pratique, ceux qui s’informent sur le droit du bail par l’intermédiaire de ce portail soi-disant grand public sont en réalité les juristes qui le consultent directement, sans passer préalablement par les moteurs de recherche généraux.

38Le deuxième réflexe des juristes lorsqu’ils cherchent à s’instruire sur un domaine du droit consiste à consulter les sources secondaires telles que les manuels, les précis, les traités, les actes de colloques (Barre-Pépin et Coutant-Lapalus, 2005), les mémentos, les encyclopédies (Damas, 2015), les fascicules (Vial-Pedroletti, 2017), les revues juridiques (Atias, 2002). Ces ouvrages (Bénabent, 2017 ; Piug, 2017 ; Collard-Dutilleul et Delebecque, 2019, Derrupé, 1998, Aubert et Bihr, 1994) et publications périodiques sont disponibles en librairie et dans les bibliothèques et de plus en plus aussi sous une forme électronique, à travers des bases juridiques diffusées par des éditeurs juridiques. On imagine volontiers que les bases juridiques ne sont pas consultées par les profanes parce qu’il faut y être abonné et parce que leur maniement suppose une formation préalable et une certaine familiarité. En revanche, on pourrait penser que les manuels par exemple sont des sources d’information que les profanes pourraient utiliser. D’ailleurs, l’ambition souvent affichée de ce genre d’ouvrage est d’être utiles « aux étudiants, aux professionnels du droit mais aussi aux personnes intéressées par ce domaine ». On peut aussi penser que la démarche pédagogique qui inspire les auteurs de manuels d’abord destinés aux étudiants en droit est de même nature que la démarche de vulgarisation. Il s’agit dans les deux cas de transmettre une information juridique à des personnes qui ne possèdent pas cette connaissance au départ. Force est pourtant de constater qu’il n’en est rien. Les usagers du droit du bail d’aujourd’hui n’ont pas du tout le réflexe d’acquérir des ouvrages juridiques. Même quand ils ont une vocation pédagogique, ils apparaissent inadaptés aux profanes. La simple consultation de la table des matières les convainc rapidement que l’ordre de présentation de la matière ne leur permettra pas de trouver les réponses aux questions qu’ils se posent et les aides qu’ils recherchent. Ils expriment en entretien le sentiment que ces ouvrages restent « conçus pour les juristes ». Il y a donc manifestement une différence forte entre la pédagogie juridique et la vulgarisation juridique (Jurdant, 2009), entre la transmission de la science du droit à des juristes en formation et la transmission de repères sur le droit à des non-juristes qui ont vocation à le rester. De même, les ouvrages comportant une vocation pratique et non académique (Dalloz-action, Litec-professionnels, Memento Francis Lefebvre…) ne touchent pas le public des profanes (Rouquet et alii, 2017 ; Aubert, 2000 ; Lafond et alii, 2017 ; Icart et alii, 2017, Bergel, 2018). Ils sont utilisés par les professionnels du droit et dans une certaine mesure par les professionnels de l’immobilier, mais pas par les acteurs non professionnels du marché locatif.

39Il apparaît en fin de compte que les sources juridiques traditionnelles (sources officielles, publications des éditeurs juridiques) ne sont pas utilisées par les profanes. Mêmes les sources faciles d’accès d’un point de vue matériel et les publications pédagogiques sont délaissées en pratique par les non-juristes. Ce constat débouche sur une dualisation de l’information juridique. À rebours de l’ambition d’un Fontenelle par exemple qui pensait que l’on pouvait concevoir des ouvrages qui satisfassent à la fois les « savants » et les « gens du monde » (Fontenelle, 1686, préface), il faut considérer qu’en droit, les publications des savants peuvent être lues voire coécrites par des professionnels du droit qui sont aussi des juristes, mais que ces sources sont inadaptées aux non-juristes.

2°) L’utilité des sources renouvelées

  • 20 Selon L. Guerlain et N. Hakim, « il existe toute une littérature grise (…) qui véhicule ce qu’est l (...)
  • 21 Cela était déjà le cas pour la littérature populaire du droit étudié par L. Guerlain et N. Kakim. C (...)

40Les profanes sont enclins à se tourner vers des supports d’information alternatifs à ceux qu’utilisent et conçoivent les juristes20. Les sources qui sont mises à la disposition des non-juristes pour s’informer sur les règles applicables au bail d’habitation sont extrêmement variées. Cette information est délibérément conçue pour toucher le public des profanes qui cherchent à s’informer sur ce domaine du droit, dans une perspective focalisée sur l’usage et les usagers21. L’information est alors le fait d’acteurs publics ou d’acteurs privés. Elle est payante dans certains cas, mais souvent gratuite. Elle s’inscrit dans des stratégies particulières que l’on peut identifier et qui visent à répondre à une demande sociale et même à un « marché ».

  • 22 Cf. Service-public.fr
  • 23 Des organismes d’intérêt général comme les caisses d’allocations familiales peuvent incidemment don (...)
  • 24 Le pluralisme des parties impliquées est un gage de neutralité de l’information ainsi diffusée.

41Nous avons noté que les sources d’information juridique primaires étaient peu utilisées par les non-juristes. Cela ne veut pas dire que les pouvoirs publics ne jouent pas un rôle important22. Simplement les supports que les non-juristes privilégient sont ceux qui s’inscrivent d’emblée dans une logique de vulgarisation du droit et pas simplement de « diffusion du droit », c’est-à-dire de communication du contenu brut du droit sans adaptation à un public particulier. Le ministère de la justice propose des outils qui facilitent l’accès à l’information, à travers des pages internet structurées à partir de « marguerites » qui permettent de se renseigner sur les règles, sur les institutions et sur les professionnels du droit pertinents pour répondre à des interrogations. Cette présentation est efficace par exemple pour permettre à un profane de savoir s’il doit recourir à un avocat ou pas pour intenter une action en justice, s’il est confronté à un litige particulier dans le cadre de son bail. De même, le site internet du ministère en charge du logement offre des ressources classées par thèmes. Des sites institutionnels publics ou parapublics23 sont dédiés à l’information des acteurs du marché immobilier locatif. Les organismes les plus importants à cet égard sont l’ANIL et, au niveau départemental, les ADIL qui informent les usagers du droit du bail, aussi bien les locataires que les bailleurs24. Ces organismes éditent des brochures, mais c’est surtout à travers leurs sites internet qu’ils touchent les non-juristes qui sont à la recherche de renseignements concrets sur les droits et les obligations des parties. Cette source d’information est souvent connue des acteurs du marché immobilier locatif que nous avons pu rencontrer. Ils considèrent généralement que cette source d’information est « pratique » et « efficace », même si elle n’est pas suffisante.

  • 25 Cette littérature trouve des antécédents historiques dès le xixe siècle ou le début du xxe siècle. (...)

42Une autre catégorie de sources d’information importante pour la vulgarisation du droit du bail réside dans les offres commerciales proposant de l’information vulgarisée sur le droit du bail d’habitation. Certains supports sont exclusivement dédiés à cette thématique25. Il s’agit des ouvrages spécialisés (Des Lyons et Rouquet, 2011 ; Rouquet, 2018 ; Ad Valorem et Pelletier, 2010, Massé, 2016). Ceux-ci sont généralement réédités régulièrement par des maisons d’édition qui se positionnent explicitement sur le marché de l’information juridique vulgarisée (collectif, 2018a ; collectif, 2018b, collectif, 2017). Les auteurs de ces ouvrages peuvent être des juristes, mais aussi des personnes ayant une formation et un parcours dans le domaine de la communication et du journalisme. Ces ouvrages sont généralement d’un format bien plus modeste que les manuels de droit des contrats ou de droit du bail (Guchet, 2018). Ils comportent parfois des annexes reproduisant les sources primaires (lois, jurisprudence sous la forme d’extraits) et plus souvent des modèles de courriers et d’actes juridiques. Il faut ajouter à ces livres monothématiques des publications périodiques qui consacrent une part non négligeable de leurs colonnes à des articles portant sur les relations entre bailleurs et locataires. Une recherche systématique des articles consacrés au droit du bail fait apparaître que les publications les plus importantes à cet égard sont Le Figaro dans la presse généraliste, Les Echos dans la presse économique et financière, Mieux vivre votre argent et Le Particulier dans la presse spécialisée dans l’information des épargnants. Ces journaux cherchent manifestement à apporter des informations utiles et actualisées à un lectorat qui compte sans doute de nombreux propriétaires de biens immobiliers susceptibles d’être mis en location. Toutefois, la présentation reste relativement neutre. Le point de vue et les intérêts des bailleurs ne sont pas systématiquement privilégiés. Les journaux ne sont pas les seuls médias présents sur ce créneau. Certaines émissions de télévision (comme « La Quotidienne » sur France 5) ou des émissions de radio (comme « Ça peut vous arriver » de Julien Courbet sur RTL ou des stations locales) traitent fréquemment du droit du bail au titre de l’information utile ou des réponses qu’elles entendent donner à leurs auditeurs et téléspectateurs.

  • 26 Cf. la Chambre nationale des propriétaires, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), (...)
  • 27 Cf. la Confédération nationale du logement (CNL) et la CLCV qui publient notamment : Locataires : g (...)
  • 28 Cf. PAP.fr.

43Il existe aussi une autre offre privée qui assume quant à elle un positionnement plus militant. Les associations de propriétaires ou de copropriétaires ou de bailleurs26, d’une part, les associations de locataires, les associations de consommateurs et d’usagers27, les associations de défense des intérêts de catégories sociales défavorisées ou précaires (comme le GISTI), proposent des informations vulgarisées sur le droit du bail. Ces informations prennent volontiers la forme de fiches pratiques ou de foires aux questions28. La présentation des problèmes et des solutions est toutefois orientée dans le sens de la défense des intérêts des personnes à qui ils s’adressent. Ces sources d’information sont parfois réservées aux personnes affiliées à ces organismes, mais le plus souvent l’information est au moins partiellement mise à disposition gratuitement sur leurs sites internet. L’information vulgarisée est alors une composante de leur action militante ou syndicale. Dans certains cas, l’information apparaît comme une sorte de produit d’appel vers des services plus élaborés (comme l’assistance dans la défense judiciaire de leurs intérêts ou le lobbying). Des organismes militant pour l’accès au droit ou l’intelligibilité du droit (comme Droits quotidiens ou l’AVIDEJ) appliqueront naturellement leur approche générale de la vulgarisation ou de la simplification juridique au domaine du droit du bail.

44Une part très importante des supports d’information alternatifs sur le droit du bail est le fait d’acteurs qui fournissent cette information de manière incidente. Le cœur de leur métier n’est pas l’information juridique, mais ils la pratiquent comme une activité accessoire ou complémentaire de leur activité principale. L’une des sources d’information les plus consultées par les profanes relèvent de cette catégorie. Il s’agit du site d’annonces immobilière Particuliers à particuliers (PAP). Cette entreprise possède une équipe juridique qui ne se contente pas de répondre aux questions juridiques particulières que peuvent poser les clients. Elle élabore aussi toute une gamme de supports d’information : brochures, contrats-types, vidéos pédagogiques disponibles sur leur site et sur YouTube, etc. D’autres plateformes ou entreprises proposant en ligne des services liés à la gestion immobilière (comme « Bail facile » ou « Flat looker ») propose aussi de l’information. D’autres acteurs du marché immobilier diffusent des informations juridiques vulgarisées sur le bail, comme Nexity ou certains organismes HLM. Un acteur immobilier comme Freha (émanation d’Emmaüs) mène une action contre le mal-logement ; incidemment, il met à la disposition du grand public sur son site des informations extrêmement pédagogiques sur certains aspects du bail (on imagine que les bénéficiaires de ses services sont des personnes particulièrement défavorisées et vulnérables). Il convient de noter que certaines entreprises participent aussi à l’information sur le droit du bail, alors même que ce n’est pas directement leur secteur d’activité. On a ainsi observé que les banques et les compagnies d’assurance (comme la MAIF, la Caisse d’Épargne, le Crédit Agricole) insèrent assez fréquemment dans les newsletters envoyées à leurs clients des informations sur le droit du bail. Il s’agit certainement pour elles d’améliorer leur image de marque, à travers une information qui pourra être jugée utile par leurs clients.

B/ Le travail de vulgarisation

45L’existence de supports d’information pour les non-juristes à côté des sources d’information juridique traditionnelles ne procède pas d’une segmentation artificielle du marché qui conduirait à trouver des contenus en réalité similaires sous un emballage différent. La vulgarisation correspond à une démarche spécifique qui conduit les auteurs de ces ressources à rendre la matière juridique accessible (1°) et à adopter le point de vue des utilisateurs (2°).

1°) La traduction du droit vers un langage plus accessible pour les destinataires

46Il existe de nombreuses façons de rendre le droit accessible à des non-juristes à travers des formes de communication originales. On peut observer que le droit pénal par exemple peut être vulgarisé à travers des spectacles télévisés ou dramatiques fondés sur des reconstitutions de procès, éventuellement assorties de débats, d’explications, voire de participation des spectateurs. Cela tient certainement à la dramaturgie intrinsèque de la matière pénale. Dans le cas d’une matière comme le droit du bail d’habitation, ce sont surtout des techniques textuelles et graphiques qui sont employées.

  • 29 C’était déjà la visée des vulgarisateurs juridiques du xixe et du xxe siècle (cf. L. Guerlain et N. (...)

47Un ressort fondamental de la vulgarisation consiste à reformuler le droit dans un langage qui soit plus compréhensible et plus parlant pour des non-juristes que le langage juridique originel. Il s’agit de viser une expression plus efficace en ce qu’elle permet une meilleure compréhension de l’information et permet à ses destinataires d’en tirer des conséquences utiles, pour prendre des décisions et pour réaliser des opérations. La vulgarisation se présente ainsi comme une forme de traduction destinée à une communauté de locuteurs ne maitrisant pas le « langage juridique », ou plus exactement estimant ne pas le maîtriser suffisamment pour être dans un rapport de familiarité. Comme on l’a noté, la langue employée est pourtant le français et le vocabulaire spécifique joue un rôle qui est souvent surestimé pour rendre compte des difficultés de compréhension et de la réticence des non-juristes à se confronter à des documents juridiques. Il n’en demeure pas moins vrai que les profanes apprécient d’avoir accès à des supports de communication rédigés en « langage juridique clair ». Cette technique repose moins sur une « simplification » (Sauvé, 2016) que sur une démarche de clarification29. La nuance est importante, car le risque dans ce domaine serait de dénaturer le droit sous prétexte de le rendre plus accessible. De nombreux juristes considèrent d’ailleurs qu’une telle démarche est tout simplement vouée à l’échec. Pourtant, des procédés de clarification peuvent très bien être mis en œuvre avec succès. La reformulation en langage juridique clair consiste par exemple à expurger le texte de tous les mots appartenant au langage spécifiquement juridique (ab initio…) ou d’usage inhabituel dans le langage ordinaire (« nonobstant »…). Les termes usuels peuvent être systématiquement substitués aux termes non familiers. Les vulgarisateurs s’emploient ainsi à parler de « locataires » plutôt que de « preneurs à bail ». Il apparaît également judicieux de se garder d’employer des termes synonymes. Même dans le cas ou des notions sont théoriquement distinctes parce qu’elles correspondent à des degrés variables et emboités de généralité (acte juridique > convention > contrat > bail…), il apparaît préférable de n’employer qu’un seul terme, celui qui est le plus compréhensible, de manière à ne pas laisser penser au lecteur qui ne connaissent pas ces subtilités qu’il pourrait s’agir d’objets différents… La clarification des textes passe souvent par une suppression de l’appareil référentiel. Les profanes n’ont en réalité pas besoin de savoir que telle règle est d’origine jurisprudentielle ou qu’elle résulte de telle révision de la législation. Certains éléments de complexité de la matière doivent être pleinement restitués mais rendus plus accessibles. Par exemple, la distinction entre l’engagement « conjoint » et l’engagement « solidaire » des débiteurs (colocataires, cautions…) est un aspect important. Mais les termes employés sont tout à fait trompeurs. Les profanes ont très peu de chance de comprendre à quoi correspondent les termes « conjointement » et « solidairement » (la méprise est si fréquente qu’il n’est pas rare de trouver dans un contrat les deux expressions cumulées alors que ce sont des concepts juridiques antinomiques !). Les vulgarisateurs doivent donc alerter les lecteurs sur la signification et sur les implications de ces termes. Une explicitation par des exemples est généralement efficace. L’approche inductive du droit est courante en matière de vulgarisation.

48Pour saisir en quoi consiste fondamentalement la démarche de vulgarisation par clarification, on peut se représenter le droit comme un objet à plusieurs niveaux, en suivant une représentation courante en informatique. L’informatique est en effet une technologie de traitement de l’information qui est fondée sur l’usage de propriétés physiques de certains matériaux semi-conducteurs qui permettent d’exprimer des informations (à travers des états binaires notamment) et des relations logiques (traduisant par exemple une relation de type « si… alors… »). Les couches supérieures (« micro-architecture », « langage machine », « système d’exploitation », « langage d’assemblage », « langage d’application »…) sont assises sur les couches précédentes mais fonctionnent selon une logique autonome. Ce qui est remarquable, c’est que l’on n’a pas besoin de connaître et de comprendre le fonctionnement de l’informatique au niveau de la physique des matériaux pour faire fonctionner un ordinateur ! Le droit se présente de manière similaire. Il existe un niveau de référence qui est pour les juristes le droit positif exprimé dans le langage traditionnel de l’expression du droit dans un système juridique donné (le style législatif, le style judiciaire, etc.). Mais il existe aussi des « couches plus profondes » que le droit positif qui sont par exemple sa raison d’être fonctionnel ou son inspiration juridique ou métajuridique (les valeurs, le droit naturel pour les jusnaturalistes, etc.). Symétriquement, il existe des couches plus superficielles du droit correspondant à des reformulations successives en fonction de la proximité originelle des lecteurs avec le droit et en fonction de leurs besoins réels. La vulgarisation juridique correspond ainsi à une expression du droit destinée à des non-juristes visant à répondre aux questions concrètes qu’ils se posent. Cette strate superficielle se présente ainsi volontiers comme un « mode d’emploi » (Rouquet, 2018). Il est important de noter que cette strate superficielle est relativement autonome : les profanes n’ont généralement pas besoin de connaître le droit positif dans son expression habituelle pour pouvoir se repérer et s’en servir, comme acteurs sociaux non juristes. Les adages sont une forme classique de strate superficielle depuis longtemps destinée à favoriser la compréhension et la mémorisation de règles juridiques. En droit du bail, on peut citer par exemple : « le propriétaire peut contraindre son hôte de garnir sa maison de meubles ».

49La démarche de vulgarisation se prolonge aujourd’hui volontiers par l’adoption de modes de communication graphiques (schémas et autres représentations infographiques, signalisation (Gridel, 1979), animations vidéos30, bandes-dessinées (Ribot, 1998), (Rozman, 2013). L’approche visuelle du droit (visual law an anglais) se développe aujourd’hui. Il s’agit, comme pour la reformulation en langage juridique clair, de proposer aux non-juristes, des outils de compréhension efficaces (Dechepy-Pellier et Guillaumé, 2017). Cette forme de traduction graphique des informations juridiques semble particulièrement adaptée pour rendre accessible des contenus juridiques comme les règles procédurales qui sont efficacement représentées par des arbres de décision ou des frises chronologiques. Les bandes-dessinées ou les vidéos d’animation sont quant à elles très appropriées pour faire comprendre les interactions entre les acteurs, à partir d’une scénarisation des échanges typiques qui peuvent intervenir entre un bailleur et un locataire dans telle ou telle situation (non-paiement des loyers, dégradations, congés…). Le langage graphique peut être vu comme plus accessible encore que le langage textuel simplifié. Il permet par exemple de toucher des analphabètes ou des illettrés. Il reste que le langage graphique est un langage et que ses destinataires doivent donc posséder un certain nombre de codes pour pouvoir le décrypter (par exemple la signification des flèches dans des relations causales ou des séquences chronologiques, la clé comme métonymie de l’accès au logement, le symbole monétaire comme expression d’un paiement, etc.) (Morel, 2007). En ce qui concerne la vulgarisation du droit du bail, il apparaît que les modes de communication graphiques sont plus souvent utilisés sur les supports disponibles sur internet et dans les brochures que dans les livres et articles de presse consacrés à cette matière. Les outils graphiques de communication juridique sont appréciés par les utilisateurs que nous avons rencontrés. Il y a une adhésion à l’idée qu’un « bon croquis vaut mieux qu’un long discours ». Ce type de communication a donc certainement vocation à prendre de l’ampleur, particulièrement à une époque qui valorise la communication visuelle, sur internet notamment.

2°) Une communication juridique adoptant le point de vue de l’utilisateur

50Une autre marque de la communication juridique vulgarisée telle qu’elle peut être appliquée au droit du bail est le souci des auteurs de ces supports d’adopter le point de vue des utilisateurs. Cette idée est centrale dans l’approche design appliquée au droit (legal design).

51La primauté du point de vue des utilisateurs se manifeste par l’ordre de présentation des sujets que les vulgarisateurs cherchent à rendre accessibles. C’est l’une des grandes différences entre les manuels de droit et les ouvrages de vulgarisation. Les premiers sont structurés par le droit. La matière est présentée en suivant « l’ordre du droit » qui découle lui-même d’une tradition juridique particulière, le droit français étant un droit écrit à caractère systématique, hiérarchisé et légicentré. Le droit du bail est ainsi présenté en suivant l’ordre de la loi (collectif, 2015). L’analyse du style des manuels de droit et de la loi montre que les concepts juridiques sont très souvent des sujets grammaticaux des phrases (« le bail sera résolu… »). C’est le « point de vue du droit » qui est donc généralement adopté par les juristes. À l’inverse, les supports de vulgarisation du droit du bail privilégient un ordre de présentation plus intuitif et plus ergonomique. Le droit du bail sera par exemple présenté dans un ordre chronologique, de la négociation précontractuelle à la rupture de la relation, éventuellement contentieuse, en passant par la formation et l’exécution du contrat. En outre, les présentations vulgarisées du droit du bail s’efforcent de présenter les règles du point de vue des différentes parties au contrat. Il s’agit d’expliciter ce que le bailleur, le locataire ou la caution doivent faire et ce qu’ils sont en droit d’attendre, les initiatives qu’ils peuvent prendre et les actions qu’ils ne doivent pas accomplir. Les sujets des phrases peuvent alors être les parties elles-mêmes et suivis de verbes modaux exprimant directement les obligations, prohibitions, permissions, facultés et habilitations. Les outils de communication vulgarisés s’appuient souvent sur une approche fondée sur des foires aux questions ou frequently asked questions (FAQ). Il s’agit de donner aux profanes des réponses juridiquement exactes à des questions précises et concrètes qu’ils peuvent fréquemment être amenés à se poser dans le cadre de la relation de bail (collectif, 2018). Cette approche est délibérément partielle : il ne s’agit pas de présenter toute la matière mais seulement les réponses juridiques sur les sujets les plus importants au regard de leur occurrence. Par exemple, les articles de presse adoptent tout particulièrement cette approche, en proposant de répondre à des interrogations telles que « qui doit payer les réparations en cas de dégradation ? », « le locataire peut-il sous-louer son logement ? ».

52Cette approche du droit qui cherche à adopter le point de vue des utilisateurs suppose des modalités de mise en œuvre particulières. À cet égard, l’approche fondée sur le design (design thinking)31 est aussi importante sinon plus que la compétence juridique. Quand des juristes de formation se piquent de vulgariser leur domaine d’expertise, ils considèrent dans un certain nombre de cas qu’ils sont bien placés pour savoir comment des non-juristes devraient aborder la matière. Ils peuvent penser que leur maîtrise de la logique de la matière et leur connaissance de ses différents aspects leur permet de proposer une approche introductive, ce qui se traduit par une simplification. On peut toutefois noter que ces tentatives se soldent par des échecs dans un certain nombre de cas. Les ouvrages et articles ainsi conçus montrent que les juristes se départissent difficilement de leur propension à traiter d’un domaine juridique en tendant à l’exhaustivité et abandonne difficilement leur réflexe de donner des références à l’appui de leurs propos (collectif, 2016). Mais même dans le cas où ils parviennent véritablement à simplifier la présentation, rien ne garantit que le résultat correspondra aux attentes réelles des utilisateurs. Il est donc nécessaire de partir de « l’expérience des utilisateurs » (users experience ou UX) pour élaborer un produit – de communication en l’occurrence – qui soit adéquat et efficace. Cette approche se traduit par exemple par des rubriques « courriers des lecteurs » qui alimentent de façon décisive les présentations vulgarisées du droit du bail. Les vulgarisateurs, notamment les journalistes, prennent ainsi des problèmes réels des personnes, les sélectionnent en général pour leur représentativité et leur intérêt, et y apportent des réponses avec le souci d’être concrets et néanmoins exacts, ce qui implique de préciser dans les réponses leur domaine de validité. Certains ouvrages se présentent ainsi comme des compilations de réponses types, offrant aux lecteurs un répertoire de solutions pratiques aux problèmes des utilisateurs du droit du bail. Cette approche casuistique ne peut prétendre donner une information exhaustive, mais elle vise la pertinence. Le travail de vulgarisation inspirée par la démarche design peut même déboucher sur un processus itératif d’amélioration continue des supports de communication : un prototype est testé et remodelé en fonction des retours des utilisateurs. La réédition assez fréquente de ce genre d’ouvrages ne s’explique pas seulement par le souci de proposer une source d’information actualisée, mais aussi par cette démarche d’amélioration progressive.

  • 32 Cette compétence est « illusoire » selon certains auteurs (Molfessis, 2010, p. 74).

53En conclusion, on peut observer que la mise à la disposition des utilisateurs du droit du bail qui ne sont majoritairement ni des juristes, ni des professionnels de l’immobilier, de sources d’information juridique vulgarisées répond à une nécessité et qu’elle suppose la mobilisation de ressources méthodologiques et de savoir-faire singuliers. Cette démarche produit des effets importants sur les profanes. Dans la réalité, on peut observer que le recours à ces ressources et la capacité des profanes à faire du droit, sans recourir à des juristes, varient notablement d’une personne à l’autre. De nombreux locataires font l’économie de conseils juridiques pour ce type d’opération. Les bailleurs sont plus nombreux à se faire assister par des professionnels, mais une part significative (que l’étude actuelle n’a pas permis, pour le moment, de quantifier) d’entre eux, font le choix de se débrouiller par eux-mêmes en utilisant les ressources d’appui à leur disposition, comme des modèles de contrat de bail ou de cautionnement disponibles sur internet. L’information vulgarisée joue un rôle important pour les accompagner dans cette démarche. Quel que soit le niveau d’investissement pour gérer le droit du bail par eux-mêmes à l’aide des sources d’information vulgarisées, cette expérience transforme nécessairement leur rapport au droit. En se confrontant dans des conditions réelles et engageantes au cadre juridique du bail et à la pratique de la rédaction d’un ou de plusieurs contrats (fut-ce, comme c’est le plus souvent le cas, sous la forme d’un ajustement à la marge de modèles de contrats standards), les usagers du droit du bail développent une certaine compétence juridique dans ce domaine32. Il y a un mouvement d’appropriation du droit du bail par la mise en situation qui est original par rapport à d’autres processus de socialisation juridique (Kourilsky-Augeven, 1997). À travers cette pratique, ils assimilent, souvent sans s’en rendre compte, une multitude de micro-connaissances juridiques d’application plus étendue que le seul droit du bail (de nombreuses règles du droit des contrats, du droit des voies d’exécution, par exemple, sont généralisables à d’autres situations sociales). C’est en fin de compte, leur rapport au droit qui est transformé par l’expérience de devoir gérer une relation juridique de façon plus ou moins autonome. Il n’est pas douteux, comme plusieurs personnes nous l’ont indiqué, que l’image qu’elles se font du droit dépend aussi de l’issue, favorable ou pas, de la relation juridique (en cas de contentieux, l’image du droit sera généralement dégradée, plus encore si l’issue du contentieux ne les satisfait pas !). Mais dans tous les cas, le droit pratiqué à un niveau quotidien et embryonnaire, devient, dans l’esprit de ces utilisateurs, quelque chose de plus familier. La « petite pratique du droit » contribue ainsi à nourrir une considération sociale et la confiance dans le droit qui n’est certainement pas sans incidence sur le soutien populaire accordé à l’État de droit.

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Notes

1 Le caractère non contractuel de transactions économiques simples ou atypiques apparaît dans l’ancien droit et, dans une certaine mesure, dans les systèmes de common law (Poughon, 1987).

2 L’évaluation de l’intelligibilité des contrats peut intervenir dans le cadre d’un contentieux. Certains acteurs comme les associations de consommateurs et d’usagers peuvent également porter un avis sur la lisibilité des contrats, en dehors de tout contentieux.

3 Voir les sites Bailfacile.fr ; Ommi.fr ; Gereseul.com ; Insitio.com ; Rentila.com ; Appliceo.com ; Igestionlocative.com, Smartloc.fr, LocService.fr, etc.

4 Le « catéchisme » ou les supports missionnaires apparaissent comme une forme de « vulgarisation » de la pensée (et des croyances) religieuses élaborées.

5 Jean Rostand : « Acceptons donc résolument, courageusement ce vieux mot, consacré par l’usage, de vulgarisation, en nous souvenant que vulgus veut dire peuple et non point vulgaire, que les langues « vulgaires » sont les langues vivantes et que la Bible elle-même n’a pu se répandre dans le monde que grâce à la traduction qu’on nomme la Vulgate » (cité par Raichvarg, 2003, p. 10).

6 Selon L. Guerlain et N. Hakim, il en était déjà ainsi autrefois. Quelques rares professeurs de droit s’adonnaient à la vulgarisation juridique, comme René Foignet, Julien Boitel ou Achille-Alfred Moullart.

7 Voir toutefois comme illustration de la vulgarisation juridique générale (Gerrero, 2015 ; Pierrat, 2013).

8 Cf. Stanford Legal Design Lab : Legaltechdesign.com

9 Cf. Dot.legal.

10 Cf. Ministère de la justice canadien. La vulgarisation de l’information juridique (VIJ) et l’action de l’organisme Educaloi (educaloi.qc.ca/).

11 Cf. Droits Quotidiens (www.droitsquotidiens.be).

12 L’auteur remercie pour leur participation les étudiants du groupe 3 du séminaire « comprendre et changer le monde » organisé à l’ESSEC en septembre 2018 consacré au thème « Visualiser le droit ». Certaines données mentionnées dans cet article ont été présentées dans le cadre de ce séminaire.

13 Les dernières statistiques connues de l’INSEE montrent que près de 40 % des gens sont locataires, les autres étant propriétaires (57,9 %) ou logés à titre gratuit (2,6 %). Parmi les locataires, le secteur social représente 42,8 % tandis que le secteur libre représente 57,2 %. Cf. https://www.insee.fr/fr/statistiques/3620894.

14 Toujours selon l’INSEE, les logements donnés en location par des particuliers (et non par des collectivités publiques, des organismes HLM ou des investisseurs institutionnels) représentent 93,5 % du parc locatif libre. Cf. . https://www.insee.fr/fr/statistiques/3620894.

15 Pap.fr ; Leboncoin.fr ; Gensdeconfiance.fr, etc.

16 Sondage réalisé par les étudiants de première année de l’ESSEC auprès de leurs pairs (37 répondants).

17 Cf. Initiadroit.com.

18 Sur une question aussi essentielle que celle de savoir si le locataire doit continuer à payer ses loyers, si la jouissance du bien loué est empêchée ou limitée dans des circonstances extérieures au bailleur, les interviews avec des profanes montrent que les intéressés sont dans l’incertitude. L’appel au « bon sens » ou à des formules vues comme traduisant en termes vulgarisés des règles de droit ne permet pas de trancher une telle question : la logique du « donnant-donnant » s’oppose à celle de la parole donnée obligeant le locataire à honorer ses engagements. La théorie des risques en droit français est un corps de règles juridiques techniques complètement inconnu des profanes.

19 La littérature populaire du droit au xixsiècle visait déjà, selon L. Guerlain et N. Hakim à « permettre à chacun de gérer soi-même ses affaires courantes, sans le concours d’un homme de loi » (chapitre précité).

20 Selon L. Guerlain et N. Hakim, « il existe toute une littérature grise (…) qui véhicule ce qu’est le droit pour toute une population de professionnels divers et variés, de curieux et d’utilisateurs allant de l’artisan ou de l’architecte à "l’homme de la rue" » (chapitre précité).

21 Cela était déjà le cas pour la littérature populaire du droit étudié par L. Guerlain et N. Kakim. Cf. chapitre précité, spéc. note n° 21.

22 Cf. Service-public.fr

23 Des organismes d’intérêt général comme les caisses d’allocations familiales peuvent incidemment donner des informations sur le droit du bail (par exemple caf.fr/print/66586 : « Fin de la trêve hivernale : quels droits, quelles règles »). Voir aussi « SOS loyers impayés » qui s’adresse aux locataires comme aux bailleurs.

24 Le pluralisme des parties impliquées est un gage de neutralité de l’information ainsi diffusée.

25 Cette littérature trouve des antécédents historiques dès le xixe siècle ou le début du xxe siècle. Cf. A. Bourguignon, Nouveau guide usuel du propriétaire et du locataire ou fermier, contenant règles et les formules des baux à loyer, à ferme et à cheptel…, Garnier frères, 1860 ou M. Thévenin, Petit droit pratique et populaire. Locataires et concierges, responsabilité des propriétaires, Paris, Chez les libraires, 1908 (cités par L. Guerlain et N. Hakim, chapitre précité, note n° 55).

26 Cf. la Chambre nationale des propriétaires, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), la Chambre syndicale des propriétaires, le Syndicat de défense des propriétaires et des copropriétaires.

27 Cf. la Confédération nationale du logement (CNL) et la CLCV qui publient notamment : Locataires : guide de vos droits, démarches et recours, La Découverte, 2014.

28 Cf. PAP.fr.

29 C’était déjà la visée des vulgarisateurs juridiques du xixe et du xxe siècle (cf. L. Guerlain et N. Hakim, chapitre précité).

30 Cf. Sketchlex ; Your Comics.

31 Cf. Fabrice-mauleon.com ; Dot.legal ; Open Law*.

32 Cette compétence est « illusoire » selon certains auteurs (Molfessis, 2010, p. 74).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Hugues Bouthinon-Dumas, « La vulgarisation d’un droit d’application quotidienne »Cahiers Jean Moulin [En ligne], 5 | 2019, mis en ligne le 13 novembre 2019, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/cjm/837 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cjm.837

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Auteur

Hugues Bouthinon-Dumas

ESSEC Business School

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