L’étude au LARHRA des échanges commerciaux et des marchés dans la longue et moyenne durée s’inscrit dans la lignée des recherches menées notamment au Centre Pierre-Léon (université Lyon 2). Dirigés lors de la création du LARHRA par Serge Chassagne, les Cahiers du Centre Pierre-Léon ont été l’un des canaux de diffusion de ces travaux : ils sont consultables sur le site du LARHRA et leur numérisation aux normes de PERSEE est en cours d’achèvement https://bcpl.ish-lyon.cnrs.fr/bcpl.msh-lse.fr/index/index.html

Les recherches menées dans le cadre du LARHRA ont cependant connu par rapport à cet héritage prestigieux des inflexions qui les inscrivent dans les évolutions ayant affecté l’histoire économique depuis deux décennies. La première d’entre elles est la volonté de saisir la diversité des configurations de marché et des pratiques associées avec un accent sur la demande (consommation, marketing et autres procédés de séduction, etc.). Une deuxième orientation a consisté à appréhender de manière élargie les contextes qui permettent d’étudier les pratiques commerciales et les configurations de marché. Les notions de régulation et d’institution constituent un troisième fil rouge de ces recherches.

1. La diversité des pratiques et des marchés

Les recherches menées ont été guidées par la volonté de montrer la pluralité des marchés plutôt que par une conception du marché comme un invariant. La diversité des situations étudiées illustre ce point fort : mentionnons les projets de recherche sur les marchés de l’immobilier (dirigé par Jean-Luc Pinol), sur les produits cosmétiques (animé par Anne-Marie Granet-Abisset).

La variété socio-économique des marchés a également été au cœur de recherches et de colloques internationaux sur le luxe (2012) ou la misère (2018) qui ont abordé ces marchés dans la longue durée, de la fin du Moyen Âge au temps présent. Tout récemment, cette inscription dans une histoire sociale et économique des marchés a trouvé une nouvelle illustration avec l’organisation à Lyon du congrès de l’Association française d’histoire économique sur l’émergence de nouveaux marchés (mars 2023).

Si une partie de ces recherches ont été menées au sein de l’axe « Action publique, marchés et villes » puis de l’axe « Régulations : marchés, populations, circulations », d’autres axes ont été impliqués dans l’étude des marchés, ce qui a élargi le spectre des disciplines mobilisées. Citons à titre d’exemple le marché du travail féminin, auquel se sont intéressé.e.s des historien.ne.s de l’axe « Genre et société » (histoire des migrations féminines, négociation des rémunérations et écart salarial entre femmes et hommes), ou les marchés de l’art étudiés dans l’axe « Artis » comme le fruit d’interactions entre artistes, marchands, collectionneurs et institutions. Cette dernière approche met en jeu la circulation des objets, la formation du regard et des savoirs, la création des valeurs économiques et idéologiques de l’art.

2. Les contextes religieux et spatiaux

L’approche plurielle et la collaboration entre axes et entre chercheurs travaillant parfois sur des champs éloignés ont été confortées par la volonté de diversifier les contextes dans lesquels se déroulent les échanges marchands et commerciaux. Deux directions ont en particulier été empruntées.

La première approche considère les liens entre marché(s), échanges et fait religieux. Dès 2004 s’est ainsi tenu à Lyon un colloque sur l’articulation entre commerce, voyage et expérience religieuse (conçu par Albrecht Burkhardt). C’est dans cette lignée que s’est inscrit le colloque « Affaires de foi », à Neuchâtel en 2018, et à l’organisation duquel le LARHRA a participé (http://larhra.ish-lyon.cnrs.fr/node/5026).

La seconde approche envisage les marchés dans leur dimension territoriale, notamment dans les territoires de montagne, le LARHRA appartenant au LabEx ITEM. L’exploitation de la montagne comme ressource qui sous-tend l’émergence de nouveaux marchés a été au centre du projet ANR TIMSA « Territoire, Innovations, Marchés et Sports dans les Alpes » (http://larhra.ish-lyon.cnrs.fr/anr-timsa animé par Anne Dalmasso).

L’échelle régionale et l’échelle internationale sont fondamentales, que ce soit pour l’analyse des marchés du travail portant sur les migrations transfrontalières (Manuela Martini) ou pour l’étude du développement des marchés intérieurs des États (Guillaume Garner). Le séminaire « Histoire sociale comparée. L’expérience migratoire » (Manuela Martini et Philippe Rygiel) est dédié aux recherches et débats en cours sur l’expérience des hommes et des femmes en migration à travers ces notions clé des sciences sociales, circulation, transnational, transferts, connecté/croisé.

3. Institutions et régulation

Les recherches menées au sein du LARHRA s’inscrivent enfin dans la volonté d’étudier les fondements institutionnels du fonctionnement des marchés. La tenue en 2006 d’un colloque sur la régulation du marché du travail lors du bicentenaire de la création du conseil de prud’hommes de Lyon en est une illustration, « Histoire d’une juridiction d’exception : les prud’hommes (XIXe-XXe siècles) » (https://calenda.org/191169, organisé entre autres par Pierre Vernus). La pertinence de l’approche est apparue encore plus nettement à l’occasion de la crise économique et financière de 2008. La volonté de comprendre les fondements et les mécanismes de la régulation économique, en diachronie, de la fin du Moyen Âge à nos jours, est au cœur du séminaire « Entreprises, marchés et régulations » créé en 2012 à la suite d’un séminaire d’histoire des entreprises animé par Hervé Joly ou de l’atelier « Régulation », créé par les doctorant.e.s du laboratoire en 2021.

Les institutions sont conçues à la fois dans leurs dimensions juridique, comme dans le projet ANR « Privilèges » (https://anr.fr/Projet-ANR-11-BSH3-0006 animé entre autres par Guillaume Garner) et sociale, comme en témoigne le projet ANR « Processetti » portant sur le marché matrimonial à Venise du XVIe au XVIIIe siècle https://www.efrome.it/processetti (lancé par Jean-François Chauvard) ou le programme de l’ANR « Time-Us » https://timeus.hypotheses.org (porté par Manuela Martini) dont l’objet est l’histoire de l’organisation du travail dans les ateliers artisanaux et la petite entreprise, et plus particulièrement des rémunérations des hommes et des femmes dans l’industrie textile pendant la première et la deuxième industrialisation en France et en Europe (en collaboration avec l’axe « Genre et société »).

Les doctorant.e.s de l’axe « Régulations » du LARHRA se sont par ailleurs emparé.e.s de ces problématiques en organisant en 2021-2022 puis en 2022-2023 des cycles d’ateliers de discussions et de lectures sur la notion de régulation.