Le troisième département de l’Oratoire de Jésus, XVIIe-XVIIIe siècles

Un réseau congréganiste dans la France du Midi

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Un « étrange silence», c’est par cette expression que Dominique Julia évoque l’oubli dans lequel est tombé l’Oratoire de France « congrégation bien étudiée, [et pourtant] mal connue »1. Des figures ont émergé, des noms ont survécu, qui pour ses talents d’orateur ou de pédagogue, qui pour la part prise aux événements révolutionnaires. Pour le reste, l’engagement éducatif des oratoriens, comme leur implication dans la querelle janséniste sont bien appréhendés. Mais ces tâches lumineuses laissent largement dans l’ombre la congrégation dans son être singulier. Cet oubli manifeste, en effet, dans lequel elle semble tombée ne peut manquer d’étonner qui mesure l’étendue de l’action de ses quelque 8 000 prêtres engagés, au point culminant de la Réforme catholique, dans le vaste champ de l’apostolat, et dans celui de l’éducation durant près de deux siècles. Dans ce dernier ministère, auquel on les assimile le plus volontiers, ils méritent très tôt leur réputation de brillants pédagogues dont ils forment, après les jésuites, le bataillon le plus fourni. Et encore ne s’agit-il là que de l’aspect le plus apparent – quoique peu désiré à l’origine – de leur vocation. Prêtres fervents nourris à la source de l’École française, et fidèles entre tous au dessein de leur fondateur, les oratoriens se vouent plus encore à la sanctification du clergé. C’est en effet à cette dernière que Pierre de Bérulle appelle ses premiers compagnons, en créant l’Oratoire de France, société séculière sans voeux, fondée à Paris le 11 novembre 1611.

Bien que très dispersées, les sources ne manquent pas, qui permettraient d’envisager son histoire, c’est une chance inestimable. Toutefois, malgré un environnement bibliographique richement dessiné, l’historiographie du sujet consiste essentiellement en travaux anciens, souvent partisans.

La France méridionale, où les oratoriens sont largement ignorés par la recherche, fournit une illustration des plus probantes de ce double paradoxe.

Si l’on considère les traces physiques que l’institut y a laissées, une rapide enquête de terrain ne permet qu’une maigre récolte : une toile de Jean Daret, témoignage survivant de l’église d’Aix, dort dans les réserves du musée des tapisseries de la ville. De vagues ruines, celles de Notre-Dame d’Espérance à Ollioules, une porte anonyme et quelques ossements découverts dans un vieux quartier de Pertuis où un reste de fresque qui ornait la résidence des Pères figure aujourd’hui dans la chambre d’enfant d’une maison particulière, une église avignonnaise, certes remarquablement architecturée, mais que l’érudit ou le curieux sont bien en peine d’associer à l’histoire d’une communauté pourtant présente pendant 150 ans dans les murs de la cité, et dont le nom n’évoque pour le commun qu’un parking public... et une impasse. S’agissant de la toponymie, on dira d’ailleurs qu’elle joue contre la mémoire, prêtant à une confusion facile par assimilation de la congrégation qui nous occupe à un modeste édicule de carrefour. Quant aux oratoriens eux-mêmes, ils sont bien peu nombreux à avoir eu les honneurs d’une plaque de rue à leur nom, et encore dans ce cas ne sont-ils salués que pour les talents qu’ils ont exercés loin de l’Oratoire. Massillon et Mascaron le sont en tant qu’évêques, Jean-Pierre Papon, en sa qualité d’homme de Lettres et d’érudit, membre de l’Académie de Marseille, Pierre-Louis Ichon, non comme professeur de théologie au collège de Condom... mais pour la part active qu’il a prise à la Révolution, durant laquelle il se montra bien vite oublieux de son premier engagement.

De l’Oratoire, pourtant, le Midi est un bastion, en même temps que le creuset. Depuis l’Antiquité, en effet, l’influence italienne a toujours marqué la Provence de son empreinte, et il était logique que la réforme tridentine s’y développe d’abord avant de rayonner plus loin, si l’on pense à la proximité des terres pontificales d’Avignon et du Comtat Venaissin chères à Marc Venard2. L’institut y trouve une triple racine, nourrie dans ses premiers temps de l’influence de la Doctrine chrétienne à laquelle Jean-Baptiste Romillon, son premier instituteur dans la province, avait appartenu, avant de se rapprocher de l’Oratorio créé par Philippe Neri en Italie à la fin du XVIe siècle, se faisant passeur entre deux rives, puis de devoir lier le destin de sa congrégation d’Aix à celle de France et à Bérulle en 1619. La Provence a ainsi vu jeter des bases primordiales et durables pour ce qui allait ensuite devenir l’Oratoire de France. Cotignac est la première fondation cisalpine à se réclamer de l’Oratorio romain. C’est là que convergent les regards de Bérulle et du comtadin Romillon. À ce confluent s’écrit la genèse de l’Oratoire méridional, le premier chapitre de son histoire singulière au sein d’une société bientôt dominée par Paris.

Provence, Languedoc, Guyenne et Gascogne – auxquels l’on adjoint la principauté d’Orange, pourtant indépendante jusqu’en 1702, le Comtat Venaissin et Avignon, périodiquement occupés par la France – forment ensemble le « troisième département » de l’Oratoire. Il s’étend des rives du fleuve Var à l’estuaire de la Garonne, des sources de la Durance et des bordures méridionales du Massif central au piémont pyrénéen et à la Méditerranée. Son emprise est vaste, couvrant soixante-cinq diocèses d’Ancien Régime compris dans dix provinces ecclésiastiques, vingt-cinq de nos départements modernes, cinq de nos régions administratives.

Là encore, les sources abondent, qui permettraient de l’éclairer. Mais elles sont éparpillées, dispersées entre de multiples fonds. Certaines bibliothèques municipales, d’Aix à Avignon, peuvent réserver de belles surprises, de même des collections privées, comme celles du musée Paul Arbaud à Aix ou de l’Oratoire de France à Paris. Pour l’essentiel toutefois, les titres, papiers et autres livres de comptes des établissements provinciaux de l’ancienne congrégation ont le plus souvent intégré les dépôts publics, départementaux et municipaux, tandis que les liasses et registres de son gouvernement central, provenant de la maison parisienne de Saint-Honoré, sont conservés par les Archives nationales. Ces sources oratoriennes ont constitué les principaux fondements de notre étude. Les traces de l’ancien Oratoire y tiennent une place primordiale, bien que non exclusive puisqu’il nous a naturellement fallu les confronter à d’autres regards. Un clivage temporel oppose, chose peu commune, un XVIIe siècle assez bien documenté, à un XVIIIe souffrant de sévères lacunes, indice du recul du rayonnement de la congrégation après la retombée du Grand Siècle, observation déjà proposée par Jean-Pierre Gutton au sujet des récollets3.

Embrassant deux siècles, notre étude a privilégié le temps long et une perspective ample, où le questionnement génère une lecture tour à tour politique, économique, sociale, culturelle, spirituelle, et où l’Oratoire se dévoile en état comme en action. Seule l’évolution de la pédagogie dans les collèges, qui demandait une ouverture sur les sciences modernes de l’éducation, a été délibérément écartée comme un sujet en soi. L’Oratoire de Provence a donc été envisagé dans la plupart de ses dimensions : leur variété, l’approfondissement qu’a exigé leur étude, et ce dans une aire géographique large et diverse où il est à chaque fois besoin d’une contextualisation rigoureuse, ont rendu la tâche ardue. Là où les sentiers étaient balisés par la recherche, nous nous sommes efforcés de ne pas nous satisfaire de l’acquis. Il est tentant de demeurer à l’abri de talentueuses découvertes, mais nécessaire de s’emparer de leur dynamique pour proposer une suite.

Etudier le troisième département de l’Oratoire de France, c’est avant tout étudier ses acteurs, des hommes, les oratoriens du Midi. Pour ce faire, nous avons opté pour une définition généreuse, qui prend en compte tous les membres de l’institut ayant vécu et œuvré en Provence, Languedoc, Guyenne ou Gascogne, quel que soit leur statut ou leur trajectoire. Les re josephres-servants en charge du temporel des communautés, jusque-là totalement effacés de la mémoire, ont ainsi naturellement trouvé leur place dans notre enquête au côté des Pères et confrères voués aux charges apostoliques et mieux connus des historiens. De même, les individus nés hors du département, mais qui y ont été employés ou parfois même seulement reçus, comme encore les méridionaux entrés dans l’Oratoire à Paris ou à Lyon, ont été considérés, au même titre que les natifs demeurés près des rivages de la Méditerranée.

Dénombrer ces hommes, éclairer leurs origines géographiques, leur extraction, saisir leurs motivations pour « être de l’Oratoire », selon l’expression de l’époque, reconstituer leur cursus, tel a été notre premier objectif. Willem Frijhoff et Dominique Julia, par leurs sondages, avaient ouvert la voie ; leurs hypothèses ont été vérifiées, et prolongés les traits de leur esquisse. Pour redonner vie à des destins individuels, nous avons souvent privilégié une approche « qualitative » dont les travaux de Bernard Dompnier sur l’aventure humaine des capucins de la province de Lyon donnent un exemple accompli4. La reconstitution des carrières a permis de redonner une continuité à des présences annotées sur les documents au gré de leur passage, rendre vie à ces existences de papier. Nous n’avons pas renoncé pour autant au traitement sériel de données statistiques, reconstituées par recoupement de sources ; les échantillons traités représentant de ce fait un taux de couverture généralement supérieur à 80 %.

Au terme de cette enquête, les contours du groupe des oratoriens du Midi paraissent mieux dessinés, leurs origines comme le mode de leur recrutement confirmés : issus de la bourgeoisie des officiers moyens ou de la marchandise, ces quelque 2 000 Pères et confrères sont nés, en majorité, en Basse-Provence occidentale, avant que les aléas du temps ne renforcent dans l’Oratoire la part des sujets venus du haut pays, parmi lesquels les fameux « Matignons » du collège de Marseille, élèves prometteurs que soutiennent les bourses octroyées par l’ancien évêque de Condom, abbé commendataire de St-Victor de Marseille. L’étude a d’ailleurs souligné l’importance des collèges tenus par la congrégation, véritables pépinières pour son recrutement, comme le rôle des maisons d’Institution, de celle d’Aix en particulier, qui insufflent à tous les confrères cette culture commune si caractéristique de l’Oratoire ; puis vient le temps de la régence, passage obligé, avant que chacun ne se spécialise selon ses talents et ses capacités, y compris financières.

Missionnaires, prédicateurs, pédagogues, solitaires, scientifiques, quelques belles figures se détachent. On leur a donné un visage, une voix, une allure, un tempérament. Par là se trouvent illustrés la variété d’un engagement dans la sanctification du clergé et l’encadrement des fidèles, de la régie des collèges – lieux d’éducation chrétienne ouverts sur la ville – à la prise en charge associative et dévotionnelle, comme aussi l’enseignement de la Parole, de la « grande prédication » aux missions des campagnes. Le succès rapide de leurs entreprises est favorisé par le soutien des évêques auxquels ils se soumettent, comme par la faveur des conseils de ville qui leur confient l’instruction de la jeunesse.

Les frères n’ont pas été oubliés. On ne peut qu’être surpris de l’étendue de leurs prérogatives : si l’on était tenté de reléguer aux cuisines ces domestiques auxquels aucune promotion ne sera jamais offerte, un regard plus attentif dévoile une spiritualité fervente, un rôle déterminant dans l’économie des maisons dont ils sont souvent la mémoire vive, alors que Pères et confrères, régulièrement mutés, ne font que passer. Sous l’humilité, des talents se révèlent, administratifs, juridiques, artistiques même. Véritable Martellange oratorien, Louis Trestournel en est un exemple frappant. La trace est ténue, qui permet de sortir de l’ombre l’architecte jusqu’ici inconnu de nombre d’églises de l’Oratoire, parmi lesquelles celle d’Avignon.

L’Oratoire méridional a également été envisagé dans ses structures de base, les « maisons ». Parmi les 35 répertoriées, aucune n’a été écartée de l’étude, quelle que soit sa longévité, sa localisation ou sa vocation. L’inégale qualité de la documentation a naturellement orienté notre regard ; mais par-delà cette contingence, l’on a cru devoir privilégier les établissements jusqu’ici ignorés. De même, les tentatives sans lendemain ont été examinées comme autant d’expériences éclairantes. Mais, loin de donner à voir une juxtaposition d’études singulières, l’examen vise surtout à révéler en transversalité l’existence d’une véritable structure au maillage bien pensé qui génère, autour de pôles identifiés, des flux organisés, véritable ligne de force de l’étude, en un mot, un réseau.

C’est alors qu’en changeant d’échelle l’archipel oratorien du Midi apparaît dans la complexité de son organisation administrative et territoriale. Il se présente comme une vaste circonscription, dont il importait de souligner les spécificités, et pour ce faire, de les mettre en perspective. De là, la nécessité de se référer à un contexte plus général, celui de l’Oratoire de France, à ses mécanismes de pouvoir et d’autorité, au rôle de ses officiers majeurs, autant d’aspects jusqu’ici totalement ignorés ; de là aussi le devoir de comparaison – autant que faire se peut – avec les départements de Loire et de Lyon, que la rareté des travaux à leur sujet rend toutefois peu lisibles ; il a souvent fallu recourir aux sources. La démarche est encore comparative qui invite à envisager l’Oratoire sous d’autres éclairages que sa propre lumière, ceux d’autres ordres et congrégations tridentins – capucins, doctrinaires, jésuites, génovéfains ou augustines hospitalières – déjà solidement implantés en France lorsqu’apparaît l’Oratoire, occasion d’observer au passage les enjeux politiques et religieux de quelques conflits, à Avignon, Toulon ou Marseille notamment.

Du « troisième département », on a tenté de donner une radiographie aussi précise que possible. Sa structure repose sur un vaste maillage d’établissements aux fonctions complémentaires, mis en place pour l’essentiel au cours du premier XVIIe siècle. Les échecs enregistrés – et ils sont nombreux – se multiplient ensuite. Mais ceux-ci parlent tout aussi fort que les succès, dévoilant les difficultés d’implantation, les conflits et rivalités.

Du Rhône à l’Atlantique, l’Oratoire connaît souvent l’infortune. Ses échecs devant Bordeaux, comme l’impossibilité d’établir durablement une Institution à Toulouse sont de ce point de vue très significatifs. Le Languedoc, comme la Guyenne et la Gascogne, occupent de ce fait une position périphérique à l’échelle départementale : le premier est largement placé sous l’influence de la Provence, tandis que les pays de Garonne développent aussi des liens particuliers avec Paris.

Le réseau méridional présente donc une structure asymétrique au sein de laquelle la Provence occupe une position prépondérante. Sa place historique au lieu des origines explique le semis dense de ses maisons, au point d’en faire l’un des principaux foyers de la congrégation à l’échelle du royaume, et un coeur battant pour le troisième département. Aix et Arles, dont l’étude a révélé le rôle essentiel, y exercent une forte polarisation. Aix contrôle de façon quasi exclusive la formation initiale des confrères, quant au « petit Saumur provençal »5, tiré de l’oubli, il abrite, adossés à la cure modèle de Sainte-Anne, une école de théologie, un séminaire et un centre de missions puis une classe de perfectionnement, au point de constituer au centre de la ville un véritable îlot opposant à la primatiale de St-Trophime ses façades austères. Qui plus est, la prospérité de la maison d’Arles, au temporel remarquablement administré au XVIIIe siècle, dans un département relativement pauvre, l’engagea bien des fois à se porter au secours de consoeurs dans le besoin.

Voilà qui suffirait à illustrer la force du réseau départemental, capable de maintenir en activité des maisons fragiles, et dont les pôles sont reliés entre eux par de puissants liens de toutes natures : spirituels (messes dites par les collèges pour le compte des résidences et des cures), dévotionnels (diffusion depuis Aix du culte de l’Enfance et de la pratique de la crèche), économiques (entraide charitable et fraternelle, échanges matériels et de services) et humains. Dans ces entrelacs horizontaux se lit l’unité du corps oratorien, ce qu’une étude monographique n’aurait jamais montré. Manifestant la même volonté, d’autres relations transcendent les frontières départementales. Elles découlent de l’intervention du Conseil parisien, autorité régulatrice qui collecte et redistribue les excédents de certains établissements au profit d’autres, déshérités.

À l’instar des généraux et de leurs assistants, les officiers provinciaux – visiteurs et supérieurs locaux nommés – favorisent ces échanges. Se dessine ainsi, en creux, une image plus générale de l’Oratoire de France, dont la culture démocratique est par ailleurs mise en évidence. D’autre part, l’analyse des temporels permet de vérifier « sur le terrain », si l’on peut dire, ce double mouvement qui allie avec souplesse centralisation administrative et relative autonomie des maisons.

Car, en dépit de la normalisation rapidement imposée par les premiers successeurs de Bérulle, le troisième département conserve un caractère affirmé, conforté par une forte identité culturelle. Celle-ci tient pour une part à la relative homogénéité du recrutement méridional (origine géographique et extraction), et à la fidélité de la plupart des sujets – notamment des provençaux – à leur département d’origine. Une même langue les unit, dans laquelle Jean-Jacques Gautier compose ses fameux cantiques, une conscience intuitive de la singularité de leurs origines les conduit à pratiquer avec une tendresse particulière le culte de Philippe Neri. Du reste, d’autres dévotions, venues d’ailleurs, trouvent auprès d’eux un écho particulièrement favorable et un engouement nécessaire à leur diffusion. Ainsi le culte de l’Enfance, dans sa forme beaunoise, introduit à Aix et dans toute la Provence par Joseph Parisot. Ils restent toutefois imprégnés par la spiritualité de l’École française et la difficile pensée de Bérulle.

Le troisième département affirme donc sa personnalité, mais il demeure de l’Oratoire de France dans sa structure profonde, donnant par là une image assez juste de la congrégation dans son ensemble.

Dans un Midi relativement épargné par la crise janséniste, des oratoriens – majoritaires – qui en forment jusqu’après 1750 le bataillon le plus nourri, trouvent dans la morale sévère un vrai chemin de foi, fût-il sans issue. Il est dès lors compréhensible que leur opposition se joue, de façon atypique, sur un plan toujours plus spirituel que politique. Le courant contraire existe aussi, il a la voix de ceux qui s’opposent à l’hérésie avec force, personnalités marquantes, conduisant à réviser l’image d’une congrégation uniformément imprégnée par le jansénisme.

Au final, la rebellion mystique ne manque pas d’avoir de funestes conséquences sur le recrutement de la congrégation, et, après 1720, un coup d’arrêt marque brutalement le rythme jusque-là soutenu des réceptions, pour trois décennies. Cette période constitue une charnière : l’évolution du statut des confrères en découle directement. Pères en devenir jusqu’à cette date, ils se trouvent ensuite réduits pour toujours à une condition subalterne, bien qu’assurant par leur nombre et leur mission d’enseignement, la survie et la réputation même du corps tout entier. De son côté, le Père oratorien des Lumières s’éprend du « Souverain moteur», étudie la rentabilité des coussouls de Crau, s’éloignant peu à peu de ses frères du Grand Siècle.

À la veille de la Révolution, la structure de l’Oratoire apparaît profondément transformée : réconciliée avec l’Église, rajeunie, de congrégation sacerdotale, elle est devenue un corps tout entier voué à l’enseignement.

Ce travail répond à un sujet vaste, dans l’espace et le temps. Par là, le chemin tracé comporte sa part d’ombre. Bien des aspects auraient mérité une plus longue halte : la communauté curiale de Toulouse, par exemple, dont les archives n’offrent pas encore au chercheur l’intégralité de leur richesse, l’existence de ce que l’on pourrait appréhender comme un tiers-ordre, dans les dernières années de l’Ancien Régime, au vu des noms d’associés laïques portés sur les registres du Conseil, ou la pédagogie, dont seules quelques pratiques innovantes ont été évoquées. Les oratoriens du Midi mériteraient aussi une étude prosopographique systématique.

L’ancêtre romain connut-il une évolution semblable, en réseau ? Il serait aussi pertinent d’interroger de nouveau, et de manière approfondie, la confluence originelle. À l’autre bout de la chaîne des temps, l’attitude des oratoriens dans la tourmente révolutionnaire, territoire vierge, reste à explorer.

D’autres espaces pourraient être défrichés : ainsi les départements de Loire et de Lyon, comme le ressort de Paris, afin que l’Ancien Oratoire déploie toute sa dimension. Mais il faudrait encore pour cela se donner la peine d’étudier pour lui-même le régime de la congrégation.

Thèse soutenue à l’Université Jean Moulin - Lyon 3, le 14 octobre 2012.

Jury : Régis Bertrand (Université de Provence Aix-Marseille), Serge Brunet (Université Paul Valéry Montpellier 2), Bernard Dompnier, (Université Blaise Pascal Clermont Ferrand 2), Bernard Hours (Directeur de thèse, Université Jean Moulin Lyon 3), Yves Krumenacker (Université Jean Moulin Lyon 3)

Notes

1 Willem Frijhoff et Dominique Julia, « Les Oratoriens de France sous l’Ancien Régime. Premiers résultats d’une enquête », in Revue d’Histoire de l’Église de France, t. LXV, n° 175, juillet-décembre 1979, p. 225.

2 Marc Venard, Réforme protestante, Réforme catholique dans la province d’Avignon au XVIe siècle, Paris, Ed. du Cerf, coll. « Histoire religieuse de la France », 1993, 1280 p.

3 Frédéric Meyer, Pauvreté et assistance spirituelle : les franciscains récollets de la province de Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles, Saint-Étienne, Publications de l’Université Jean Monnet, 1997, p. 9.

4 Bernard Dompnier, Enquête au pays des frères des anges. Les Capucins de la province de Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècle, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etiennes, C.E.R.C.O.R., « Travaux et recherches », 1993, 338 p.

5 L’école de théologie de Notre-Dame des Ardilliers, près de Saumur, régie par l’Oratoire et adossée au sanctuaire marial, est le coeur du dispositif oratorien de formation.

References

Electronic reference

François-Xavier Carlotti, « Le troisième département de l’Oratoire de Jésus, XVIIe-XVIIIe siècles », Les Carnets du LARHRA [Online], 1 | 2014, Online since 18 juin 2024, connection on 18 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=1088

Author

François-Xavier Carlotti

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