Regard sur la Journée d’études des doctorants du LARHRA au prisme des archives de l’Inquisition romaine

  • A look at the LARHRA doctoral students’ study day through the prism of the archives of the Roman Inquisition

Résumés

Si la diversité des thèmes abordés et les distances spatiales et temporelles qui différencient les contributions données lors de cette journée d’étude invitent à de grandes précautions dans les généralisations, il est toutefois possible de les mettre en perspective avec l’exemple de l’appareil répressif de l’Inquisition romaine. La façon dont les archives des institutions répressives subissent des altérations ou des destructions par les acteurs de la répression est notamment une constante de l’histoire, de la période moderne à l’époque contemporaine. Aujourd’hui encore, bien des institutions sont réticentes à ouvrir leurs archives aux chercheurs, comme en témoignent les exemples fort différents mais tous deux italiens de l’Institut Gramsci et de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais sous la sévérité des appareils répressifs et la constance des tentatives d’occultation de leurs archives percent toujours des formes de faiblesse des institutions répressives, notamment dans les périphéries, et des modes de résistance populaire, comme en témoigne là encore le cas de l’Inquisition romaine.

If the diversity of the topics and the spatial and temporal distances that differentiate the contributions given during this study day invite great caution in the generalizations, it is however possible to put them into perspective with the example of the repressive apparatus of the Roman Inquisition. The way in which the archives of the repressive institutions undergo alterations or destruction by the actors of the repression themselves is in particular a constant of the history, from the modern period to contemporary times. Even today, many institutions are reluctant to open their archives to researchers as evidenced by the very different but Italian examples of the Gramsci Institute and the Congregation for the Doctrine of the Faith. But under the severity of repressive devices and the constant attempts to destroy their archives still exist forms of weakness in repressive institutions, particularly in the peripheries, and modes of popular resistance, as evidenced here again by the case of the Roman Inquisition.

Notes de la rédaction

Article traduit de l’italien par Isabelle Blaha

Texte

J’ai lu avec plaisir, plus d’un an après, les textes définitifs issus de la plupart des interventions à la Journée d’études organisée en octobre 2015 par des doctorants et doctorantes du LARHRA à l’université Lumière-Lyon II, portant sur « les sources de la répression ». Comme cela arrive souvent, au souvenir positif des heures passées avec de jeunes chercheurs sérieux et passionnés se sont ajoutés les stimuli issus de la lecture des articles rédigés pour la publication. Cette lecture permet d’observer l’utilisation des arcanes du métier (le poids des sources, leur croisement, la confrontation avec des problèmes similaires dans d’autres aires régionales que celle qu’on étudie soi-même, etc.), elle donne aussi une idée plus claire des questions spécifiques soulevées, et fait enfin surgir de nouvelles réflexions.

Évidemment, la diversité des thèmes abordés et les distances spatiales et temporelles qui différencient les contributions invitent à de grandes précautions dans les généralisations. Mais pour quelqu’un qui étudie les différents aspects de l’intolérance dans l’Europe moderne et en suit les développements dans le monde contemporain, la sensation est nette d’une forte continuité entre des siècles âpres et sanglants tels que le xvie et le xviie siècles, et le xxe siècle dominé par les horreurs que l’on sait !

De ce point de vue, la communication d’Alice Violeta Popescu exprime particulièrement bien l’importance majeure accordée aux archives de la répression par les autorités qui contrôlent et mettent en œuvre cette dernière, durant les époques moderne ou contemporaine. Les procédures utilisées en 1960 par la police secrète roumaine (plus connue sous le nom de Securitate) pour discréditer, d’un commun accord avec le quotidien du PCF L’Humanité, l’écrivain Vintilă Horia, distingué par le prestigieux Prix Goncourt, mettent au jour des situations familières pour qui étudie l’Inquisition romaine. Le faux dossier construit pour délégitimer Horia évoque des dispositifs semblables dans une période cruciale de l’histoire de la Congrégation du Saint-Office et plus généralement de l’Église romaine.

L’événement qui rappelle le mieux le stratagème utilisé par la Securitate en 1960 s’est produit durant le dramatique conclave de 1549, qui a duré presque trois mois : quand le cardinal primat d’Angleterre, Reginald Pole, le représentant du collège le plus proche des doctrines du groupe des « spirituali », et par la suite considéré par les cardinaux du Saint-Office comme étant un véritable hérétique, manqua l’élection d’une voix, la crainte de son accession au pontificat ayant poussé les inquisiteurs généraux à examiner en conclave des documents extraits de l’Archivio del Sant’Ufficio. La candidature de Pole fut enterrée. Le geste eut une double conséquence : le nouveau pontificat fut de ligne modérée, et la Congrégation du Saint-Office renforça sa puissance au sommet de la Curie romaine.

Ce n’est pas le seul élément qui rapproche les stratégies des inquisiteurs généraux de celles des dirigeants de la Securitate. La publication par la presse du faux dossier construit contre Horia, grâce à la manipulation des données des archives, est aussi attestée dans la pratique de l’Inquisition romaine. Pour un tribunal réticent à l’usage effectif de l’autodafé, surtout dans la péninsule italienne, il existait d’autres instruments raffinés pour éclabousser à jamais la mémoire de ses ennemis. Ainsi, dans les églises paroissiales, ou dans les lieux où les hérétiques condamnés vivaient ou avaient vécu, l’exhibition des sanbenitos (en italien abitelli) – c’est-à-dire des vêtements pénitentiels portés par les condamnés à l’autodafé – tenait lieu de menace pour les fidèles, telle une épée de Damoclès. Les hérétiques devaient en effet rester visibles pour l’éternité, comme le préconisaient les inquisiteurs généraux, afin de cristalliser dans le temps le souvenir des erreurs les plus dangereuses des ennemis de l’Église et proclamer la supériorité de l’orthodoxie. Toutefois les vols, les destructions intentionnelles, comme les fréquentes pétitions des communautés locales adressées à la Congrégation du Saint-Office et demandant de libérer leurs églises d’une présence aussi désagréable, ont quasiment empêché l’Inquisition de perpétuer l’infamie des abitelli1.

La façon dont les structures qui les produisent et les administrent altèrent les sources de la répression n’est que l’un des aspects qui apparaissent dans cette documentation et qui contribuent à la rendre atypique, voire unique, aujourd’hui comme à l’époque moderne. D’autres caractéristiques essentielles sont liées à la conservation et à la pleine accessibilité des archives des institutions répressives. Les liens entre modernité et monde contemporain sont là encore nombreux. Je me limite ici à l’Italie, parce que son histoire m’est familière, mais aussi pour d’évidentes raisons de concision. Je remarque toutefois que, malgré les innombrables spécificités de l’État du Pape, beaucoup de ses contradictions, qui se reflètent dans les vicissitudes de ces documents, sont représentatives de problèmes présents partout, et pas seulement en Europe occidentale.

L’élément le plus commun est la destruction voulue des archives de la répression, dictée de l’intérieur, avec l’objectif d’effacer pour toujours les pages les plus honteuses de l’histoire des institutions concernées, ou de l’extérieur, en raison du besoin des persécutés d’en détruire symboliquement l’identité ou les mémoires. Encore une fois, un excellent exemple vient de l’Inquisition romaine, et en particulier de ses archives centrales qui subirent plusieurs fois de très graves pertes. Citons deux moments très célèbres : durant l’été 1559, avec l’assaut par les Romains du palais du Saint-Office juste après la mort d’un pape haï, Paul IV, entraînant la libération de détenus et le saccage d’une partie de ses archives ; puis le mois de février 1810, quand, lors de la seconde occupation française de Rome, des charrettes pleines de documents de toutes natures partirent du Vatican pour d’aventureux voyages en direction de Paris. Parmi eux, les procès de l’Inquisition constituaient le butin le plus précieux : ils s’apprêtaient à devenir le fleuron des archives impériales centrales qu’on était alors en train de concevoir. Mais une partie significative du matériel a été perdue au cours des transferts.

Cependant, les coups les plus forts portés au patrimoine archivistique du Saint-Office l’ont été par la Segreteria di Stato du Vatican lors de la phase délicate de tractations qui s’est ouverte avec la monarchie française après la chute de Napoléon. La décision, en 1817, de rendre d’abord illisibles des milliers de procès inquisitoriaux puis de les vendre aux épiceries parisiennes pour récupérer une partie des importantes dépenses découlant de cette mesure, a été fatale aux archives de l’Inquisition romaine. La spécificité documentaire du fonds a été véritablement sacrifiée en raison des risques de préjudice pour le prestige et l’image d’une Congrégation déjà contestée2.

L’autodestruction programmée des procès romains du plus célèbre tribunal opérant dans l’Italie moderne ne fut pas une exception. La conservation de ses archives locales avait déjà posé de sérieux problèmes aux autorités qui en avaient héritées après l’abolition des Inquisitions, qui furent démantelées peu à peu au cours de la seconde moitié du xviiie siècle. Dans la péninsule, de graves décisions, adoptées aussi bien par les hommes d’État que par les prélats, ont pesé sur le devenir de ces archives. Dés la fin du xviiie siècle, les destructions ont commencé en Italie, de même que la dissimulation de quasiment toutes les archives inquisitoriales locales de la péninsule, en vertu de décisions dont la reconstruction chronologique est encore à réaliser. Le cas peut-être le plus connu et le plus important, eu égard à la richesse de leurs séries, est l’élimination des archives de l’Inquisition de Sicile. Ces dernières ont été brûlées par les autorités politiques en 1783, très peu de temps après l’abolition du tribunal lui-même, et également après des discussions enflammées entre Naples et Palerme au sommet des deux royaumes. La crainte que sur la base de ces documents, même les plus influentes familles de l’île puissent connaître à jamais l’infamie, a eu un rôle non négligeable dans cette décision3.

De même, du côté des acteurs religieux, les autorités vaticanes, les responsables des ordres religieux et les Curies épiscopales se sont souvent manifestés dans l’Italie du xixe siècle. D’autres sources considérées comme compromettantes ont alors été éliminées sans trop de scrupules. Il suffit de rappeler ici le sort réservé à beaucoup d’archives criminelles ecclésiastiques, détruites, au centre et en périphérie, dans une tentative d’effacer les traces pluriséculaires de connivence entre l’Église et son clergé délinquant. C’est ce qui est arrivé à Rome avec le fonds criminel conservé à l’Archivio Storico del Vicariato. La série, qui contenait tous les papiers relatifs aux ecclésiastiques délinquants de la ville du Pape, a été envoyée au pilon avec l’intention très précise d’éliminer une documentation qui n’était pas moins « dangereuse » que celle du Saint-Office.

En outre, un autre événement qui a échappé aux chercheurs jusqu’à présent me semble très significatif. D’après des sondages que j’ai effectués dans le très riche fonds des Monasteri soppressi des Archives d’État de Naples, il apparaît que dans les documents reversés aux Archives d’État lors de la suppression de centaines de couvents et de congrégations religieuses au cours du xixe siècle, il ne subsiste que des traces dérisoires des procès pénaux menés par les juges des tribunaux des couvents. Il est pourtant notoire que ces institutions étaient dotées de prisons et avaient une juridiction sur les frères des divers monastères. Il est ainsi très probable que la désinvolture qui a présidé à la vente en cachette des biens les plus précieux des couvents pour les soustraire aux confiscations de l’État ait conduit également à la destruction par les religieux de sections d’archives monastiques. Les Curies épiscopales n’étaient pas non plus en reste. Je me contenterais ici de signaler la mise au bûcher d’environ deux cents procès de sorcellerie conservés aux archives de la Curie archiépiscopale de Bénévent, décidée par un prélat local : le territoire de Bénévent était, ce n’est pas un hasard, une des aires les plus connues dans le folklore italien et européen pour le sabbat diabolique4.

Il s’avère tout aussi compliqué aujourd’hui de consulter les archives de la répression. Je pense en particulier aux obstacles qui peuvent entraver les recherches des historiens actuels. La grande proximité des faits et le manque de tolérance des représentants des institutions qui ont en charge la conservation de ces documents si délicats, constituent un véritable problème. Je me souviens bien, à ce sujet, de l’évocation par Paul Cormier, lors de cette Journée d’études, de la recherche « impossible » qu’il a tentée en Turquie dans le but de reconstruire les prémices et les résultats du coup d’État militaire de 1980. Les blocages rencontrés dépendent certes beaucoup du contexte politique particulier de la Turquie, que la série de contre-coups d’État, jusqu’à la récente tentative qui a échoué, a depuis lors confirmé.

Y compris dans des milieux politico-institutionnels plus modestes, les recherches peuvent réserver des surprises désagréables à qui enquête sur l’histoire contemporaine, et pas seulement dans les archives de la répression. J’ai pu réfléchir à cette question à propos de l’enquête originale menée par Mario Cuxac sur le contrôle des journalistes turinois durant l’Italie fasciste. En prenant connaissance de celle-ci, mes réflexions se sont concentrées sur les freins que le jeune chercheur aurait pu connaître s’il avait eu besoin de croiser les sources principales sur lesquelles repose sa recherche – conservées essentiellement à Rome aux Archives centrales d’État – avec la très riche documentation recueillie durant l’après-guerre par le siège romain de l’Institut Gramsci.

Cette documentation reflète surtout les activités et les idées du parti communiste italien et de nombre des plus grands opposants au régime fasciste. Il s’agit donc de sources qui embrassent un pan entier de l’histoire contemporaine qui fait l’objet depuis longtemps de réflexions et de recherches historiques, et qui reflètent les activités et les comportements des persécutés, et non ceux des persécuteurs. De sévères dispositions ralentissent et nuisent toutefois à la libre consultation de ce fonds. Le Règlement de l’Institut stipule explicitement que l’autorisation d’accès individuel à des documents est obligatoirement octroyée par la Présidence de l’Institut. En outre, un plafond maximal de cent feuilles par an est en vigueur en ce qui concerne les reproductions. Le tout, évidemment, n’est pas particulièrement fait pour encourager un chercheur5.

De même, dans le cas des archives ecclésiastiques, malgré la décision historique, officialisée en l’an 2000 mais en œuvre dès 1998, d’ouvrir à la consultation l’Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede, la tolérance des autorités compétentes, surtout au niveau local, est plutôt réduite. Des sources de grande importance, comme celles relatives à la criminalité ecclésiastique entre le xvie et le xixe siècles, sont souvent inaccessibles. Aux Archives diocésaines de Vérone, par exemple, le principe demeure que la recherche historique « pour ce qui concerne les Archives Ecclésiastiques, a des finalités pastorales (le bien des âmes) et pas simplement de divulgation de n’importe quelle information ». Dans d’autres archives diocésaines italiennes, comme celles de S. Agata dei Goti, est exclu de la consultation, outre le fonds criminel, l’inventaire des procès du xviiie siècle, c’est-à-dire un manuscrit qui contient pour chaque année les noms des accusés et leurs délits respectifs. Ici le motif d’interdiction, inexprimé mais évident, est plus simple. Cela peut se résumer efficacement en une formule : « le linge sale se lave en famille6 ! ».

Compte tenu de leur spécificité, il m’est difficile d’intervenir sur les résultats de deux recherches portant sur l’époque contemporaine : celle sur la répression qui a touché les travailleurs chinois dans le Nord de la France durant la Première Guerre mondiale, bien évoquée par Chantal Dehnnin, en raison du caractère atypique de la situation évoquée, et la belle recherche déjà évoquée sur le contrôle des journalistes de l’Italie fasciste pour la nouveauté des analyses présentées. Les recherches qui se prêtent plus aisément pour moi à quelques réflexions sur les pratiques répressives me semblent celles dédiées à la France du xviiie siècle, en l’occurrence les analyses conduites pas Émilie Leromain sur l’enquête policière durant l’année 1733 menée par le chancelier d’Aguesseau sur les crimes méritant la mort ou des peines graves sur le territoire français, et celles de Myriam Deniel-Ternant consacrées au contrôle des ecclésiastiques surpris en compagnie de prostituées à Paris au milieu du siècle.

Au-delà de la présentation de situations très différentes dans l’histoire de la répression, et des contradictions et difficultés spécifiques soulignées dans les deux cas, les deux recherches montrent globalement la vitalité des institutions évoquées. Ainsi les interventions rapides de la police parisienne laissent des traces, tout comme l’enquête longue, difficile et peu appréciée décidée par d’Aguesseau pour atteindre son objectif. Mais il s’agit là d’une vision qui privilégie le centre. Il n’y a aucun doute en revanche qu’en dehors de la capitale, la capacité de surveillance des prêtres débauchés a été diffuse, et que beaucoup de fonctionnaires locaux ont montré une résistance obstinée à transmettre les rapports semestriels aux instances centrales de l’État.

Quelques comparaisons utiles peuvent être développées sur des questions similaires dans l’Europe catholique du xviiie siècle, et en particulier en Italie. Les faits les plus intéressants concernent les ecclésiastiques surpris avec des « femmes de mauvaise vie ». Des arrestations brèves, qui ne durent que quelques jours ou quelques heures, apparaissent suffisantes avant de redonner aux contrevenants la liberté après le paiement d’une amende souvent atténuée. Ce sont les gardes épiscopaux qui accomplissent ces actions, lesquelles concernent essentiellement les grandes villes. Dans les zones rurales les contrôles sont beaucoup plus sporadiques.

Des indications utiles sur des délits graves et la peine de mort peuvent également être recueillies, même si je ne connais pas pour l’Italie d’enquêtes ponctuelles et importantes comme celle réalisée en France. La diminution des condamnations à mort par les tribunaux pénaux d’État, notable déjà dans la seconde moitié du xviie siècle, devient évidente au xviiie siècle ; le cas de Naples est le plus significatif, mais il n’est pas unique7. Il n’est pas sûr qu’au départ cela soit dû au ralentissement du fonctionnement des institutions répressives ou à une sensibilité nouvelle, moins rigide, des juges. En revanche, un réel affaiblissement des institutions est évident au xviiie siècle, notamment celles dévolues au contrôle des délits contre la foi. Qu’ils s’agissent des tribunaux de la péninsule ibérique, ou de la péninsule italienne, très puissants et fortement centralisés comme ceux de l’Inquisition, ils rencontrent tous au xviiie siècle de grandes difficultés. Parallèlement, les fidèles et les ecclésiastiques eux-mêmes collaborent très peu et manifestent maintes résistances.

Le cas de l’Inquisition romaine, une Congrégation qui se place très rapidement au sommet de la Curie romaine, me semble révélateur. Au faible enthousiasme des confesseurs à convaincre les fidèles de signaler aux inquisiteurs ceux qui « viol[ent] l’orthodoxie », s’ajoute la difficulté pour ces tribunaux pourtant si influents à démasquer les fausses dénonciations. Le résultat, déjà visible au cours du xviie siècle, est la forte diminution des procès, dans un contexte de crise croissante du réseau inquisitorial local. Ce système, qui comptait plus de cinquante tribunaux, constitués ex novo ou organisés à l’extrême fin du xvie siècle, à un moment de montée en puissance de la Contre-réforme, montre en périphérie des fissures profondes dans sa restructuration dès le milieu du xviie siècle. La Congrégation du Saint-Office n’en gardait pas moins un fort rayon d’action, une force globale et un enracinement profond dans la Curie romaine8.

Notes

1 La reconstitution la plus à jour du conclave de 1549 et du rôle décisif qu’a eu dans ce dernier la Congrégation du Saint-Office se trouve dans Massimo Firpo, La presa di potere dell’Inquisizione romana (1550-1553), Roma-Bari, Laterza, 2014 (en particulier le premier chapitre, au titre révélateurp. : « Il Sant’Ufficio in conclave »). Les observations sur les abitelli sont en revanche le fruit de mes recherches inédites, encore en cours, dans Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede.

2 Cf. John Tedeschi, Il giudice e l’eretico. Studi sull’Inquisizione romana, Milano, Vita e pensiero, 1997, p. 35-46. Utiles aussi pour saisir la spécificité des archives de l’Inquisition arrivées jusqu’à nous, les diverses définitions consacrées aux « Archivi inquisitoriali e serie documentarie », Dizionario storico dell’Inquisizione, Pisa, Edizioni della Normale, 2011, I, p. 81-91.

3 Cf. Vittorio Sciuti Russi, « Riformismo settecentesco e Inquisizione siciliana : l’abolizione del “terrible monstre” negli scritti di Friedrich Münter », Rivista storica italiana, CXV, 2003, p. 112-148, en particulier p. 121-122. Une première destruction de l’Archivio dell’Inquisizione di Sicilia avait eu lieu en 1517 : voir Manuel Rivero Rodríguez, « Sicilia », Dizionario storico dell’Inquisizione, op. cit., III, p. 1421).

4 Pour le vicariat voir Angela Groppi, Il welfare prima del welfare. Assistenza alla vecchiaia e solidarietà tra generazioni a Roma in età moderna, Roma, Viella, 2010, p. 193-4 ; pour les archives issues des suppressions de monastères je me réfère aux nombreuses recherches conduites pour certaines de ces institutions dans le fonds Monasteri soppressi nell’Archivio di Stato di Napoli (pour lequel il reste utile de consulter la présentation de Giuseppe Coniglio, « Gli archivi dei monasteri soppressi napoletani nell’Archivio di Stato di Napoli », Rassegna degli Archivi di Stato, 19, 1959, p. 103-147). Pour Bénévent, voir Abele De Blasio, Inciarmatori, maghi e streghe di Benevento, Napoli, Pierro, 1900, p. 16.

5 Pour l’intervention de Paul Cormier, doctorant en science politique qui prépare une thèse sur Les conséquences biographiques de l’engagement en contexte répressif. Militer au sein de la gauche radicale en Turquie : 1974-2014, je dispose des notes recueillies lors de la Journée d’études du 20 octobre 2015. Quant au Regolamento (règlement) dell’Istituto Gramsci, consultable sur son site internet, l’ample pouvoir discrétionnaire de la direction pour l’accès aux documents est indiqué dans l’article 3, et la règle de la limite des reproductions à 100 feuilles est exposée dans l’article 4.

6 Les deux cas sont rapportés dans Michele Mancino et Giovani Romeo, Clero criminale. L’onore della Chiesa e i delitti degli ecclesiastici nell’Italia della Controriforma, Roma-Bari, Laterza, 2013, p. 26 (pour Vérone) et p. 86‑87 (pour S. Agata de’ Goti).

7 Le fait est déduit d’un manuscrit conservé aux Archivio della Compagnia napoletana dei Bianchi della Giustizia, le Riportorio de’ Successi più rilevanti accaduti nell’occasione delle Giustizie.

8 Pour l’ascension de la Congrégation du Saint-Office au sommet de la Curie romaine, voir Massimo Firpo, op. cit., passim. Pour le reste, je me limite à rappeler une précédente communication : « Denunciare i delitti contro la fede nell’Italia della Controriforma : la storia di un fallimento », dans Martine Charageat et Mathieu Soula (dir.), Dénoncer le crime du Moyen Âge au xixe siècle, Bordeaux, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2014, p. 189-201.

Citer cet article

Référence électronique

Giovanni Romeo, « Regard sur la Journée d’études des doctorants du LARHRA au prisme des archives de l’Inquisition romaine », Les Carnets du LARHRA [En ligne], 2016 | 1 | 2018, mis en ligne le 31 janvier 2019, consulté le 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=146

Auteur

Giovanni Romeo

Università degli studi Federico II, Naples

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