Navigation – Plan du site

AccueilNuméros en texte intégral21Dossier : Image et Droit. Les man...Les manuscrits juridiques bolonai...

Dossier : Image et Droit. Les manuscrits juridiques enluminés

Les manuscrits juridiques bolonais parmi les transferts artistiques au Trecento : de l’iconographie des ermites de saint Augustin au Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti

Bertrand Cosnet

Résumés

L’enjeu de cette contribution est de dégager l’apport des manuscrits juridiques dans le renouveau de l’iconographie des vertus dans l’art italien du xive siècle. Les programmes décoratifs de ces manuscrits, trop souvent mésestimés, sont doublement intéressants car ils permettent, d’une part, de dégager la dynamique des processus de circulation et de transfert iconographiques, particulièrement fertiles au Trecento, et, d’autre part, de reconstituer la richesse de la culture visuelle des juristes italiens au xive siècle qui repose autant sur la théologie scolastique que sur la littérature antique. L’article se concentre surtout sur l’image du gouvernement des vertus, qui connaît un essor considérable au xive siècle dans le contexte des régimes communaux et des ordres mendiants, dont plusieurs manuscrits juridiques apportent des indices déterminants sur les processus d’invention iconographique. Une attention toute particulière est consacrée à trois manuscrits produits à Bologne, à savoir le Digestum vetus conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris (Ms. Lat. 14339), le Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX se trouvant à la Biblioteca Ambrosiana à Milan (Ms. B 42 inf), et le Digestum novum conservé à la Biblioteca Nacional de España à Madrid (Ms. M 197).

Haut de page

Texte intégral

Introduction : des manuscrits propices à l’étude des transferts artistiques

1Les manuscrits juridiques enluminés dans le Nord de la péninsule italienne à la fin du Moyen Âge, notamment ceux produits à Bologne, ont joué un rôle capital dans les développements de l’imagerie morale et dans la réinvention de la personnification de la justice, dont l’iconographique se stabilise progressivement au Trecento. En plus de constituer un témoignage supplémentaire du dynamisme de la production artistique italienne, ces manuscrits permettent de reconstituer la richesse de la culture visuelle des juristes italiens, qui repose autant sur la littérature antique redécouverte au xiiie siècle que sur la culture monastique et la théologie scolastique portée par les ordres mendiants. Sur ce point, les juristes et les notaires constituent une catégorie professionnelle et sociale dont le rôle dans les développements artistiques du xive siècle, notamment dans la sphère politique, demande à être établi avec une plus grande précision.

  • 1 Pour une définition du paradigme des transferts artistiques, nous renvoyons aux résultats du progra (...)
  • 2 Le terme est apparu sous la plume de Michel Espagne et Michaël Werner à l’occasion d’un article fon (...)

2De surcroît, les décors que ces manuscrits portent, offrent des perspectives très stimulantes pour interroger les phénomènes des transferts artistiques, dont les historiens de l’art, durant la dernière décennie, ont démontré la pertinence du paradigme méthodologique pour la compréhension de la production artistique de la fin du Moyen Âge1. Ce paradigme, qui dérive de la notion de transferts culturels élaborée par les historiens2, permet de dépasser le simple constat des échanges artistiques pour mettre en lumière le rapport que les jeux de circulations entretiennent avec les milieux de réception ou d’émission. Dans le domaine des décors des manuscrits juridiques, le prisme des transferts artistiques conduit plus précisément à interroger la dynamique des formules iconographiques et leur déplacement d’un contexte à un autre. Une formule retiendra ici tout particulièrement notre attention. Il s’agit du gouvernement des vertus, conservé dans trois manuscrits juridiques produits à Bologne, le Digestum vetus conservé à la Bibliothèque nationale de France à Paris (Ms. Lat. 14339), le Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX à la Biblioteca Ambrosiana à Milan (Ms. B 42 inf), et le Digestum novum à la Biblioteca Nacional de España à Madrid (Ms. M 197), dont l’iconographie semble trouver son origine chez les ermites de saint Augustin avant de s’acclimater au contexte politique des communes toscanes, comme le donne à penser l’une des rares fresques du Trecento à vocation civile qui soit conservée, en l’occurrence le Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti.

I. L’essor de l’imagerie juridique au Trecento

  • 3 Sur la pratique de la justice dans l’Italie de la fin du Moyen Âge, parmi les études les plus récen (...)

3Durant le xiiie siècle, la notion de justice connaît d’importants changements dans les villes du Nord et du Centre de la péninsule italienne. En quelques décennies seulement, le système juridique communal se transforme radicalement : la pratique judiciaire attribue une plus grande place au juge, le droit est saisi par la politique et les juristes s’impliquent résolument dans les activités gouvernementales3. De surcroît, les régimes républicains trouvent dans la Justice les raisons de leur légitimité. Ils se présentent alors comme des gouvernements équitables, c’est-à-dire comme des régimes s’opposant à l’injustice tyrannique des seigneuries.

  • 4 Sur l’essor de l’iconographie de la Justice au Trecento, voir L. Zdekauer, « Iustitia, immagine e i (...)
  • 5 G. Zanetti (éd.), Quaestiones de iuris subtilitatibus, Florence, 4, 1958, p. 43-47 : « Iustitia ver (...)
  • 6 La Justice en question a perdu son épée et la balance qu’elle tenait de la main gauche. Pour une re (...)
  • 7 Voir C. Sciacca (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance : Painting and Illumination, 1300-1 (...)

4Dans ce contexte, les lettrés des cités du Nord, souvent issus du milieu notarial, développent un abondant discours sur cette vertu tandis que les artistes s’intéressent de façon croissante à son image, laquelle connaît alors un essor considérable4. Ainsi, la personnification de la Dame à la balance, héritée d’une longue tradition issue de l’iconographie antique de la déesse Aequitas frappée sur les monnaies romaines, s’affirme comme un poncif incontournable de la société civile italienne, particulièrement dans le Centre et le Nord de la péninsule. Sa balance à deux plateaux sert à symboliser l’équilibre parfait, donc le partage équitable, comme le formulent clairement les Quaestiones de iuris subtilitatibus, datant du xiie siècle, qui constatent que la Justice pèse « […] sur des plats mis parfaitement en équilibre par les mains de l’Équité […] »5. Cette image devient très fréquente dans les programmes décoratifs des palais de justice et des lieux de décisions politiques érigés au xive siècle, comme en atteste, parmi tant d’autres, l’exemple de la Loggia del Carrobbio à Bologne, édifice qui remplissait la fonction de tribunal de commerce, qui, dans les années 1380, reçoit sur sa façade une personnification féminine tenant une épée et une balance sculptée par Pierpaolo dalle Masegne (actif v. 1383-1403) et aujourd’hui conservée au Museo civico medievale6. La personnification de la Justice avec la balance rencontre un tel succès dans l’art italien du xive siècle qu’elle apparaît même dans la sphère privée, comme le prouve le revers d’un Desco da parto ‒ plateau d’accouchée ‒ conservé aux Fine Arts Museums à San Francisco, daté de 1380-1400 et attribué à Lorenzo di Niccolò (v. 1376-1440)7.

5Les artistes du Trecento posent ainsi les fondements d’une formule visuelle destinée à connaître une fortune immense et constante dans la culture visuelle occidentale jusqu’à l’époque contemporaine. L’intérêt qu’ils manifestent pour la justice ne se cantonne toutefois pas à la seule personnification de la Dame à la balance, mais s’exprime par bien d’autres solutions, parfois plus originales, attestant d’une très grande fertilité iconographique, caractéristique de la production artistique de la première moitié du Trecento. Ainsi, le maître florentin Taddeo Gaddi (v. 1300-1366) conçoit pour le tribunal de la Mercanzia à Florence une fresque aujourd’hui disparue qui figurait :

  • 8 G. Vasari, Le vite de’ più eccellenti pittori, scultori e architettori : nelle redazioni del 1550 e (...)

[…] le tribunal de six hommes, magistrature de ladite ville, lesquels sont en train de voir le Mensonge se faire arracher la langue par la Vérité, laquelle est vêtue d’un voile sur son corps nu, tandis que le Mensonge est enveloppé de noir8.

  • 9 L’image peinte par Taddeo Gaddi trouve un précédent plus précis dans un relief sculpté datant du xi (...)

6Le biographe Giorgio Vasari (1551-1574) rapporte que l’image en question portait la légende suivante : « La pure Vérité pour obéir à la sainte Justice qui ne tarde pas arrache la langue à l’hypocrite Mensonge ». Malgré son originalité, l’image inventée par Taddeo Gaddi, qui était spécifiquement destinée à un public composé de juristes, découlait elle-aussi d’une longue tradition, celle du combat entre les vertus et les vices relaté par le poème de la Psychomachie rédigé par Prudence à l’aube du Moyen Âge (v. 348-405)9.

II. La contribution des juristes et des notaires

  • 10 Sur Francesco da Barberino, voir notamment R. Frechet–Sutceliffe, L’illustration didactique d’un au (...)
  • 11 Francesco da Barberino, I Documenti d’amore di Francesco da Barberino secondo i manoscritti origina (...)

7Le caractère novateur de l’iconographie judiciaire du Trecento trouve certainement une partie de son explication dans les concepteurs des programmes iconographiques qui sont eux-mêmes issus du milieu juridique, comme plusieurs témoignages en attestent, tel celui du notaire florentin Francesco di Ser Neri di Ser Ranuccio, dit Francesco da Barberino (v. 1264-1348). Originaire de Toscane, Francesco da Barberino achève des études de juriste à Bologne en 1294 pour ensuite offrir ses services de notaires à différentes communes du Nord de la péninsule, notamment Padoue, Trévise, Mantoue et Venise, avant de séjourner à plusieurs reprises à la cour de Philippe le Bel et en Avignon. Il s’installe définitivement à Florence à partir de 131710. Son activité de conseiller dans les différentes communes pour lesquelles il a travaillé l’a conduit à concevoir des programmes iconographiques pour les murs des édifices publics. Ainsi, les sources archivistiques rapportent qu’il réalisa une série de personnifications morales pour la commune de Trévise et une fresque représentant l’affrontement entre les vertus et les vices pour la commune de Florence11.

  • 12 Ambroise, « Expositio Evangelii secundum Lucam libris X comprehensa », Patrologiae cursus completus (...)
  • 13 Grégoire le Grand, « Moralium libri sive expositio in librum beati Job. Pars I », Patrologiae cursu (...)

8L’iconographie relative à la Justice qui se développe dans l’Italie communale repose sur une double tradition fortement réactualisée à partir du xiiie siècle, à savoir, d’une part, celle du système éthique chrétien renouvelé par les théologiens issus des ordres mendiants et souvent formés dans les grandes universités du Nord de la péninsule, et, d’autre part, celle du droit romain antique transmis par le Code de Justinien redécouvert à l’université de Bologne à la fin du xie siècle. Dans le système moral chrétien, la Justice s’inscrit dans les quatre vertus cardinales elles-mêmes issues de l’héritage antique. Ces quatre vertus ‒ Prudence, Justice, Force, Tempérance ‒ ont été mises en évidence par Platon, Aristote et les stoïciens, entre autres Sénèque. Si saint Ambroise est l’un des premiers à les christianiser et à leur donner le qualificatif de « cardinales »12, il appartient toutefois à Grégoire le Grand de les intégrer définitivement à l’ordre moral chrétien en les présentant comme les fondements de l’édifice spirituel13.

  • 14 Hugues de Saint-Victor, « De fructibus carnis et spiritus », Patrologiae cursus completus. Series L (...)
  • 15 Thomas d’Aquin, Summa theologica, Paris, 1926-1935, IIa-IIae, q. 58, a. 12 : « […] ipsa iustitia es (...)
  • 16 Aristote, Éthique à Nicomaque, dir. J. Tricot, Paris, Vrin, 1959, V, 4.
  • 17 Ibidem, V, 2.

9À partir du XIIe siècle, la Justice est l’objet d’une réévaluation par les moralistes qui est amplifiée par la redécouverte du système éthique aristotélicien. Ainsi, dans le De fructibus carnis et spiritus, le théologien Hugues de Saint-Victor (1096-1141) conçoit la Justice comme la source génératrice du Bien « […] par laquelle la compagnie des vices est détruite, le corps du diable est vaincu, […] et l’origine de toutes les vertus »14. Un siècle plus tard, la Somme théologique patiemment échafaudée par saint Thomas d’Aquin (1225-1274), destinée à faire autorité en matière de morale, fait de la Justice la pierre angulaire du Bon gouvernement et du bien commun. L’éminent théologien dominicain constate ainsi, sur le modèle d’Aristote, que la Justice excelle sur toutes les autres vertus morales15. Pour cause, l’Éthique à Nicomaque imagine cette vertu comme la manifestation du Bien, c’est-à-dire comme une notion s’opposant à un mal se confondant avec l’Injustice en personne : « […] la Justice n’est pas une partie de la vertu, mais la Vertu toute entière, et son contraire, l’Injustice, n’est pas non plus une partie du vice, mais le Vice tout entier »16. Avec Thomas d’Aquin, la Justice s’affirme d’autant plus comme une valeur déterminante pour l’application du bien que le docteur envisage son application comme la pratique de la Vertu totale, exactement comme le philosophe grec17.

  • 18 Sur Brunetto Latini et les Livres dou Trésor, les études sont particulièrement nombreuses, parmi le (...)
  • 19 Brunetto Latini reprend à son compte la démonstration d’Aristote suivant laquelle la pratique des v (...)
  • 20 Pour une liste des manuscrits et un bilan de la diffusion de la littérature latinienne, voir J. B.  (...)
  • 21 Sur la fortune des Livres dou Trésor dans le Nord de la péninsule italienne, voir notamment B. Roux (...)

10Le rôle fondamental acquis par la Justice dans l’application et l’expression du Bien se répand amplement chez les lettrés et érudits italiens dès la fin du xiiie siècle, notamment grâce à un ouvrage composé par le notaire florentin Brunetto Latini (v. 1220-1294), intitulé les Livres dou trésor18. Le Trésor de Latini s’articule en trois livres. Le premier expose les principes de la théologie, raconte les grands moments de l’histoire universelle et développe les sciences humaines. Le deuxième livre traite en détail de la morale à l’échelle de l’homme et de la société. Il s’agence en deux grandes parties : la première se propose comme un « livre d’étike » et la seconde comme un « ensegnemens des visces et des vertus ». La partie consacrée à l’éthique est en fait une traduction partielle, assortie de commentaires, de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, tandis que la partie sur l’enseignement des vertus et des vices est une compilation sur les valeurs morales qui puise son inspiration dans plusieurs traités, notamment le Moralium dogma philosophorum de Guillaume de Conches (v. 1080-v. 1150), la Doctrina de arte loquendi et tacendi d’Albertano da Brescia (?-1270), le De formula honestae vitae de Martin de Braga (v. 510-579) et la Summa virtutum ac vitiorum de Guillaume Peyraut (?-1275). Enfin, le troisième livre du Trésor aborde plus précisément les questions politiques. Il consacre une première partie à l’art de la rhétorique et une seconde aux règles de comportement du gouvernement idéal19. Le Trésor a connu un grand succès à la fin du Moyen Âge où il a été copié à plusieurs reprises, comme en témoignent les nombreux manuscrits conservés20. Précisons qu’il était particulièrement apprécié des familles patriciennes et seigneuriales du Nord de la péninsule21.

  • 22 Sur l’intérêt porté à la discipline du droit à la fin du Moyen Âge, voir E. Cortese, Il diritto nel (...)
  • 23 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., Ia-IIae, q. 90, a. 3 : « Dicendum quod lex proprie, pri (...)
  • 24 Marsile de Padoue, Le défenseur de la paix, dir. J. Quillet, Paris, J. Vrin, 1968.
  • 25 Dante, De Monarchia, dir. P. G. Ricci, Milan, Mondadori, 1965, XI, I, 14 : « Cumque inter alia bona (...)

11L’importance accordée à la Justice en tant que vertu est confortée par le fort développement que connaît la pratique du droit, tant dans la scolastique que dans la société civile22. Thomas d’Aquin place ainsi la pratique de la loi au cœur de l’ordre moral et conçoit la législation comme un outil nécessaire au maintien de la concorde dans la communauté des hommes23. L’attention que les clercs portent à cette discipline trouve un relais appuyé chez des théoriciens de la politique, tel Marsile de Padoue (v. 1275-1342) qui, dans le Defensor pacis24 (v. 1324), imagine l’appareil législatif comme la clé de voûte du Bien. Dante (1265-1321) lui-même en fait « la meilleure ouvrière » de l’état de paix25. Conformément à cette interprétation, la Justice se transforme progressivement en une manifestation de l’aequitas divina, c’est-à-dire en une expression terrestre de l’ordre divin.

III. L’iconographie du gouvernement des vertus dans les manuscrits juridiques bolonais

12L’attention que suscite la justice à la fin du xiiie siècle est amplifiée par la redécouverte du droit romain, surtout par l’intermédiaire du Corpus juris civilis, rédigé sous le règne de l’empereur Justinien, qui devient une base essentielle du savoir juridique des magistrats et notaires de la péninsule italienne. Cette compilation est alors l’objet de nombreuses copies commentées mais aussi enrichies de matériels iconographiques dont les effets sur la culture visuelle italienne n’ont pas été suffisamment mis en lumière.

  • 26 Sur la fortune du Corpus juris civilis Iustinianei au Moyen Âge, voir entre autres W. P Müller, « T (...)
  • 27 Voir notamment J. Berlioz, Identifier sources et citations, Turnhout, Brepols, 1994, p. 127.

13Au xiiie siècle, le Corpus juris civilis se compose de 5 livres principaux. Les trois premiers contiennent le Digestum vetus, l’Infortiatum et le Digestum novum, qui consistent principalement en une compilation de citations des grands juristes romains26. Le quatrième comprend les neuf premiers livres du Code de Justinien consistant en un recueil de constitutions impériales. Le cinquième est intitulé le Volumen parvum. Il comprend les Institutes, sorte de manuel d’apprentissage du droit, les livres 10 à 12 du Code dénommés les Très Libri Codicis, l’Authenticum, qui est une collection de Novellae en 9 parties, et le Libri feudorum, compilation de droit lombard datant du xiie siècle27. Avec les juristes italiens, d’autres textes viennent s’ajouter à ce livre, comme les deux constitutions d’Henri VII commentées par Bartolo da Sassoferrato (1314-1357) ou la Paix de Constance avec la glose de Baldo degli Ubaldi (1327-1400).

  • 28 Sur l’essor des manuscrits juridiques enluminés à Bologne, voir R. Gibbs, « The Development of the (...)
  • 29 Avril, « Notice nr. 66. Justinien, Digestum vetus cum glossa Accursii », Dix siècles d’enluminure i (...)

14Les différentes copies du Corpus iuris civilis réalisées au xive siècle, notamment à Bologne, ont contribué à l’essor d’un nouveau matériel iconographique sur le thème du bon juge et du Bon gouvernement28. Il en va ainsi d’un exemplaire du Digestum vetus conservé à la Bibliothèque nationale de France (Ms. Lat. 14339) daté de 1345 environ, probablement produit à Bologne, qui comprend plusieurs enluminures attribuées au Maître de 1346 par François Avril29. Le folio 3 (Fig. 1) de ce manuscrit propose une enluminure tout à fait singulière qui constitue un jalon trop souvent négligé de l’iconographie politique dans le contexte de l’Italie communale. Cette enluminure, disposée en guide de frontispice, figure un souverain assis dans un trône architecturé brandissant une épée de la main droite et désignant de la main gauche ses soldats qui maintiennent l’ordre. Deux d’entre eux repoussent avec leur masse d’armes de riches bourgeois, dont certains portent des vêtements de juristes, qui tentent de soudoyer leur maître avec des plats et des sacs remplis de monnaies. Au centre, un autre soldat applique la sentence que vient de prononcer le souverain en abattant son épée sur le cou d’un condamné à mort. Le souverain en question n’est autre que l’empereur Justinien, lequel remplit également le rôle de personnification ou d’exemplification de la vertu de Justice. Le nom propre de Justinien entretient volontairement la confusion avec la notion de Justice.

Fig. 1, Maître de 1346, Le tribunal de Justinien, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Fig. 1, Maître de 1346, Le tribunal de Justinien, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.

15Cette identification est confirmée par la présence, de part et d’autre du trône, des six autres vertus composant le septénaire légué par Grégoire le Grand et figé par Thomas d’Aquin. Ainsi, sur la gauche de Justinien se tiennent la Force, qui déchire la gueule d’un lion se trouvant entre ses jambes, la Tempérance, voilée, qui ouvre et ferme la porte d’un palais comportant un jardin clos au milieu duquel pousse un arbre, et la Charité, qui déroule deux phylactères, l’un vers le bas, l’autre vers le ciel. À droite de Justinien trônent la Prudence, qui tient un cierge et qui porte sur ses genoux un diagramme avec un livre ouvert placé entre la lune et le soleil, la Foi, qui tient un arbre aux branches duquel sont accrochés de petits médaillons et qui pousse sur un autel couvert d’un voile transparent, et l’Espérance qui se saisit d’une ancre. Cette image figure donc une sorte de Bon gouvernement placé sous l’autorité d’une personnification historique de la Justice conseillée par les vertus théologales et cardinales, dont les attributs proposent un niveau de sophistication interdisant toute forme d’improvisation. Plus encore, le caractère à la fois précis et complexe des personnifications permet de supposer que cette enluminure n’est pas le résultat de la seule créativité du Maître de 1346, mais s’appuie, au moins en partie, sur des précédents iconographiques qui demeurent à identifier.

  • 30 Sur le Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX de Giovanni d’Andrea, voir M.  (...)
  • 31 Sur la contribution des dominicains à l’imagerie morale, nous nous permettons de renvoyer à B. Cosn (...)

16L’hypothèse de l’existence d’un modèle antérieur ayant pu servir de source d’inspiration se trouve confortée par d’autres manuscrits juridiques contemporains présentant la même formule iconographique, tout particulièrement dans le traitement des personnifications des vertus. Ainsi, un exemplaire du Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX, décoré par le peintre bolonais Niccolò di Giacomo (v. 1325-1403) vers 1354 et conservé à la Biblioteca Ambrosiana à Milan (Ms. B 42 inf), comporte une enluminure comparable à celle du manuscrit de Paris30. Il convient de préciser que le traité en question, dû au juriste bolonais Giovanni d’Andrea (v. 1270-1348), consiste en un commentaire sur les textes de droit canon exécutés pour Grégoire IX par Raymond de Peñafort (v. 1175-1275), docteur en droit formé à l’université de Bologne, qui, vers 1222, intégra l’ordre dominicain, dont le rôle déterminant dans l’étude et la valorisation de la justice a été précédemment souligné. À titre plus général, l’ordre des frères prêcheurs contribua de façon considérable à l’essor de l’iconographie des vertus au xive siècle31. L’enluminure du folio 1 (Fig. 2) du manuscrit de la Biblioteca Ambrosiana figure deux registres de personnifications en guise de frontispice. Le registre inférieur comprend les sept dames personnifiant les arts libéraux équipées d’attributs et accompagnées de leur représentant historique, Priscien, Aristote, Cicéron, Pythagore, Euclide, Tubalcain et Tholomée. Le registre supérieur figure les sept personnifications des vertus, trônant sur un banc, avec, de gauche à droite, Justice, Force, Tempérance, Prudence, Charité, Espérance et Foi.

Fig. 2, Niccolò di Giacomo, Le conseil des vertus et des arts libéraux, Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX, vers 1354.

Fig. 2, Niccolò di Giacomo, Le conseil des vertus et des arts libéraux, Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX, vers 1354.

Milan, Biblioteca Ambrosiana, Ms. B 42 inf, folio 1.

17Dans cette occurrence, les vertus sont équipées des mêmes attributs que celles du Digestum vetus de la Bibliothèque nationale de France, mais dominent des personnages historiques des vices auxquels elles s’opposent qui sont identifiés par des tituli. La Justice, tenant une épée et un livre ouvert, domine Nero ‒ « Nero iniqus ». La Force, qui lutte avec lion, domine Holopherne. La Tempérance, qui introduit une clé dans la porte d’une ville fortifiée, s’appuie sur Épicure ‒ « Epicurus voluptuosus ». La Prudence, qui tient un cierge et porte un disque avec un livre ouvert placé entre la nuit et le jour, est placée au-dessus de Sardanapale. La Charité, qui déroule deux phylactères, domine un personnage barbu au nom d’Hérode ‒ « Herodes impius ». L’Espérance s’agrippe à une ancre au-dessus de Judas ‒ « Iudas disperatus » ‒ dont la corde de la pendaison est encore nouée autour de son cou. La Foi, qui se saisit des branches d’un arbre portant 15 médaillons, domine Arius ‒ « Arius hereticus ». Son arbre pousse depuis une église dont une ouverture laisse voir un autel couvert d’un voile. Les murs de l’édifice portent les paroles : « Petra autem erat Christus. Et super hanc petram he[dificabo] ec[clesiam] meam ». En somme, la Foi comme vertu repose sur l’Église dont la première pierre fut posée par le Christ en personne.

IV. La circulation de l’iconographie des manuscrits juridiques dans la société civile

  • 32 Sur le Palazzo Minerbi, voir C. L. Ragghianti, Gli affreschi di Casa Minerbi a Ferrara, Pérouse, Ca (...)

18D’autres occurrences conservées indiquent que les personnifications exécutées dans les manuscrits de Paris et de Milan ont rencontré un succès certain dans le contexte civil, même à l’échelle monumentale. Sur ce point, le cycle peint dans la loggia du Palazzo Minerbi à Ferrare, attribué à Stefano di Benedetto da Ferrara (actif de 1349 à 1376), propose un exemple tout à fait intéressant du phénomène de circulation qui caractérise cette imagerie32. Ce cycle, sans doute commandé par la famille Del Sale dans les années 1370, consiste principalement en une série de quatorze personnifications des vertus et des vices réparties en deux registres de part et d’autre de l’image d’un Christ Juge (Fig. 3). La famille Del Sale, à l’origine de la construction du Palazzo Minerbi vers 1310, joua un rôle majeur dans la vie politique et juridique ferraraise tout au long du Trecento. Ainsi, plusieurs de ses membres firent partie du Consiglio del Comune, organe législatif le plus important de Ferrare, et participèrent au conseil de régence institué en 1393 pour assister Niccolò III d’Este (1383-1441) durant sa minorité.

Fig. 3, Stefano di Benedetto da Ferrara, Vertus et Vices, vers 1370.

Fig. 3, Stefano di Benedetto da Ferrara, Vertus et Vices, vers 1370.

Ferrare, Palazzo Minerbi. B. Cosnet

  • 33 Sur les vertus et les vices, voir notamment C. Bellitani, « Iconografia, iconologia e iconica nell’ (...)

19Par la variété des sources dans lesquelles il puise, à la fois d’origine religieuse, juridique et profane, le cycle du Palazzo Minerbi est conforme à la culture d’une famille de notables de la plaine du Pô. La chapelle Scrovegni à Padoue constitue son modèle principal. Plusieurs personnifications reprennent en effet précisément celles peintes par Giotto (v. 1366-1337) entre 1303 et 1305 pour le compte du négociant Enrico Scrovegni, comme l’Idolâtrie qui brandit la même idole ou la Folie qui porte exactement les mêmes attributs33. Les nombreuses références au cycle de Giotto trouvent leur origine autant chez le peintre que chez les commanditaires eux-mêmes. De fait, Stefano di Benedetto a certainement vu à plusieurs reprises les personnifications de la chapelle Scrovegni à Padoue, ville où il a exercé l’essentiel de son activité, tandis que les membres de la famille Del Sale ont pu en prendre connaissance par l’intermédiaire des Este, qui, à partir des années 1360, nouent des liens étroits avec les Carrare qui règnent sur Padoue.

20La dimension juridique du décor de la loggia du Palazzo Minerbi se décèle dans plusieurs éléments qui puisent dans l’iconographie des commentaires produits à Bologne, dont la famille Del Sale avait certainement une bonne connaissance. Ainsi, la Tempérance correspond nettement à l’iconographie de cette vertu, telle qu’elle est figurée dans les enluminures du Digestum vetus de Paris ou du Novella sive commentarius de Milan. Comme dans ces deux manuscrits, la personnification tient une ville fortifiée dont elle ferme ou ouvre avec précaution la porte à clé (Fig. 4-5). Dans ce cas, l’attribut s’avère d’autant plus riche de sens que le peintre ne se contente pas de le reprendre tel quel, mais le transforme en une ville qui prospère grâce au travail appliqué de ses maçons qui sont en train d’achever l’érection de tours et de palais. À ce stade du commentaire, il est intéressant de noter que cette iconographie à échelle réduite rappelle l’activité des ouvriers animant la ville peinte en 1338 par Ambrogio Lorenzetti dans les Effets du Bon gouvernement sur les murs de la salle des Neuf dans le Palazzo Pubblico à Sienne. Un tel attribut, trop singulier pour ne pas avoir été mûrement réfléchi, contribuait à présenter la famille Del Sale comme la garante du Bien commun à Ferrare grâce à son action en matière de justice.

Fig. 4, Stefano di Benedetto da Ferrara, Tempérance, vers 1370.

Fig. 4, Stefano di Benedetto da Ferrara, Tempérance, vers 1370.

Ferrare, Palazzo Minerbi. B. Cosnet

Fig. 5, Maître de 1346, Tempérance, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Fig. 5, Maître de 1346, Tempérance, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.

V. Une iconographie trouvant son origine chez les ermites de saint Augustin

  • 34 Sur le commentaire du Digestum novum de la Biblioteca Nacional de España, voir notamment S. L’Engle (...)
  • 35 Sur la contribution de Bartolo da Sassoferrato à la culture juridique, voir les actes du colloque d (...)
  • 36 Sur le De tyranno de Bartolo di Sassoferrato, voir notamment Bartole de Sassoferrato, Traités : Sur (...)

21Un troisième manuscrit juridique mérite d’être invoqué pour parvenir à reconstituer l’origine de l’iconographie des vertus et ses origines. Il s’agit d’un commentaire du Digestum novum dû à Bartolo da Sassoferrato, daté de 1360-1370 et conservé à la Biblioteca Nacional de España à Madrid (Ms. M 197)34. Ce commentaire, comme l’ensemble de l’œuvre de Bartolo da Sassoferrato, prend place dans les théories politiques qui se développent à partir de la fin du xiiie siècle sur la définition juridique des régimes communaux et qui préoccupent les lettrés des grandes cités du Nord de la péninsule35. Bartolo da Sassoferrato, éminent juriste formé dans les universités de Pérouse et de Bologne où il achève son doctorat, est lui-même l’auteur d’un traité, le De tyranno, qui avait pour propos de dénoncer les gouvernements autocratiques considérés comme une forme d’autorité illicite, autrement dit tyrannique36. Le commentaire du Digestum novum réalisé par Bartolo débute par une enluminure (Fig. 6) figurant les vertus exécutées par l’auteur des peintures du Novella sive commentarius de la Biblioteca Ambrosiana, à savoir Niccolò di Giacomo, mais suivant une composition différente et avec un niveau de détail bien supérieur dans les inscriptions qui accompagnent les personnifications. Elle se compose de deux registres principaux placés dans un cadre constitué de petits compartiments qui figurent des scènes à teneur morale. Dans le registre inférieur, prennent place, cette fois-ci assises sur la même banquette, les sept vertus théologales et cardinales au-dessus de leur contre-exemple, et les sept arts libéraux accompagnés de leur représentant historique.

Fig. 6, Niccolò di Giacomo, Triomphe de saint Augustin, Commentaire du Digestum novum, vers 1370.

Fig. 6, Niccolò di Giacomo, Triomphe de saint Augustin, Commentaire du Digestum novum, vers 1370.

Madrid, Biblioteca Nacional de España, Ms. M 197, fol. 4.

  • 37 Sur la fonction mnémonique des personnifications, voir B. Cosnet, op. cit., p. 49-80. F. A. Yates, (...)
  • 38 Macrobe, Commentaire au Songe de Scipion, Paris, Les Belles Lettres, 2003, Livre 1, chapitre 8.
  • 39 « Beatitudines / anime : / Sapientia, / Amicitia / Concordia / Honor / Potentia / Securitas / Gaudi (...)

22Le soin apporté aux inscriptions que chacune des personnifications porte permet de mieux comprendre la signification des vertus ainsi que de mesurer leur fonction mnémonique37. Le livre que la Justice tient grand ouvert sur ses genoux indique les qualités subsidiaires que cette vertu contient suivant les définitions des théologiens et moralistes depuis Macrobe38 : « Religio / Pietas / Gratia / Vindicatio / Observantia / Veritas / Obedientia / Innocentia / Concordia / Amicitia / Affectus / Legalitas / Liberalitas ». Au-dessus de la Force sont listées les vertus qui s’y rattachent « Magnanimitas / Magnificentia / Fiducia / Pacientia / Perseverantia / Constantia / Securitas / Tollerantia / Firmitas ». Depuis la maquette de la cité que tient la Tempérance pousse un palmier sur les douze branches duquel sont énumérées les propriétés secondaires de cette vertu, « Moderatio / Verecundia / Virginitas / Honestas / Continentia / Clementia / Caritas / Castitas / Coniugium / Modestia / Abstinentia / Sobrietas ». Sur le livre placé au centre du diagramme de la Prudence sont inscrites plusieurs vertus subsidiaires, telles l’intelligence et la mémoire, tandis que le diagramme énumère dans son cadre les âges de la vie humaine. Sur les deux phylactères que déploie la Charité sont rappelés les Dix Commandements. Au-dessus de l’Espérance sont énumérées les Béatitudes39. Enfin, dans les 15 médaillons de l’arbre tenu par la Foi sont inscrits les articles du Symbole des apôtres. La dimension morale et théologique de cette iconographie est confirmée par le registre supérieur de l’enluminure qui figure, en lieu et place d’un souverain, le Père de l’Église saint Augustin, qui expose en deux phylactères son savoir, flanqué de deux personnifications, l’une de la Religion, l’autre de la Philosophie, accompagnées chacune de diagrammes et de quatre représentants historiques.

  • 40 Sur la Canzone delle virtù e delle scienze, voir L. Dorez, La Canzone delle virtù e delle scienze d (...)
  • 41 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, fol. 1r : « Incipit cantica ad gloriam et honorem magnifici militi (...)

23L’importance que l’enluminure du Digestum novum de la Biblioteca Nacional de España accorde à saint Augustin, présenté comme l’ordonnateur du savoir et du système moral nécessaire à la mise en œuvre de la pratique judiciaire, conduit à chercher dans le contexte augustin l’origine de cette iconographie. Cette hypothèse est confirmée par un autre manuscrit bolonais du xive siècle, certes non juridique mais produit par un auteur issu du monde du droit, à savoir la Canzone delle virtù e delle scienze conservée au Musée Condé à Chantilly (Ms. 599)40. Ce manuscrit est un traité de moralité consistant en un poème en vernaculaire, ponctué de commentaires et de sentences en latin, faisant l’éloge des sept vertus canoniques et des sept arts libéraux. Comme l’indique son incipit, ce petit traité, d’une dizaine de pages, a été composé en 1349 pour le condottière Bruzio Visconti (?-1357), lequel était un lettré accompli qui entretint une correspondance avec les plus fameux poètes de son époque, entre autres Fazio degli Uberti (v. 1305-1367) et Pétrarque (1304-1374)41. Bruzio commanda ce manuscrit alors qu’il partageait son temps entre Bologne et Milan après avoir été chassé de la ville de Lodi où il occupait la position de podestat. Son auteur, Bartolomeo de Bartoli, était un juriste formé à Bologne qui copia plusieurs traités juridiques, dont un Digestum vetus vers 1330.

  • 42 Pour consulter le manuscrit numérisé en ligne, voir Mirador Viewer (cnrs.fr)
  • 43 G. Schmidt, « “Andreas me pinxit”. Frühe Miniaturen von Nicolò di Giacomo und Andrea di Bartoli in (...)
  • 44 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, fol. 1v : « Oi, Agustin, cinto de la gran stola / del Spirito Sant (...)

24L’intérêt de le Canzone delle virtù e delle scienze réside avant tout dans les nombreuses enluminures qu’elles comportent, toutes exécutées par le frère de l’auteur du poème, Andrea de Bartoli42. Ces enluminures reprennent précisément l’iconographie des vertus identifiées dans les manuscrits juridiques même si elles en modifient la composition en consacrant la totalité d’une page à une vertu ou une science. Les personnifications des vertus portent exactement les mêmes attributs, sont accompagnées des mêmes exemplifications historiques des vices et sont complétées par les mêmes inscriptions. Ces nombreux points communs indiquent que les frontispices des traités juridiques de Paris, Milan et Madrid, d’une part, et les enluminures de la Canzone delle virtù e delle scienze, d’autre part, dérivent de la même source d’inspiration particulièrement diffusée à Bologne et dans la région du Pô, dont bénéficièrent Niccolò di Giacomo et les frères di Bartolo. Sur ce point, il semble opportun d’indiquer que Niccolò di Giacomo et Andrea Bartoli ont vraisemblablement travaillé ensemble, comme l’a démontré Gerhard Schmidt43. Comme le Digestum novum de la Biblioteca Nacional de España, le manuscrit de Chantilly accorde une attention inhabituelle dans le contexte profane à l’autorité de saint Augustin. Pour cause, dès ses premiers vers, le poème fait l’éloge de la pensée de l’évêque d’Hippone44 et la première enluminure figure le saint trônant au milieu des grands prophètes et des Pères de l’Église : Moïse, Ézéchiel, saint Jean-Baptiste, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand. De surcroît, chacune des pages débute par une sentence extraite d’une œuvre du docteur dont la référence est indiquée dans la marge.

  • 45 Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Nouv. Acq. Lat. 2508. L’explicit précise : « Deo grati (...)
  • 46 Sur la production artistique chez les ermites de saint Augustin, voir M. Boskovits N. Raponi dir., (...)
  • 47 Sur le Tombeau de saint Augustin, voir A. Addeo, Pavia e s. Agostino, Pavie, J. Heckei, 1950. J. Co (...)
  • 48 Sur le Triomphe de saint Augustin conservé à la Pinacoteca Nazionale à Ferrare, voir J. Bentini (di (...)

25La filiation que la Canzone delle virtù e delle scienze entretient avec l’ambiance augustine est confirmée par l’activité de son auteur, Bartolomeo di Bartolo, dont nous savons qu’il a côtoyé plusieurs membres de l’ordre des ermites de saint Augustin, notamment le frère Francesco da Prato  du couvent bolonais San Barbaziano pour la rédaction d’un commentaire du Decretum Gratiani conservé à la Bibliothèque nationale de France, comme l’atteste l’explicit de ce manuscrit45. Or, l’ordre des ermites de saint Augustin a joué un rôle prépondérant dans le développement d’une nouvelle imagerie des vertus dès le début du xive siècle46. Institué en 1256 par le pape Alexandre IV, les augustins entrent rapidement en concurrence avec les franciscains et les dominicains dans le champ de la morale en cherchant à faire valoir la supériorité de leur saint fondateur légendaire, saint Augustin. Ainsi, en plus de projeter un nouveau tombeau pour le saint évêque dans l’église San Pietro in Ciel d’Oro à Pavie, finalement élevé vers 1350-1360 par les élèves de Giovanni di Balduccio47, les frères mettent au point, probablement dès le début du xive siècle, un dispositif iconographique destiné à célébrer l’immensité de son savoir et de ses vertus. Plusieurs ensembles monumentaux partiellement conservés permettent d’en connaître la teneur, surtout une peinture murale détachée se trouvant aujourd’hui à la Pinacoteca Nazionale à Ferrare et provenant de l’église augustine de Sant’Andrea (Fig. 7)48.

Fig. 7, Serafino Serafini, Triomphe de saint Augustin, vers 1378.

Fig. 7, Serafino Serafini, Triomphe de saint Augustin, vers 1378.

Ferrare, Pinacoteca Nazionale.

26Cette fresque, réalisée vers 1378 et attribuée à Serafino Serafini (actif vers 1346-1394), emploie les mêmes composantes iconographiques que celles relevées dans les traités juridiques et dans la Canzone de Bartolomeo di Bartolo. Dans le registre supérieur figure saint Augustin en trône entre la Religion, la Philosophie et leurs représentants. Au-dessous du saint évêque, se tiennent les sept vertus théologales et cardinales. La Justice brandit un livre ouvert et un glaive. La Prudence tient un cierge et désigne un diagramme qui montre un livre portant les vertus subsidiaires ainsi qu’une sphère noire et une sphère blanche symbolisant la nuit et le jour. La Charité est pourvue d’une paire d’ailes et déroule deux phylactères. La Foi embrasse un arbre qui pousse sur une église et dont les fruits forment des médaillons portant les articles du Credo. L’Espérance agrippe une ancre et regarde un phylactère portant les noms des Béatitudes que déroule une main venue du ciel. La Force lutte contre un lion devant une tour. La Tempérance tient la clef d’une ville à l’intérieur de laquelle pousse un palmier. Enfin, chaque vertu est assise sur un personnage historique exemplifiant le vice qui lui est opposé : la Justice foule Néron, la Prudence Sardanapale, la Charité Hérode, la Foi Arius, l’Espérance Judas, la Force Holopherne, la Tempérance Épicure. L’ensemble était complété de nombreuses inscriptions, telles que celles relevées dans les manuscrits produits par Niccolò di Giacomo. Enfin, un registre inférieur, presque intégralement détruit, figurait les arts libéraux et leurs représentants historiques.

  • 49 Sur le thème du triomphe de saint Augustin, voir J. Manna, « Cathedra triumphans – Un tema e quattr (...)
  • 50 Sur Giusto de’Menabuoi à Padoue, voir J. von Schlosser, « Giusto’s Fresken in Padua und die Vorlauf (...)

27Une deuxième fresque, partiellement conservée, se trouvant à Padoue, indique que l’iconographie du Triomphe de saint Augustin a connu un succès certain dans le contexte de l’ordre des ermites de saint Augustin au Nord de la Péninsule49. Cette fresque fut réalisée par Giusto de Menabuoi (v. 1330-1391) au début des années 1370 sur les murs de la chapelle Cortellieri des Eremitani50. Les fragments conservés permettent d’identifier les arts libéraux et plusieurs vertus équipées des mêmes attributs que celles figurées dans la fresque de Ferrare, entre autres la Charité qui déploie des phylactères, la Prudence qui tient un cierge et un diagramme montrant un livre ouvert et la Foi (Fig. 8-9) tenant le tronc d’un arbre qui portait des médaillons avec le Credo.

Fig. 8, Giusto de Menabuoi, Foi, vers 1370.

Fig. 8, Giusto de Menabuoi, Foi, vers 1370.

Padoue, Cortellieri des Eremitani. B. Cosnet.

Fig. 9, Maître de 1346, Foi, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Fig. 9, Maître de 1346, Foi, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.

Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.

  • 51 Voir D. Blume, D. Hansen, op. cit., p. 80.

28Les différentes occurrences conservées de ce thème – que nous appellerons le Triomphe de saint Augustin –, à la fois à l’échelle monumentale dans les fresques augustines et dans les traités composés dans un contexte juridique, indiquent que cette iconographie était très répandue au xive siècle. L’origine précisément bolonaise de plusieurs des manuscrits a conduit Dieter Blume et Dorothee Hansen51 à supposer que le thème fut initialement élaboré par les ermites du couvent San Giacomo à Bologne. Si cette hypothèse manque d’arguments concrets, nous pouvons tout de même avancer que le Triomphe de saint Augustin fait son apparition dans la plaine du Pô, où était particulièrement bien implanté le nouvel ordre consacré à saint Augustin dont le tombeau se situait à Pavie, peut-être dès de début du xive siècle. Ce thème trouve ensuite un nouveau terrain d’épanouissement à Bologne, dans le contexte des études juridiques alors en plein essor, sans doute par l’intermédiaire des artistes qui œuvrent à la fois pour les ordres mendiants et pour la société civile. Il apparaît logique d’avancer que le manuscrit le plus ancien conservé comprenant ce thème iconographique, à savoir le Digestum vetus de la Bibliothèque nationale de France datant de 1345, ne peut être considéré comme la première occurrence de cette iconographie. Pour étayer cette hypothèse, il suffit de constater que les nombreux textes que portent les attributs des vertus sont sommairement tracés, sans manifester la volonté d’être lisibles, comme si leur contenu était déjà connu par les lecteurs du traité, constitués de juristes experts en savoir scolastique. Au bout du compte, il est envisageable de supposer que l’auteur de cette enluminure a repris l’iconographie des vertus inventée par l’ordre des ermites pour le Triomphe de saint Augustin. Le transfert a consisté à donner une signification juridique à l’image en remplaçant l’évêque d’Hippone par la figure impériale de Justinien.

VI. Les conséquences des transferts iconographiques sur la fresque Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti

  • 52 Les études consacrées à la fonction des fresques de la salle des Neuf sont nombreuses. Parmi les pl (...)
  • 53 Sur le rapport que les fresques de la salle des Neuf entretiennent avec les manuscrits juridiques, (...)
  • 54 N. Rubinstein, « Political Ideas in Sienese Art : The Frescoes by Ambrogio Lorenzetti and Taddeo di (...)
  • 55 P. Boucheron, Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images, Paris, Seuil (...)

29L’hypothèse d’une invention précoce de l’iconographie du Triomphe de saint Augustin, dont le Digestum vetus de la Bibliothèque nationale de France serait le premier témoignage complet, trouve des arguments dans une œuvre majeure du xive siècle, la Bon gouvernement peint par Ambrogio Lorenzetti (v. 1290-1348) vers 1338 sur les murs de la salle des Neuf dans le Palazzo Pubblico à Sienne52. Cette fresque comporte en effet certains éléments dérivant à la fois de l’iconographie augustine et de la culture visuelle juridique53. Les spécialistes qui se sont intéressés au programme de la salle des Neuf, tels Nicolai Rubinstein ou Quentin Skinner, ont démontré l’impact à la fois de la pensée aristotélicienne et de la philosophie romaine, toutes deux assimilées par la société civile à la fin du xiiie siècle54. Plus récemment, Patrick Boucheron est revenu sur plusieurs des composantes exceptionnelles de ce décor, particulièrement dans la fresque des Effets du Bon gouvernement, en restituant précisément les circonstances sociales et politiques de sa réalisation55.

30Toutefois, il semble que la volonté de relever le caractère novateur des peintures d’Ambrogio Lorenzetti a conduit à mésestimer les précédents ayant servi de sources d’inspiration au maître siennois. Pour s’en convaincre, il suffit de relever quelques-uns des éléments iconographiques qui proviennent du répertoire visuel mis au point par les ermites de saint Augustin et diffusés dans les traités juridiques. Ainsi, dans le Bon gouvernement, les vertus sont assises les unes à côté des autres sur une banquette à haut dossier, dans une position hiératique et frontale, attributs entre les mains, exactement comme dans la formule augustine. Elles prennent place de part autre d’une personnification de la ville et de son gouvernement. Ce personnage, assis sur un trône dont les montants apparaissent sous le tissu qui couvre le banc, arbore les attributs et les vêtements d’un dignitaire : il tient un sceptre et le sceau de la commune et porte une tunique noire, une chlamyde blanche incrustée de pierres précieuses et une toque bordée de fourrure. Les initiales « C. S. C. V. » inscrites autour de sa tête correspondent à la devise de la commune, « Commune Senarum Civitas Virginis ». Cette personnification masculine de la commune occupe finalement la même place et joue le même rôle que l’empereur Justinien dans l’enluminure du Digestum vetus conservé à la Bibliothèque nationale de France (Fig. 1).

  • 56 Sur la Prudence dans les arts, voir notamment L. De Poli (dir.), La représentation de la Prudence, (...)

31Les vertus qui entourent la personnification de la commune sont en outre pourvues d’attributs fortement teintés d’augustinisme. Par exemple, la Prudence n’est pas figurée avec la tête de Janus, pourtant très répandue dans la troisième décennie du xive siècle56, mais consiste en une femme âgée qui tient un attribut dont le niveau d’abstraction évoque l’iconographie augustine : il s’agit d’une coupe de laquelle naissent trois flammes au-dessus desquelles courent les mots « P. TER. TI / P. SE(NS) / FUT.M » ‒ Preteriti, Praesens, Futurum. Cet attribut fait écho au diagramme et au cierge que la Prudence tient dans les images augustines adoptées par les traités juridiques. Il conjugue également la notion de temps à un élément lumineux. Ambrogio Lorenzetti s’inspire donc de la personnification augustine en la simplifiant. Il résume le diagramme complexe qui énumère les différentes phases de la vie en un attribut symbolisant le temps plus adapté à une lecture civique.

  • 57 Pour une analyse iconographique du retable de Massa Maritima, voir N. E. Muller, « Reflections in a (...)
  • 58 Augustin, « In Evangelium Joannis Tractatus », Patrologiae cursus completus. Series Latina, dir. J. (...)
  • 59 Ibidem, 37, CXIX, 5 : « Que votre Charité veuille comprendre d’abord quelles sont les flèches. Ces (...)

32Les rapprochements iconographiques entre la fresque du Bon gouvernement de la salle des Neuf et le thème du Triomphe de saint Augustin sont d’autant plus envisageables que l’auteur de cette fresque connaissait en expert la spiritualité développée par les ermites de saint Augustin au début du xive siècle. Pour cause, il est attesté qu’Ambrogio Lorenzetti travailla à plusieurs reprises pour cet ordre avant de s’engager dans le chantier du Palazzo Pubblico. De 1327 et 1332, il réalise plusieurs fresques, aujourd’hui disparues, dans la salle capitulaire de l’église Santo Spirito à Florence. Entre 1320 et 1340 environ, il exécute une Maestà, des Articles du Credo et des Épisodes de la vie de Catherine d’Alexandrie pour la salle capitulaire du couvent Sant’Agostino à Sienne, également disparus. Enfin, de 1335 à 1337, une année seulement avant de débuter les fresques de la salle des Neuf, il est chargé de réaliser une Maestà pour l’église des ermites de San Pietro in Orto à Massa Maritima (Fig. 10). L’iconographie de ce retable, aujourd’hui conservé dans le Palazzo del Commune, est profondément marquée par la doctrine augustine. De fait, cette Maestà comprend trois personnifications figurant les vertus théologales assises sur les gradins du trône de la Vierge avec des attributs singuliers qui obéissent précisément aux textes légués par saint Augustin57. La Foi tient un miroir avec le reflet de la Trinité afin de révéler le Mystère de l’Incarnation tel que l’évêque d’Hippone le rapporte dans un long commentaire situé dans l’Enchiridion sive de fide, spe et caritate. L’Espérance tient une tour fortifiée, en référence à une métaphore développée par saint Augustin dans un commentaire sur l’Évangile selon saint Jean58. La Charité, réalisée en monochrome rouge-orangé, tient une flèche et un cœur enflammé qui désignent à la fois la puissance du « Verbe » et le sacrifice futur du Christ figuré au-dessus des vertus, tel que le docteur l’explicite dans les Enarrationes in Psalmos59.

Fig. 10, Ambrogio Lorenzetti, Maestà, vers 1335.

Fig. 10, Ambrogio Lorenzetti, Maestà, vers 1335.

Massa Marittima, Palazzo del Comune. Wiki Loves Monuments Italia.

33Ces trois figures méritent une attention particulière car elles viennent corroborer l’hypothèse que l’originalité de la fresque du Bon gouvernement de Sienne repose en grande partie sur les transferts opérés par Ambrogio Lorenzetti de formules iconographiques augustines. Pour cause, les trois vertus théologales, qui sont figurées au-dessus de la personnification de la Commune, reprennent les vertus théologales du retable de Massa Marittima, notamment la Charité qui est figurée en monochrome-rouge orangé et qui brandit une flèche et un cœur enflammé (Fig. 11).

Fig. 11, Ambrogio Lorenzetti, Bon gouvernement, fresque, 1338-1340.

Fig. 11, Ambrogio Lorenzetti, Bon gouvernement, fresque, 1338-1340.

Sienne, Palazzo Pubblico, salle des Neuf.

  • 60 Sur le contexte historique de réalisation du décor de la salle des Neuf, notamment W. M. Bowsky, A (...)

34Ces comparaisons ne doivent toutefois pas réduire le travail d’Ambrogio Lorenzetti à une simple reprise de motifs iconographiques qui auraient été transposés, sans aucune réflexion profonde, depuis un contexte religieux à un contexte civil. Bien au contraire, on peut raisonnablement supposer que le transfert opéré par le peintre siennois répondait à une préoccupation politique dont il avait parfaitement conscience, celle d’offrir des arguments supplémentaires pour garantir la légitimité d’un régime communal dont l’histoire a démontré la fragilité60. En invoquant à la fois le système éthique mis en œuvre par l’ordre des ermites de saint augustin, qui s’appuyait lui-même sur les doctrines définies par l’un des principaux Pères de l’Église, et l’autorité des manuscrits juridiques reposant sur le droit romain, Ambrogio Lorenzetti entendait renforcer le bien-fondé du gouvernement de Sienne, surtout en comparaison des régimes autocratiques dominant alors la péninsule italienne.

35Au total, l’analyse des manuscrits juridiques produits à Bologne et leur croisement avec l’iconographie augustine permet de révéler la contribution déterminante que leur matériel figuratif apporte à la compréhension de la culture visuelle du Nord de la péninsule italienne. Ils permettent également d’ouvrir des pistes de réflexion qui s’annoncent fertiles sur le rôle des juristes et des notaires dans la constitution des programmes politiques du Trecento, dont l’invention est trop systématiquement cantonnée à l’action des artistes seuls. Enfin, ils apportent une nouvelle pièce venant confirmer la très grande porosité de la société italienne de la fin du Moyen Âge, où les cloisons entre les milieux civiques, juridiques, religieux ou politiques sont loin d’être étanches, favorisant ainsi une grande créativité mais compliquant considérablement la tâche du chercheur qui aspire à rétablir les réseaux de circulation des savoirs.

Haut de page

Notes

1 Pour une définition du paradigme des transferts artistiques, nous renvoyons aux résultats du programme de recherche porté par l’INHA entre 2008 et 2013 sur les Transferts et circulations artistiques dans l’Europe gothique (xii– xvie siècle), voir J.-M. Guillouët, « Les transferts artistiques : un outil opératoire pour l’histoire de l’art médiéval », Histoire de l’art, Interactions et transferts artistiques, 64, 2009, p. 17-27. S. Hespers, « Échanges artistiques ou transferts culturels ? Quelques réflexions terminologiques et historiographiques en histoire de l’art », Les transferts artistiques dans l’Europe gothique, dir. Jacques Dubois, J.-M. Guillouët, B. Van den Bossche, Paris, Picard, 2014, p. 37-42.

2 Le terme est apparu sous la plume de Michel Espagne et Michaël Werner à l’occasion d’un article fondateur sur les échanges franco-allemands, M. Espagne, M. Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France. Genèse et histoire (1750-1914), Annales Économies, Sociétés, Civilisations, 42/4, 1987, p. 969-992.

3 Sur la pratique de la justice dans l’Italie de la fin du Moyen Âge, parmi les études les plus récentes, voir M. Vallerani, La giustizia pubblica medievale, Bologne, Il Mulino, 2005. S. R Banshei, Politics and Justice in late medieval Bologna, Boston, Brill, 2010. A. Padoa Schioppa, Giustizia medievale italiana : dal “regnum ai comuni, Spolète, Fondazione Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, 2015.

4 Sur l’essor de l’iconographie de la Justice au Trecento, voir L. Zdekauer, « Iustitia, immagine e idea », dans Bullettino Senese di Soria Patria, 20, 1913, p. 384-425. A. Prosperi, Giustizia Bendata. Percorsi storici di un’immagine, Turin, Einaudi, 2009. De façon plus générale, sur l’iconographie de la Justice à la fin du Moyen Âge, R. Jacob, Images de la Justice. Essai sur l’iconographie judiciaire du Moyen Âge à l’âge classique, Paris, Le Léopard d’or, 1994. M. Sbriccoli, « La triade, le bandeau, le genou. Droit et procès pénal dans les allégories de la Justice du Moyen Âge à l’âge moderne », Crime, Histoire et Sociétés / Crime, History and Societies, 9/1, 2005. M. Sbriccoli, « Giustizia criminale », Lo Stato moderno in Europa. Istituzioni e diritto, di M. Fioravanti, Roma, Bari, Laterza, 2002, p. 160-170.

5 G. Zanetti (éd.), Quaestiones de iuris subtilitatibus, Florence, 4, 1958, p. 43-47 : « Iustitia vero una cum prole generosa solis his que illic aderant inuigilare contenta erat : causas enim et Dei et hominum crebris advertebat suspiriis easque lance prorsus equabili per manus Equitatis trutinabat […] ».

6 La Justice en question a perdu son épée et la balance qu’elle tenait de la main gauche. Pour une reproduction en ligne, voir le lien Wiki Loves Monuments : Museo Medievale Santi protettori – Category: Lady Justice and six patron saints (Bologna) – Wikimedia Commons

7 Voir C. Sciacca (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance : Painting and Illumination, 1300-1350, cat. expo., Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2013, notice 58. Consulter : Desco da parto (Childbirth tray), obverse : Diana and Actaeon, reverse : Justice – Lorenzo di Niccolo | FAMSF Search the Collections

8 G. Vasari, Le vite de’ più eccellenti pittori, scultori e architettori : nelle redazioni del 1550 e 1568, dir. P. Barocchi, Pise, Scuola normale superiore, 1994, I, p. 208 : « Ritornò a Fiorenza e dipinse il tribunale della Mercatanzia Vecchia, nella quale istoria con poetica invenzione figurò il tribunale de’ sei uomini, magistrato di detta città, i quali stanno a vedere cavare la lingua alla Bugia dalla Verità, la quale è vestita di velo su lo ignudo, e la Bugia ammantata di nero, scritto sotto a queste figure i versi che seguono : “La pura Verità per ubbidire / Alla santa Giustizia che non tarda, / Cava la lingua a la falsa Bugiarda” ». Dans le Trattato di architettura, Filarète imagine une iconographie similaire pour le décor du palais du podestat de sa cité idéale, voir Filarète, Trattato di architettura, dir. A. M. Finoli et L. Grassi, Milan, Il Polifilo, 1972, I, p. 283 : « Io l’ho veduta dipinta : una donna ignuda, bella, amantata con uno candido velo ; e in mano tiene una borsa piena di danari voltata di sotto in su […] e da l’atra mano tiene uno ramo d’olivo e i piedi alti sopra terra in su uno marmo bianco, e in capo tiene una colomba. E la Bugia è una femmina vestita di nero con i stivaletti in piè con molte legature, e in mano tiene una verghetta avolatovi su una serpe, e in capo ha uno corbo, li piè tiene bassi nell’acqua […] ».

9 L’image peinte par Taddeo Gaddi trouve un précédent plus précis dans un relief sculpté datant du xiie siècle et attribué à Guglielmo da Modena se trouvant sur la façade de la cathédrale de Modène figurant, comme l’indique une inscription, « La Vérité extirpant la langue de la bouche de Fraude ».

10 Sur Francesco da Barberino, voir notamment R. Frechet–Sutceliffe, L’illustration didactique d’un auteur encyclopédiste-moraliste au début du xive siècle : Francesco da Barberino et ses “Documenti d’amore”, Strasbourg, thèse de doctorat, 1996. J. Canteins, Francesco da Barberino : l’homme et l’œuvre au regard du soi-disant « fidèle d’amour », Milan, Archè, 2007.

11 Francesco da Barberino, I Documenti d’amore di Francesco da Barberino secondo i manoscritti originali, dir. F. Egidi, Milan, 1982, I, 24-25 : « Istius quidem Probitatis et Audaciae ac Curialitatis de qua dictum est supra si formas pictas queris, vide Florentie ubi bellum inter Curialitatem et Avaritiam et sequaces et Probitatem et Codardiam et sequaces in figuris representavi et dicta vulgaria que sunt ibi, cum novitatibus aliis circum pictis. »

12 Ambroise, « Expositio Evangelii secundum Lucam libris X comprehensa », Patrologiae cursus completus. Series Latina, dir. J.-P. Migne, Paris, 1887-1974, 15, col. 1653 : « Nunc dicamus quemadmodum in quattuor benedictionibus sanctus Lucas benedictiones sit octo complexus. Et quidem scimus virtutes esse quattuor cardinales, temperantiam, iustitiam, prudentiam, fortitudinem. »

13 Grégoire le Grand, « Moralium libri sive expositio in librum beati Job. Pars I », Patrologiae cursus completus. Series Latina, dir. J.-P. Migne, Paris, 1887-1974, 75, col. 592 : « Solidum mentis nostrae aedificium, prudentia, temperantia, fortitudo, iustitia sustinet. In quatuor vero angulis domus ista subsistit, quia in his quatuor virtutibus tota boni operis structura consurgit ».

14 Hugues de Saint-Victor, « De fructibus carnis et spiritus », Patrologiae cursus completus. Series Latina, dir. J.-P. Migne, Paris, 1887-1974, 176, col. 997 : « […] per quam vitiorum compago dissolvitur, corpus diaboli superatur, et per semitam iustitiae fons et origo virtutum omnium aditur ».

15 Thomas d’Aquin, Summa theologica, Paris, 1926-1935, IIa-IIae, q. 58, a. 12 : « […] ipsa iustitia est praeclarior inter omnes virtutes morales ».

16 Aristote, Éthique à Nicomaque, dir. J. Tricot, Paris, Vrin, 1959, V, 4.

17 Ibidem, V, 2.

18 Sur Brunetto Latini et les Livres dou Trésor, les études sont particulièrement nombreuses, parmi les synthèses les plus récentes, voir P. Viti, L. Sebregondi, R. M. Zaccaria, Il notaio. Immagini di una professione, Florence, 2002. Z. G. Barański, T. J. Cachey, L. Lombardo, dir., Dante e la cultura fiorentina : Bono Giamboni, Brunetto Latini et la formazione intellettuale dei laici, Roma, Salerno editrice, 2019. M. Bolduc, Translation and the rediscovery of rhetoric, Toronto, Pontifical institute of mediaeval studies, 2020.

19 Brunetto Latini reprend à son compte la démonstration d’Aristote suivant laquelle la pratique des vertus et de la Justice est indispensable pour gouverner une cité et contribuer au bien commun, voir notamment le Livre II, III : « Dou’ Gouvernement de la cite ». Latini Brunetto, Trésor, dir. P. G. Beltrami, P. Squillacioti, P. Torri et S. Vatteroni, Turin, Einaudi, 2007.

20 Pour une liste des manuscrits et un bilan de la diffusion de la littérature latinienne, voir J. B. Holloway, Brunetto Latini : An Analytical Bibiliography, New York, D. S. Brewer, 1986, p. 16-17. P. Squillacioti, « La tradizione manoscritta delle opere di Brunetto Latini », Latini Brunetto, Trésor, dir. P. G. Beltrami, P. Squillacioti, P. Torri et S. Vatteroni, Turin, Einaudi, 2007, p. XVLIII-LIX. Voir également B. Roux, Mondes en miniatures. L’iconographie du « Livre du Trésor » de Brunetto Latini, Genève, Droz, 2009, p. 328-423.

21 Sur la fortune des Livres dou Trésor dans le Nord de la péninsule italienne, voir notamment B. Roux, « L’iconographie du Livre du Trésor : diversité des cycles », dir. F. Arduini, La città e il libro, Florence, 2002, consultable sur http://www.florin. Ms/beth5.html.roux.

22 Sur l’intérêt porté à la discipline du droit à la fin du Moyen Âge, voir E. Cortese, Il diritto nella storia medievale, Rome, Il Cigno Galileo Galieli, 1995. M. G. Fantini, La cultura del giurista medievale : natura, causa, ratio, Milan, Franco Angeli, 1998. P. Prodi, Una storia della giustizia. Dal pluralismo dei fori al moderno dualismo tra coscienza e diritto, Bologne, Il Mulino, 2000. D. Quaglioni, À une déesse inconnue. La conception pré-moderne de la justice, trad. M.-D. Couzinet, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2003. T. Kuehn, « The Renaissance Consilium as Justice », Renaissance Quarterly, 59/4, 2006, p. 1058-1088.

23 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., Ia-IIae, q. 90, a. 3 : « Dicendum quod lex proprie, primo et principaliter respicit ordinem ad bonum commune. Ordinare autem aliquid in bonum commune […] ».

24 Marsile de Padoue, Le défenseur de la paix, dir. J. Quillet, Paris, J. Vrin, 1968.

25 Dante, De Monarchia, dir. P. G. Ricci, Milan, Mondadori, 1965, XI, I, 14 : « Cumque inter alia bona hominis potissimum sit in pace vivere ut supra dicebatur et hoc operetur maxime atque potissime iustitia. »

26 Sur la fortune du Corpus juris civilis Iustinianei au Moyen Âge, voir entre autres W. P Müller, « The Recovery of Justinian’s Digest in the Middle Ages », Bulletin of Medieval Canon Law, 20, 1990, p. 1-29. C. M. Radding et A. Ciaralli, The corpus iuris civilis in the Middle Ages : Manuscripts and Transmission from the Sixth Century to the Juristic Revival, Louvain-Boston, Brill, 2007.

27 Voir notamment J. Berlioz, Identifier sources et citations, Turnhout, Brepols, 1994, p. 127.

28 Sur l’essor des manuscrits juridiques enluminés à Bologne, voir R. Gibbs, « The Development of the Illustration of Legal Manuscripts by Bolognese Illuminators between 1241 and 1298 », Juristische Buchproduktion im Mittelalter, dir. V. Colli, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 2002, p. 173-218.

29 Avril, « Notice nr. 66. Justinien, Digestum vetus cum glossa Accursii », Dix siècles d’enluminure italienne (vie-xvie siècle), cat. exp., Paris, 1984, p. 81. A. Conti, La miniatura bolognese. Scuole e botteghe 1270-1340, Bologne, Alfa, 1981, p. 94-96. M. A. Bilotta, « Formes et fonctions de l’allégorie dans l’illustration des manuscrits juridiques au xive siècle : quelques observations en partant des exemples italiens », L’allégorie dans l’art du Moyen Âge. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations, dir. Ch. Heck, Turnhout, Brepols, 2011, p. 223-240.

30 Sur le Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX de Giovanni d’Andrea, voir M. Salmi, L’enluminure italienne, Milan, Arts et métiers graphiques, 1954, p. 20. G. Schmidt, « “Andreas me pinxit”. Frühe Miniaturen von Nicolò di Giacomo und Andrea di Bartoli in dem Bologneser Offiziolo der Stiftsbibliothek Kremsmünster », Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, 26, 1973, p. 57-73. F. Bruzzi, « Notice 43. Commento di Giovanni d’Andrea alle Decretali », Codex. I tesori della Biblioteca Ambrosiana, Milan, Rizzoli, 2000, p. 86. M. Medica, « I miniatori dei corali agostiniani : Nicolò di Giacomo et Stefano di Alberto Azzi », I corali di San Giacomo Maggiore a Bologna nel Trecento, cat. expo., dir. G. Benevolo et M. Medica, Ferrare, Edisai, 2003, p. 67-69.

31 Sur la contribution des dominicains à l’imagerie morale, nous nous permettons de renvoyer à B. Cosnet, Sous le regard des vertus. Italie, xive siècle, Tours, PUFR, 2016, p. 98-110.

32 Sur le Palazzo Minerbi, voir C. L. Ragghianti, Gli affreschi di Casa Minerbi a Ferrara, Pérouse, Casse di Risparmio Italiane 1970. A. Dunlop, « Allegory, painting and Petrarch », Word and Image, 24, 2008, p. 77-91.

33 Sur les vertus et les vices, voir notamment C. Bellitani, « Iconografia, iconologia e iconica nell’arte nuova di Giotto alla Cappella Scrovegni dell’Arena di Padova », Padova e il suo territorio, 4, 1989, p. 16-24. B. Cole, « Virtues and Vices in Giotto’s Arena Chapel Frescoes », Studies in the History of Italian Art, 1250-1550, Londres, 1995. A. Lermer, « Giotto’s Virtues and Vices in the Arena Chapel : The Iconography and the Possible Mastermind behind It », Out of the Stream : Studies in Medieval and Renaissance Mural Painting, dir. L. U. Alfonso et V. Serrão, Newcastle, Cambridge Scholars Pub, 2007, p. 291-317. M. V. Schwarz, M. Zöschg, Giottus pictor. Band 2 : Giottos Werke, Vienne, Weimar, Bohlau Verlag, 2008, p. 133-158.

34 Sur le commentaire du Digestum novum de la Biblioteca Nacional de España, voir notamment S. L’Engle et R. Gibbs, Illuminating the Law : Medieval Legal Manuscripts in Cambridge Collections, cat. expo., Londres, Turnhout, 2001, p. 134.

35 Sur la contribution de Bartolo da Sassoferrato à la culture juridique, voir les actes du colloque dirigé par V. Crescenzi, G. F. Rossi, Bartolo da Sassoferrato nella cultura europea tra Medioevo e Rinascimento, Sassoferrato, Istituto internazionale di studi piceni, 2015.

36 Sur le De tyranno de Bartolo di Sassoferrato, voir notamment Bartole de Sassoferrato, Traités : Sur les guelfes et les gibelins, Sur le gouvernement de la cité, Sur le tyran, textes introduits, traduits et commentés par S. Parent, Paris, Les Belles Lettres, 2019.

37 Sur la fonction mnémonique des personnifications, voir B. Cosnet, op. cit., p. 49-80. F. A. Yates, The Art of Memory, Chicago, The University of Chicago press, 1966. M. Carruthers, The Book of Memory, a Study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.

38 Macrobe, Commentaire au Songe de Scipion, Paris, Les Belles Lettres, 2003, Livre 1, chapitre 8.

39 « Beatitudines / anime : / Sapientia, / Amicitia / Concordia / Honor / Potentia / Securitas / Gaudium / Visio / Fruitio / Tentio // Beatitudines / corporis : / Claritas / Agilitas / Voluptas / Libertas / Longevitas / Sanitas / Pulcritudo / Fortitudo / Impassibilitas // ».

40 Sur la Canzone delle virtù e delle scienze, voir L. Dorez, La Canzone delle virtù e delle scienze di Bartolomeo di Bartoli da Bologna, Bergame, Istituto italiano d’arti grafiche editore, 1905. Voir également S. De Laude, Un’edizione commentata della « Canzone delle virtù e delle scienze » di Bartolomeo di Bartoli, Tesi di perfezionamento della Scuola Normale di Pisa, Pise, 1996. G. Toscano, T. D’Urso, P. L. Mulas, P. Stirnemann, Enluminures italiennes. Chefs-d’œuvre du Musée Condé, cat. expo., Paris, Somogy, 2000, p. 12-20.

41 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, fol. 1r : « Incipit cantica ad gloriam et honorem magnifici militis domini Brutii, nati incliti ac illustris principis domini Luchini Vicecomitis

de Mediolano, in qua tractatur de virtutibus et scientiis vulgarizatis ».

42 Pour consulter le manuscrit numérisé en ligne, voir Mirador Viewer (cnrs.fr)

43 G. Schmidt, « “Andreas me pinxit”. Frühe Miniaturen von Nicolò di Giacomo und Andrea di Bartoli in dem Bologneser Offiziolo der Stiftsbibliothek Kremsmünster », Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, 26, 1973, p. 57-73.

44 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, fol. 1v : « Oi, Agustin, cinto de la gran stola / del Spirito Santo, a mi de la tua pace / dame, doctor verace, / sì che i tuoi testi a mi facian rubriche / e le mie rime amiche / siano a Moyses, Zechia e Polo / et agli altri che volo / fanno a la rota et al bel san Ziovanni […] ».

45 Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Nouv. Acq. Lat. 2508. L’explicit précise : « Deo gratias, correctus per dominum Franciscum [sic] de Prato et per Bertholomeum Bertholi de Bononia ».

46 Sur la production artistique chez les ermites de saint Augustin, voir M. Boskovits N. Raponi dir., Arte e spiritualità negli ordini mendicanti. Gli agostiniani e il Cappellone di San Nicola a Tolentino, Roma, Argos, 1992. M. Allegrini dir., Per corporalia ad incorporalia. Spiritualità, agiografia, iconografia e architettura nel medioevo agostiniano, Tolentino, Biblioteca Egidiana, 2000. F. Mariano (dir.), Gli agostiniani nelle Marche. Architettura, arte, spiritualità, Milan, F. Motta, 2004.

47 Sur le Tombeau de saint Augustin, voir A. Addeo, Pavia e s. Agostino, Pavie, J. Heckei, 1950. J. Courcelle, P. Courcelle, L’iconographie de saint Augustin, volume 1, Paris, Études augustiniennes, 1965-1972, p. 40-45. L. Bourdua, « Entombing the Founder St Augustine of Hippo », Art and the Augustinian Order in Early Renaissance Italy, dir. L. Bourdua et A. Dunlop, Burlington, Ashgate, 2007, p. 29-51.

48 Sur le Triomphe de saint Augustin conservé à la Pinacoteca Nazionale à Ferrare, voir J. Bentini (dir.), Pinacoteca Nazionale di Ferrara. Catalogo generale, Bologne, Nuova Alfa, 1992, p. 26-27. D. Blume, D. Hansen, « Agostino pater e praeceptor di un nuovo ordine religioso (considerazione sulla propaganda illustrata degli eremiti agostiniani) », Arte e spiritualità negli ordini mendicanti. Gli agostiniani e il Cappellone di San Nicola a Tolentino, dir. M. Boskovits et N. Raponi, Rome, Argos, 1992, p. 79-80.

49 Sur le thème du triomphe de saint Augustin, voir J. Manna, « Cathedra triumphans – Un tema e quattro affreschi », Per corporalia ad incorporalia. Spiritualità, agiografia, iconografia e architettura nel medioevo agostiniano, M. Allegrini, Tolentino, Biblioteca Egidiana, 2000, p. 143-154.

50 Sur Giusto de’Menabuoi à Padoue, voir J. von Schlosser, « Giusto’s Fresken in Padua und die Vorlaufer der Stanza della Segnatura », Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des allerhochsten Kaiserhauses, 17, 1896, p. 13-100. S. Bettini, Giusto de’ Menabuoi e l’arte del Trecento, Padoue, Le Tre Venezie, 1944, p. 112-113.

51 Voir D. Blume, D. Hansen, op. cit., p. 80.

52 Les études consacrées à la fonction des fresques de la salle des Neuf sont nombreuses. Parmi les plus utiles pour notre sujet, voir E. C. Southard, The Frescoes in Siena’s Palazzo Pubblico, 1288-1539 : Studies in Imagery and Relations to other Communal Palaces in Tuscany, New York, Garland Publishing, 1979. J.-C. Antoine, « Mémoire, lieux et invention spatiale dans la peinture italienne des xiiie et xive siècles », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 48/6, 1993, p. 1447-1469.

53 Sur le rapport que les fresques de la salle des Neuf entretiennent avec les manuscrits juridiques, voir tout particulièrement B. Morel, « Justice et Bien commun. Étude comparée de la fresque du Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti et d’un manuscrit juridique bolonais », Mélanges de l’école française de Rome, 113/1, 2001, p. 685-697. R. Gibbs, « "Sober as a Judgeʺ : Ambrogio Lorenzetti’s Allegory of Justice in the Good Commune « Under the Influenceʺ of the Digest and other Bolognese Illuminated Law Manuscripts », Under the Influence : the Concept of Influence and the Study of Illuminated Manuscripts, dir. J. Lowden et A. Bovey, Turnhout, Brepols, 2007, p. 121-138.

54 N. Rubinstein, « Political Ideas in Sienese Art : The Frescoes by Ambrogio Lorenzetti and Taddeo di Bartolo in the Palazzo Pubblico », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 21, 1958, p. 179-207. N. Rubinstein, « Le allegorie di Ambrogio Lorenzetti nella Sala della Pace e il pensiero politico del suo tempo », Rivista Storica Italiana, 109, 1997, p. 781-802. Q. Skinner, « Ambrogio Lorenzetti : The Artist as Political Philosopher », Malerei und Stadtkultur in der Dantezeit. Die Argumentation der Bilder, dir. H. Belting et D. Blume, Munich, Hirmer, 1989, p. 85-104, trad. fr., L’artiste en philosophe politique. Ambrogio Lorenzetti et le Bon Gouvernement, Paris, Raisons d’agir éditions, 2002.

55 P. Boucheron, Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images, Paris, Seuil, 2013. Pour des synthèses récentes sur le Bon gouvernement, voir également R. M. Dessi, Les spectres du Bon Gouvernement, Paris, PUF, 2017. M. Ascheri, Ambrogio Lorenzetti e Siena nel suo tempo, Nuova Immagine, Sienne, 2017. C. Frugoni, Paradiso vista inferno : buon governo et tirannide nel Medioevo du Ambrogio Lorenzetti, Bologne, Il Mulino, 2019.

56 Sur la Prudence dans les arts, voir notamment L. De Poli (dir.), La représentation de la Prudence, dans Chroniques Italiennes, 60, 1999. C. Brucher, « La Prudentia aux xiie et xiiie siècles », Romanische Forschungen, 83, 1971, p. 464-479.

57 Pour une analyse iconographique du retable de Massa Maritima, voir N. E. Muller, « Reflections in a Mirror : Ambrogio Lorenzetti’s Depiction of the Trinity », The Art Bulletin, 61, 1979, p. 101-102. D. Norman, « In the Beginning was the Word : an Altarpiece by Ambrogio Lorenzetti for the Augustinian Hermits of Massa Maritima », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 58, 1995, p. 478-504. B. Cosnet, op. cit., p. 118-120.

58 Augustin, « In Evangelium Joannis Tractatus », Patrologiae cursus completus. Series Latina, dir. J.-P. Migne, Paris, 1887-1974, 35, I, 9 : « […] ce projet a donc déjà pris naissance, mais l’ouvrage n’est pas encore achevé : tu le vois toi ce que tu vas faire, mais personne d’autre ne l’admire, tant que tu n’as pas fait et construit la masse et conduit la fabrique au degré de perfection qu’elle doit atteindre sous le ciseau du sculpteur. Ils observent, les hommes, la fabrique admirable ; ils admirent le projet qui a présidé à cette construction ; ils sont stupéfaits par ce qu’ils voient et ils aiment ce qu’ils ne voient pas, y-a-t-il quelqu’un capable de voir ta pensée ? Si donc le projet de l’homme est loué, tu peux voir quelle pensée de Dieu est Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire le Verbe de Dieu ? Observe la fabrique de ce monde ; vois ce qui a été fait par le Verbe, et alors tu sauras ce qu’est le Verbe ».

59 Ibidem, 37, CXIX, 5 : « Que votre Charité veuille comprendre d’abord quelles sont les flèches. Ces flèches aiguës du puissant sont les paroles de Dieu. Qu’on les lance, elles pénètrent les cœurs. Ces flèches du Verbe de Dieu, en transperçant les cœurs, allument un vif amour, n’apportent pas la mort. Le Seigneur sait attiser l’amour avec ces flèches, et nul ne lance une flèche d’amour mieux que celui qui lance la flèche du Verbe ; il perce le cœur de l’amant, afin de l’aider à aimer ; il le perce, afin de le rendre amant ».

60 Sur le contexte historique de réalisation du décor de la salle des Neuf, notamment W. M. Bowsky, A Medieval Italian Commune. Siena under the Nine, 1287-1355, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1981. P. Boucheron, « “Tournez les yeux pour admirer, vous qui exercez le pouvoir, celle qui est peinte ici”. La fresque du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 60/6, 2005, p. 1137-1199.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1, Maître de 1346, Le tribunal de Justinien, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.
Crédits Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 493k
Titre Fig. 2, Niccolò di Giacomo, Le conseil des vertus et des arts libéraux, Novella sive commentarius in decretales epistolas Gregorii IX, vers 1354.
Crédits Milan, Biblioteca Ambrosiana, Ms. B 42 inf, folio 1.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 291k
Titre Fig. 3, Stefano di Benedetto da Ferrara, Vertus et Vices, vers 1370.
Crédits Ferrare, Palazzo Minerbi. B. Cosnet
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
Titre Fig. 4, Stefano di Benedetto da Ferrara, Tempérance, vers 1370.
Crédits Ferrare, Palazzo Minerbi. B. Cosnet
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 561k
Titre Fig. 5, Maître de 1346, Tempérance, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.
Crédits Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 259k
Titre Fig. 6, Niccolò di Giacomo, Triomphe de saint Augustin, Commentaire du Digestum novum, vers 1370.
Crédits Madrid, Biblioteca Nacional de España, Ms. M 197, fol. 4.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 501k
Titre Fig. 7, Serafino Serafini, Triomphe de saint Augustin, vers 1378.
Crédits Ferrare, Pinacoteca Nazionale.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 158k
Titre Fig. 8, Giusto de Menabuoi, Foi, vers 1370.
Crédits Padoue, Cortellieri des Eremitani. B. Cosnet.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 172k
Titre Fig. 9, Maître de 1346, Foi, Digestum vetus cum glossa Accursii, vers 1345.
Crédits Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Lat. 14339, folio 3.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 318k
Titre Fig. 10, Ambrogio Lorenzetti, Maestà, vers 1335.
Crédits Massa Marittima, Palazzo del Comune. Wiki Loves Monuments Italia.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 406k
Titre Fig. 11, Ambrogio Lorenzetti, Bon gouvernement, fresque, 1338-1340.
Crédits Sienne, Palazzo Pubblico, salle des Neuf.
URL http://journals.openedition.org/cliothemis/docannexe/image/1839/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 329k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Bertrand Cosnet, « Les manuscrits juridiques bolonais parmi les transferts artistiques au Trecento : de l’iconographie des ermites de saint Augustin au Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti »Clio@Themis [En ligne], 21 | 2021, mis en ligne le 09 novembre 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cliothemis/1839 ; DOI : https://doi.org/10.35562/cliothemis.1839

Haut de page

Auteur

Bertrand Cosnet

Université de Lille, CNRS, UMR 8529 – IRHiS – Institut de Recherches Historiques du Septentrion, F-59000 Lille, France

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search