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Dossier : Droit et anthropologie (1). Archéologie d’un savoir et enjeux contemporains
I. Articles

René Maunier, Album graphique de la statistique criminelle de l’Égypte (1890-1918)

Un inédit centenaire présenté par Alain Chenu
Alain Chenu

Résumés

En tant que directeur de la statistique au ministère égyptien de la justice, René Maunier a rédigé et calligraphié lui-même, en 1918, un « album graphique » décrivant les évolutions des crimes, délits et infractions enregistrés par les « juridictions indigènes » de 1890 à 1918. Cet ensemble de tableaux, courbes, cartes et histogrammes est précédé d’une « note explicative » dans laquelle l’auteur énonce les principes qu’il a suivis et passe en revue la littérature sur la statistique criminelle en Égypte. Dans sa présentation, Alain Chenu invite à réévaluer à la hausse l’importance du recours de Maunier aux méthodes statistiques, et examine les raisons pour lesquelles il va ensuite s’en détourner.

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Texte intégral

Ce texte est issu d’une communication présentée au colloque « Droit et anthropologie » qui s’est tenu à Carcassonne les 27 et 28 février 2017 dans le cadre de l’ethnopôle GARAE. L’auteur remercie Laetitia Guerlain et Frédéric Audren de l’avoir associé à cette manifestation.

I. Présentation

  • 1 Voir J.-R. Henry, « Approches ethnologiques du droit musulman : l’apport de René Maunier », dans L’ (...)

1Le parcours de René Maunier (1887-1951) peut être schématiquement découpé en quatre phases. Le temps de ses apprentissages dure jusqu’en 1910, avec sa soutenance de thèse et sa première tentative, infructueuse, d’obtention de l’agrégation de droit ; viennent ensuite une quinzaine d’années en Égypte et en Algérie, puis deux décennies d’un mandarinat exercé principalement depuis la faculté de droit de l’université de Paris (1925-1944) ; pour finir, une éclipse précoce fait suite à la mise à la retraite d’office qui sanctionne son engagement dans la collaboration1.

  • 2 Alain Mahé évoque « l’éclectisme théorique » de René Maunier (dans Recherches sur les échanges, op. (...)
  • 3 Voir Les études sociales. La sociologie de René Worms (1869-1926), 161-162, 2015.
  • 4 F. Audren, « René Maunier », art. cit.
  • 5 De 1908 à 1911, R. Maunier compte parmi les élèves titulaires de l’enseignement sur les « religions (...)
  • 6 Aux termes de l’envoi d’un de ses livres, à cette date, à Marcel Mauss.
  • 7 Plus tardivement, Maunier formulera d’assez vives critiques à l’égard des conceptions durkheimienne (...)

2La première phase se situe sous le signe d’une pluridisciplinarité qui contribuera à l’originalité de ses travaux mais qui ne va pas sans un certain éclectisme2. Maunier se forme au droit et à l’économie, et aussi à la sociologie et à l’ethnologie. De 1904 à 1910 il suit à la Faculté de droit, à l’École des hautes études sociales et à l’École pratique des hautes études des enseignements qui vont le situer à l’intersection de plusieurs des cercles dans lesquels se redéfinissent alors les contours et les objets des disciplines classiques et des mondes émergents de l’économie, de la sociologie, de l’ethnologie et de la statistique. Ses premiers articles et recensions paraissent de 1907 à 1912 dans La Revue internationale de sociologie, ses deux premiers livres en 1910 dans la collection « Bibliothèque sociologique internationale » chez Giard et Brière. Il se place ainsi dans l’orbite de René Worms (titulaire de doctorats en lettres, droit, et bientôt sciences), qui dirige cette revue et cette collection3. Il est proche aussi de Charles Gide, son directeur de thèse, qui « lui ouvre les colonnes de la Revue d’économie politique »4. À la Section des sciences religieuses de l’EPHE, il suit de 1908 à 1910 les enseignements de Marcel Mauss5 – qu’il appellera « mon cher maître » au moins jusqu’en 19386. Il suit aussi les cours de François Simiand. Il cite volontiers Durkheim, Tarde, Le Play. Il s’affirme donc comme un esprit ouvert et non sectaire. Mais en s’abstenant d’évoquer les divergences, explicites ou implicites, entre les différents auteurs auxquels il se réfère, il prend le risque d’apparaître comme un adepte du name dropping plus que comme un esprit systématique7.

3La deuxième période voit s’affirmer une vocation coloniale et ultramarine de Maunier. Elle est surtout consacrée à des travaux empiriques originaux. Maunier l’évoquera dans les termes suivants :

  • 8 R. Maunier, Des comptoirs aux empires. Histoire universelle des colonies, Paris, Sirey, 1942, p. 4.

Je suis colonial et non pas en chambre ; car j’ai vécu longtemps, et suis allé souvent aux pays d’outre-mer. J’ai mis la main aux actes coloniaux, et chez les Anglais – comme fonctionnaire anglo-égyptien – et chez les Français ; je connais le Maghreb, le Levant, l’Indochine8.

  • 9 La construction collective de la maison en Kabylie (Paris, Institut d’ethnologie, 1926) est le troi (...)
  • 10 « La maison kabyle ou le monde renversé », dans Échanges et communications. Mélanges offerts à Clau (...)
  • 11 « La tawsa désigne, en Kabylie, la cérémonie festive durant laquelle l’initiateur de la fête reçoit (...)
  • 12 R. Maunier, « Recherches sur les échanges rituels en Afrique du Nord », L’Année sociologique, nouve (...)
  • 13 D. Cefaï, A. Mahé, « Échanges rituels de dons, obligation et contrat », art. cit.
  • 14 R. Maunier, Recherches sur les échanges rituels, op. cit.
  • 15 « Malgré la finesse de ses observations sur la tawsa en Kabylie, Maunier n’a pas réalisé un travail (...)

Cette phase ultramarine se décompose en une décennie égyptienne qui fait une large place à la criminologie et aux approches quantitatives, et un quinquennat algérien, mieux connu, qui voit Maunier effectuer différentes enquêtes de terrain en Algérie. Ses écrits sur la Kabylie (1926, 1930)9 constitueront pour Pierre Bourdieu une référence importante – non sans quelque prise de distance – dans « La maison kabyle ou le monde renversé »10. Ses analyses des dons et contre-dons constitutifs de la taoussa (plus tard orthographiée tawsa)11, parues dans l’Année sociologique en 1927, déjà rééditées par lui dans Coutumes algériennes en 1935, prolongées par un mémoire des Annales sociologiques en 193812, seront discutées par Daniel Céfaï et Alain Mahé13, et feront l’objet en 1998 d’une réédition critique établie par Alain Mahé14. Ce dernier, tout en soulignant l’intérêt et l’originalité de l’apport de Maunier à l’ethnologie du don, émet un jugement assez sévère sur son travail ethnographique15.

  • 16 Voir P. Singaravélou, Professer l’Empire. Les « sciences coloniales en France sous la IIIe Républiq (...)
  • 17 J.-R. Henry, « Approches ethnologiques… », op. cit., p. 138.
  • 18 Paris, Sirey, 1943.
  • 19 R. Maunier, L’Empire français, op. cit., p. 8.

4Le troisième temps de la vie de Maunier témoigne de la multi-activité d’un titulaire de chaire entreprenant : animation de revues (Revue française d’ethnographie et des traditions populaires puis Revue du folklore français et colonial) et d’une collection d’ouvrages (« Études de sociologie et d’ethnologie juridique », chez Domat-Montchrestien), direction de thèses, obtention d’un doctorat honoris causa de l’université de Harvard (1936), valorisation d’un capital d’observations originales effectuées auparavant, enseignements à l’École coloniale, expertise en « affaires musulmanes » auprès des autorités en charge de la politique coloniale de la France16. Membre de l’Académie des sciences coloniales, « il accède pendant la guerre à la présidence de l’Institut international de sociologie »17. En 1943, il publie L’empire français, propos et projets18, un livre programmatique dans lequel on croirait lire l’œuvre de tout un think tank (la formule serait bien sûr anachronique), un livre qui est aussi une sorte de déclaration publique de candidature à l’exercice de hautes responsabilités en matière de politique coloniale de la France. Ironiquement, ce manifeste paraît au moment même où « l’Empire français est rayé des cartes de géographie ! »19 – « provisoirement, j’en forme l’espoir ! », ajoute Maunier.

  • 20 Dans son livre Les lois de l’Empire (1940-1942) (Paris, Domat-Montchrestien, 1942), Maunier voit da (...)

5À la Libération, Maunier, qui a soutenu le régime de Vichy et entretenu des liens avec l’Occupant20, est démis de ses fonctions. Il n’a alors que cinquante-sept ans, mais ne publiera plus rien de nouveau jusqu’à son décès, sept ans plus tard. Il semble bien qu’on ne trouve dans les revues de droit, d’économie ou de sciences sociales de l’époque aucune notice nécrologique le concernant – un silence qui conforte l’analyse de l’historien Claude Singer :

  • 21 C. Singer, L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947), Paris, Les belles lettres, 1997, (...)

Si l’épuration joue un rôle symbolique important dans la « purification de l’Université », il apparaît qu’en parler publiquement risquerait de souiller l’Université tout entière. L’indignité de quelques enseignants, même si elle est notoire puisque les noms des épurés sont connus et qu’ils figurent aussi au JO ou au BO, ne doit être évoquée qu’avec la plus grande circonspection21.

  • 22 Paris, Félix Alcan, 1930.

6Nous nous proposons ici d’approfondir l’étude de la décennie égyptienne de Maunier, en rendant compte des choix d’objets et de méthodes qu’il a alors effectués, et en tentant d’identifier les effets de cette période sur sa carrière intellectuelle ultérieure. Nous sommes ainsi amenés à nous focaliser sur ceux de ses travaux qui font appel à des méthodes statistiques. Les rares publications à orientation statistique de Maunier sont aujourd’hui bien oubliées. Parmi les quatre-vingt-une entrées de la bibliographie établie par Jean-Robert Henry (1989, p. 158-164), deux articles s’appuient principalement sur des approches quantitatives, et portent l’un et l’autre sur l’Égypte : « Des rapports entre le progrès de la richesse et l’accroissement de la criminalité en Égypte » (Égypte contemporaine, 1912) et « Notes statistiques sur le suicide en Égypte (1887-1918) » (Metron, 1926). Leur auteur les avait jugés suffisamment intéressants pour les republier en 1930 dans ses Mélanges de sociologie nord-africaine22, dont ils constituent les chapitres IX et X. La réédition de 1930 était allégée d’une bonne partie de l’appareil statistique initial – ce qui n’impliquait pas de reniement méthodologique : il était naturel que ces Mélanges, visant un public plus large que les articles, soient débarrassés des passages les plus techniques.

  • 23 J.-M. Chapoulie, « Everett C. Hughes et le développement du travail de terrain en sociologie », Rev (...)
  • 24 La revue Metron a été créée en 1920 par Corrado Gini et dirigée par lui jusqu’à son décès en 1965. (...)

7Notre découverte de l’Album de la statistique criminelle de l’Égypte, un manuscrit de 1918 resté jusqu’ici inédit, invite à une réévaluation à la hausse de l’engagement de René Maunier dans les champs de la statistique et de la criminologie. Nous nous efforcerons de caractériser la « formule de recherche »23 mise en œuvre par ce Maunier statisticien et criminologue : à quelles commandes ou demandes sociales répondait-il, quelles étaient ses sources et ses lectures, de quels moyens d’investigation et d’analyse disposait-il, quels publics visait-il ? Nous proposerons une relecture de la carrière de Maunier, que nous caractériserons comme une suite d’essais et d’erreurs. Si les expériences égyptienne et algérienne ont en commun un fort engagement dans des travaux empiriques originaux, elles diffèrent en ce sens que Maunier va se détourner des méthodes quantitatives, dont on verra qu’il maîtrise assez mal la mise en œuvre, alors qu’il accèdera à terme à une assez ample reconnaissance auprès des ethnologues. L’exploration de la voie statistique n’était pas pour autant restée vaine : Maunier a publié un article dans Metron24, qui était une des meilleures revues de statistique de l’entre-deux-guerres, et a tout de même occupé brièvement, en 1934-1935, une chaire de statistique à la faculté de droit de Nancy. Sa conversion à l’ethnographie ne s’est pas faite en un éclair sur un sentier muletier du Djurdjura : elle a été précédée d’une longue tentative, assez peu fructueuse au total, d’investissement dans cette autre forme de travail empirique que constituent la description et l’analyse statistiques.

II. Maunier dans le « laboratoire social » égyptien

  • 25 On fait ici référence à Robert Park qui a qualifié le Chicago des années 1900 de « laboratoire soci (...)
  • 26 Voir A.-C. de Gayffier-Bonneville, Histoire de l’Égypte moderne. L’éveil d’une nation (xixe-xxie si (...)
  • 27 Khédive : titre héréditaire accordé en 1867 au pacha d’Égypte par le gouvernement ottoman.
  • 28 Z. Darwiche Jabbour, « La francophonie au Liban et les défis de la mondialisation », Cahiers de l’A (...)
  • 29 Catherine Fillon, « L’enseignement du droit, instrument et enjeu de la diplomatie culturelle frança (...)
  • 30 Ibidem, p. 137.
  • 31 Ibid., p. 126.

8De très longue date mais plus encore depuis l’ouverture du canal de Suez, l’Égypte a joué un rôle stratégique25 majeur dans la géopolitique planétaire26. Vers 1900 les deux principaux empires coloniaux les plus récemment constitués, Grande-Bretagne et France, s’y sont trouvés à la fois alliés et concurrents, sur un fond de déclin de l’empire ottoman et de la Russie. Des minorités grecques et italiennes y ont été présentes au fil des siècles. Après la brève invasion dirigée par Bonaparte en 1798-1801, l’influence de la France en Égypte est devenue principalement culturelle, même si elle s’est en partie convertie en capital économique avec la construction du canal de Suez. Depuis le xvie siècle l’Égypte faisait partie de l’Empire ottoman, celui-ci est passé sous domination franco-britannique à l’issue de la guerre de Crimée (1856). En 1874, le pays étant très endetté, le khédive27 Ismaïl a vendu aux Britanniques les parts égyptiennes dans le canal de Suez, dont la France et la Grande-Bretagne sont devenues les actionnaires majoritaires. Des mouvements islamiques et nationalistes se sont opposés à la présence européenne, des officiers se sont emparés du pouvoir en 1881. Les Britanniques, soucieux de contrôler leur accès le plus direct à l’Inde, « la perle de l’Empire », ont alors occupé le pays, qui est officiellement resté une province ottomane. Constantinople ayant, en 1914, déclaré la « Guerre Sainte » contre la Grande-Bretagne, la France et la Russie28, les Anglais ont riposté en établissant cette fois un protectorat plus direct sur l’Égypte, entraînant l’abdication du dernier Khédive, Abbas II Hilmi. L’École khédiviale de droit du Caire, où enseigne Maunier, est alors rebaptisée École sultanieh. L’enseignement du droit en Égypte au début du xxe siècle a été bien décrit par Catherine Fillon29. L’école sultanieh délivre des diplômes égyptiens, et est concurrencée par la plus prestigieuse École française de droit. Elle « avait dû à la francophilie du gouvernement local d’être placée sous une direction française »30. Les enseignements y avaient été délivrés exclusivement en français jusqu’à la création, en 1899, d’une section anglaise ; en 1907 le directeur français, en conflit avec le consul de Grande-Bretagne, avait démissionné et avait été remplacé par un Britannique ; l’école sultanieh était devenu « un bastion français assiégé »31. Maunier contribuera à la préparation des nouveaux statuts de cette école lorsqu’elle deviendra, à la suite de la proclamation de l’indépendance (1922), la Faculté de droit de l’Université du Caire (1926).

  • 32 Les lois de l’Empire (1940-1942), Paris, Domat-Montchrestien, 1942 ; Des comptoirs aux Empires. His (...)

9Un séjour de près de dix ans dans un tel pays et dans le contexte de la Première Guerre mondiale favorise la constitution d’une solide culture à propos des relations internationales et du destin des empires. Trois des quatre derniers livres que Maunier publiera en 1942-1943 comporteront le mot « empire » dans leur titre32.

  • 33 Ces informations figurent dans une lettre de R. Maunier au recteur en date du 22 mai 1936, citée da (...)
  • 34 Les dates exactes du début et de la fin de l’exercice de ces fonctions ne nous sont pas connues pré (...)
  • 35 À ce jour nos recherches ne nous ont pas permis de mieux identifier ces publications, ni a fortiori (...)

10Au Caire, Maunier se trouve plongé dans une société égyptienne effervescente, marquée par un profond dualisme : le mode de vie millénaire de la paysannerie côtoie de près une société urbaine et une économie cotonnière ouvertes sur la modernité culturelle et financière internationale. Corrélativement l’appareil judiciaire est dual lui aussi, ce n’est pas la même justice qui s’applique aux Égyptiens et aux étrangers ; il subit en outre les influences contradictoires et concurrentes du droit français et du droit britannique. Maunier occupe plusieurs postes à partir desquels il peut pratiquer une « observation participante », ou une « participation observante » (termes là encore anachroniques) portant sur différents segments de la justice égyptienne. D’octobre 1911 à juin 1920, il est délégué comme professeur à l’école khédiviale (puis sultanieh) de droit33. Maunier va aussi exercer les fonctions de directeur de la statistique au ministère de la justice, et de juge consulaire au tribunal de France au Caire34. En tant que directeur de la statistique judiciaire, il centralise les informations sur les tribunaux indigènes – en principe laïques, ceux-ci, créés en 1883, succèdent aux tribunaux civils ottomans, qui mettaient en œuvre, confession par confession, un mixte de droit moderne et de droit coutumier ; le curriculum vitae qui figure dans son dossier d’épuration indique qu’il a dirigé la publication de trois volumes de la Statistique judiciaire de l’Égypte35. En tant que juge consulaire, il exerce la justice auprès des résidents français en Égypte, dans le cadre d’une formule issue du régime des capitulations ; les infractions pénales commises par des étrangers relèvent des juridictions consulaires, qui sont sous le contrôle des cours d’appel européennes ; les autres infractions impliquant des étrangers relèvent de tribunaux mixtes.

11Lorsque Maunier donnera des cours de législation coloniale, il développera le thème du dualisme à ses yeux nécessaire du droit dans les colonies :

  • 36 R. Maunier, Répétitions écrites de législation coloniale, 1936-1937, Paris, Les cours de droit, 193 (...)

La loi élaborée et promulguée chez nous [en France métropolitaine] régit chez nous tous ceux qui sont, fut-il pour un moment, sur notre territoire. Aux colonies, il en est autrement, et tout au moins jusqu’à présent il faut toujours marquer séparation, parfois opposition, entre deux corps de lois, qui sont par conséquent des lors de l’ordre personnel, les lois pour les sujets, et les lois pour les maîtres, les lois pour les Français. En sorte que le trait fondamental de ce droit colonial, c’est le double statut, c’est la dualité et non pas l’unité, puisque toujours il y a lieu aux colonies de mettre en valeur, de mettre en vigueur très séparément, très distinctement ces deux corps de lois, les lois pour les Français, les lois pour les sujets, les lois pour les blancs, et pour les non blancs36.

  • 37 Ibidem, p. 299.

Double législation, cela doit impliquer double juridiction, et donc la personnalité des lois doit entraîner la personnalité des juges : statut des dominants, statut des dominés, cela requiert les deux catégories de tribunaux, séparément, distinctement, des tribunaux pour les Français et des tribunaux pour les habitants37.

  • 38 D. Delobsom, L’Empire du Mogho Naba, Paris, Domat-Montchrestien, 1932. La collection de Maunier acc (...)

12Si dans ce cours de 1936-1937 Maunier affirme son soutien résolu à un ordre colonial inégalitaire, on trouve aussi sous sa plume l’idée que l’écart entre colonisateurs et colonisés est appelé à se réduire. À sa manière il contribue à cette réduction, par exemple en publiant dans sa collection ce qui est très probablement le premier livre français de sciences sociales écrit par un Africain noir38.

13L’accès de Maunier au statut de professeur à l’École khédiviale de droit implique un engagement dans les activités de la Société khédiviale d’économie politique, de statistique et de législation. Domiciliée à l’université égyptienne du Caire, cette société savante tient des conférences et édite la revue Égypte contemporaine (1910-1939), imprimée par l’IFAO (Institut français d’archéologie orientale). Entreprenant, Maunier ne se contente pas de publier des articles dans la revue, il devient secrétaire général de la Société khédiviale. En 1915 il publie un premier rapport de routine sur les activités de cette société, mais l’année suivante son rapport prend la forme d’un programme dans lequel il affirme des ambitions de moyen et long terme – ambitions pour l’Égypte, mais aussi ambitions plus larges, qu’il s’efforcera de faire aboutir dans les décennies ultérieures en les transposant à la France et à son empire colonial.

  • 39 « Rapport de M. René Maunier, secrétaire général de la Société sultanieh d’économie politique, de s (...)

[…] La fin de la guerre sera pour l’Égypte le signal d’une renaissance économique. Nous voudrions qu’elle fût aussi l’aurore d’une renaissance intellectuelle. Et c’est à notre Société qu’il appartient d’être le principal agent et de prendre une place éminente dans le mouvement scientifique de demain. Il n’est donc pas trop tôt pour tracer les voies de notre effort prochain, et pour dresser le programme de l’œuvre qui nous reste à accomplir.
Il me paraît qu’à cet égard une quadruple tâche s’imposera à nous […] :
1o […] constitution d’une salle de travail et de lecture
2o […] organisation d’un enseignement permanent
3o […] établissement d’une documentation scientifique sur l’Égypte
4o […] favoriser des recherches et des enquêtes scientifiques sur l’Égypte […]39.

  • 40 P. du Maroussem, Les enquêtes, pratique et théorie, Paris, Alcan, 1905 ; la « nomenclature des fait (...)

En développant son quatrième point, il fait référence aux directives d’enquête définies par les néo-leplaysiens de « l’école de la science sociale » Paul du Maroussem, Henri de Tourville, Paul Roux40 :

  • 41 « Rapport de R. Maunier », art. cit., p. 402-403.

La Société d’Économie sociale de Paris a dressé et publié un Questionnaire d’enquête rurale, dont je donne le texte en annexe à la suite du présent rapport, et qui pourrait être adapté aux enquêtes locales sur la vie agricole de l’Égypte, sur les rites relatifs à la naissance, au mariage et à la mort, sur les systèmes de culture et les industries locales, sur les prix de vente des produits et les prix de location des terres, sur le commerce, les transports, les monnaies, les poids et mesures, sur les coutumes, les mœurs et les institutions. Nous aurions ainsi l’honneur de continuer et de parachever, à la faveur du temps et par le concours dévoué de nos confrères, l’œuvre glorieuse des savants de l’expédition d’Égypte, et de consacrer, à l’étude de cette terre historique, le monument durable qui serait le couronnement de notre œuvre41.

  • 42 R. Maunier, Le Caire, Imprimerie de l’IFAO. Jean-Robert Henry fait un vibrant éloge de cette public (...)
  • 43 « La recherche que j’ai faite en Kabylie a été double. J’y ai procédé d’abord par constatation dire (...)

14Maunier mènera à bien le point 3 de son programme en publiant en 1918 la Bibliographie économique, juridique et sociale de l’Égypte moderne (1798-1916)42. Quant aux autres points, nous manquons d’éléments permettant d’évaluer leur concrétisation éventuelle dans le contexte de l’Égypte des lendemains de la première guerre mondiale. Nous n’avons pas trouvé trace de réponses égyptiennes au « questionnaire d’enquête rurale » publié par Maunier en 1916. Nous savons en revanche que Maunier, de retour en France, a créé la « Salle de travail d’ethnologie juridique » de la faculté de droit de l’université de Paris (point 1), qu’il a assuré, dans cette même faculté et à l’École coloniale, des enseignements de sociologie coloniale (point 2) et qu’il a réalisé en Kabylie des enquêtes rurales d’inspiration néo-leplaysienne (point 4), en faisant appel aux instituteurs de la région43. Ultérieurement la Revue de folklore français et de folklore colonial, dont il sera le rédacteur en chef, puis L’Encyclopédie française, à laquelle il coopérera, lanceront plusieurs enquêtes fondées sur le même principe de recours à des intermédiaires qualifiés, ayant une bonne compréhension du cadre d’ensemble dans lequel se situe l’étude projetée.

15Les plans des enquêtes de ce type diffèrent profondément de ceux des enquêtes par questionnaire qui se généraliseront à partir des années 1930 sur le modèle de la survey research étatsunienne. Cette dernière fait appel à des enquêteurs réduits en principe à un rôle de simple exécutant, soumettant à un échantillon représentatif de la population étudiée des questions formulées dans le langage indigène et non dans celui des responsables de la recherche. Dans la tradition leplaysienne, on attend beaucoup plus d’initiative de la part des enquêteurs, dont certains d’ailleurs peuvent devenir les auteurs ou coauteurs des comptes rendus publiés. Le recours à cette formule d’enquête est l’un des témoignages du goût de Maunier pour les entreprises collectives – goût dont on a vu d’autres signes dans l’édition de bibliographies, dans la direction d’une collection d’ouvrages, et dans l’animation de plusieurs revues.

III. L’album graphique de la statistique criminelle de l’Égypte

  • 44 Affirmer qu’un document est inédit présente un certain risque. René Maunier n’a jamais mentionné ce (...)

16Ce manuscrit, resté à notre connaissance inédit44, a été calligraphié par son auteur sur un in-folio (27 × 35 cm) relié de 82 pages, enrichi de cartes en couleurs soigneusement peintes à la gouache. Il porte sur la statistique criminelle des juridictions indigènes de 1890 à 1918. Nous en avons fait l’acquisition chez un libraire qui ne nous a communiqué aucune information sur sa provenance. Nous le publions ci-après, en reproduisant en fac-similé les cartes (graphiques 10 à 15) et certaines courbes (graphiques 3, 16, 17), et en informatisant les tableaux et les autres graphiques, ce qui nous permet de vérifier les calculs de Maunier – il semble en l’occurrence qu’un seul tableau (le 5e, voir plus loin) comporte des erreurs significatives. Résumons le contenu de cet album, avant de proposer quelques hypothèses sur les intentions de son auteur.

17Maunier revendique une approche descriptive : « Ce n’est point notre objet que d’interpréter ces faits et d’expliquer leur mouvement en les rattachant à leurs causes » (p. vii du manuscrit). L’album s’organise en quatre parties précédées d’une « note explicative » et d’une bibliographie.

  • 45 Maunier n’évoque pas le cas des législations mixtes.

18Dans sa « note explicative », R. Maunier indique qu’il entend donner « une vue d’ensemble de la statistique criminelle des juridictions indigènes de 1890 à 1918 » (p. i). Il laisse de côté les juridictions consulaires dont les rares publications statistiques sont à ses yeux inutilisables45, et précise que ses séries ne peuvent remonter avant 1890 parce que les tribunaux indigènes, bien qu’institués par un décret du 4 juin 1884, n’ont « commencé de fonctionner régulièrement dans l’Égypte entière » qu’en 1890 ; les rapports statistiques antérieurs à cette date « sont extrêmement brefs quant au dénombrement des infractions ». Il poursuit en précisant :

L’année 1890 marque ainsi le point de départ véritable de la statistique criminelle égyptienne. C’est donc une période de près de trente années qui s’offre à l’étude ; période pour laquelle on possède des documents suffisamment homogènes, qui rendent possible une synthèse numérique des faits, et une démonstration graphique de leurs variations.
Ces faits criminels, qui sont la matière de la statistique judiciaire, par quels nombres sont-ils représentés ? Il en est trois sortes, entre lesquels le choix est possible : 1o le nombre des dénonciations apportées aux Parquets ; 2o le nombre des affaires présentées par les Parquets aux Tribunaux ; et, 3o, le nombre des jugements de condamnation prononcés par les Tribunaux. De ces trois séries de données, la seconde est celle qui exprime le mieux la réalité des faits ; c’est elle qui soutient le rapport le plus étroit avec la criminalité réelle, que nous n’atteignons jamais qu’à travers la criminalité judiciaire. » (p. I du manuscrit)

Les séries présentées dans l’Album concernent donc les affaires présentées devant les tribunaux, quelle qu’ait été leur issue – ordonnance de renvoi, classement sans suite, non-lieu.

  • 46 É. Denis, F. Moriconi-Ebrard, « La population de l’Égypte, 1897-1997. Les modalités de la croissanc (...)

19La période choisie se caractérise par le fait que des recensements décennaux de la population générale sont disponibles pour les années 1897, 1907, 1917. Ils procurent à Maunier les dénominateurs des taux de criminalité et lui permettent d’observer leurs évolutions. Là encore les statistiques antérieures à 1890 n’étaient guère utilisables. É. Denis et F. Moriconi-Ebrard indiquent que « le premier recensement, tenu en 1846 sous Muhammad ‘Ali, est resté à l’état d’archives », que celui de 1882 souffre de sérieuses lacunes, mais estiment que ceux de 1897, 1907, 1917 – ceux-là même sur lesquels s’appuie Maunier – sont tout à fait exploitables ; « les méthodes et techniques les plus modernes étaient utilisées : à titre d’exemple, dès 1917, l’exploitation du recensement s’appuyait sur des machines à cartes perforées “Hollerith” »46.

  • 47 L’année 1895 est manquante pour les délits, et certaines séries ne sont pas à jour de l’année 1918.
  • 48 Littéralement une parabole est une courbe du deuxième degré.
  • 49 En vingt ans (de 1897 à 1917) le nombre de crimes pour 10 000 habitants est passé de 1,5 à 3,0 tand (...)

20L’Album compte dix-sept chapitres composés chacun d’un tableau et d’un graphique se faisant face sur une double page. Sa première partie rassemble trois chapitre portant sur « le mouvement général » (c’est-à-dire ici l’évolution de 1890 à 1918) des crimes, des délits et des principales infractions, puis six chapitres sur les homicides volontaires, les coups et blessures volontaires, l’ensemble des vols (crimes et délits), les vols criminels, les faux en écritures, les escroqueries et abus de confiance. La période observée est marquée par une réforme du Code pénal intervenue à mi-parcours (en 1904), qui fait entrer dans la catégorie des crimes les récidives de vol, empoisonnements de bestiaux, destructions de récoltes, et fait de la peste bovine un nouveau délit. Maunier parvient à construire des séries homogènes reposant sur des définitions qui restent à peu près stables de 1890 à 1918. Beaucoup des séries chronologiques de cette première partie concernent des nombres bruts d’infraction, et non des taux rapportant ces nombres à la population totale, dont l’effectif progresse sensiblement au fil des décennies. Les évolutions étudiées sont donc pour partie au moins la simple ombre portée de la croissance démographique, que Maunier ne décrit que de manière allusive. Il calcule des écarts à la moyenne des vingt-huit années (ou vingt-sept selon les cas47), procède à des lissages par calcul de moyennes mobiles sur neuf années, et effectue des calculs d’ajustement par la méthode des moindres carrés qui lui permettent de tracer ce qu’il appelle des « courbes paraboliques du 3e degré »48 (graphique 1) – il ignore les ajustements binomiaux, qui seraient pourtant plus simples à calculer et surtout à interpréter. En revanche les petits histogrammes qu’il incruste dans plusieurs de ses graphiques montrent bien que les taux de criminalité pour 10 000 habitants s’accroissent au long de la période étudiée, sont plus forts dans les zones urbaines que dans les zones rurales (voir les graphiques 10, 11, 13, 14)), et que la progression au fil du temps est un peu plus marquée pour la délinquance que pour la criminalité49 (voir les deux histogrammes des graphiques 1 et 2).

  • 50 D’après les recensements de population, l’Égypte comptait 9,669 millions d’habitants en 1897, 11,19 (...)

21D’autres graphiques comportent une droite représentant ce que Maunier appelle « l’accroissement théorique de la population », qui n’a en fait rien de théorique puisqu’il décrit l’évolution de la population générale aux trois recensements de 1897, 1907 et 1917, dont les trois points se trouvent être alignés (ils ne le seraient pas si le taux de croissance était constant). Il compare la pente de cette courbe à celle des différentes sortes de criminalité, mais il n’indique pas les effectifs de la population aux recensements successifs50. Lorsqu’il calcule des taux moyens, il s’agit toujours de moyennes arithmétiques, et non géométriques. Il semble donc que Maunier ne maîtrise pas les calculs de taux de croissance dans les séries géométriques, ce qui est un sérieux handicap lorsqu’on cherche à comparer différentes séries chronologiques – ici celle de la population et celle des crimes.

  • 51 L’Égypte est marquée par de massifs contrastes entre d’une part 95 % de zones désertiques et d’autr (...)

22La deuxième partie concerne sur la géographie criminelle. Chacun de ses cinq chapitres comporte une carte en couleurs sur laquelle le territoire égyptien est découpé en dix-huit provinces. Les quatre premiers chapitres portent respectivement sur les crimes, les délits, les homicides et les vols ; les cartes représentent les variations par province des valeurs moyennes des taux de criminalité pour 10 000 habitants sur l’ensemble de la période étudiée (voir les graphiques 10 et 12) ; en incrustation apparaissent les variations dans le temps des taux de criminalité dans les différentes provinces (selon un regroupement en trois dates pour les crimes, et année par année pour les homicides, qui sont pourtant un sous-ensemble des crimes, et devraient donc donner lieu à un regroupement au moins aussi fort). Le chapitre 14 décrit les variations géographiques de la « densité criminelle », c’est-à-dire du nombre d’infractions (crimes et délits) par km2. Il est de peu d’intérêt, les écarts observés étant dus avant tout aux variations, énormes en Égypte, de la densité de population d’une province à une autre51. Sur le graphique 10 en revanche, le « taux de criminalité » est défini comme le nombre de crimes pour 10 000 habitants ; la province du Caire apparaît alors, de manière convaincante, comme la plus portée au crime.

  • 52 Il semble que la première publication comportant des pyramides des âges date de 1874 (F. A. Walker, (...)
  • 53 Maunier représente selon une même échelle un taux pour mille habitants d’une tranche d’âge de dix a (...)

23La brève troisième partie décrit, en un seul chapitre, la criminalité par âge et par sexe. Elle est illustrée de pyramides des âges. En 1918 le recours à des graphiques de ce type est encore assez rare52, on peut saluer le modernisme de Maunier, mais pour lui l’exercice n’est pas sans risque. Le découpage en tranches d’âge au recensement de population (de cinq ans en cinq ans) ne correspond pas à celui de la statistique criminelle (0 à 6 ans, 7 à 14 ans, 15 à 24 ans, 25 à 39 ans, 40 à 59 ans, 60 ans et plus). Maunier dispose non de micro-données individuelles, mais de tableaux de données agrégées, qu’elles proviennent de publications ou de documents internes à l’administration de la Justice. Il doit donc se lancer dans la construction d’une pyramide des âges de la population totale selon les tranches d’âge de la statistique criminelle, et il se trompe en déterminant les abscisses des groupes d’âge selon les tranches de la statistique criminelle par addition des effectifs quinquennaux, là où il devrait calculer des moyennes pondérées (voir sur la figure I le graphique 15, partie I – les figures numérotées en chiffres romains sont celles de notre présentation, les figures et tableaux de la « note explicative » de Maunier sont repérés par une lettre, les tableaux et graphiques de la partie statistique de l’Album sont numérotés en chiffres arabes)53. En revanche les taux de criminalité pour 10 000 habitants du même sexe et de la même tranche d’âge tels qu’il les fait figurer à la partie IIB du même graphique sont corrects – ils mettent en évidence l’extrême masculinité de l’activité criminelle, et la forte surreprésentation des 15-24 ans (figure I : graphique 15, partie IIB).

Figure I – La criminalité en Égypte selon le sexe et l’âge

Figure I – La criminalité en Égypte selon le sexe et l’âge

24Accessoirement on peut observer sur la partie I du graphique 15 des effets d’arrondis sur lesquels Maunier aurait pu attirer l’attention dans les considérations méthodologiques de sa « note explicative » : en Égypte lors du recensement de population de 1907, les vieilles personnes sont nombreuses à déclarer leur âge, ou à voir leur âge évalué par l’agent recenseur, à la dizaine d’années près. On voit par exemple que les hommes âgés de 60 à 64 ans sont bien plus nombreux que ceux âgés de 55 à 59 ans, et que ceux âgés de 70 à 74 ans sont plus nombreux que ceux de 65 à 69 ans, alors que l’on s’attend à une décroissance régulière de la taille des groupes quinquennaux à mesure que l’âge augmente. Un phénomène similaire s’observe, de manière encore plus prononcée, dans la Mauritanie de 1977 (figure II) : faute d’état-civil et/ou d’alphabétisation, des personnes qui ne connaissent pas leur âge exact déclarent très souvent des nombres arrondis à la dizaine d’années près. On note aussi qu’en Égypte comme en Mauritanie, les effets d’arrondi autour des multiples de dix sont plus marqués chez les femmes que chez les hommes – un résultat qui exprime la moindre alphabétisation des femmes et le fait qu’elles restent plus que les hommes à l’écart des procédures d’enregistrement à l’état-civil.

Figure II – Pyramide des âges de la Mauritanie en 1977

Figure II – Pyramide des âges de la Mauritanie en 1977

H. Leridon, L. Toulemon, Démographie : approche statistique et dynamique des populations, Paris, Economica, 1997, figure 3.7.

25La quatrième et dernière partie de l’Album, intitulée « Criminalité et indice sociaux », rapproche, au chapitre 16, le mouvement des infractions et celui de différents indices économiques (recettes publiques, récolte cotonnière, importations, exportations) au long des années 1890-1918. Le 17e et ultime chapitre décrit les variations saisonnières de différents types d’infractions et les compare aux variations de la température, de la longueur du jour, du prix du blé et de celui du maïs. Les modalités de calcul des indices des trois dernières lignes du tableau 17 sont peu claires. On s’attendrait à ce que la moyenne de la longueur des jours soit de 12 h et non de 11 h 35 – en outre la moyenne des indices est de 104 et non de 100 (elle est bien de 100 pour la ligne des températures). On comprend mal pourquoi les indices du prix du blé sont aussi élevés, et ceux du maïs, aussi bas (indice moyen sur les douze mois : 115 pour le blé, 88 pour le maïs).

  • 54 « Des rapports entre le progrès de la richesse et l’accroissement de la criminalité en Égypte », Ég (...)
  • 55 Voir par exemple V. Bignon, E. Caroli, R. Galbiati, « Stealing to Survive : Crime and Income Shocks (...)
  • 56 J.-C. Chesnais, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, Paris, Laffont, 1981.

26La thématique des interdépendances entre activité économique et crime était déjà au cœur de l’article que Maunier avait publié dès 1912 dans Égypte contemporaine54. Il estimait alors que la croissance économique provoquait un accroissement de la criminalité. Les éléments produits dans l’Album, bien qu’ils semblent confirmer cette thèse, ne permettent guère de faire progresser la question en termes d’analyse causale : le mouvement des crimes et délits et celui de l’activité économique sont corrélés positivement, mais les deux phénomènes peuvent résulter d’une ou plusieurs autres causes. Maunier a le mérite de distinguer l’évolution des délits et celles des crimes, celle des vols et celle des coups et blessures, et on voit que la progression des délits est plus rapide que celle des crimes, un résultat qui est en harmonie avec de nombreuses analyses ultérieures plus sophistiquées – on sait par exemple, à propos du cas de la France, qu’une crise économique provoque un accroissement des vols mais a peu d’incidence sur les homicides55, et que dans la longue durée la grande criminalité tend à diminuer56.

IV. Le style de l’Album

27La mise en forme très soignée du manuscrit invite à une réflexion sur l’esthétique de Maunier, qui témoigne non seulement de talents calligraphiques – il distingue plusieurs niveaux de titres grâce au recours à des plumes sergent-major de différentes tailles –, mais aussi d’un goût affirmé pour le dessin. Les graphiques comportent des marques de propriété intellectuelle qui seraient sans objet si l’auteur n’avait pas eu le projet de publier cet album : sur chacun d’eux apparaissent soit les simples initiales « R. M. », soit, sur les cartes, une mention « R. Maunier, delt. » – un abrégé de « R. Maunier, delineavit » (dessiné par R. Maunier), une expression latine qui est d’un usage multiséculaire en matière de gravure artistique (figure III).

Figure III – La signature « R. Maunier, delt. » (graphique 13, détail)

Figure III – La signature « R. Maunier, delt. » (graphique 13, détail)

28Le manuscrit de l’Album témoigne donc d’une vocation de graphiste et éventuellement d’artiste qui s’exprimera quelques années plus tard en Algérie lorsque Maunier fera d’un croquis de jarre kabyle tracé par lui dans les Aurès le monogramme de sa collection « Études de sociologie et d’ethnologie juridique » chez Domat-Montchrestien. On peut supposer que ce dessin de jarre lui permettait de situer sa collection dans une série comprenant, par exemple, le dessin de tête d’Indien des rapports annuels du bureau d’ethnologie de la Smithsonian Institution et la hache-ostensoir des « Travaux et mémoires de l’Institut d’ethnologie » – une série que l’on pourrait prolonger, au-delà du décès de Maunier, avec la tortue bicéphale dont Claude Lévi-Strauss a fait l’emblème de « L’Homme » (figure IV).

Figure IV – Monogrammes de collections d’ouvrages d’ethnologie

Figure IV – Monogrammes de collections d’ouvrages d’ethnologie
  • 57 W. Lepenies, Les trois cultures. Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, Paris, (...)

29Maunier affirme donc, en Égypte puis en Algérie, un goût pour le dessin à la plume qui témoigne d’un certain amour de l’art. Si, selon la formule fameuse de Victor Hugo, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface », on peut estimer que, parmi les « trois cultures » distinguées par Wolf Lepenies (lettres et arts, sciences sociales, sciences tout court57), Maunier est fortement attiré le pôle lettres et arts, même si ses talents de dessinateur ne font pas de lui un Dürer. La diversité des domaines dans lesquels il aime exercer ses talents est manifestement très grande.

V. Pourquoi l’Album est-il resté à l’état de manuscrit ?

30Les documents personnels relatifs à René Maunier sont rarissimes et nulle part nous n’avons trouvé trace de projets qu’il pouvait avoir à propos de son Album. Il n’est pas exclu que Maunier ait tout simplement égaré ce document (le libraire qui nous l’a vendu en ignorait la provenance), mais on peut évoquer d’autres raisons pour lesquelles il ne l’aurait pas publié.

31De par sa thématique, ce manuscrit s’apparente étroitement à la série des comptes de la justice criminelle établis en France ou en Belgique depuis 1826 – et notamment de ceux établis à la fin du xixe siècle par le directeur de la statistique criminelle française Émile Yvernès, dont Maunier est devenu en 1915 l’homologue égyptien. Sa destination la plus plausible était donc d’être édité par la direction de la statistique du ministère égyptien de la Justice – c’est-à-dire de constituer une publication de type administratif plutôt qu’académique.

  • 58 Paris, Imprimerie nationale, 280 p. Pour d’autres exemples de recueils statistiques publiés isoléme (...)
  • 59 Dans le compte rendu du recensement étatsunien de 1870 (F. A. Walker, Statistical atlas of the Unit (...)
  • 60 A. Bertillon, Instructions signalétiques, Melun, Imprimerie administrative, 1893.

32On peut se demander s’il était prévu que l’Album paraisse isolément, ou accompagné d’un volume de texte. Le titre choisi par Maunier se rapproche beaucoup de celui d’une publication de 1907, l’Album graphique de la statistique générale de la France, dans laquelle le service du recensement rendait compte, sous la forme de cartes et de diagrammes (établis pour la plupart en vue de présentations dans des expositions internationales), des principaux résultats du recensement de population de 190158. Les termes de « cartogramme » et de « diagramme », employés dans cette publication de la SGF, se retrouvent dans le manuscrit de Maunier, et des pyramides des âges figurent dans les deux documents59. Mais l’Album aurait aussi pu avoir pour complément un volume de texte, sur le modèle, par exemple, des Instructions signalétiques d’Alphonse Bertillon, dont le texte est suivi d’un « album » de 83 planches et tableaux60. Ou encore il aurait pu faire partie d’un ensemble de deux volumes autonomes mais liés par une thématique commune. Cependant le fait que Maunier assigne une finalité principalement descriptive à son album rend peu plausible qu’il ait eu en vue d’en faire la partie graphique d’un texte connexe, qui aurait lui comporté des analyses à ambition d’interprétation et d’explication du type de celles qu’il avait amorcées dans son article de 1912 : en ce cas la partie Album aurait dû être en prise plus directe sur ces analyses.

33Que l’intention ait été de publier un album ou un ensemble texte-album, on peut imaginer que la fin de la guerre mondiale et la réussite de Maunier à l’agrégation française de droit ont entraîné pour lui une bifurcation biographique qui l’a détourné d’un projet de publication qu’il aurait peut-être mené à bien – comme il a su mener à bien la publication de la Bibliographie de l’Égypte moderne – s’il avait continué d’exercer au Caire ses fonctions de directeur de la statistique au ministère de la Justice.

  • 61 Les juridictions indigènes ont commencé de fonctionner régulièrement dans l’Égypte entière. Elles n (...)

34Ont pu ensuite entrer en jeu dans l’abandon de ce manuscrit les doutes que Maunier pouvait éprouver à propos de ses compétences statistiques, dont le bilan apparaît mitigé. L’Album témoigne d’une bonne connaissance de l’organisation pratique de la collecte statistique administrative, dont il avait au Caire une expérience directe61.

  • 62 Absentes de la bibliographie, qui ne porte que sur la note introductive, ces références apparaissen (...)

35Certes l’Album est étoffé de références à des travaux d’analyse statistique. Il cite François Simiand, Lucien March, Francis Edgeworth, George Udny Yule, F. Virgilii62. Il comporte des termes techniques (smooth curve, coefficient de corrélation…) qui montrent que le Maunier de 1918 a élargi ses références à la statistique britannique, la plus mathématisée de l’époque, alors que son texte de 1912 sur les rapports entre richesse et criminalité mentionnaient de nombreux criminologues italiens (Cesare Lombroso, Enrico Ferri, Raffaele Garofalo, Napoleone Colajanni, Ettore Fornasari di Verce) ainsi que des statisticiens tels qu’Adolphe Quetelet, Luigi Poletti et Georg von Mayr. L’article ultérieur sur le suicide en Égypte comportera des références à Emile Durkheim, Maurice Halbwachs, Émile Yvernès, Alexandre Brierre de Boismont, Michel Huber, Jacques Bertillon, et encore Quetelet et von Mayr. Maunier était donc en prise sur les développements de la statistique de son temps. Il comptait même, par l’abondance et la diversité de ses références, parmi les Français les plus en prise avec ces développements, dont il semble plus averti que les plus statisticiens des durkheimiens, François Simiand et Maurice Halbwachs.

  • 63 La médiane est pour lui « la valeur qui sépare en deux séries égales le nombre total de valeurs ann (...)

36Il reste, on l’a vu au fil de la présentation du contenu de l’Album, que chez Maunier la maîtrise des procédures statistiques laisse à désirer. Il n’hésite pas à faire appel à un assez large répertoire technologique, mais il commet des maladresses et des erreurs. Ainsi la réalisation des pyramides des âges du graphique 15 a été pour lui très laborieuse, il a recollé la partie 1911 sur une première version qui ne le satisfaisait pas, mais la partie 1907 est demeurée erronée (voir la figure II du présent article et le graphique 15 de l’album). Il semble connaître les principes du calcul des intérêts composés, mais il ne les applique pas là où il serait pertinent de le faire. La définition qu’il donne de la notion de médiane manque de généralité63.

  • 64 Voir, p. III du manuscrit, « Les infractions connues et poursuivies ne forment jamais qu’une partie (...)
  • 65 Voir par exemple P. Robert, Les comptes du crime. Les délinquances en France et leurs mesures, Pari (...)
  • 66 Voir Lipsky, Street Level Bureaucracy : Dilemmas of the Individual in Public Service, New York, Rus (...)

37Une faiblesse plus radicale de l’Album tient au fait qu’au long des trois décennies observées la statistique judiciaire égyptienne venait de connaître et connaissait encore de profondes réformes, de sorte qu’on ne sait pas si l’augmentation des taux de criminalité provient de l’évolution des comportements des justiciables, ou de l’amélioration de l’efficacité répressive de la police et de la justice, ou encore de l’accroissement de la capacité bureaucratique de ces administrations à faire remonter par voie hiérarchique des comptes rendus écrits, standardisés et à peu près sincères de leur activité. Maunier est conscient de cette difficulté64, qui est inhérente à toute statistique criminelle65 mais dont les effets sur l’enregistrement statistique sont particulièrement importants lorsque l’administration qui produit les chiffres est encore dans un statut naissant. En affirmant que « l’année 1890 marque […] le point de départ véritable de la statistique criminelle égyptienne » et que les chiffres antérieurs sont inutilisables, il surestime probablement l’ampleur de cette rupture de 1890. On ne sait pas s’il a pu observer le travail de base des « street level bureaucrats »66 de la police et de la justice, et les conditions dans lesquelles ce travail se traduisait ou non par une présentation des affaires au Parquet. Son argumentaire serait plus convaincant si son manuscrit comportait davantage d’indications à propos des changements intervenus dans ce travail avant et après 1890. Il est probable que les informations dont il pouvait disposer à cet égard n’étaient pas très étoffées. Son Album reprend assez mécaniquement le format de comptes de la justice criminelle que des pays tels que la Belgique ou la France ont progressivement mis au point au long du xixe siècle, alors même que l’emprise d’une justice coutumière peu bureaucratisée restait forte en Égypte.

VI. Retour sur l’itinéraire intellectuel de René Maunier

  • 67 Cité par E. Coornaert, Destins de Clio en France depuis 1800, Paris, Les éditions ouvrières, 1977, (...)
  • 68 Erving Goffman introduit la notion d’échafaudage (scaffolding), applicable aux activités de mise en (...)
  • 69 P. Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 62-63, 1983, (...)
  • 70 J.-Cl. Passeron, « Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », Revue française de sociologie, 3 (...)

38« L’histoire est à la fois objective et subjective ; elle est le passé, authentiquement appréhendé, mais le passé vu par l’historien », écrivait Henri-Irénée Marrou67. Le parcours de René Maunier donne lieu post mortem à une série de revisites. Une première vague de réévaluations a surgi dans les années 1980-1990 : les travaux de Jean-Robert Henry ont invité à une meilleure prise en considération des apports de Maunier dans le domaine des approches ethnologiques du droit musulman, ceux d’Alain Mahé et de Daniel Céfaï, inscrits dans l’ample développement des études maussiennes, ont scruté ses contributions à l’étude des échanges non marchands constitutifs de la tawsa. L’exhumation du manuscrit aujourd’hui séculaire sur la statistique criminelle de l’Égypte conduit à porter un nouveau regard sur la vocation ethnologique de Maunier : celle-ci n’était pas un premier choix, mais une reconversion partielle. Pour retracer la vie de Maunier on ne dispose que de très peu de documents personnels ; en s’appuyant uniquement sur les publications qu’il a laissées, on tend à sous-estimer la part des aléas d’une vie, des essais et erreurs, des échafaudages68 qu’il a dû monter avant d’aboutir à des comptes rendus de recherche qu’il a finalement publiés. On tend à surestimer la cohérence d’un parcours, à succomber à « l’illusion biographique », dénoncée par Pierre Bourdieu, consistant à considérer que “la vie” constitue un tout, un ensemble cohérent et orienté, qui peut et doit être appréhendé comme expression unitaire d’une “intention” subjective et objective, d’un projet »69 ; ou encore à donner dans une « utopie biographique »70 où la visée d’exhaustivité – limitée à la documentation disponible sur le moment – laisse de côté la question de la définition des traits pertinents de la description (Jean-Claude Passeron).

  • 71 Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991.
  • 72 Voir L’enquête de terrain, D. Céfaï (dir.), Paris, La Découverte, 2003.

39Une première révision concerne les formes de l’engagement de Maunier dans le recueil d’observations de première main. S’il est fréquent que des juristes s’intéressent aux sciences sociales, ils le font en général en travaillant en bibliothèque. Si on définit la sociologie comme « la science de l’enquête » (Jean-Claude Passeron71) ou l’ethnologie comme une discipline fondée sur l’observation participante72, de tels juristes restent ainsi en marge de ces disciplines. Rares sont ceux qui s’engagent durablement dans des investigations empiriques originales, surtout lorsqu’elles doivent se faire sur le terrain. René Maunier a franchi un tel pas, mais il ne l’a pas fait à la suite d’une subite illumination algérienne. Sa découverte du travail de terrain tel que le pratiquent les ethnologues fait suite à la pratique d’une autre forme d’investigation empirique, plus familière aux sociologues, la production de statistiques criminelles dans le cadre du ministère de la Justice en Égypte. Cette expérience lui a fait prendre la mesure de la complexité d’un pays à dominante rurale en voie de modernisation rapide, où s’affrontaient les influences de plusieurs empires. En bon juriste, il aura été attentif à la pluralité des normes et des sanctions judiciaires qui s’appliquaient dans un tel contexte. Son Album s’inscrivait dans un format cognitif et éditorial calqué sur des comptes de la justice qui avaient été publiés en France depuis 1826, mais dont la transposition à l’Égypte appelait des analyses qualitatives qu’il n’a pas pu approfondir.

  • 73 J.-R. Tréanton, « Faut-il exhumer Le Play ? ou les héritiers abusifs », Revue française de sociolog (...)

40Certains traits durablement caractéristiques de René Maunier se trouvent aussi confortés au travers de ce coup de phare porté sur sa décennie égyptienne. Il apparaît comme un homme pressé, avide de saisir les opportunités du moment. Il trace des perspectives, mais il ne fignole pas. Alain Mahé avait relevé un certain nombre de faiblesses de ses travaux de terrain en Kabylie, nous avons constaté que ses analyses statistiques, restées inédites, présentaient des insuffisances. Celles qu’il a publiées faisaient appel à des tableaux très simples. Le répertoire technique de l’Album est plus large, mais moins maîtrisé. Jean-René Tréanton avait posé la question « Faut-il exhumer Le Play ?73 » Alain Mahé a considéré, à juste titre nous semble-t-il, que le Maunier algérien, le Maunier ethnologue, méritait d’être exhumé. Faut-il exhumer aussi le Maunier statisticien ? Notre réponse est en demi-teinte : Maunier avait de bonnes raisons de renoncer à la publication de son Album graphique de la statistique criminelle de l’Égypte, entaché de faiblesses méthodologiques et enserré dans une approche à la fois très descriptive et trop exclusivement quantitative. Son Album présente cependant deux mérites au moins : d’une part il aura pour les historiens de l’Égypte et pour les spécialistes de la statistique criminelle la valeur d’un document à caractère de source ; d’autre part il permet de retoucher et d’enrichir le portrait intellectuel de l’un des rares juristes à avoir pratiqué de manière approfondie des investigations empiriques originales relevant de la sociologie et de l’ethnologie.

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Notes

1 Voir J.-R. Henry, « Approches ethnologiques du droit musulman : l’apport de René Maunier », dans L’enseignement du droit musulman, M. Flory, J.-R. Henry (dir.), Paris, Éd. du CNRS, 1989, p. 133-169 ; D. Céfaï, A. Mahé, « Échanges rituels de dons, obligation et contrat. Mauss, Davy et Maunier : trois perspectives de sociologie juridique », L’Année sociologique, 48/1, 1998, 1, p. 209-228 ; A. Mahé, « Un disciple méconnu de Marcel Mauss : René Maunier », dans R. Maunier, Recherches sur les échanges rituels en Afrique du Nord, Paris, Bouchène, 1998 (reprise d’un article de la Revue européenne des sciences sociales, 105, 1996), p. 7-51 ; F. Audren, « Un interlocuteur français : René Maunier », Les études sociales, 153-154, 2011, p. 213-215.

2 Alain Mahé évoque « l’éclectisme théorique » de René Maunier (dans Recherches sur les échanges, op. cit., p. 13.)

3 Voir Les études sociales. La sociologie de René Worms (1869-1926), 161-162, 2015.

4 F. Audren, « René Maunier », art. cit.

5 De 1908 à 1911, R. Maunier compte parmi les élèves titulaires de l’enseignement sur les « religions des peuples non civilisés » que M. Mauss assure à la section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études. Il délivre, dans le cadre d’une conférence sur les religions de l’Afrique, « de remarquables leçons sur les rapports entre les phénomènes religieux et les phénomènes économiques » (EPHE, Section des sciences religieuses, Rapport sommaire sur les conférences de l’exercice 1908-1909, Paris, Imprimerie nationale, 1909, p. 43), puis, dans le cadre cette fois d’une conférence sur les interdictions rituelles en Nouvelle-Zélande, « d’excellentes leçons sur les tabous techniques » (Rapport sommaire sur les conférences de l’exercice 1909-1910, 1911 p. 107). Mauss se montre donc très élogieux à l’égard de Maunier.

6 Aux termes de l’envoi d’un de ses livres, à cette date, à Marcel Mauss.

7 Plus tardivement, Maunier formulera d’assez vives critiques à l’égard des conceptions durkheimiennes, et notamment de l’approche chez Durkheim de la division du travail dans les « sociétés segmentaires » (voir A. Mahé, « Un disciple méconnu », art. cit.)

8 R. Maunier, Des comptoirs aux empires. Histoire universelle des colonies, Paris, Sirey, 1942, p. 4.

9 La construction collective de la maison en Kabylie (Paris, Institut d’ethnologie, 1926) est le troisième titre paru dans la série des « Travaux et mémoires de l’Institut d’ethnologie » dirigée par Lucien Lévy-Bruhl, Marcel Mauss et Paul Rivet, dont la création marque la naissance de l’ethnologie moderne en France.

10 « La maison kabyle ou le monde renversé », dans Échanges et communications. Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, J. Pouillon, P. Maranda (dir.), Paris, Mouton, 1969, p. 739-758. Ce texte, qui est au cœur de la genèse de la sociologie bourdieusienne du concept d’habitus, sera republié dans Esquisse d’une théorie de la pratique (Genève, Droz, 1972, p. 45-69) et dans Le sens pratique (Paris, Minuit, 1980, p. 441-461).

11 « La tawsa désigne, en Kabylie, la cérémonie festive durant laquelle l’initiateur de la fête reçoit des dons de ses invités à charge de retour » (A. Mahé, dans Maunier, Recherches sur les échanges, op. cit., p. 20.)

12 R. Maunier, « Recherches sur les échanges rituels en Afrique du Nord », L’Année sociologique, nouvelle série, 2, 1927, p. 11-97 ; id., Coutumes algériennes, Paris, Domat-Montchrestien, 1935, p. 71-143 ; id., « Les groupes d’intérêt et l’idée de contrat en Afrique du Nord », Annales sociologiques, série C, fasc. 2, 1937, p. 35-61.

13 D. Cefaï, A. Mahé, « Échanges rituels de dons, obligation et contrat », art. cit.

14 R. Maunier, Recherches sur les échanges rituels, op. cit.

15 « Malgré la finesse de ses observations sur la tawsa en Kabylie, Maunier n’a pas réalisé un travail de terrain systématique et de nombreux aspects de l’institution sont absents de sa description. De même que le vaste panorama qu’il fait de l’ensemble des échanges rituels en Afrique du Nord, doublement nécessaire pour démontrer l’universalité des phénomènes qu’il étudie et étayer de façon conséquente son modèle théorique, pèche par de nombreux travers, des oublis importants et de grossières erreurs […] trahissent non seulement ses lacunes et son manque de familiarité avec les sociétés maghrébines, mais également une lecture extrêmement rapide des travaux des ethnographes du Maghreb » (« Un disciple méconnu », art. cit., p. 16, note 1).

16 Voir P. Singaravélou, Professer l’Empire. Les « sciences coloniales en France sous la IIIe République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, notamment p. 110-113, 133-136, 161-169.

17 J.-R. Henry, « Approches ethnologiques… », op. cit., p. 138.

18 Paris, Sirey, 1943.

19 R. Maunier, L’Empire français, op. cit., p. 8.

20 Dans son livre Les lois de l’Empire (1940-1942) (Paris, Domat-Montchrestien, 1942), Maunier voit dans Pétain « le vénéré Chef de l’État » (p. 7) et décrit sans la moindre réserve les mesures anti-juives prises par Vichy en France et aux colonies (p. 35-37). Le dictionnaire en ligne des professeurs de droit Syprojuris indique « qu’il a participé en octobre 1941 à un petit déjeuner en l’honneur de Carl Schmitt, en présence d’Otto Abetz (avec Ripert et Le Fur) et qu’il avait tissé des liens avec le directeur de l’Institut allemand de Paris, Karl Eptig ». http://siprojuris.symogih.org/siprojuris/enseignant/56939

21 C. Singer, L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947), Paris, Les belles lettres, 1997, p. 211.

22 Paris, Félix Alcan, 1930.

23 J.-M. Chapoulie, « Everett C. Hughes et le développement du travail de terrain en sociologie », Revue française de sociologie, 25, 1984, p. 582-608. La mission première du directeur de la statistique criminelle de l’Égypte n’est pas de faire de la recherche académique, mais elle implique l’élaboration de comptes rendus d’activité qui s’apparentent à certains égards à celle-ci documents administratifs, de sorte que l’approche de J.-M. Chapoulie peut se transposer à la production administrative.

24 La revue Metron a été créée en 1920 par Corrado Gini et dirigée par lui jusqu’à son décès en 1965. Comme Maunier, Gini, avait suivi d’abord des études de droit, puis avait couvert un large spectre de disciplines, enseignant à l’université de Rome la sociologie et les statistiques, et y créant en 1936, la faculté de statistiques, de démographie et des sciences actuarielles. Son nom reste associé au coefficient de mesure des inégalités qu’il a mis au point. Comme Maunier, il s’intéressa aussi à l’ethnologie.

25 On fait ici référence à Robert Park qui a qualifié le Chicago des années 1900 de « laboratoire social » (R. Park, « The City as a Social Laboratory », dans An experiment in Social Science Research, Smith et White (dir.), Chicago, University of Chicago Press, 1929).

26 Voir A.-C. de Gayffier-Bonneville, Histoire de l’Égypte moderne. L’éveil d’une nation (xixe-xxie siècle), Paris, Flammarion, 2016.

27 Khédive : titre héréditaire accordé en 1867 au pacha d’Égypte par le gouvernement ottoman.

28 Z. Darwiche Jabbour, « La francophonie au Liban et les défis de la mondialisation », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 56, 2004, p. 20.

29 Catherine Fillon, « L’enseignement du droit, instrument et enjeu de la diplomatie culturelle française. L’exemple de l’Égypte au début du xxe siècle », Mil Neuf Cent, revue d’histoire intellectuelle, 29, 2011, p. 123-144.

30 Ibidem, p. 137.

31 Ibid., p. 126.

32 Les lois de l’Empire (1940-1942), Paris, Domat-Montchrestien, 1942 ; Des comptoirs aux Empires. Histoire universelle des colonies, Paris, Sirey, 1942 : L’Empire français, propos et projets, Paris, Sirey, 1943.

33 Ces informations figurent dans une lettre de R. Maunier au recteur en date du 22 mai 1936, citée dans le dossier de carrière de Maunier constitué par l’Éducation nationale (F/17/25070, AJ/16/6082). Nous remercions F. Audren de nous avoir communiqué des extraits de ce dossier.

34 Les dates exactes du début et de la fin de l’exercice de ces fonctions ne nous sont pas connues précisément. On relève des discordances entre le dossier de carrière cité à la note précédente et la « Notice sur le Professeur René Maunier », datée de 1944, qui figure dans le dossier d’épuration. Le premier dossier indique que Maunier a été directeur au ministère égyptien de la justice de 1916 à 1918, mais cite aussi, de manière en partie contradictoire, un « rapport sur la séance du 29 juin 1933 de la Faculté de droit sur la chaire vacante de procédure civile » dans lequel il est précisé que « de 1919 à 1920, il a rempli les fonctions de directeur au ministère de la Justice du Caire et celles de juge consulaire au tribunal consulaire de France au Caire de 1918 à 1920 ». Dans la notice du dossier d’épuration on lit que Maunier « prit la direction en 1917 des statistiques et publications au Ministère Égyptien de la Justice. Il se donnait ainsi une expérience de statisticien, et publiait, en cette qualité, trois volumes de la statistique judiciaire de l’Égypte, en même temps qu’il assumait le poste de Secrétaire Général de la Société Égyptienne d’Economie Politique et de Législation » (dossier no 132, p. 3 ; nous remercions F. Audren pour la communication de ces éléments).

35 À ce jour nos recherches ne nous ont pas permis de mieux identifier ces publications, ni a fortiori de les consulter.

36 R. Maunier, Répétitions écrites de législation coloniale, 1936-1937, Paris, Les cours de droit, 1939, p. 198.

37 Ibidem, p. 299.

38 D. Delobsom, L’Empire du Mogho Naba, Paris, Domat-Montchrestien, 1932. La collection de Maunier accueille aussi l’un des premiers livres publiés en France par une femme ethnologue, la thèse d’État de Denise Paulme, Organisation sociale des Dogons (1940). La primeur côté femmes ethnologues revient probablement à Jeanne Cuisinier qui en 1936 avait publié ses Danses magiques de Kelantan dans la collection des « Travaux de l’Institut d’ethnologie », où La construction collective de la maison en Kabylie de Maunier avait paru en 1926. De 1937 à 1939 Maunier participe, auprès d’Henri Laugier, Maurice Leenhardt, Paul Rivet, Célestin Bouglé (président) au comité directeur du bulletin « Races et racismes », qui est centré sur une critique du racisme et du nazisme. Il est peut-être exact que Maunier ait été « l’adversaire du Front populaire » que décrira le doyen Ripert dans une lettre au recteur du 15 juin 1942 (source : dossier d’épuration, information communiquée par F. Audren), mais il avait aussi contracté quelques engagements aux côtés de partisans du Front populaire aussi résolus que Laugier et Rivet.

39 « Rapport de M. René Maunier, secrétaire général de la Société sultanieh d’économie politique, de statistique et de législation, à l’assemblée générale ordinaire du 24 mars 1916 », L’Égypte contemporaine, 1916, p. 399-401 (les italiques sont de R. M.).

40 P. du Maroussem, Les enquêtes, pratique et théorie, Paris, Alcan, 1905 ; la « nomenclature des faits sociaux » élaborée par H. de Tourville à partir de 1886 est surtout connue par les publications de ses disciples, et notamment de P. Roux, avec son Précis de science sociale (Paris, Société d’économie et de science sociale, 1914). On sait que le mouvement leplaysien s’est scindé en deux branches, appuyées sur deux revues, La réforme sociale d’une part, La science sociale d’autre part. Les premiers poursuivent l’édition de la série des Ouvriers des deux mondes, les seconds publient dans leur revue des monographies dont on peut trouver un inventaire dans la réédition de 1985 du Précis de science sociale de P. Roux (Paris, Société d’économie et de science sociale, p. 131-134). Sur le mouvement leplaysien, voir B. Kalaora, A. Savoye, Les inventeurs oubliés. Le Play et ses continuateurs aux origines des sciences sociales, Paris, Champ Vallon, 1989, et L. Guerlain, L’école de Le Play et le droit. Contribution à l’histoire des rapports entre droit et science sociale, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, 2017.

41 « Rapport de R. Maunier », art. cit., p. 402-403.

42 R. Maunier, Le Caire, Imprimerie de l’IFAO. Jean-Robert Henry fait un vibrant éloge de cette publication (« Approches ethnologiques… », op. cit., p. 140).

43 « La recherche que j’ai faite en Kabylie a été double. J’y ai procédé d’abord par constatation directe, et ensuite j’ai usé de l’observation indirecte […] Par défaut de temps et de moyens, l’enquête personnelle ne pouvait suffire. J’ai donc dû l’achever par une enquête indirecte, ou enquête par questionnaire. J’ai établi, après une première exploration, un questionnaire sur l’habitation kabyle, auquel ont eu à répondre les instituteurs français et kabyles habitant dans les villages. J’ai pu obtenir ainsi environ cinquante réponses sur fiches numérotées… » (R. Maunier, La construction collective, op. cit., p. 6). Le questionnaire adressé aux instituteurs, reproduit p. 72-78 du même ouvrage, implique notamment que les répondants se réfèrent au recensement de population de 1921 afin de répartir la population du village dans un tableau croisant le sexe et trois tranches d’âge (question 8, p. 74).

44 Affirmer qu’un document est inédit présente un certain risque. René Maunier n’a jamais mentionné cet Atlas dans ses listes de publications.

45 Maunier n’évoque pas le cas des législations mixtes.

46 É. Denis, F. Moriconi-Ebrard, « La population de l’Égypte, 1897-1997. Les modalités de la croissance », L’Information géographique, 1, 1998, p. 12-23, p. 13. La firme Hollerith est l’ancêtre d’IBM.

47 L’année 1895 est manquante pour les délits, et certaines séries ne sont pas à jour de l’année 1918.

48 Littéralement une parabole est une courbe du deuxième degré.

49 En vingt ans (de 1897 à 1917) le nombre de crimes pour 10 000 habitants est passé de 1,5 à 3,0 tandis que celui des délits progressait un peu plus rapidement, de 38 à 82.

50 D’après les recensements de population, l’Égypte comptait 9,669 millions d’habitants en 1897, 11,190 millions en 1907, et 12,718 en 1917 (É. Denis, F. Moriconi-Ebrard, « La population de l’Égypte », art. cit., p. 15).

51 L’Égypte est marquée par de massifs contrastes entre d’une part 95 % de zones désertiques et d’autre part des zones d’agriculture irriguée et d’urbanisation (vallée du Nil et delta) : la densité de population dans les gouvernorats les plus denses est au moins mille fois supérieure à celle des gouvernorats les plus désertiques. De tels écarts oblitèrent les variations des taux de criminalité, dont l’ordre de grandeur est au plus de un à dix.

52 Il semble que la première publication comportant des pyramides des âges date de 1874 (F. A. Walker, Statistical atlas of the United States based on the results of the ninth census 1870, New York, Julius Bien, 1874).

53 Maunier représente selon une même échelle un taux pour mille habitants d’une tranche d’âge de dix ans et un autre taux pour une tranche de vingt ans – voir par exemple, côté hommes, les valeurs 159 pour les 15-24 ans et 142 pour les 40-59 ans : il faudrait diviser par deux le taux de 142 pour pouvoir le comparer au taux de 159 qui concerne une tranche deux fois plus étroite.

54 « Des rapports entre le progrès de la richesse et l’accroissement de la criminalité en Égypte », Égypte contemporaine, 3, 1912, p. 341-369.

55 Voir par exemple V. Bignon, E. Caroli, R. Galbiati, « Stealing to Survive : Crime and Income Shocks in XIXth Century France », The Economic Journal, 12, 599, fév. 2017, p. 19-49.

56 J.-C. Chesnais, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, Paris, Laffont, 1981.

57 W. Lepenies, Les trois cultures. Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1990 (édition allemande, 1985).

58 Paris, Imprimerie nationale, 280 p. Pour d’autres exemples de recueils statistiques publiés isolément sous l’intitulé « album », voir les Albums de statistique graphique du ministère des Travaux publics (Paris, Imprimerie nationale, 1879-1900).

59 Dans le compte rendu du recensement étatsunien de 1870 (F. A. Walker, Statistical atlas of the United State, op. cit., 1874), on voit par exemple que le Nevada compte surtout des jeunes adultes de sexe masculin tandis que Rhode Island comporte à peu près autant d’hommes que de femmes, selon une distribution symétrique en sapin.

60 A. Bertillon, Instructions signalétiques, Melun, Imprimerie administrative, 1893.

61 Les juridictions indigènes ont commencé de fonctionner régulièrement dans l’Égypte entière. Elles n’ont été établies dans la Haute Égypte qu’en août 1889 ; dans la Basse Égypte même, la plupart des infractions graves étaient, jusqu’en 1888, qualifiées « actes de brigandage », et en tant que tels tombaient sous la compétence de « commissions spéciales ». Les rapports statistiques antérieurs à cette date s’attachent surtout à exposer la marche générale des affaires judiciaires et le travail des tribunaux ; ils sont extrêmement brefs quant au dénombrement des infractions.

62 Absentes de la bibliographie, qui ne porte que sur la note introductive, ces références apparaissent dans les notes des tableaux et graphiques.

63 La médiane est pour lui « la valeur qui sépare en deux séries égales le nombre total de valeurs annuelles ». Ainsi pour les années 1890-1916, c’est l’année 1903 qui correspond à la médiane. Ce mode de calcul donne un résultat correct lorsque toutes les valeurs ultérieures à 1903 sont supérieures à celles antérieures à cette date, ce qui se trouve être le cas pour les crimes qu’il étudie.

64 Voir, p. III du manuscrit, « Les infractions connues et poursuivies ne forment jamais qu’une partie du total des infractions commises ; il y a, entre la criminalité judiciaire et la criminalité réelle, une distance qui dépend de l’activité des poursuites », etc.

65 Voir par exemple P. Robert, Les comptes du crime. Les délinquances en France et leurs mesures, Paris, Le Sycomore, 1985 ; L. Mucchielli, Criminologie et lobby sécuritaire, Paris, La Dispute, 2014.

66 Voir Lipsky, Street Level Bureaucracy : Dilemmas of the Individual in Public Service, New York, Russell Sage, 1983.

67 Cité par E. Coornaert, Destins de Clio en France depuis 1800, Paris, Les éditions ouvrières, 1977, p. 164.

68 Erving Goffman introduit la notion d’échafaudage (scaffolding), applicable aux activités de mise en scène des productions intellectuelles comme de la vie quotidienne, dans The Presentation of Self in Everyday Life (New York, Doubleday, 1959).

69 P. Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 62-63, 1983, p. 69-72 (ici p. 69).

70 J.-Cl. Passeron, « Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », Revue française de sociologie, 31, 1989, p. 5.

71 Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991.

72 Voir L’enquête de terrain, D. Céfaï (dir.), Paris, La Découverte, 2003.

73 J.-R. Tréanton, « Faut-il exhumer Le Play ? ou les héritiers abusifs », Revue française de sociologie, 25-3, 1984, p. 458-483. Les « héritiers abusifs » visés dans le titre de cette note critique étaient principalement Emmanuel Todd et Hervé Le Bras (H. Le Bras, E. Todd, L’invention de la France, Paris, Le livre de poche, 1981 ; E. Todd, La troisième planète : structures familiales et systèmes idéologiques, Paris, Seuil, 1983).

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Table des illustrations

Titre Figure I – La criminalité en Égypte selon le sexe et l’âge
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Titre Figure II – Pyramide des âges de la Mauritanie en 1977
Crédits H. Leridon, L. Toulemon, Démographie : approche statistique et dynamique des populations, Paris, Economica, 1997, figure 3.7.
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Titre Figure III – La signature « R. Maunier, delt. » (graphique 13, détail)
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Titre Figure IV – Monogrammes de collections d’ouvrages d’ethnologie
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Pour citer cet article

Référence électronique

Alain Chenu, « René Maunier, Album graphique de la statistique criminelle de l’Égypte (1890-1918) »Clio@Themis [En ligne], 15 | 2019, mis en ligne le 01 février 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cliothemis/568 ; DOI : https://doi.org/10.35562/cliothemis.568

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Auteur

Alain Chenu

Observatoire sociologique du changement (Sciences Po, CNRS)

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Droits d’auteur

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