Mes remerciements les plus vifs vont à Anne‑Lise Baylé et Martin Jaillet, les grandes âmes de ces rencontres, ainsi qu’à tous les participants, pour leurs propositions stimulantes. Merci également à Jean‑Pierre Garcia pour sa relecture attentive.
« Les hommes sont des femmes comme les autres. »
Groucho Marx
Introduction
Cette contribution développe une des conclusions auxquelles je suis arrivée dans mon travail de thèse mené sous la direction de Dominique Briquel, sur la question de l’apparence dans l’aire culturelle étrusque, qui s’intéressait au fonctionnement de la parure1. Si l’on fait le bilan de la modalité des usages de cette dernière, on observe un fonctionnement spécifique, dont l’un des points saillants serait une indétermination de genre : hommes et femmes ont en partage les mêmes éléments, pour la plupart d’entre eux. Ainsi, la parure ne marquerait pas une limite nette entre le masculin et le féminin.
Or, l’anthropologie nous rappelle que l’une des fonctions de celle‑ci est précisément de permettre la distinction des genres :
La parure rend compte également de la division fondamentale entre mâles et femelles2 ; même lorsque les deux sexes font usage des mêmes matières premières et des mêmes techniques, il y a toujours des variations (de style, de matériau ou de dessin) qui signifient le genre3.
Dans le cas de la culture étrusque, même cette dernière assertion ne convient pas.
Toutefois, la parure intervient dans des étapes précises de la destinée humaine, liées à ses métamorphoses, dans tous les moments de transformation du corps, qui correspondent à des changements de statut (rites de passage4) : autant de limites à franchir…
Il s’agira donc ici de reprendre ces éléments, en nous attardant de manière plus précise sur l’articulation entre féminin et masculin : s’il est vrai que la limite de genre est perçue comme une structure fondamentale dans les sociétés, il convient néanmoins de mettre en lumière la spécificité du système étrusque, et d’en questionner la norme.
Les trois scansions de cette contribution seront donc les suivantes. Dans un premier temps, je reviendrai sur le bilan du fonctionnement spécifique de la parure, puis nous nous aventurerons dans les marges en enquêtant sur les ambiguïtés de genre ; enfin, la dernière étape sera plus théorique, pour saisir ce mode relationnel spécifique.
Un bilan sans conteste
Pour ce rapide panorama, nous commencerons in cute, sur la peau, au plus proche du corps étrusque. En effet, concernant la cura corporis ou cosmétique, on observe cette indétermination. La polarité de genre établie dans la culture grecque, pourvoyeuse de modèles, semble estompée. Ainsi, pour les huiles parfumées, les mêmes vases sont employés par les hommes et les femmes : c’est le cas de l’alabastre, puisque c’est bien ce flacon que manipulent l’épouse ainsi que l’époux du Sarcophage Campana, comme l’a démontré la restauration5 (fig. 1). Le lexique lui-même témoigne de cette similarité des pratiques : aska, leχtumuza et qutum ont tous pu désigner le même type de vase, à savoir l’aryballe. La spécialisation de genre en fonction des formes n’est pas de mise pour le parfum étrusque.
Au regard du modèle grec s’offrent à nous des normes floues, voire fluides, à l’image des produits que contiennent ces vases. On peut en conclure que des pratiques proprement étrusques se sont développées dans l’usage et le maniement des vases à parfum. L’enquête montre qu’il en va de même pour la pratique de la teinture capillaire. Ainsi, la blondeur masculine comme féminine, qui apparaît à l’époque archaïque sur les artefacts, est une convention figurative héritée d’une codification littéraire à l’œuvre dès Homère : les représentations ne sont pas le reflet de realia. En revanche (fig. 2), il semble bien que dès la période hellénistique, qui voit se développer, dans une koinè « cosmétique », les échanges de pratiques6 (fig. 3) et de produits, la teinture capillaire se soit imposée. Il s’agit d’un blond vénitien qui oriente notre interprétation : ce blond-roux est typique d’une couleur obtenue avec des moyens artificiels, comme en témoignent Pline7 ou Dioscoride8. Compte tenu de la documentation, il s’agirait d’une convention qui reposerait sur des pratiques réelles.
Restons dans le domaine trichologique (fig. 4). En effet, l’épilation est également une pratique qu’ont en partage les hommes comme les femmes. Je ne reviens pas sur l’épilation féminine, pratiquée systématiquement, sauf à citer l’emploi sans doute particulier du rasoir et du strigile dans le cadre du mundus muliebris (qui n’exclut pas un usage thanatopraxique). À nouveau, des objets considérés comme des marqueurs masculins perdent cette caractéristique.
En revanche, l’épilation masculine est connue de l’historiographie grecque, comme le montre un fameux passage de Théopompe :
Ceux‑ci, chez eux, sont tout à fait beaux à voir, parce qu’ils vivent voluptueusement et ont le corps épilé (λεαινόμενοι τὰ σώματα). D’ailleurs, tous les barbares qui habitent vers l’occident (πάντες οἱ πρὸς ἑσπέραν οἰκοῦντες βάρβαροι) s’enduisent le corps de poix et le rasent (πιττοῦνται καὶ ξυποῦνται τὰ σώματα) ; et même, chez les Tyrrhéniens, il y a beaucoup d’ateliers établis et de praticiens pour cette opération, comme sont chez nous les barbiers. Lorsqu’ils y vont, ils se prêtent au travail de toute façon, sans avoir honte d’être vus, même des passants9.
Le poil et l’exhibition de celui‑ci selon des normes renvoient dans l’imaginaire grec à une identité sexuelle virile10. Rien de tel dans la culture étrusque, où nous avons pu montrer que c’est le poil qui est sauvage. Deux imaginaires s’opposent ici : pour un regard grec, l’homme étrusque s’effémine par cette pratique.
Cistes et miroirs sont également des objets masculins11. En règle générale, les signes qui discriminent les genres ne sont donc pas ces objets concernant la cura corporis, dans un contexte nuptial, puisqu’ils concernent les hommes comme les femmes dans ce moment crucial de leur existence. Le miroir ne dévalue pas l’homme, et trouve comme tel sa place dans la paideia masculine selon des normes propres à la cosmologie étrusque12.
Enfin, l’Etruscan look cher à Larissa Bonfante, la spécialiste du vêtement étrusque13, peut concerner aussi bien les hommes que les femmes. Rappelons qu’il est constitué de la tunica (plissée ou non)(fig. 5), la tebenna (la toge étrusque)(fig. 5), la lacerna (manteau dont les pans de déploient sur la poitrine)(fig. 6), le tutulus (coiffe en pointe)(fig. 7).
On trouve également les calcei repandi (bottines)(fig. 5‑6) ou les Tyrrhenika sandalia, et enfin la bulla. Ce dernier élément est d’autant plus significatif qu’il s’agit d’un bijou, en règle générale le domaine le plus genré (fig. 8). Sur ce miroir, tous les personnages porte la bulla dans ses différentes modalités : soit en pendentif à triple bullae (le petit Silène, Apulu et Fufluns), soit en armilla à triple bullae (Fufluns et Semla).
De fait, ce n’est pas dans un système d’opposition masculin/féminin, qui marquerait une limite entre les genres, qu’il faut appréhender la parure. L’objet acquiert un pouvoir classifiant dont le détail ne nous est pas nécessairement connu, mais dont nous décelons la logique, non pas tant inclusive qu’exclusive14, renvoyant à un système taxinomique d’appartenance : classe, statut, confrérie… En somme, une question de distinction.
Le système de la parure n’est donc pas seulement d’ordre symbolique, il est un système dynamique actif : il ne fait pas que signaler un statut quel qu’il soit, il le licite et le sanctionne. Ainsi, peut‑on postuler une forme de porosité entre le masculin et le féminin ? Pour avancer dans l’enquête, il convient d’explorer la limite, en se rendant dans les marges, avec la question de l’ambiguïté de genre.
Des cas limites : ambiguïté et fluidité de genre
La parure étrusque ne signifie pas nécessairement une distinction, voire une opposition de genre. Est‑ce l’une des raisons qui font que l’historiographie grecque a transmis l’image d’un homme étrusque efféminé15, comme nous l’avons évoqué avec le passage de Théopompe ? Or l’examen des données, tout au rebours, nous enseigne que la figure du κίναιδος/cinaedus, « l’efféminé », ou que la pratique du « travestissement » ne sont pas prégnantes dans la culture étrusque.
Il s’agit, en revanche, d’un motif omniprésent en Grèce, au service d’une norme assignant à chaque sexe et à chaque genre ses prérogatives distinctes. Nombreux sont les récits et les images qui mettent en scène des héros ou des dieux « travestis » 16. Par ailleurs, les identités sexuées non binaires, comme les hermaphrodites ou androgynes (selon la terminologie grecque et romaine), sont présentes dans les imaginaires, et objets de discours, mythologico-philosophiques, médicaux ou juridiques.
Quelle est donc la situation dans la culture étrusque17 ? Comme je l’ai dit, les occurrences des figures qui présentent une certaine fluidité dans leur identité de genre (masculin/féminin) ou leur identité sexuée (homme/hermaphrodite/femme) sont très modestes, et cette relative modestie pose question. S’aventurer dans les marges, puisqu’il est ici question de limite, nous permet d’éclairer la norme. Je ne m’en tiendrai qu’à un seul exemple. Les remarques qui suivent, toutefois, s’appuient sur une tentative de corpus, lequel demande à être enrichi de manière systématique. Quoi qu’il en soit, les figurations relativement rares qui relèvent de ces pratiques peuvent être mises en relation d’une part avec le Dionysos étrusque, d’autre part avec des discours d’inculcation en lien avec la sortie de l’enfance et la fertilité nuptiale. Ces deux aspects peuvent d’ailleurs se combiner.
Une figuration emblématise ce questionnement sur ces pratiques dans une acception dionysiaque (fig. 9). L’élégante figure qui fait fonction d’anse pour cette œnochoé en bronze montre des caractéristiques tout autant féminines que masculines.
En effet, elle évoque les figurations d’un Dionysos juvénile, gracieux et dodu, comparable au Fufluns sur le miroir de Berlin (fig. 8) (à noter la conformation des hanches et la position du corps), et sur la fresque de la Villa des Mystères, à Pompéi, où il porte les mêmes bottines. Ce jeune Dionysos dansant, comme le montrent la torsion du corps et la position des mains, suggère un kômos, ou la danse autour du vase empli de vin. Ici, la figuration abolit et brouille les perceptions des catégories (dimension, matériaux, substance…). Par ailleurs, l’ambiguïté sexuée (on parlerait, en terme scientifique, d’intersexuation) est approfondie par la présence du bijou que le personnage porte à son cou : il s’agit en effet d’une lunule. Dans un tel contexte, on s’attendrait à une bulla, comme le Dionysos juvénile sur la ciste Ficorini (fig. 10). Or, dans un contexte latial, il s’agit d’un bijou féminin.
Toutefois, il convient de préciser que cette œnochoé, fabriquée dans un atelier d’Étrurie méridionale, provient d’une tombe celte de la nécropole de Ceretolo, dans les environs de Bologne, la Felsina étrusque : la tombe d’un guerrier boïen, comme le montre la panoplie inhumée avec lui, datée du second quart du iiie siècle av. J.‑C.
Il s’agit donc d’un objet des confins, lesquels témoignent des convergences culturelles à l’œuvre dans les marges. Or, la lunule en contexte celte n’est pas spécifiquement féminine, comme le montrent un certain nombre d’artefacts, des cippes, des stèles ou des monnaies18, notamment des statères boïens19. Par ailleurs, de telles amulettes enfantines sont liées à des garçonnets en contexte gallo-romain comme en contexte chypriote ou grec20. En somme, la présence de la lunule ici ne désigne nullement le personnage comme féminin. Cette figuration dionysiaque s’inscrit par conséquent dans une tradition iconographique propre au dieu désigné comme θηλύμορφος (« à l’apparence féminine ») par Euripide21.
À nouveau donc, un examen précis de l’artefact, en fonction de la parure notamment, estompe quelque peu l’ambiguïté de la figure et exclut la représentation de l’intersexuation : ce n’est pas un hermaphrodite. Il convient d’ajouter qu’à notre connaissance, il n’existe pas de figures féminines masculinisées. Quand ambiguïté il y a, il s’agit systématiquement de représentations masculines, portant des marqueurs éventuellement féminins. Il n’y a pas d’Aphrodite à barbe dans la culture étrusque. Tout au plus des sphinges barbues, mais pour d’autres motifs…
Enfin, ce caractère marginal et sporadique des figures ambiguës ou fluides serait corroboré par un autre type de documentation. En effet, en l’absence d’une littérature médicale et juridique en contexte étrusque propre à nous éclairer sur les imaginaires liés aux phénomènes d’intersexuation, nous disposons d’un corpus prescriptif et doctrinal dont le fonctionnement est comparable, celui de l’Etrusca Disciplina. Ainsi, la tradition romaine, notamment historiographique22, n’a pas manqué de rapporter des cas d’hermaphrodites ou androgynes : les procédures de traitement mises alors en œuvre de la part de spécialistes étrusques dûment mandatés font état d’une hantise de l’indifférenciation sexuée. L’éviction de l’hermaphrodite du corps social est systématique : on le jette à la mer pour le noyer. On pourrait donc conclure qu’à la différence du cas grec, qui fonctionnerait, pour le genre, sur un système ternaire (masculin/hermaphrodite/féminin), le système étrusque serait exclusivement binaire (masculin/féminin)23.
Un mode relationnel spécifique
Quoi qu’il en soit, ces occurrences problématiques sont emblématiques : c’est comme si l’opposition masculin/féminin et la hiérarchie qui en découle ne semblaient pas devoir être remises en question. Cette remarque peut être faite au niveau de la langue étrusque elle-même, qui ne discrimine pas les genres – au sens grammatical cette fois‑ci, comme le rappelle D. Briquel24.
Par ailleurs, tout au long de nos recherches, nous avons souligné jusqu’à la difficulté d’identifier de simples prénoms comme étant masculins ou féminins, ces derniers se voyant augmentés d’un suffixe ‑i (Larth/Larthi). La langue proposant une vision du monde, on ne peut que s’interroger sur cette spécificité, comme le fait la linguistique qui, depuis une vingtaine d’années, a démontré la nécessité de prendre en compte l’analyse du genre et de la sexualité dans les productions langagières25.
Bien plus, dans le panthéon étrusque, on a pu remarquer une ambiguïté dans la désignation de certaines divinités, dont l’identité semble floue, et qui circulent d’un pôle à l’autre. Cette porosité dans l’identité masculine/féminine va de pair avec des domaines de compétences et une organisation spatiale dans les sanctuaires ou l’espace funéraire : M. Cristofani couple en effet l’opposition homme/femme à une opposition ouranien/chtonien26.
Cette analyse, qui replace au centre les fonctions et l’action de chacun des genres dans le champ social, postule néanmoins une opposition masculin/féminin qui nous semble devoir être remise en question. Pour ce faire, nous nous pencherons à nouveau sur des figurations spécifiquement étrusques, puisqu’il s’agit de plaques en terre cuite peinte de Cerveteri représentant une théorie de centaures27.
Sur ce fragment (fig. 11), c’est la deuxième créature qui attire notre regard, compte tenu de la tonalité de sa carnation. Ce constat oriente l’interprétation vers une créature féminine, ce qu’attestent d’autres éléments. Il semble en effet qu’elle porte une tunica, comme le suggère l’épaisseur du trait tant au niveau du col que de l’ensemble de son buste. Sa coiffure est différente de celle des autres centaures, puisqu’une mèche parotide se déploie sur sa poitrine. On distingue également des accroche-cœurs sur sa tempe, ce que confirme le caractère souple de ses mèches. Pour finir, un autre élément attire notre attention : ce sont les cercles qui ornent sa croupe, et non des traits comme sur celle de son compagnon. Ce choix plastique permet de distinguer cette créature de ses congénères (fig. 12).
Il nous semble donc bien qu’est représentée ici la première centauresse ou centauride, créature inédite qui n’apparaît que beaucoup plus tardivement dans les figurations grecques, à la fin de la période classique, avec un tableau de Zeuxis daté de la fin du ve siècle av. J.‑C.28 Cette centauresse n’est, du reste, pas la seule représentée sur ces plaques, puisqu’on peut faire la même analyse sur un autre fragment : on y voit un bras à la carnation plus claire brandir un rameau sec, dépourvu de feuillage (fig. 13).
Il convient d’ailleurs de souligner qu’à l’alternance centaures/centauresses correspond également une alternance de végétaux pourvus/dépourvus de feuillage. La frise de Cerveteri fonctionnerait selon une chaîne de couplage typique des sociétés analogistes29 : masculin/féminin, humain/animal, végétaux verts/morts…
L’attention portée à l’apparence de ces créatures, et donc à leur parure, nous permet de mettre en lumière un rapport au monde spécifiquement étrusque, d’autant plus spécifique qu’il est véhiculé ici par des figures héritées de prototypes grecs. Ainsi, ces créatures sont reconfigurées selon un imaginaire étrusque, dont un des traits saillants serait une articulation entre masculin et féminin qui fonctionne selon des normes appartenant en propre à cette culture, et sur lesquelles nous allons revenir.
Il est vrai que les objets de parure sont des marqueurs de statut, et comme tels, susceptibles d’escamoter le sexe de la personne qui les portent. En outre, on constate que ce sont les assignations statutaires, définissant en partie seulement le genre, qui priment dans la représentation du sujet : le cas de la lacerna (fig. 6) est à cet égard significatif. Les femmes comme les hommes l’ont en partage, et ce vêtement renvoie à leur fonction, comme l’un des tanasar de la tombe des Augures30, ou une statuette en bronze du British Museum31 représentant une femme munie d’un lituus, objet manipulé par les spécialistes de l’Etrusca Disciplina, ce que confirment d’autres sources – on songe à la mention que fait Tite-Live à propos de Tanaquil : « perita […] caelestium prodigiorum mulier32 ». À nouveau, le genre n’est pas tant ce que l’on est que ce que l’on fait. Dans le cas des femmes, leur sexe biologique ne les exclut nullement d’une fonction de représentation au sein de la communauté33.
Dès lors, comment définir ces formes d’action et de relations spécifiques au regard des cultures grecque ou romaine, voire au regard de notre propre culture ? Il nous semble que le système de la parure étrusque pourrait s’analyser de manière plus fine si l’on postulait non plus une opposition masculin/féminin, mais un système exclusivement binaire, une conjonction essentielle du masculin au féminin, c’est-à-dire une complémentarité, conçue néanmoins comme asymétrique. Il n’y aurait pas le masculin et ses prérogatives face au féminin et ses apanages, mais une conjonction qui fonctionnerait selon une « idéologie du couple ».
Si l’on suit cette hypothèse, on peut expliciter de manière plus convaincante tout autant l’absence de distinction propre au système de la parure en contexte étrusque que la forte visibilité du féminin dans le champ social, au regard des cas grec et romain. Cette assertion est d’autant plus manifeste en contexte funéraire où la conjonction du masculin et du féminin véhicule des préceptes eschatologiques liés à la reproduction et à la renaissance.
Mais cette norme qui laisserait une plus grande place aux femmes n’en reste pas moins marquée par une asymétrie essentielle, liée à la perception idéologique du sexe biologique, et, partant, essentialisante : complémentarité n’est pas égalité, et la hiérarchisation est bel et bien à l’œuvre. Le geste de l’époux blond du sarcophage Campana (fig. 1), interprété par certains comme un geste de tendresse d’un mari qui enlace sa femme, emblématise ce rapport asymétrique.
Ainsi analysé, le fonctionnement de la parure permet de révéler des modes de relation et d’action spécifiques. C’est ce qui expliquerait que la fonction discriminante voire discriminatoire de la parure se joue le plus souvent à un autre niveau que la délimitation et la division des genres.
Conclusion
Le fonctionnement de la parure révèle que la limite entre le masculin et le féminin ne semble pas devoir poser question dans la culture étrusque. Il n’y aurait pas d’angoisse identitaire dans la perception des genres, comme le montre la modestie des figurations fluides. Pour reprendre une analogie territoriale qui concerne la limite, il n’y a pas de no man’s land entre le masculin et le féminin.